Un jour qu'elle se promenait sur les berges d'un lac dont elle ne connaissait même pas le nom, elle repensa à cette soirée d'automne où elle l'avait vue pour la dernière fois. Où elle s'était vue pour la dernière fois. Sans doute.
Perdue dans ses pensées, elle n'entendit pas le vélo arriver en face, elle ne vit pas le chemin trop étroit pour se croiser, elle ne savait pas qu'il y avait un virage devant elle. Pourtant, elle le savait, elle prenait ce chemin tous les soirs. Pourtant, elle n'écoutait pas de musique, ne regardait pas le lent vol des oies au-dessus de sa tête et n'avait pas le regard fixé sur l'écran de son téléphone. Elle n'entendit quand même pas, elle ne vit rien, et n'eut le temps de penser à rien. La roue du vélo, sa vitesse, la souleva en l'air, elle retomba dans le lac, inerte, et commença à s'enfoncer dans la vase. Heureusement, le cycliste était encore conscient, heureusement, il saisit son mobile et appela une ambulance. Heureusement, ou peut-être pas. Peut-être qu'aucun des deux n'aurait dû en réchapper, peut-être qu'aucun n'aurait dû avoir le temps d'être transporté à l'hôpital, le temps d'être soigné, opéré puis réanimé. Peut-être qu'elle n'aurait même pas dû être là. Peut-être qu'elle aurait simplement dû être ailleurs, riant sur une balançoire ou étudiant dans un petit appartement.