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Derniers mots

     Cela faisait désormais trois semaines que nous n'avions pas eu de nouvelles de Gabriel. Il y a quatre mois, de nombreux hommes avaient dû partir au front, laissant derrière eux une mère, un fils, un ami. Moi, j'avais dit au revoir à un grand frère, mais aussi un confident, un exemple. Malgré ses promesses de revenir le plus tôt possible, je n'avais pu m'empêcher de pleurer dans ses bras durant de longues minutes. Je ne pourrai jamais oublier ce jour, ce matin porteur d'une si mauvaise nouvelle. À Aubelais, la rumeur s'était répandue comme une traînée de poudre : c'était l'heure de la mobilisation. J'avais couru jusqu'à la place de la mairie et je m'étais approchée, me faufilant au milieu de la foule. C'était là que je l'avais vue, cette affiche avec ces grandes lettres noires "ORDRE DE MOBILISATION GÉNÉRALE", qui me hantaient maintenant depuis des mois. Certes, nombreux étaient ceux qui se réjouissaient, ils allaient se battre pour leur patrie, ils allaient rapidement gagner et revenir triomphants. Mais je n'était pas de cet avis, loin de là, la simple idée de ne peut-être jamais revoir mon frère m'anéantissait. La mort m'avait toujours effrayée, non pas pour moi, mais pour mes proches, perdre quelqu'un que l'on aime n'était-ce pas la pire des choses ? C'était horrible, c'était la guerre.

    Faute de pouvoir régulièrement prendre une permission, Gabriel nous envoyait souvent des lettres. J'attendais avec impatience les jours où le facteur passait, et annonçait qu'il avait une lettre pour la famille Dubois. Alors, de simples mots sur un papier me redonnaient espoir, me permettaient de tenir le coup jusqu'à la prochaine lettre. C'était donc avec joie, mais surtout soulagement, que j'ouvrais chaque nouvelle enveloppe. Mes parents et moi nous asseyions autour de la grande table de la salle à manger, et je pouvais commencer à lire. Au début, les lettres de mon frère étaient gaies, il nous disait qu'il allait bientôt rentrer, que la France allait gagner. Mais plus les semaines passaient, plus je remarquais que la bonne humeur disparaissait, il perdait espoir. Le contenu devenait sombre, et même s'il essayait de ne parler que de choses positives, je ressentais sa peine. Cela me perturbait quelque peu, mais j'avais fini par m'y habituer, la seule chose qui importait était qu'il soit en bonne santé.

    Cependant, depuis trois semaines, le facteur n'avait pas fait son apparition, et nous n'avions pas de nouvelles. C'était aussi le cas de beaucoup de familles du village, aucune lettre ne nous parvenait. À Aubelais, régnait une ambiance où se mêlaient peur, angoisse et inquiétude. Les habitants attendaient tous la venue du facteur, le moindre signe de vie du jeune homme qui les avait quitté. Je passais mes journées à me ronger les ongles, pensant à tous les incidents qui auraient pu se produire, aussi pires les uns que les autres. À la maison, un silence pesant c'était installé, mon père restait enfermé dans son bureau toute la journée. Il faisait son apparition uniquement à l'heure du repas, et je me forçais à manger en essayant d'ignorer son visage froid et fermé. Ma mère, quant à elle, se déplaçait tel un fantôme à travers la maison. Mon cœur se serrait chaque fois que je croisais son regard empli de tristesse, le regard d'une mère pleurant sans cesse l'absence de son enfant.

    10 heures. Je descendis les escaliers et sortis pour m'asseoir sur le perron. J'avais pris cette habitude, deux semaines auparavant, lorsque l'inquiétude avait pris le dessus. Je commençai alors à patienter, priant désespérément pour apercevoir le facteur au bout de l'allée. De longues minutes passèrent, je ne bougeais pas, le regard obstinément fixé devant moi. Au loin, j'entendis la cloche de l'église sonner onze coups, un voile de tristesse passa devant mes yeux et je me levai. Peut-être demain ? Pensai-je sans grande conviction. J'essayais de rester forte mais, au fond de moi, le mince filet d'espoir s'étiolait peu à peu. Je m'apprêtais à tourner la poignée de la porte, quand un bruit attira mon attention. Je me retournais et mon cœur fit un bond dans ma poitrine en apercevant le facteur. Je me précipitai à sa rencontre, manquant de trébucher sur les graviers.

    « Monsieur Colin ! m'écriai-je en arrivant à sa hauteur.

— Bonjour mademoiselle Dubois, me salua-t-il.

