Chapitre 29 : Nièce et tante
Béatrix arriva enfin devant la maison de sa tante. Elle se permit de prendre deux minutes pour reprendre son calme, encore bouleversée d'avoir réalisé à quel point elle avait si peu avancé. Mais elle allait pouvoir voir Alice, ce qui allait vraiment lui remonter le moral.
La jeune fille appuya sur la sonnette, un air joyeusement impatient sur le visage. Elle vit la poignée se baisser, puis la porte commencer à s'ouvrir.
Et, lorsqu'elle vit qui se trouvait face à elle, son sourire mourut aussitôt.
Anne.
La jeune fille ne sut comment réagir. L'air troublé, elle retint un mouvement de recul et fronça les sourcils.
« Nous devons parler. » Annonça simplement la femme.
La châtaine était perplexe. Sa tante portait ses longs cheveux bordeaux en une tresse, coupe qu'elle n'arborait pas quand elle allait à l'extérieur, et avait des vêtements confortables sur le dos, loin de son style très classe habituel. Cela signifiait qu'elle ne venait ni de rentrer, ni qu'elle était sur le point de partir. Elle était censée être là depuis le début. Alice avait menti.
La petite fille apparut timidement de derrière sa mère, l'air coupable.
« Désolée, Trixie... Je sais que tu ne voulais pas voir maman, mais... c'est pour que vous puissiez vous réconcilier ! » Se justifia-t-elle.
La dresseuse n'en fut que toujours plus perplexe, et lança un regard plein d'incompréhension à sa tante.
« Se réconcilier, c'est un bien grand mot, cracha-t-elle. Nous avons juste deux-trois choses à mettre au clair, toutes les deux. »
Le ton de la femme était froid. Béatrix ne comprenait pas ce qu'elle voulait de sa part, et elle était même un peu effrayée. Mais elle accepta. Anne la guida jusque dans le salon, et demanda à Alice d'aller dans sa chambre le temps que toutes deux discutent. À contre-cœur, la petite accepta. C'était elle qui était la cause de cette rencontre, mais elle avait conscience que cela pourrait facilement dégénérer.
Béatrix s'assit d'un côté de la table, sa tante de l'autre. La plus jeune était très crispée, un air méfiant collé sur le visage. La femme soupira. La châtaine remarqua que les yeux turquoise d'Anne étaient soulignés de cernes.
« Je n'ai pas l'intention de te manger, alors détends-toi.
– Me détendre ? Dis-moi plutôt pourquoi tu voulais qu'on discute. » Rétorqua froidement Béatrix.
Cette dernière avait déjà montré à sa tante son côté désagréable, et n'ayant absolument aucune envie d'être appréciée par elle, la châtaine réalisa à quel point il lui était facile de répondre comme elle le souhaitait, sans sourire faussement ou enrober le tout d'une hypocrite politesse. Elle trembla tout de même un peu, de peur que la femme ne la frappe. Mais cette dernière se mit simplement à pianoter sur la table.
« Pour mettre les choses au clair, répéta-t-elle. J'ai décidé d'assumer mes responsabilités. D'agir comme ta tutrice sans continuer les injustices que je t'ai faites subir. »
Béatrix n'en crut pas ses oreilles. Mais Anne semblait particulièrement sérieuse. Ses yeux étaient vides, et son expression donnait l'impression que, même si cela ne l'enchantait pas, elle s'était résignée à cette décision.
« Pardon ? lâcha la châtaine, à la fois agacée et perplexe.
– C'est exactement ce que je viens de dire.
– Et d'où tu viens cette soudaine... prise de conscience ? »
Personne ne souriait. La tension dans l'air était palpable. Ni l'une, ni l'autre n'était heureuse d'être là. Et Béatrix croyait presque qu'il s'agissait là d'une blague de très mauvais goût de sa tante. Mais cette dernière semblait être tout à fait sérieuse.
« J'ai reçu une lettre. Le même jour que celui où sont arrivés le colis et la lettre que ma fille cache pour toi dans sa chambre. Le jour de l'anniversaire de la mort de mon frère... ton père. »
Béatrix serra fortement les poings.
« Et ? S'impatienta-t-elle.
– Tu sais, je t'ai toujours détestée.
– Sans blague ! » Ne put s'empêcher de lâcher la jeune fille.
