29. Pour le sauver
Voilà deux heures que je suis emmitouflée dans mon lit, Dean a tenté de me consoler, mais il n'y avait rien à faire. Je me sens vide et coupable. À cause de moi, il est peut-être déjà mort. S'il avait accompli son devoir, on n'en serait pas là.
— Tu veux quelque chose ? me demande-t-il pour la énième fois depuis le fauteuil dans le coin de ma chambre.
Je me contente de secouer la tête par la négative en gardant le regard rivé sur la fenêtre. Je l'ai espéré, attendu. Je l'ai même appelé, mais rien n'y a fait. Elijah est parti et je me retrouve dans une vie qui ne me convient plus.
— Charleen...
— Il va souffrir ? demandé-je de but en blanc, fixant mon regard au sien.
À la façon dont il détourne les yeux, je comprends que la réponse est oui. Je ne suis pas masochiste, mais j'ai besoin de savoir ce qu'il encourt.
— Qu'est-ce qui va se passer ?
— Charleen...
— S'il te plaît, Dean.
Ma voix s'est faite tranchante. Je veux qu'il arrête de me protéger, je veux qu'il me parle, qu'il me dise ce que risque mon ange.
— Tu ne peux pas me demander ça ! tonne-t-il.
— Si, je peux, et c'est d'ailleurs ce que je fais. J'ai besoin de savoir ce qui va lui arriver, lâché-je à bout.
Mon regard larmoyant retourne à la fenêtre. Le soleil est en train de se coucher et le moment que je préférais de la journée est celui que je vais à présent détester le plus. Toutes ces petites choses que j'appréciais n'auront plus aucune saveur. Oui, ma vie était simple et la sienne sombre, mais je préfère une vie de ténèbres et de danger à ses côtés qu'une vie faite de petits plaisirs sans lui.
Je sens le matelas s'affaisser dans mon dos. Je devine alors que Dean et venu me rejoindre. Sa main vient se poser sur mon bras et je retiens mes sanglots. Je voudrais tellement qu'Elijah soit là. Sa main attrape la mienne et la serre avec force. Je ne parviens pas à me retourner, à lui faire face.
— Ils vont lui arracher les ailes, commence-t-il hésitant. Ça lui ôtera tout pouvoir, il sera incapable de se défendre. Ensuite ils...
— Continue, le supplié-je à mi-voix alors qu'il s'est arrêté.
— Ensuite, ils le jetteront du haut de la tour des Supérieurs. Avant que son corps n'ait atteint la terre, il sera devenu poussière. Il disparaîtra.
J'ai l'impression que ma tête est lourde tant j'ai pleuré et la fatigue commence à prendre le pas sur ma tristesse. Je me sens coupable d'être là, quand lui est en danger. Je me sens nulle à l'idée de ne pas pouvoir faire un dixième de ce qu'il a fait pour moi. Plus j'y réfléchis, plus j'ai le sentiment que c'est à mon tour d'agir. Je me redresse et me tourne pour faire face à Dean. J'ai besoin qu'il mesure ma conviction.
— Conduis-moi là-bas.
Le calme avec lequel je lui ai fait cette requête me surprend moi-même. À ses sourcils qui se froncent, je sais qu'il s'en est rendu compte lui aussi. Il comprend que ce n'était pas des paroles en l'air.
— Non, ce serait du suicide. Il m'a demandé de te protéger, pas de te mener à ta mort.
— Mais il va mourir par ma faute. Ose me dire que je ne suis pas responsable, soufflé-je alors qu'il s'apprête à me contredire.
— Il a décidé seul de te sauver Charleen.
Je cligne des yeux pour chasser les larmes, mais elles s'accumulent et me brouillent la vue. Je me détourne et reprends ma position initiale.
Dean comprend que j'ai besoin de calme, de me retrouver seule, et quitte l'appartement. Le regard dans le vide, je cherche un moyen de tout arranger, une façon de le sauver. Qui aurait cru que les rôles seraient inversés ? Pas moi. Mais je refuse de vivre ma vie de cette façon, sans lui.
Je me lève et retourne dans mon salon. Mon regard balaye la pièce, je l'analyse. Mon appartement est coloré, rempli de décorations, mais à y regarder de plus près, il n'y a rien de personnel. Rien qui signifie que je vis ici. Je m'allonge sur mon canapé en position fœtale et Snape y grimpe pour se nicher contre mon ventre. Le regard dans le vide, je laisse les larmes couler.
Quand la nuit tombe, que la fatigue s'impose, les décisions les moins rationnelles sont prises. Celles qui marquent la fin de tout. Lorsqu'on est trop las de se battre, on lâche prise. Voilà ce que je fais quand je repousse Snape et me redresse.
Ma vie est solitaire et j'ai beau me montrer enjouée, la solitude me pèse. Avec Elijah, j'ai eu droit à un avant-goût de ce que serait le bonheur, le véritable. Ce que je m'apprête à faire est stupide ? Illogique après tout ce qu'il a fait pour moi ? Sans doute. Mais les gens ne prennent-ils pas des décisions extrêmes pour sauver ceux qu'ils aiment ? Peut-être est-il déjà mort, je ne sais pas, mais quoi qu'il en soit, si j'ai la possibilité de lui sauver la vie, je le ferai, et s'il est déjà mort, je me dis qu'ainsi, je le retrouverai peut-être.
Je sors de mon appartement et me dirige vers le sien. Je repousse sa porte fracturée dans l'espoir que tout ne soit qu'un cauchemar, mais seuls la pénombre et le silence m'accueillent. J'inspire puis me détourne, ma main accrochée à la poignée, je referme la porte comme je peux. Je longe le couloir et monte, une à une, les marches.
Je pousse la porte métallique et avance. Mes pieds nus foulent le béton froid et mouillé. Mes bras viennent m'entourer, me protéger contre le vent glacial qui s'infiltre à travers mes vêtements. Mon cœur ne bat même pas la chamade, il n'a pas peur. Je traverse le toit et escalade le petit mur. La vue me plaît, mon regard se baisse dans le vide et mon cœur tressaute. Je me retourne, tremblante, et ferme les yeux. Je repense à toutes ces fois où il est venu à mon secours. Il m'en voudrait de voir ce que je m'apprête à faire, mais je n'ai aucune idée de la façon dont je peux le sauver. Dean refuse de m'aider, alors je me retrouve seule avec mes idées stupides. Ça ne va même pas marcher, j'en suis sûre. Pourtant, je n'ai aucun autre choix, aucune alternative. Une vie avec lui ou pas de vie du tout. J'inspire profondément et me laisse tomber dans le vide.
Mon corps chute et, alors que je pensais ressentir de la peur, c'est tout l'inverse qui se produit. Je suis sûre de mon choix et déterminée à le retrouver, même si ça doit être dans un autre monde.
Mes paupières se referment dans l'attente de l'impact, mais tout à coup, la gravité ne fait plus son travail et je rouvre les yeux. Des bras puissants me portent et m'entourent d'une chaleur que je ne voulais pas. Je lui en veux de se mêler de ça, de me priver de mon libre arbitre. Je lui en veux de ne pas me laisser une chance de le sauver.
— Tu es folle ?
Stupéfaite, ma tête pivote pour s'assurer que je ne rêve pas. C'est bien Elijah, mais je suis confuse, je n'y comprends rien. Que fait-il là ? Une vague de soulagement s'empare de mon cœur et de nouvelles larmes s'échappent de mes yeux tandis que je lâche un sanglot.
Nous nous élevons dans le ciel et, au lieu de me déposer sur le toit de l'immeuble, il continue de monter. Son visage est fermé, en colère. Je voudrais le prendre dans mes bras, mais je n'y arrive pas. Il me repousserait, je le sens.
Il s'arrête enfin lorsque nous sommes au-dessus des nuages puis baisse son regard vers moi.
— Qu'est-ce que tu fais ? J'ai fait tout ça pour rien ? Si tu tiens tant que ça à mourir, à abréger ta vie, tu aurais dû me le dire, je n'aurais pas risqué la mienne ! tonne-t-il.
Moi qui suis habituellement bavarde, je ne sais quoi lui répondre. Je me retrouve muette, incapable de lui dire que j'ai fait ce que j'ai cru juste.
— Charleen ! gronde-t-il voyant que je ne lui parle pas.
— Je... J'ai cru que...
— T'as cru quoi ? T'as cru que ce serait...
— J'ai cru que tu étais mort, le coupé-je en hurlant à mon tour. J'ai cru que tu ne reviendrais pas. J'ai cru que je pourrais te sauver ou sinon te rejoindre. C'est toujours toi qui me sauves, je voulais en faire de même. Je suis incapable de quoi que ce soit dans ton monde Elijah, je voulais te sauver, terminé-je dans un sanglot.
Il ne dit plus rien et je détourne le regard. Je me sens honteuse d'avoir agi aussi impulsivement, mais j'ai vraiment cru qu'il était en danger ou déjà mort. Je frissonne et ses bras se resserrent pour me plaquer contre son torse brûlant.
— On peut continuer cette conversation sur la terre ferme ? osé-je en séchant mes larmes.
— Qu'est-ce qui t'a fait penser ça ? me demande-t-il en ignorant ma requête.