— Avez-vous une lettre de mon frère, demandai-je avec empressement. »

    J'attendais avec impatience et appréhension sa réponse, il me regarda avec un sourire bienveillant et me tendit un paquet. Il était emballé dans du papier marron, légèrement abîmé et sali par le voyage, et l'inscription Famille Dubois, figurait au centre. Une vague de soulagement m'envahit. Il était petit, pas plus grand qu'une boîte à chaussures, et je me demandai avec curiosité ce qu'il pouvait bien contenir. Je m'en emparai avec précaution et levait des yeux pétillants vers le facteur.

    « Merci beaucoup, murmurai-je en serrant le petit paquet contre mon cœur.

— De rien, me répondit-il, c'est le sixième paquet que je livre et il en reste encore plusieurs, quel bonheur de recevoir enfin des nouvelles, les habitants d'Aubelais vont enfin retrouver le sourire.

— Je suis si soulagée, il faut que j'aille prévenir mes parents, au revoir ! »

    Je tournai les talons en adressant un signe d'au revoir à monsieur Colin. J'entrai en trombe dans la maison et appelai mes parents, ayant hâte de m'enquérir du contenu du paquet. Ma mère apparut dans l'encadrement de la porte de la cuisine, perdue devant mon expression joyeuse.

    « Un paquet de Gabriel, m'empressai-je de répondre à sa question muette.

— Mon Dieu, s'exclama-t-elle en portant une main à sa poitrine, André, viens vite. »

    Mon père sortit du bureau en fronçant les sourcils et je lui désignai le paquet tout en me dépêchant de l'ouvrir. Il contenait une feuille pliée en deux, ainsi que quelques objets. Je les reconnus immédiatement, le pendentif de ma mère, le briquet de mon père et enfin ma broche. Mes yeux s'emplirent de larmes, avant son départ, nous avions chacun donné un objet personnel à Gabriel, comme un souvenir. Moi, j'avais choisi ma broche, mon frère avait tout d'abord refusé, il savait à quel point j'y tenait, mais j'avais insisté. J'avais voulu qu'il l'emporte avec lui pour qu'il pense à moi chaque fois qu'il la verrait. Les mains moites, je pris ma broche dans mes mains, je remarquai alors autre chose au fond de la boîte. Je plongeai mes doigts dedans et en ressortis un petit cylindre en métal. Mon père se rapprocha pour l'observer et, face à notre regard interrogateur, nous expliqua qu'il s'agissait d'une douille, un étui de munition. Intriguée, je regardai de plus près et remarquai qu'elle était gravée de branches entrelacées, une inscription se trouvait au centre. André Louise Gabriel Eugénie. Je ne comprenais pas pourquoi il nous renvoyait ces cadeaux, si précieux à mes yeux. Me souvenant qu'il y avait également une lettre, je m'en emparai et l'ouvris le plus vite possible, malgré mes tremblements. Voir l'écriture de mon frère après si longtemps me fit chaud au cœur, je pris une grande inspiration et entamai ma lecture.

    « Chers parents, chère sœur,

À l'instant où je vous écris, je me demande une fois de plus ce que j'ai mérité pour vivre ce charnier. J'ai arrêté de prier voila plusieurs semaines, je n'ai plus la foi, la seule chose qui me maintient debout, c'est vous. 

Dans mes précédentes lettres, j'essayais d'être joyeux, pour ne pas vous inquiéter, mais je ne peux plus faire semblant. Avant-hier, les allemands nous ont attaqué en pleine nuit et nous avons dû riposter, c'était horrible. Ce combat était l'un des plus sanglants que j'ai jamais vécu, nous avons perdu nombreux de nos frères et les cris des hommes meurtris par les balles résonnent encore dans mon crâne. 

Et oui, contrairement à ce que ces malheureux journalistes peuvent dire, les balles tues. J'ai eu l'occasion de lire quelques articles, et je les qualifierais plutôt de torchons remplis de mensonges. Qu'ils viennent voir, eux, si les soldats s'en vont combattre joyeusement. Ah ! S'ils voyaient ces visages comme moi je les vois, s'ils voyaient ces yeux hagards, ces corps décharnés couverts de boue et de sang. Du sang allemands, mais aussi du sang français, du sang de nos amis qui meurent dans nos bras. Il faut ouvrir les yeux, des milliers d'hommes meurent. Pourquoi ? Pour quelques malheureux mètres de terrain sans importance pour nous, les pions de ce grand échiquier. 

Certains pourraient dire que j'ai de la chance, je suis encore entier après tout, mais du moins physiquement. Nous allons tous finir fous, tous autant que nous sommes dans ce troupeau de bêtes forcées à tuer. Car oui, j'ai tué. J'ai tué des ennemis certes, mais ça reste des hommes, des êtres aimés, et je les ai arrachés à leur famille, comme eux auraient pu m'arracher à vous. Des larmes coulent sur mes joues, quand je pense à la vie que je menais il y a quelques mois, quand nous étions encore ensembles et heureux. Je vous promets de me battre jusqu'au bout, malgré la faim, le froid, la peur. Mais je suis anéanti, pétrifié dès que je revois tous ces corps au sol, ce sang et cette odeur qui ne nous quitte plus, l'odeur de la mort. 

Entre les combats, nous, pauvres soldats, essayons de nous occuper, de parler un peu, sans toutefois nous attacher. À la guerre, on ne peut pas se faire d'ami, car on ne sait pas si on sera là demain. Si l'on ne meurt pas tués par la main d'un allemand, alors c'est de maladie ou de faim, je le répète encore une fois, la guerre n'est rien d'autre que l'enfer. Je vois bien tous ces hommes qui reçoivent des lettres, annonçant le décès d'un être cher, je vois leur visage terreux se décomposer, leur yeux perdus sur lesquels s'abat un voile de tristesse. Je me surprends parfois à me demander, pour quoi pas moi ? Mais l'instant d'après, je pense à vous, et à toi Eugénie, et je me dis que je ne peux pas vous abandonner. Alors je relève la tête, et j'endure un jour atroce de plus, en me disant que je peux y arriver. 

Enfin, j'arrête de me plaindre et je vais plutôt parler des hommes du village. Comme vous le savez sûrement déjà, ils sont nombreux à nous avoir quitté et j'en suis désolé. Nous avons eu de la chance de nous retrouver ensembles pour la plupart, au moins, nous n'étions pas seuls au début. Je passe beaucoup de temps avec Arnaud, notre voisin, il me remonte souvent le moral en faisant quelques blagues drôles et légères. Ce qui n'est pas le cas de Pierre, toujours à ruminer, et à faire de l'humour tellement noir que ça en devient effrayant. À cette lettre, je joins une petite douille que j'ai gravée moi-même, avec l'aide d'Arnaud. J'espère qu'elle vous plaira, car j'y ai mis tout mon temps et mon amour. Dans les tranchées, nous nous occupons comme nous pouvons, et vous seriez surpris de voir tout ce que l'on peut fabriquer ou transformer avec de simples petits objets que l'on trouve partout. 

Je ne vais tout de même pas me réjouir. Oh ! J'oubliais, je pense que je vais bientôt obtenir une permission, cela fait tellement longtemps que je ne vous ai pas vu et vous me manquez énormément, j'ai hâte de vous revoir. Je viens d'entendre un bruit sourd, et notre colonel nous appelle donc je vous dis à bientôt.

Embrassez tout le monde de ma part, je pense à vous.

Gabriel

P.S. :Les allemands nous attaquent, il pleut des bombes, je ne sais pas quoi faire, je vous aime, prenez soin de vous, je joins vos objets à cette lettre, je ne veux pas qu'ils se perdent, il faut vite que je la dépose sur le bureau des envois, je ne sais pas si cette lettre vous parviendra, je pense à vous quoi qu'il arrive, fait attention à toi Eugénie, je vous aime. »

    Ma voix s'éteignit et un silence s'abattit sur nous. Des larmes coulaient sur mes joues et roulaient sur mes vêtements, mais je ne faisais rien pour les en empêcher. J'étais pétrifiée, immobile, la lettre me tomba des mains. Le bruit des sanglots de ma mère me parvenait de loin, je ne réalisais toujours pas ce que je venais de lire. Les mots du post-scriptum, griffonnés à la hâte en bas de la feuille, dansaient devant mes yeux sans que je ne parvienne vraiment à comprendre. Gabriel...mon frère était peut-être mort. En reniflant, je pris délicatement ma broche et la douille dans mes mains et les pressai contre mon cœur. Je montai en titubant les escaliers jusqu'à ma chambre et m'écroulai sur mon lit. Je ramenai mes genoux contre ma poitrine et continuai de pleurer mon frère pendant plusieurs heures.

    Le lendemain, nous avons reçu son avis de décès. Je m'y étais préparée, la lettre ne laissait que peu de doutes, pourtant, mon cœur s'était brisé une nouvelle fois. Mes parents et moi avions rapidement appris que nous n'étions pas les seuls à avoir reçu une étrange missive, et la plupart des jeunes soldats d'Aubelais y avaient laissé la vie. Les réjouissances avaient été de courte durée et, désormais, on voyait de nombreuses silhouettes noires déambuler dans le village. Nous avions entendu dire que le camp où se trouvait Gabriel avait été ravagé, il n'y avait eu que peu de survivants. Heureusement, la majorité des paquets avaient été préservés, et quelqu'un été parvenu à les poster. C'était la dernière trace que nous avions de ces pauvres soldats, et cette lettre comptait beaucoup à mes yeux.

    La mort d'un être cher m'avait détruite, comme elle détruisait de nouvelles familles tous les jours. La guerre était horrible, sanglante, dévastatrice, elle anéantissait tout sur son passage.

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