.9. Quand la bulle éclata
Pour réussir à comprendre comment ils s'étaient retrouvés enfermé dans ce vestiaire, alors que ni Bang Chan ni Changbin n'avait de téléphone, il fallait revenir quelques heures en arrières. Même quelques jours.
Après le baiser dans la salle de bains, les deux ainés avaient convenu d'arrêter tout rapprochement. Changbin ne voulait en aucun cas blessé Felix et il n'était - pour lui – nullement question de sentiment amoureux. Il y avait un lien, c'était indéniable, mais ce n'était pas de l'amour alors il valait mieux tout stopper avant qu'il ne soit trop tard.
Bang Chan - même si déjà plutôt mordu puisqu'il l'était depuis des années sans jamais en avoir touché mot au plus jeune - était d'accord. Il ne voulait pas blesser le roux et ce dernier n'était vraiment pas apte à supporter une nouvelle déception. Son traitement était une catastrophe. Ils avaient encore augmenté les dosages et il devenait carrément catatonique, au point qu'il ne venait presque plus en cours. Les deux ainés passaient donc beaucoup de temps chez lui dès qu'ils avaient fini les cours, ils ne voulaient surtout pas que Felix se sente seul et surtout, il ne voulait pas qu'il se sente coupable.
Mais ceci entrainant cela, l'absence de Felix avait laissé les deux garçons se côtoyer un peu plus et avec beaucoup moins d'animosité, sans doute car tous deux savaient qu'ils se plaisaient et ils se souvenaient parfaitement de leur baiser et de l'envie qu'ils avaient de recommencé. Il ne le faisait pas, juste pour leur ami commun, il n'était plus question de haine ou de chamailleries et rien n'arrivait vraiment à les éloigner. Bang Chan n'avait pas envie de se battre et Changbin n'arrivait tout simplement pas à trouver une excuse pour lui en vouloir. Non, tout ce qu'il voulait c'était cédé.
Il était donc facile de prévoir la suite. Alors que Changbin avait dû retourner en classe chercher un livre scolaire qu'il avait oublié en rentrant chez lui, il avait croisé Bang Chan sortant du gymnase. Il s'était entrainé seul pour le prochain match et il avait surtout besoin de se dépenser car le noiraud était entrain de devenir une obsession pour lui.
Le capitaine de l'équipe rangeait le ballon dans le petit local à côté du gymnase et commença à se diriger vers les vestiaires mais pas ceux habituels, non il allait directement au vieux vestiaire, celui qui a une douche individuelle et qui n'est plus utilisé car il était devenu trop petit. On utilisait dès lors ce vestiaire que lorsque les élèves souhaitaient s'entrainer après l'heure, le coach fermant le grand vestiaire. Le petit lui, n'avait plus de clé depuis longtemps mais il n'en demeurait pas moins capricieux puisque, de temps en temps, la poignée leur restait dans les mains. Le nombres d'élèves restés enfermés avait fini de dissuader les entrainements tardifs. Quand le coach partait, tout le monde partait.
C'était d'autant plus étonnant de voir Bang Chan encore là. Il ne devait rester que le gardien dans le lycée et il n'allait pas tarder à fermer définitivement les portes. Poussé par sa curiosité et peut-être un peu par son envie de se rapprocher, il entra dans le vestiaire. Il entendait le bruit de la douche et il se figea une seconde, essayant de se raisonner. Il n'était quand même pas bien ! Il l'avait suivi comme un vieux pervers. Il voulut repartir en arrière mais Bang Chan coupa l'eau.
Changbin retint son souffle entendant les pas derrière lui, il allait mourir de honte c'était certain.
" Bin, c'est toi ?"
Changbin se retourna enfin. Complètement écarlate alors que Bang Chan refermait sa serviette sur sa taille.
En tant que coéquipier ce n'était pas la première fois qu'il le voyait pratiquement nu, le vestiaire habituel avec une douche commune donc il n'y avait rien qu'il n'avait déjà vu mais la situation était différente. Maintenant qu'il avait goûté et qu'il en était privé, sa peau ruisselante était devenue une vraie tentation pour un affamé. Il avait les hormones en ébullition, ce n'était pas de sa faute.
" Je suis désolé. Je t'ai vu entrer et...
- Et tu m'as suivi ? Termina Bang Chan un petit rictus malicieux.
