- Allé Claire ! Il veut plus me parler, il répond même plus à mes messages !

- Et tu te demandes pas pourquoi ?

- C'est à cause de l'autre tarl..-

D'un geste sec, elle me coupe la parole. Son regard est bourré de reproches.

- Tu comprends vraiment rien Ismaël.

- Bah explique moi alors !

Je commence à en avoir marre. Mes doigts s'agitent sur ma cuisse et mes yeux s'échappent autour de nous. Jm'impatiente, je perds patience. Il me faut des réponses maintenant parce que là, je pars dans tout les sens.

- Dis moi au moins si j'dois faire quelque chose, à part accepter l'autre, évidement.

- J'en sais rien Ismaël. T'as qu'à lui demander, j'suis pas un pigeon voyageur.

- T'es pas un pigeon mais t'es mon amie.

- Votre amie, elle corrige en soupirant encore.

Elle sait faire plus que ça devant moi. J'suis entrain de perdre mes potes. Mon sang s'échauffe, je m'efforce à  souffler pour me calmer. Je panique, ll faut que j'arrête mon coeur dans sa course.

- De toutes façons, elle reprend. C'est un truc que vous devez régler entre vous. J'aime bien Erwan, tranquille. Mais j'te demande pas de choisir et je prends pas parti.

- hum..

Je baisse les yeux et tape dans un caillou qui traîne. Elle prend parti en restant avec le blond.

- J'vais demander à l'administration une aide pour aller à Minorque. J'espère que tu viens.

- Je sais pas, je soupire. J'ai pas envie de demander d'aides. Et puis j'ai pas envie de vous voir vous éclater ensemble juste à côté de moi.

J'ai à peine le temps de finir ma phrase que je reçois un coup derrière la tête. Claire me fusille du regard.

- Ferme la. Si tu crois que je vais te laisser gâcher une chance pareille juste par fierté, tu te trompes.

J'la vois attraper son sac et le jeter sur son épaule. Elle me pointe du doigt et ses iris s'assombrissent.

- J'vais te surveiller, t'inquiète même pas.

Puis elle s'éloigne, me faisant bien signe qu'elle a les yeux posés sur moi.
À ce moment, j'suis assez serein, j'ai toujours ma soeur.

*

Je sais pas comment voir ce voyage scolaire. D'un côté, c'est cool de voir du pays tout frais payé grâces aux bourses que je devrais- normalement- avoir sans problèmes. C'est pas avec mes propres moyens ou ceux de ma famille que j'peux partir une semaine sur une île espagnole. 

Le truc, c'est qu'Issam et moi, on est toujours en embrouille. Ça me fout la haine. Heureusement que Lahcene y va. C'est d'ailleurs ce qui m'a finalement poussé à aller dans le bureau de la vice-principal ce matin. Au moins, je serai pas seul à traîner dans un coin.

Depuis qu'il est revenu, Lahcene est beaucoup plus accessible qu'avant, moins déprimant. On s'est pas mal rapprochés. J'espère juste que c'est pas seulement grâce au p'tit Macéo avec qui il traîne. Si c'était l'cas, trop dépendant, il serait déprimé sans lui. Les secondes ne partent pas avec nous, et j'veux pas me coltiner le zombie qu'il était avant de connaître Macéo.

Putain, j'deviens sacrément égoïste.

Je referme mon livre d'histoire que je lisais plus depuis déjà quelques minutes.

Vous savez quoi ? J'vais peut-être faire des efforts pour cette fois. J'vais arrêter de faire la gueule et de m'isoler. J'vais arrêter de me braquer et de médire. J'vais être cool.

Dans un mouvement décidé, je pose le livre sur la table du CDI et me lève. J'attrape mon sac et me mets à la recherche de Lahcene. Si j'me trompe pas, il doit aussi être là.

Je parcoure rapidement les tables aux alentours et finit par le retrouver avec le frère de Mathieu au fond de la salle, bien isolé derrière les étagères, sûrement pour être au calme.

Lahcene est légèrement penché vers le seconde. Il a un vieux sourire au coin des lèvres. J'peux pas entendre ce qu'il chuchote mais j'aperçois les joues du p'tit se teinter de rose et son regard fuir le métis.

Finalement, je m'approche. Mes mains s'imposent brutalement sur la table. Macéo sursaute puis s'éloigne de mon pote. Ses joues s'empourprent cette fois, carrément rouge .

- Yo, me sourit Lahcene en me tendant sa main.

Je lui tends la mienne et on se salue.

- Ça te dit tacos à midi ?

- Ouais carrément ! J'ai archi faim. Par contre je paye 'maël. J'ai trop de fric, c'est pas net. Il faut que je m'en débarrasse avant de me faire arrêter.

Je fronce les sourcils, tout comme le seconde qui reste muet.

- Qu'est ce que tu racontes encore ?

Il rigole et répète:

- T'inquiète, je paye.

J'aime pas trop l'idée, mais j'fais un effort. Je dis rien, j'fais comme si j'étais d'accord et passe à autre chose.

Après quelques minutes à discuter, toujours à côté de la carpe qui s'occupait en gribouillant sur un carnet, je décide de partir.

En m'éloignant, j'les vois se rapprocher à nouveau. Macéo arrête de dessiner et de fuir le regard du bouclé. Il plonge même ses yeux dans les siens. Enfin, je sais pas pourquoi je m'attarde sur des détails. J'ai comme un besoin incontrôlable de romancer ma vie.

J'secoue la tête, chasse ces idées et pousse la porte de la bibliothèque.

J'ai envie d'retourner sur Instagram.