Cette ironie lui valut un regard noir de la part de Anne.
« Tu leur ressembles tellement, à tous les deux. Physiquement parlant. Quand je te vois, tu me les rappelles. Tout le temps. Et en plus, tu avais récupéré le même caractère hypocrite que cette femme... »
Cette remarque fit grincer des dents à la châtaine, mais elle ne pouvait pas le nier. À présent, elle savait à quel point elle avait été hypocrite alors qu'elle détestait ce type de personne.
« Comment suis-je censée t'apprécier, quand dès que je te vois, tu me rappelles cette Séviper, qui a poussé mon frère au désespoir, et cet homme, qui a abandonné sa famille pour une femme qui ne l'aimait même pas ! S'énerva Anne, des larmes naissant au coin de ses yeux. Je sais que j'ai été injuste avec toi. Tu n'as rien fait. Tu es juste leur fille. Mais je ne peux pas m'empêcher de te détester. Et ça ne changera pas.
– Alors qu'est-ce qui a changé ?! Pour que tu décides de prendre tes responsabilités... Il doit s'être passé quelque chose ! Qu'y avait-il d'écrit, dans cette lettre ?! »
Anne marqua une pause, le temps de reprendre contenance à l'aide d'une grande inspiration. Tout cela ne lui rappelait que de mauvais souvenirs.
« Je pensais que mon frère te détestait. S'il ne te détestait pas, pourquoi aurait-il... S'il t'aimait, pourquoi aurait-il décidé de t'abandonner ainsi ?! Si tu ne lui avais rien fait, alors pourquoi... »
Elle se prit la tête entre les mains. Elle essayait de garder son calme, mais sa respiration tremblait. L'émotion était trop forte. Béatrix aussi, essayait de ne pas se laisser emporter par les pleurs. Cette discussion ne faisait que raviver de mauvais souvenirs, pour l'une comme pour l'autre, mais aucune n'avait envie de pleurer, d'avoir l'air si faible devant une personne qu'elle détestait.
Anne releva la tête. Ses yeux étaient humides, alors que son expression restait toujours sévère, presque emprunte de colère.
« Oui, j'étais persuadée qu'il te détestait, ou que tu étais la cause de sa décision. C'était pour ça que je pouvais être aussi injuste avec toi sans remords. Mais... »
Elle lâcha un petit rire amer. Elle sortit d'une poche qui se trouvait à l'intérieur de son pull une lettre, froissée d'avoir été lue et relue. Anne la fixa, le regard vide.
« J'ai reçu cette lettre, pour l'anniversaire de sa mort. C'était lui qui avait programmé l'envoi, il y a plus d'un an. Il ne s'était pas étalé en sentiments dans le mot qu'il m'avait laissé juste après sa mort... Mais, dans celle-ci, il avait pris le temps d'écrire. Oui... Il y explique à quel point il t'aime, comment ta mère t'a fait souffrir sans qu'il n'en ait conscience, et comment il espère que je pourrais t'aider. »
Les doigts d'Anne se crispèrent sur le papier.
« J'en veux terriblement à mon frère. Quand il a décidé d'épouser cette femme, je l'avais prévenu. C'était soit elle, soit moi. Et il l'a choisie. Il a coupé les ponts avec sa sœur pour cette Séviper. Je ne lui pardonnerai jamais. Mais... ces dernières volontés n'étaient pas juste que je te donne un toit, mais que je m'occupe bien de toi. Et, puisque c'est ainsi... je vais arrêter ce que j'ai fait jusqu'à présent. Je vais te soutenir dans ce que tu veux faire. Tu peux passez à la maison, parler avec Alice. Même si je préférerais que tu ne la fréquentes pas... Mais, si j'essaie de vous empêcher encore plus de vous voir, c'est moi qu'Alice va finir par détester.
« Je ne t'utiliserai plus comme une femme de ménage. Je paierai tes vêtements, tes études. J'arrêterai de prendre le parti de Viviane alors que c'est elle qui t'a volé tes affaires. Je te financerais pour ce qui reste de ton défi des arènes. Mais ne rêve pas, je ne peux pas supporter ta présence. Moins je te vois, mieux je me porte. C'est ainsi. »
Un silence pesant s'installa. Béatrix ne savait pas comment prendre cette décision de sa tante. Une foule d'émotions l'envahissaient, et elle n'arrivait pas à les définir ni à les contrôler. Elle en tremblait. Elle avait tant à dire, mais elle ne savait pas par où commencer.