- Euh...Oui. Je vais pas te mentir. Mais maintenant je regrette...
- Pas moi."
Bang Chan s'approcha et Changbin recula instinctivement contre la porte. Le blond était si proche qu'il pouvait presque entendre son souffle et ce dernier ne s'arrêta que lorsqu'il se trouva au bord de ses lèvres. Le saisissant la taille avec autorité. Changbin posa ses mains sur son torse, comme pour essayer de maintenir une distance mais c'était une très mauvaise idée, ses mains plaquées sur sa peau nue avaient eu un effet encore plus dévastateur. Il se sentait alors littéralement fondre intérieurement, ses doigts se crispèrent par réflexe arrachant un sifflement à Bang Chan. Il ferma les yeux et cette vision de plaisir qui traversait son visage avait terminé de l'achever.
Changbin laissa tous les remparts, toutes les défenses s'écrouler et se hissa jusqu'à lui pour lui arracher un baiser salvateur. Il n'en pouvait plus, c'était trop. Il avait besoin de le sentir contre lui, de sentir ses mains, ses lèvres et cette langue. Qu'il aimait cette langue ! Elle était grisante, joueuse, elle savait le faire frémir.
" Non non non, répéta Changbin.
- Tais toi."
Bang Chan coupa ses protestations le plaquant un peu plus contre la porte, soulevant lentement le t-shirt du noiraud jusqu'à complètement le retirer. La sensation de la peau nue de Bang Chan contre la sienne la faisait gémir à nouveau. Changbin se tenait maintenant à ses épaules alors que l'australien s'attaquait à son cou. Il perdait pieds.
" Chris, il faut qu'on arrête, il faut vraiment qu'on arrête...
Bang Chan s'écarta enfin, les sourcils froncés.
- On a pas à se sentir coupable, on fait rien de mal Changbin. Tu me plais et je te plais, où est le problème ?
- Le problème c'est que Felix est amoureux de toi et j'ai pas envie de lui briser le cœur..."
Bang Chan grogna. Il secoua la tête, essayant de se forcer à le lâcher mais il n'y arrivait pas. Il l'avait dans ses bras et il voulait le garder.
" Si on s'embrasse juste ? On va pas plus loin. Juste des baisers." Proposa Bang Chan.
Changbin glissa son regard sur ses lèvres encore humides. Bang Chan le sentait à nouveau faiblir et il en profita pour serrer un peu plus la taille entre ses mains. Il pencha le visage sur le côté restant à proximité sans franchir le dernier centimètre.
" Juste nos lèvres, rien de plus", il chuchota.
Changbin ravala sa salive et comme il était vraiment trop tenté, il hocha la tête. Bangchan sourit avant de s'approcher à nouveau, emprisonnant son souffle et sa volonté.
Ils se retrouvaient donc dans ce vieux vestiaire, le plus souvent en fin de journée mais après quelques jours, ils commençaient à ne pas être assez patient pour attendre et ils se retrouvaient même au milieu de la journée, dans des coins beaucoup moins discrets et prenant le risque d'être découvert.
Ils continuaient de rendre visite à Felix, ce dernier reprenait un peu du poil de la bête mais il était encore trop peu habitué à son nouveau traitement pour réussir à tenir toute la journée au lycée. Il était quand même content de voir ses deux amis, surtout qu'ils semblaient avoir enterré la hache de guerre. Mieux que ça, il semblait même s'entendre et ça devenait maintenant étrange, il crut même voir des regards appuyés. Felix mettait ça sur le compte de ses cachets, sa vue n'était pas tout à fait claire et il ne pouvait pas lui faire confiance tant qu'il avait encore du mal à écrire un message sans faire de faute à chaque mot.
En sortant de l'appartement des Lee, Bang Chan tira sur le bras de Changbin pour prendre la cage d'escalier et le bloqua directement pour l'embrasser, il en avait eu envie dès qu'ils étaient rentrés. Non c'est faux, il en avait tout le temps envie mais Changbin le repoussa.
" Ca va pas ! On est chez Felix.
- A proprement parler, pas vraiment.
- Arrête tes arguments de merde avec moi ! On est dans son immeuble.
Changbin termina de le repousser et s'écarta d'un pas furieux, descendant les marches.
- Attend Bin, je suis désolé.
