Chapitre II
Les choses ont changé lorsqu'il a eu quatre ans.
Nos parents ont commencé à se disputer, une tension s'est installée au sein de la maison.
Fini l'enfance paisible, le couple heureux, la maison chaleureuse.
Ce n' était plus que des cris, des prises de tête, des remarques blessantes, des regards noirs lancés par dessus les couverts.
Alors je sortais, souvent, et je l'emmenais avec moi. On se baladait ensemble, je le portais sur la hanche et m'amusais avec lui. C'était nous, partout, toujours.
Pendant les vacances je travaillais en tant que serveuse dans un restaurant à l' autre bout de la ville. Ils payaient bien, hébergement compris, alors je l'emmenais quelques fois, avec la permission de maman. Je me débrouillais pour que mon patron accepte.
Et puis, c'était un garçon très sage. Il ne faisait pas de caprices, en même temps, je lui accordais tout .
Maman ne disait rien, elle ne disait jamais rien de toute façon !
Et toute ma colère venait de là, elle ne s'est pas occupée de T'ri. Pas comme avec les jumelles. Elles les a toujours préféré, elles !
C'était légitime de vouloir fuir la dure réalité à la maison. Avec un père trop strict et une mère distante vis-à-vis de nous , moi parce que j' étais l'aînée, lui parce qu'il était un garçon.
Je lui ai appris à être libre très tôt, puis je l'ai enchaîné de la pire des façons.
Il arrivait qu'on parte toute une journée, au cours de l'année scolaire. J'allais le chercher après les cours et on fuguait. Je veillais cependant à ce qu'on ne découche jamais. J'avais un minimum de conscience tout de même. Et lorsqu'on rentrait, je me faisais gronder comme pas possible. T'ri, on l'ignorai tout simplement, ce n'était qu'un enfant après tout..
Je ne lui donnai pas la bonne éducation, mais au moins je lui en donnais une.
J'ai eu mon BAC assez tard. J'avais vingt-et-un an. Je ne voulais pas continuer les études, je n' étais pas faite pour ça. La paperasse était trop compliquée pour moi. T'ri par contre se débrouillait bien. Il disait même qu'il voulait devenir médecin. Finalement il a en partie réalisé son rêve non ? Entre le patient et le médecin , quelle différence de toute façon ?
Maman nous aimait bien mais elle préférait les jumelles. Je crois que T'ri a toujours aimé croire qu'elle nous aimait sans distinction. Il faisait tout pour être proche d'elle. Il lui obéissait, recherchait son attention, essayait d'entrer dans ses bonnes grâces. Il a eu du mal à s'en remettre quand elle est morte: la preuve, il ne s'en était jamais remis.
C'est après mon bac que j' ai commencé à faire face à la vie adulte. C'était très difficile pour moi, déjà que je n'avais pas d' objectif fixe. J'ai toujours été nulle pour tout, dans tout.
Puis j'ai rencontré Loïc. Je me suis progressivement éloignée de T'ri, sans m'en rendre compte.
Loïc, c'est le garçon qui plaisait à tout le monde, souvent souriant avec deux fossettes qui lui donnaient un certain charme. Ses petits yeux lui donnaient un air malicieux et son joli nez droit éffeminait quelque peu son regard. Il était bien beau, au point où j' en suis tombée amoureuse. Ne m'en voulez pas, j' étais encore trop naïve...
Je l'ai rencontré à la boutique de fleurs où je venais de commencer à travailler.
Il m'a complimenté une fois et tout est allé vite. Il est revenu plusieurs autres fois, on échangeait quelques banalités, des blagues, des sourires bref, il n'a fallu que trois mois pour qu'on se mette ensemble. La même durée pendant laquelle maman était déjà morte.
Loïc n'aimait pas que T'ri vienne à nos rendez-vous, de là, je ne l'emmenais plus lorsque j'allais le voir. Je le laissai à la maison. Je pensais qu'il passait le temps à jouer. Quand je rentrais - tard la plupart du temps - je le retrouvais endormi près de maman.
Un jour je suis rentrée plus tôt, la vision que j' ai eu m'a tordu les entrailles. Il était seul dans un coin du salon avec quelques voitures et un verre de jus à peine entamé. Il fixait le vide, semblait si triste.
J'ai compris mon erreur ce jour là, je suis restée avec lui toute la soirée.
Et progressivement, je me suis éloignée de Loïc, je l'aimais, mais c'était mon frère avant tout. Il ne m'en a pas voulu pour autant. Bien au contraire, il était devenu bien plus attentif, plus compréhensif. Ça a renforcé les sentiments que j'avais pour lui.
C'était mon premier vrai amour. Les autres avant lui n' étaient que de petites aventures de collégienne. Loïc était aussi ma première déception amoureuse, mon premier cœur brisé, le seul homme pour qui j'ai vraiment pleuré.
Il a eu du culot de venir aux obsèques de maman ! Heureusement que je l'ai intercepté avant que quiconque ne se rende compte de tout cela. C'est lui le déclencheur de tout ceci mais bizarrement, je ne lui en veux pas autant qu'à maman. C'est sa faute à elle ! C'est elle qui nous a détruit !
Le lien que je partageai avec mon frère était très fort et paradoxalement fragile.
Après cette histoire avec Loïc, je n'ai plus jamais laissé un homme se mettre entre nous...enfin, si on ne compte pas Papa, mais ça, c'était bien après.
Nnieje.
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