Derrière le miroir
- Prenez votre manuel page 7 et faîtes l'exercice 4, ordonna la prof de maths. Perdu dans ses pensées, Lucas n'entendit pas sa remarque. Il songeait à Alice, une jeune fille de sa classe, assise au premier rang. Ses longs cheveux d'ébènes et ses yeux émeraudes le fascinaient. En plus d'être jolie, elle était la fille la plus populaire du lycée, et toutes ses copines enviaient sa beauté.
- Lucas, mets-toi au travail ! Cria la prof de maths. L'adolescent sortit de sa rêverie et prit son manuel. C'est alors qu'il croisa le regard d'Alice. Gêné, il lui fit un sourire timide, auquel elle répondit. Puis, elle se retourna et chuchota à l'oreille de sa voisine qui regarda Lucas à son tour et hocha la tête. L'adolescent baissa détourna son regard, embarrassé.
A la fin de la journée, Lucas se rendit à l'hôpital pour rendre visite à son grand-père, comme toutes les semaines.
Il rentra dans la chambre du vieil homme et s'arrêta sur le seuil de la porte, déconcerté. A son chevet, une jeune fille brune lui tenait la main. Alice. L'adolescente, étonnée, lui demanda :
- Que fais-tu ici ?
- Je viens voir mon grand-père Jack. Et toi ? Demanda-t-il.
- Je suis venue car c'est un ami de mon père décédé... Répondit-elle.
- Ah... Je... Je suis désolé, bafouilla-t-il.
- Bonjour à vous deux, si vous êtes là au même endroit et au même moment, ce n'est pas un hasard, dit le vieil homme d'un air malicieux. Je vous ai choisi car vous êtes jeunes, aventureux et dignes de confiance.
Il s'arrêta et les regarda dans les yeux, comme s'il hésitait à leur avouer quelque chose. Puis, il demanda tout bas :
- Savez-vous garder un secret ?
Alice et Lucas hochèrent vivement la tête, avides de savoir ce que Jack allait leur révéler. Satisfait, il reprit :
- Je suis peut-être vieux et sur un lit d'hôpital, mais j'ai toute ma tête. Alors, je vous prie de me croire. Il existe un Autre Monde, accessible uniquement par un ancien miroir qui se trouve dans ma chambre, le mot de passe est :
« Miroir, mon beau miroir, dis-moi qui est mon double.» Là-bas, les gens sont les doubles de ceux qui vivent dans ce monde, c'est à dire que chacun correspond à une personne.
Les adolescents se regardèrent. Même si le vieil homme leur paraissait fou, ils le croyaient.
- Tenez, dit-il en leur tendant à chacun une pierre précieuse. Là-bas, elles s'illumineront si votre double ou la personne qui vous correspond n'est pas loin. Vous avez le droit de savoir qui vous êtes et qui vous correspond, ajouta-t-il.
Lucas pris la pierre bleue, grande comme la paume de sa main. Elle était froide et lisse. Il referma ses doigts dessus et la mit dans sa poche.
- Bon, maintenant allez-y. Et bonne chance !
Les adolescents remercièrent Jack et le saluèrent. Ils s'apprêtaient à partir lorsque le vieil homme les mit en garde :
- Surtout, n'entrez pas dans la cabane du sorcier fou! Personne n'en est jamais revenu !
- On sera prudent, c'est promis ! Affirma Alice.
Les adolescents sortirent de l'hôpital et se donnèrent rendez-vous à minuit, devant la maison de Jack. Ensuite, Lucas rentra chez lui et se laissa tomber lourdement sur son lit. Il sortit la pierre bleue de sa poche et la regarda longuement, pensif. Au bout d'un moment, ses yeux devinrent pâles, comme ensorcelés par le bleu profond dont il ne pouvait pas détacher les yeux :
« Comme elle est belle ! » pensa-t-il.
Soudain, sa mère entra dans sa chambre. Lucas rangea rapidement la pierre dans sa poche.
- Qu'est-ce que c'est ? Demanda-t-elle, les sourcils froncés.
- Rien, rien du tout, de quoi parles-tu ? Fit l'adolescent en regardant tout autour de lui.
- Non, j'ai dû halluciner. Je suis très fatiguée en ce moment, dit-elle en se frottant les yeux.
- Maman, je voulais t'en parler. Ce soir, c'est l'anniversaire d'une fille de ma classe, Alice, mentit-il. Elle organise une fête chez elle et elle m'a invité. Est-ce que je peux y aller ?
- Une fille ? Une fille t'a invité ? Je n'en reviens pas ! S'exclama la mère de Lucas en se frottant les yeux une seconde fois. Je suis vraiment fatiguée en ce moment, il faudrait que j'aille me coucher.
- Maman, sérieusement, je peux y aller ?
- Écoute, je sais que, pour toi, c'est la première fois que tu es invité par une fille et que tu as très envie d'y aller, dit-elle en reprenant son sérieux, mais je te rappelle que tu passes ton brevet dans moins d'une semaine et que tu as cours demain. Alors, je suis désolée mais tu diras à ta copine que tu ne peux pas venir. Une autre fois, peut-être ? Dit-elle en passant une main dans les cheveux de son fils.
Lucas pensa : « De toutes façons, ce n'est pas elle qui va m'empêcher d'y aller. »
Il embrassa sa mère sur la joue et lui répondit :
- Oui, une autre fois.