- Tu m'énerves Chris, ça fait deux fois aujourd'hui que tu me pièges et à chaque fois on a manqué de se faire choper ! Je commence à regretter notre accord.
C'était au tour de Bang Chan d'être vexé. Alors qu'ils sortaient de l'immeuble, il tira sur son bras pour qu'il lui fasse face.
- On dirait qu'il y a que moi que ça frustre cette situation. Si c'est un si grand sacrifice pour toi, on ferait bien d'arrêter, ouais. Je veux pas de charité."
Changbin voulu le rattraper mais il se ravisa. Il n'avait pas de solution et Bang Chan semblait trop furieux pour entendre encore ses excuses. Le blond était déjà hors de portée de voix et bientôt de vue, laissant le noiraud seul avec son amertume.
Même si le blond en doutait, c'était aussi frustrant pour le jeune Seo. Plus les garçons se rapprochaient, apprenaient à s'apprivoiser, plus il y prenait plaisir et avait envie de pousser le vice un peu plus loin. Ses bonnes résolutions ne tenaient qu'à un fil quand il était dans les bras de Christopher Bang et c'était tout aussi déstabilisant qu'agréable. Son corps trahissait ses désirs et ses résistances étaient minces.
D'un autre côté, s'il blessait Felix, il ne pourrait jamais s'en remettre et même avec le plus beau corps du monde et les lèvres les plus douces, Bang Chan ne pouvait rien contre ça.
Changbin était rentré chez lui et n'avait pas chercher à le contacter, et lorsque Bang Chan l'ignora au lycée, le noiraud compris que la guerre avait repris de plus belle sauf que pour une fois, ce n'était pas lui qui faisait la gueule. Et cette guerre s'éternisait, dans les couloirs, la cours et pendant les entrainements. Si au départ Changbin essaya de ne pas y prêter attention - après tout s'il voulait jouer les fortes têtes, c'était son problème - mais plus le temps passait et plus il se sentait agacé. C'était assez ironique quand on savait le nombre de fois où la situation était inversée mais il comprit alors à quel point cela pouvait être fatiguant de voir l'autre aussi borné.
Sauf que Changbin l'était encore plus, aucune chance qu'il fasse le premier pas.
" Il s'est passé quoi encore ? Soupira Felix en marchant avec Changbin près de la rivière Han. Je croyais que ça allait mieux avec Chan.
- Ca allait mieux mais je crois que je l'ai un peu vexé et maintenant il boude, hausse les épaules Changbin.
- Et tu comptes aller t'excuser ?
- Bien sûr, répondit Changbin, sarcastique.
- Je plaisante pas. Je sais que tu l'aimes bien alors pourquoi est-ce que tu peux pas ravaler ta fierté ?"
En temps normal, Changbin lui aurait aussi tôt répondu que ce n'était pas de la fierté, l'australien était juste trop bête mais cette fois il semblait accepter la critique ce qui étonna encore plus Felix. Les sourcils levés et un sourire figé il se mit à rire sans retenu.
" Alors tu avoues ? C'est dingue ! Il faut que je filme ça ! S'exclama le plus jeune en sortant son téléphone.
- J'avoue rien du tout ! Se mit à rougir Changbin.
- La tête que tu fais !
- Arrête ça tout de suite Felix !"
Changbin essaya de lui prendre le téléphone des mains mais Felix était rapide et un peu plus grand ce qui lui permettait de maintenir le noiraud à distance. Il riait continuant de le filmer alors que Changbin criait à l'outrage, au droit à l'image bafoué.
Au moins le roux était redevenu son rayon de soleil et le voir aussi joyeux lui faisait un bien fou. Il en oubliait sa dispute avec Bang Chan et le manque qu'il avait laissé derrière lui.
Ce qu'il ne savait pas à c'était que Felix avait vraiment remarqué quelque chose et c'était justement cette pointe, ce petit truc qui avait changé dans le regard de son meilleur ami qui lui donna l'idée de tenter de forcer les choses. Obliger Changbin à ravaler sa fierté et faire la paix avec l'australien car il voulait qu'ils soient amis, qu'il puisse être là pour lui, quand Felix ne pourra plus.
