On se promettait tellement de choses. J'ai surtout promis de toujours m'occuper de lui.

Il était la seule personne qui importait pour moi.

Les autres disaient que je le couvait beaucoup trop, et moi je répondais qu'ils étaient juste jaloux.

Tout ce qui est arrivé est de leur faute !
C'est papa qui ne méritait rien,
Maman qui était trop irresponsable ,
Loïc qui n'était qu'un connard,
Et puis moi , pour t'avoir fait ça... Et Solange pour être aussi idiote .
Je leur en veux à tous, mais je m'en veux particulièrement.

Nous partagions déjà la même chambre avant le décès de maman.
Nous avons dû partager le même lit quand il a commencé à faire des cauchemars.

C'était horrible pour lui.

Il s'en est difficilement remis, ça l'a toujours tourmenté.

Il était de plus en plus effrayé, à chaque fois qu'il le voyait.
Que ce soit dans le couloir, lors du déjeuner, au retour de l'école, lorsqu'il lui souriait, chacun de ses gestes le terrifiait horriblement.

Je n'aurai pas dû l'obliger à faire semblant. J'ai détruit le peu d'humanité qu'il connaissait...

Il tremblait comme une feuille, parcouru de violents spasmes, le haut mouillé par les larmes.  Il paniquait comme les autres fois avant.

- Il faut te calmer, ...tu m'entends  ?(...) arrête de paniquer pour rien, tu as juste peur.

Pour rien...
Juste peur ...

Quels autres mots cruels j'ai encore pu lui sortir ?

- Je...j'ai...je  l'ai ..vu Naelasia....s'il te plaît...fais quelques choses...aide moi....Naelasia...

- Il n'arrivera rien si tu restes calme. Sois moins expressif. Il faut faire comme si de rien n'était.  Tout reviendra à la norme.  D'accord  ?

Expressif...maintenant, tu ne réagis plus du tout.
C'est toi qui avais raison, on aurait dû faire quelque chose.  J'ai eu tord depuis le début.

Personne ne s'est préoccupé de T'ri.
Personne n'a remarqué son mal-être.
Chacun essayait de faire son deuil  comme il pouvait.
Papa se fichait pas mal de nous.
En fait, il sombrait, T'ri avec.
Et moi je ne faisais qu'éteindre les dernières bougies qui éclairaient son âme.
Il a sombré très profondément.  Je n'en étais que ravie. Je me délectais de l'importante masse qu'il perdait chaque jour, de ses yeux rouges et bouffis, de sa barbe mal entretenue qui le rendait encore plus hideux, de ses yeux hagards et fuyants quand nos regards se croisaient.

Tout a commencé à aller mieux plus tard, quand Solange a aménagé chez nous.

Mon père a repris des couleurs.  T'ri faisait moins de cauchemars et ses crises n'étaient plus violentes.
Il a juste paniqué une fois, la première nuit où elle est arrivée.

- Et si ça recommençait  ?... elle doit savoir non ?

-  Pleure pas, ils vont t'entendre.  Et je t'interdis de dire quoi que ce soit. 

- Mais ils vont se marier ! Tu as entendu Papa !... el...elle va remplacer maman....

- C'est bon arrête Tahari  ! Elle ne remplarera pas maman, ce n'est pas possible ça  !

- Non... je ne veux pas...

Je l'ai coupé, énervée, en le secouant dans tous les sens.

- Mais tu comprends pas ? Ces choses là ne se disent pas Tahari !

Evva nous avait vu ce jour-là.  Elle a compris qu'on cachait quelque chose.  Elle l'a vu du mauvais œil.
Je ne l'aimais pas.
Elle non plus.

Nnieje