« Moi aussi, je te détestes... parvint-elle à articuler.
– C'est plutôt légitime.
– Je ne vais pas te pardonner.
– Je n'en demandais pas tant ! Je n'ai même pas envie que tu me pardonnes. Je n'en ai vraiment rien à faire.
– Je ne te remercierai pas non plus. C'était ce que tu étais censée faire depuis le début, t'occuper de moi respectueusement.
– Oui, ne me remercie pas. Ce n'est rien que je veux faire. C'est la volonté de mon frère. »
Anne ne pouvait pas supporter la vue de sa nièce, et Béatrix ne pouvait pas pardonner sa tante pour le traitement qu'elle lui a fait subir, et les désillusions qu'elle a vécu.
« Anne, sais-tu pourquoi j'étais si heureuse de te rencontrer et d'aller chez toi ? Mon père... Papa m'avait dit que tu t'occuperai bien de moi.
–...Je sais.
– Mais, au final, tout ce que j'ai pu pensé, c'était que tu étais comme ma mère. »
Anne se crispa. Elle haïssait être comparée à cette Séviper. Mais elle savait que Béatrix ne sortait pas cette comparaison de nul part. Sûrement, à ses yeux, les deux femmes se ressemblaient terriblement.
La châtaine croisa le regard de sa tante. Cette dernière vit, dans ses pupilles épuisées, les morceaux d'un cœur brisé. Anne venait de prendre conscience qu'elle avait contribué à briser la jeune fille qui se trouvait devant elle. Et elle porterait cette croix toute sa vie.
« Alors, vous vous êtes réconciliées ?! Demanda impatiemment Alice, inquiète, lorsque Béatrix arriva dans sa chambre.
– ... On peut dire ça comme ça, j'imagine. »
Un immense sourire se forma sur le visage de la petite aux cheveux écarlates. Ses yeux turquoise pétillèrent.
« Génial ! Je suis trop contente ! »
Alice prit sa cousine dans ses bras, heureuse. La châtaine afficha un petit sourire fatigué. Elle n'eut pas le courage de lui dire que, même si elles toléraient la présence l'une de l'autre à présent, elles se détestaient toujours autant et que cela ne risquait pas de changer. Enfin, Béatrix n'était même pas sûre de comment se sentir face à la décision de sa tante. Elle se sentait terriblement fatiguée.
« Alice...
– Oui ?
– Je crois que je vais partir toute de suite... Je reviendrai un autre jour pour jouer avec toi. »
La petite afficha un air peiné, inquiète.
« Tu... Tu m'en veux ? Pour t'avoir menti en disant que maman n'était pas là, alors qu'elle étais là... Supposa la rousse, coupable.
– ... Non, je ne t'en veux pas. Mais... après cette discussion avec ta mère, j'ai besoin de réfléchir. Je reviendrai un autre jour pour jouer avec toi, ne t'en fais pas.
– Promis ?
– Promis.
– ... Bon, je te crois... Ah ! Avant que tu partes, je vais te donner ton colis, et la lettre qui est arrivée avec. »
Alice se dirigea vers son armoire, l'ouvrit et en sortit un carton de la taille d'une boite à chaussures pour enfant, ainsi qu'une lettre. Elle alla la donner à sa cousine, qui la remercia. Après avoir assuré une dernière fois à la petite qu'elle reviendrait et qu'elle ne lui en voulait pas, la châtaine quitta la pièce. Elle descendit et, alors qu'elle s'apprêtait à sortir, sa tante l'interpela.
« Béatrix. Prends ça. »
Anne donna une clé à sa nièce.
« C'est celle de ta chambre. Comme ça, quand tu ne seras pas là, Viviane ne pourra pas te voler tes affaires.
– Bien. » Répondit simplement la jeune fille.
Béatrix avait du mal à croire à la bienveillance de sa tante, et décida donc de ne plus y réfléchir. Elle put enfin quitter cette maison.
« Béatrix ? Tu rentres plus tôt que ce que je pensais... » S'étonna la professeure Magnolia en voyant la châtaine arriver.
Elle resta silencieuse un instant avant de répondre, retirant son manteau.
« Oui, quelque chose... d'inattendu a eu lieu, dit-elle simplement, clairement fatiguée.
– Tu veux en parler ? »
La jeune fille réfléchit quelques secondes, pendant qu'elle se déchaussait.
« ... Pas tout de suite. Je dois réfléchir un peu d'abord.
– D'accord. Si tu as besoin de te confier, n'hésite pas.
– ... Merci, professeure.
– Ce n'est rien, Béatrix. »
Lorsque la jeune fille eut fermer la porte de la chambre qu'elle occupait chez la professeure derrière elle, elle colla son dos à celle-ci et se laissa glisser contre elle jusqu'à finir assise sur le sol. Elle porta sa main à sa visage alors que quelque larmes commençaient à couler sur ses joues, bouleversées. Elle se savait pas si sa tante était sincère ou pas. Et, si elle l'était, elle ne savait pas pourquoi, mais cela la mettait en colère, si fortement que cela lui faisait mal. En plus de ça, elle se sentait écrasée par toutes sortes d'émotions qu'elle n'arrivait pas tout à fait à définir. Un mélange de tristesse, de frustration, de déception, peut-être.
Et elle n'en avait pas fini. Son regard se posa sur la lettre et le colis qu'elle avait reçu. La première était arrivée pour l'anniversaire de la mort de son père, l'autre la même date mais aurait du arriver pour l'anniversaire de la jeune fille.
Béatrix, la main tremblante, attrapa d'abord la lettre, dont elle ouvrit l'enveloppe.
À mon adorable fille,
J'espère que tu te portes bien et que tu profites de la vie. J'espère aussi que le cadeau que je t'ai envoyé pour ton anniversaire t'a plu.
Tu ne veux probablement pas lire ça, mais si tu parcours cette lettre, c'est que cela fait un an que j'ai quitté ce monde. J'espère que tu ne te blâmes pas pour cela. C'est grâce à toi que j'ai tenu aussi longtemps. Si tu n'avais pas été là, j'aurais sûrement mis fin à mes jours plus tôt. Merci pour les années que tu m'as offertes à tes côtés, ma puce.
Je suis désolé de ne pas avoir remarqué plus tôt ce que ta mère te faisait subir. Lorsque j'étais là, elle faisait bonne impression et vous sembliez avoir une bonne relation, et bêtement, j'y ai cru. Je me suis longuement demandé pourquoi tu ne m'en avais jamais parlé... Mais ta mère avait du te faire croire que je ne te croirais pas si tu te confiais à moi.
Je suis désolé de t'avoir abandonnée ainsi, même si, à tes yeux, j'ai du t'abandonner le jour où tu as commencé à être persuadée que je ne te croirais pas si tu m'avouais ce que ta mère te faisait subir.
Pour tout cela, je suis désolé.
J'espère que tu te portes bien, chez ta tante. Nous nous étions quittés en mauvais termes la dernière fois que nous nous étions vus, mais tu es ma fille, et ma dernière volonté et qu'elle s'occupe bien de toi, alors je suis sûr qu'elle le fera. Après tout, malgré notre dispute, ta tante et moi avions toujours été très proches. Elle t'aidera sûrement à guérir ton cœur.
Avec tout mon amour,
Ton papa.
Alors que son regard parcouraient les mots joliment écrits par son père, les yeux de Béatrix s'embuèrent de larmes, jusqu'à ce qu'elles coulent pour aller humidifier le papier qui se trouvait dans ses mains. Plus sa lecture avançait, plus ses doigts se crispaient, froissant la lettre. Lorsqu'elle eut fini, elle éclata en sanglots.
« ... Je te déteste, papa ! Mon cœur... j'aurais aimé qu'il soit guéri grâce à toi... ! » Lâcha-t-elle entre deux pleurs.
Sauf qu'il n'était plus là pour l'entendre. Elle le détestait tant pour ça. Mais Béatrix ne pouvait pas non plus s'empêcher d'aimer tellement son père.
Je pense qu'il n'y a pas beaucoup de monde qui s'attendait à ce qu'il s'est passé avec Anne... Et vous avez pu en apprendre plus sur ce qui est arrivé à Trixie. Que pensez-vous de ce chapitre ?
(Oui, j'étais censée publier pendant les vacances, mais avec les fêtes, j'ai totalement oublié... J'espère que vous avez passé de bonnes fêtes, et bonne année à tous !)
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