***
Changbin avait trouvé un mot sur son bureau. C'était assez ringard comme façon de faire, il semblait hésité tout en observant le bout de papier sous toutes ses coutures. Il ne savait pas si c'était très ressemblant à l'australien ou pas du tout. Il décida de froisser le papier et le fourrer dans sa poche. Il jeta son sac à dos par-dessus son épaule et quitta enfin la salle de classe pour rejoindre Felix qui l'attendait dans la cour. En le voyant il eut immédiatement le sourire aux lèvres et le rouquin commença à lui raconter sa journée. Plus ils s'approchaient du portail pour sortir de l'enceinte de l'établissement plus Changbin se perdait dans ses pensées, n'écoutant plus un mot du plus jeune. Sa voix semblait lointaine alors que sa main triturait le mot dans sa poche.
" Tu m'écoute ?
Changbin se réveilla brusquement.
- Désolé, fut la seule chose qu'il put dire.
Felix faisait la moue mais il n'était pas vraiment contrarié.
- Quelque chose te tracasse ?
- Je- j'ai oublié que j'avais un truc à faire ! Pars sans moi, je t'appelle en rentrant chez moi. Ok ?
- Si tu veux."
Changbin partait déjà, revenant sur ses pas et laissant Felix derrière lui. Il courait presque pour revenir à l'intérieur, croisant le regard parfois surpris de certains élèves. Il remonta les couloirs et traversa le petit stade derrière le gymnase. Là, il longea les arcades qui entouraient le bâtiment des vestiaires et quand il arriva enfin devant la porte métallique et légèrement rouillé du vieux vestiaire il s'arrêta sur le pas. Et s'il ne franchissait pas cette porte ? En réalité, il n'avait pas vraiment le choix. Il avait déjà pris sa décision en laissant Felix rentrer seul.
Il poussa la porte et malgré son aspect branlant, elle ne faisait aucun bruit. En entrant il n'entendit rien, ni le bruit de la douche, ni le bruit d'une respiration ou d'une présence quelconque. La pièce était petite, le banc devant lui était vide et il n'y avait pas le moindre d'indice que quelqu'un soit venu ici. A nouveau, il sorti son petit bout de papier qu'il défroissa.
" Rejoins-moi dans le vieux vestiaire. S'il te plaît. Chan."
Plus il lisait le bout de papier et plus quelque chose le dérangeait. Pourquoi l'avait-il signé ? Pourquoi "Chan" ? Il ne l'appelait jamais comme ça. A nouveau il essaya de trouver autre chose mais le papier était bien assez petit, inutile de chercher trop longtemps, ce n'était pas un papier magique. Changbin soupira et s'apprêtait à repartir quand la porte s'ouvrit à nouveau et en se retournant il vit le blond aux boucles blondes. Il semblait surpris de le voir et en même temps gêné. Cette situation était étrange mais Changbin oublia ces réflexions, préoccupés maintenant par la présence de l'australien. Il referma la porte derrière lui dans le silence. Aucun d'eux ne semblaient vouloir parler.
" Je n'étais pas sûr que tu sois vraiment là, lui dit alors Bang Chan. J'ai hésité.
Changbin hocha la tête, tout aussi embêté continuant de triturer son bout de papier.
- J'ai hésité aussi", lui répond alors le noiraud.
Il le voyait tous les jours, il ne lui parlait pas, faisait bien attention à ce qu'il ne le remarquait pas mais il n'arrivait pas à passer une journée sans essayer de le voir. Si seulement Changbin savait à quel point ça le rendait dingue.
" Je suis désolé, pour la dernière fois, commença finalement Changbin.
Il avait vraiment dit ça ? Il s'étonna lui-même.
" Ca me frustre aussi et je pense qu'on devrait arrêter. Définitivement. Ne plus prendre de risque.
- Hein ?"
Ca partait bien pourtant, pourquoi est-ce qu'il en arrivait à cette conclusion ? Bang Chan était perplexe. L'espace d'une seconde il avait senti son cœur s'arrêté puis c'était la chute. Arrêter ? Non il ne voulait pas arrêter !
" Non ! Il s'exclama alors. Je peux faire attention, on peut trouver un moyen...
- C'est faux et tu le sais. Felix va s'en rendre compte et on fera quoi quand ça sera le cas ?
- On lui dira. Il comprendra.
Changbin savait bien que non. Et Bang Chan aussi. Il ne croyait pas ce qu'il disait et aussi tôt il soupira.
- Je veux pas Bin, je peux pas...Je suis amoureux de toi."
Changbin n'en comprit pas de tout suite, l'information tardait à vraiment lui parvenir, alors qu'il allait encore trouver un argument le temps s'arrêta brusquement.
" Qu'est-ce que tu viens de dire ? Souffla le plus jeune les yeux exorbités.
- Je suis amoureux de toi." Répéta l'australien.
Il se rapprocha voyant que Changbin s'était statufié. Sa petite bouche restait ouverte mais il ne disait plus rien, Bang Chan pouvait presque voir tous ses méninges en ébullition alors qu'il devait se repasser inlassablement la boucle de sa déclaration.
Bang Chan retint un petit rire amusé. Il allait se faire jeter, c'était certain mais il ne savait pas pourquoi il se sentait soulager de l'avoir avoué. Changbin continuait d'essayer de reconnecter son système et voir cette panique qui très bientôt teintait ton son visage d'une délicieuse couleur carmin, donnait des fourmillements dans le creux du ventre du blond.
Changbin releva brusquement les yeux, toujours sans parler et toujours avec cette expression de profonde surprise. Il était mignon. Bang Chan lui caressa la joue sentant sa peau réchauffer ses doigts glacés.
" Tu es malade ? Demande Changbin vraiment inquiet. Tu t'es cogné la tête quelque part ?
- Sois pas idiot", Bang Chan lui tira la joue.
Changbin grimaça et le repoussa mais Bang Chan l'attira contre lui, étouffant ses protestations. Changbin grommela mais il n'essayait plus de résister sentant ses muscles de relâcher peu à peu. L'étreinte était douce et chaleureuse, elle réveilla un plaisir inavoué. Il avait cette étrange sensation d'être à sa place et ce n'était pas une bonne nouvelle, alors qu'il aurait dû se sentir heureux, il se sentait minable. Il ne voulait pas. Il ne devait pas.
Bang Chan le sentit se serrer un peu plus contre lui, cachant son visage contre sa poitrine.
" Pourquoi ? Demanda Changbin. On se dispute tout le temps."
Bang Chan appuya sur son menton pour relever son visage. Ses iris noirs, brillantes, le rendaient soudainement si fragile. Il ne serait dire pourquoi mais il sentit qu'à cet instant qu'il aurait pu le briser. D'un seul mot, il aurait pu complètement l'anéantir et cela le rendait encore plus précieux à ses yeux. A quel point est-ce qu'il avait craqué pour lui ? A quel point était-il marqué ? Il n'avait pas encore la mesure, ce n'était que le début de sa prise de conscience.
" Parce que tu me tapes sur les nerfs, lui avoua Bang Chan. Et que je dois être un grand masochiste."
Il y avait du vrai mais pas seulement. Bang Chan ne se sentait pas de lui dire le fond de sa réelle pensée car il savait que cela le ferait fuir, et déjà là, il craignait que le plus jeune s'écarte définitivement mais au lieu de ça, il restait contre lui, entourant son corps de ses bras fins. Doucement il sentit les mains de Changbin passer contre son dos, sur le tissu du t-shirt et même comme ça, il se sentait faiblir. Ce n'était rien comparé à son regard, qui passait de la surprise à un sentiment encore nouveau. Un mélange de joie, de douceur et de soulagement.
Changbin se retenait de sourire, il avait envie de se cacher dans son cou, secrètement heureux. Il fallait que ça s'arrête, c'était mauvais, vraiment mauvais. Il n'allait plus pouvoir s'en détacher. Dans quel pétrin il s'était fourré ?
" Bin, murmura Bang Chan. Je suis très sérieux tu sais."
Changbin déglutit.
" Et je suis prêt à attendre mais...Il faut que je sache si tu penses, un jour, dépasser tes peurs.
- J'en sais rien", lui avoua Changbin.
Bang Chan accusé le coup. Il connaissait la réponse mais elle restait dure à entendre.
" Mais moi aussi...Je suis amoureux de toi..."
Le blond senti son corps entier trembler, la voix du noiraud était basse, bourdonnante, comme un coup de tonnerre étouffer et lointain. Il était perplexe et à la fois reconnaissant de pouvoir soulager ses propres incertitudes. Bang Chan baissa son visage, soupirant en posant son front contre son épaule, le cœur battant, douloureux, avec le désir impérieux de le remercier même s'il savait qu'il n'y avait rien à espérer de plus.