Quand le réveil de Lucas afficha onze heures et demi, l'adolescent sortit de la maison sur la pointe des pieds et se dirigea à grands pas vers la demeure de son grand-père. Quand il arriva devant la façade, Alice lui fit un signe de la main et ils rentrèrent tous les deux dans la maison avec la clé que Jack leur avait donnés. Ils trouvèrent rapidement le fameux miroir et prononcèrent la formule :
- Miroir, mon beau miroir, dis-moi qui est mon double.
Tout à coup, leur vue se brouilla, ils ne sentirent plus le sol sous leurs pieds et un tremblement assourdissant retentit. Peu à peu, il s'estompa et les deux adolescents reprirent leurs sens. Ils étaient au même endroit et rien n'avait changé.
- J'ai rêvé ? Demanda Alice.
- Non, je ne pense pas. Viens, allons voir les gens et demandons-leur s'ils peuvent nous aider à trouver nos doubles, dit Lucas d'un ton enjoué.
Ils s'élancèrent au dehors et interpellèrent un passant.
- Vous venez du Vrai Monde ? Demanda ce dernier, stupéfait.
- Oui monsieur, répondirent les deux adolescents. Connaissez-vous quelqu'un qui nous ressemble ?
La colère remplaça le sourire que le passant affichait auparavant.
-Vous n'êtes pas les bienvenus, ici ! Et puis, nous ne ressemblons pas à la personne physiquement, mais moralement et là-dedans, aussi, expliqua-t-il en montrant son cœur. Nous vivons mais nous ne pouvons pas faire nos choix, car c'est vous qui décidez à notre place !
- Mais, nous n'y sommes pour rien, riposta Lucas.
- Allez vous en ! Les gens comme vous n'ont pas le droit d'entrer dans notre monde ! Cria le passant, défiguré par la colère.
Les adolescents n'insistèrent pas et reculèrent. Cependant, cette agitation attira un grand nombre de personnes qui s'avancèrent vers eux, furieux. Alice et Lucas commencèrent à courir, effrayés. La foule les suivit pendant un moment mais tout à coup, elle s'arrêta, comme si une barrière infranchissable les séparaient. Les adolescents regardèrent devant eux et virent une forêt d'arbres squelettiques et obscurs. Lucas sentit son cœur se serrer. Ils avaient le choix au moins. La foule énervée ou la forêt.
- Allons dans ces bois, proposa Alice. Ils ne nous suivront pas, ils ont l'air d'en avoir peur.
- C'est bien cela qui m'inquiète, dit Lucas, mais, puisqu'il faut choisir, allons-y.
Ils s'engagèrent dans les bois, un peu effrayés. C'est alors qu'ils découvrirent la cabane plantée tout en haut d'un arbre. Le vieux Jack leur avait pourtant bien dit de ne pas s'en approcher. Une fois franchi le seuil, on n'avait jamais vu personne en revenir... Lucas et Alice sortirent leur pierre de leur poche. Elles brillaient intensément et éclairaient la terrifiante cabane.
« Mon double n'est pas loin ! » Se réjouit Lucas.
Obsédé par son désir, il monta sur l'échelle qui menait à la cabane.
- Non ! N'y vas pas ! Cria Alice.
Mais c'était trop tard. L'adolescent était déjà à l'intérieur. Un long silence s'ensuivit. Alice grimpa à son tour et entra dans la cabane.
- Deux le même jour, c'est un festin ! S'exclama une voix caverneuse. Grâce à la lumière de sa pierre, l'adolescente discerna une ombre noire sur le mur. Lucas rejoignit la jeune fille qui poussa un soupir de soulagement, contente de le voir vivant. Une main s'empara d'elle. Alice hurla de frayeur. L'adolescent la retint et donna un violent coup au sorcier, qui vacilla et lâcha sa prise.
- Il faut s'en aller d'ici, raisonna Lucas. On ne trouvera pas nos doubles. Alice s'élança vers la porte et sortit. Il voulut la suivre mais le sorcier lui barra la route. Lucas se rappela que les êtres obscurs n'aimaient pas la lumière. Il prit sa pierre illuminée et la mit sous les yeux de son adversaire. Ce dernier, aveuglé, tituba et lui laissa la voie libre. L'adolescent rejoignit Alice dehors. Ils l'avaient échappé belle. Ensemble, ils balayèrent les environs mais ne trouvèrent aucune trace de vie et encore moins de leur double. Soudain, Lucas, qui avançait à reculons, se heurta à la jeune fille. Tous les deux, ils comprirent. « C'est elle mon double depuis toujours ! » pensa l'adolescent. Il se releva et s'approcha d'elle. Tout à coup, leur pierre se touchèrent et une lumière aveuglante jaillit, leur faisant perdre conscience.
Quand Lucas se réveilla, il était dans sa chambre et le réveil affichait 7h00, l'heure de se lever pour aller au lycée. L'adolescent fouilla dans sa poche. Il en sortit la pierre bleue, signe qu'il n'avait pas rêvé. Il se prépara en vitesse et se rendit au lycée. Alice l'attendait.
- C'était toi ! Dirent-ils en chœur.
La sonnerie retentit. Ils s'avancèrent lentement vers leur classe, main dans la main.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro