J'me sens un peu flagada.

J'regarde derrière mes lunettes de soleil les autres s'amuser dans l'eau. Claire et Issam se coulent avec Mathieu et Céline. Ils viennent d'éclabousser Arsène qui se met à râler parce que son carnet est trempé.

Yousef se marre, assis dans l'eau.

- Qu'est ce que tu fous à écrire dans l'eau aussi.

- L'inspiration n'attend pas !

Yousef lève les yeux au ciel et attrape son poignée pour le tirer contre lui, dans l'eau. J'entends clairement le p'tit belge l'insulter et Yousef lui répondre. J'crois qu'ils s'apprécient plus qu'avant. Pas que j'en ai quelque chose à foutre, mais quand Yousef a appris qu'Arsène voulait s'occuper de la musique pour le bal de fin d'année, il est devenu exécrable. En même temps, les raps que nous sort Arsène sont pas terribles. Et j'imagine que pour le président des élèves, ce bal doit être réussi. C'qui implique donc d'éloigner le plus loin possible un pseudo rappeur amateur.

Lahcene profite de la situation pour se jeter sur eux, puis Claire les rejoint avec Issam. Ariel rit doucement à côté avant de replonger la tête sous l'eau. J'crois qu'il regarde les poissons.

Je préfère rester en retrait, allongé sur ma serviette, soutenu par les coudes. J'me divertis du peuple avec un air supérieur.

Quand leur bataille commence à m'ennuyer, je détourne le regard et aperçois Erwan un peu plus loin. Il prend des photos. Le soleil rend ses cheveux roux et fait apparaître encore plus de taches de rousseur sur son visage. C'est fou que le soleil puisse faire ça. J'le savais pas.

C'est plutôt cool.

*

- Vous avez bien écouté les règles, j'espère. Vous vous suivez, et si un de vous s'éloigne, lancez la cordes pour que le binome puisse l'accrocher à son bateau le temps de rattraper le groupe. On ne s'éparpille pas, on ne se perd pas, on ne se noit pas. C'est compris ?

J'échange un regard avec Lahcene. Il a un vieux sourire au coin des lèvres et j'le sens pas du tout.

Alors qu'un moniteur nous remet à chacun des gilets de sauvetage, il me glisse:

- J'ai tout ce qu'il faut pour passer la nuit dans une grotte.

- Non, s'il te plait Lahcene, j'ai pas la fois..

- T'es sérieux Ismaël  ? Ça fait pas vingt-quatre heures qu'on est arrivé et t'es déjà fatigué ?

- J'suis pas fatigué, j'ai juste la flemme de te suivre dans tes plans nuls.

- Mes plans sont oufs.

J'arrache presque le gilet de sauvetage des mains du gars. Il est encore trempé, et il pue. 

J'sais que j'ai dis que je ferai des efforts, mais en fait, j'en ai plus envie. Regardez, j'suis gentil avec Lahcene. On traîne ensemble, et lui, il veut m'embarquer dans une grotte la nuit. Il est pas fini.

Je m'avance jusqu'au premier rang et essaye de trouver la prof. Si je lui dis que j'ai le mal de mer, elle me laissera peut-être à l'hôtel. Quand j'arrive devant elle, elle se met soudainement à crier sur son téléphone.

- Madame ?

J'aurais pu attendre qu'elle finisse sa conversation.

- Madame ?

- Quoi Ismaël ?! Tu vois pas que je suis occupé. D'ailleurs ou est ton acolyte ?

- Mon quoi ?

- Ou est Lahcene ? Je viens de recevoir un appel de l'hôtel, ils ont retrouvé des susbtances illicites dans son sac. C'est aussi à toi ?

- Hum.

Merde, j'sais pas quoi dire. J'vais pas me balancer à sa place, j'suis pas con. Je risque gros, j'veux pas être dans la merde. Je jette un coup d'oeil en arrière. Lahcene s'amuse avec d'autres gars. J'peux pas le balancer. En plus, je savais même pas qu'il avait pris ses trucs au voyage.

- Ismaël ? Je ne vais pas te punir. Ça me rassurait que ce soit à toi. Tu n'es pas s'en savoir que ton camarade s'est absenté pendant plusieurs mois. Je suis garante de son état, il n'aura aucune sanction. Néanmoins, j'ai besoin de savoir.

Je fais un pas en arrière. Ça ressemble à un piège, et pourtant, elle a l'air sincère. Pour une prof principale, elle est vraiment impliquée dans notre avenir, et même dans notre présent.

Mais j'balance pas.

- Très bien Ismaël. Je vais directement aller le voir.

Et elle me contourne.

Dix minutes plus tard, Lahcene refusait de monter sur un kayak. Il voulait retourner à l'hôtel. Comme Ariel avait peur de l'eau profonde, madame Isselmer et un accompagnateur les suivirent jusqu'à l'hôtel.

Je regarde mon pote s'éloigner et j'sens une boule dans le creux d'mon ventre.

- Et toi, au lieu de rêvasser, vas avec ton binôme, me lance le moniteur avec un horrible sourire charmeur.

Vous méprenez pas, il me regarde même pas, trop occupé à charmer des gamines.

- J'ai plus d'binome, je souffle.

- Tu n'as qu'à te mettre avec lui. Eh, c'est quoi prénom ? Demande-t-il en pointant quelqu'un que j'vois pas à cause du troupeau d'élèves.

Par contre, j'entend clairement sa voix lui répondre :

- ....