— Dean était inquiet. Il m'a fait part de ses doutes, il n'arrivait pas à te joindre. Je t'ai attendu et tu ne revenais pas. J'ai cru que..., lâché-je dans un souffle.
— C'est la chose la plus stupide que je n'ai jamais entendue, s'agace-t-il.
Je me retourne vers lui et à présent ma colère est à la mesure de la sienne.
— Parce que je suis comme ça, Elijah ! m'énervé-je. Je suis stupide et impulsive. Je ne réfléchis pas, tu devrais le savoir. Je t'aime et oui, je suis conne parce que j'ai cru que m'écraser contre l'asphalte pourrait te sauver. Oui, je...
Je n'ai pas le temps de terminer ma phrase que sa bouche percute la mienne. Il me retourne pour que je lui fasse face et me jambes s'enroulent autour de lui. Je n'ai pas peur de tomber, je sais qu'il me rattraperait.
Je l'embrasse à en perdre haleine, comme si je voulais effacer ces heures où j'ai cru ne jamais le revoir.
— Ne fais plus jamais ça, me sermonne-t-il entre deux baisers. Je reviendrai, toujours.
Je le repousse et mes yeux s'arriment aux siens.
— Tu mens, tu me caches quelque chose, je le sens. Comment veux-tu que je te fasse confiance si tu ne me dis pas tout ?
— Je te dirai tout, tout à l'heure. Je te le promets.
Mes yeux cherchent la vérité dans le sien, mais je n'arrive pas à savoir ce qu'il me cache.
— Elijah...
— Bébé...
Mon corps se raidit et je bloque. Bébé ? Il vient de m'appeler bébé ? Ce surnom ô combien ridicule est-il réellement en train de me plaire ?
— Tu rougis, c'est le bébé qui te fait cet effet ?
Sa réplique m'arrache un sourire peu convaincant et il comprend que je n'ai pas vraiment la tête à rire.
— Je te dirais tout après.
— Après quoi ?
Ses sourcils s'agitent de façon malicieuse et j'ose un regard vers le vide.
— Je vais tomber.
— Je te rattraperai.
— C'est risqué.
— Notre vie l'est.
On va vraiment faire ça dans les nuages ? Au sourire coquin qu'il me lance je devine que oui et je mentirais si je disais que cette éventualité me laisse de marbre.
— On risque de nous voir.
— Je te promets que non.
Il y a deux minutes, je sautais dans le vide. Il y a deux minutes, je pensais ne plus jamais le voir, le toucher, le sentir. Je m'agrippe à lui avec le besoin de me sentir le plus proche possible de son corps.
Mes yeux le dévisagent et tombent sur ses ailes. Je ne l'ai pas souvent vu ainsi, mais je dois avouer que ça en jette. Il prend mon silence pour un assentiment et rapproche mon corps encore plus du sien. Son bras dans mon dos creuse mes reins et me pousse à me cambrer. Un vertige me prend lorsque mon regard tombe sur la Space Needle à l'envers, mais je ferme mes paupières, pour ne pas gâcher le moment.
Sa bouche entre en contact avec mon cou, me faisant retenir mon souffle. Sa main accentue sa pression et je suis déjà toute chose, mais j'ai besoin de faire quelque chose, de l'embrasser. Je me redresse et m'agrippe à ses cheveux, je l'embrasse sans plus penser à ce que j'ai failli faire il y a quelques minutes ni à la distance qui nous sépare du sol. Je suis avec lui pour le moment et j'attendrai ses réponses ensuite.
Ses mains palpent avec force mes cuisses, un mélange de douleur et de douceur. Il les remonte et elles se glissent sous ma robe jusqu'à arriver à l'orée de ma culotte. Un grognement se répercute dans ma bouche lorsqu'il constate mon état d'excitation et un simple frôlement m'arrache un gémissement.
Il déchire d'un geste sec mon boxer dessous et je hoquette de surprise.
— À cette hauteur, pas de préliminaires, grogne-t-il.
Je ne réponds rien parce que je suis tout à fait d'accord, le cadre est en soi un préliminaire. Je lui mordille la lèvre tandis qu'il dézippe son pantalon. Je pourrais l'y aider, mais je dois avouer que je ne me sens pas assez à l'aise pour oser desserrer mes doigts de ses cheveux.
— Prête ? me demande-t-il en se détachant légèrement de moi.
Plus que prête même.
Et c'est ainsi que nous avons fait l'amour dans les nuages. Contrairement à ce que je pensais, il ne m'a pas fallu longtemps pour atteindre le septième ciel et on recommence quand il veut. Il doit toutefois me porter jusqu'à son lit car les émotions de la journée, l'altitude et l'orgasme ont eu raison de mes forces.
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