Changbin glissa sa main sur sa nuque, remontant dans ses cheveux et sentant sa gorge se serrer. Il avait besoin de le dire, pour le comprendre lui-même, pour exprimer sa déception car même s'il l'aimait, il n'était pas prêt à lui donner ce qu'il voulait. Il n'y avait pas de fin heureuse pour eux, pas d'étreinte passionnelle d'un amour réciproque. Leur étreinte avait un goût amer, celle de l'amour impossible qui ne pourra jamais s'épanouir à la lumière du jour.
Bang Chan se redressa alors, profitant de ce moment l'un contre l'autre pour l'embrasser, une dernières fois. Et dans un baiser désespéré, dans leur bulle d'éternité, ils oublièrent le monde, les responsabilités, les obstacles, les chaînes. Lorsque l'échange s'arrêta, ils savaient que c'était terminé. Il n'y avait rien à dire, rien à expliquer. Changbin retira ses mains et s'écartait du corps du blond laissant un vide glacial et les miettes d'un cœur brisé.
Le noiraud recula jusqu'à la porte et tira sur la poigné du vestiaire sauf qu'au lieu de s'ouvrir, elle lui resta dans les mains. Changbin écarquilla les yeux et se tourna vers Bang Chan qui était encore trop ébranlé pour le regarder. Il ne releva les yeux qu'après quelques secondes, lorsque son cerveau capta que Changbin était toujours avec lui.
D'abord interrogateur puis voyant la poigné dans sa main il comprit.
" C'est...Oh c'est pas vrai."
***
Le soleil se couchait. Les garçons étaient enfermés dans les vestiaires, comme si l'univers voulait enfoncer le couteau dans la plaie.
Si au départ ils ont relativisé, ils ont vite déchanté quand ils ont compris que ni l'un ni l'autre n'avait son portable sur lui. Changbin avait essayé de crier pour alerter le gardien mais après une heure à s'égosiller, il avait renoncé. Il s'était effondré sur le petit banc de bois tandis que Bang Chan essayait de remettre la poignée en place.
" Comment c'est possible de pas avoir son portable sur soi, moi j'ai une excuse au moins, murmurait Bang Chan en remettant pour la centième fois la poignée mais tournant dans le vide.
- Oublier son sac dans la salle de classe tu trouves que c'est une excuse ? Fronça les sourcils Changbin.
- Je sais au moins où il est moi.
- La ferme."
L'émotion qui les avait envahis plutôt laissait place à la fatigue et l'agacement. Il se sentait bête et en même temps il avait l'impression de le mériter. C'était logique, c'était une journée de merde, elle se devait se finir comme elle avait commencé.
Bang Chan jeta rageusement la poignée au sol, s'écroulant à bout de nerf. La tête entre bras, assis à même le sol. La faim, le froid, la frustration, un très bon cocktail après s'être fait jeter. Il aurait préféré noyer son chagrin chez lui, au milieu de ses couettes avec une musique triste et une tonne de malbouffe. Au lieu de ça, il allait devoir dormir sur un sol gelé, à proximité de l'homme qui ne voulait pas de lui, le ventre vide. Alors qu'il essayait de se calmer, il sentit Changbin s'asseoir à côté de lui, appuyant son épaule contre la sienne. Son simple contact avait suffi à diffuser une vague de chaleur dans sa poitrine le faisant tourner son visage dans sa direction, un regard triste et les lèvres pincées.
Le noiraud esquissa un petit sourire compatissant, relevant une boucle blonde qui tombait sur son front pour découvrir ses yeux brillants dont les reflets d'or par les derniers rayons du soleil se mêlaient dans l'étendue noisette de ses iris. Des secondes, des minutes à se regarder, à laisser le silence couvrir et dissiper l'inconfortable réalité.
Il y a toujours un bon côté à tirer d'une mauvaise situation, et lorsque Bang Chan comprit qu'ils avaient encore un peu de temps, encore un peu de répit avant le point final, il se rapprocha d'un mouvement précis, s'emparant de sa bouche avant qu'il ne puisse tout gâcher en essayant de le dissuader. Sauf que Changbin en avait envie autant que lui et sans vraiment se faire prier, il participait avec passion au baiser, glissant ses doigts sur la nuque de l'australien pour ensuite plonger dans ses cheveux, tirer en arrière et approfondir l'échange qui devenait un peu plus sauvage.
Le noiraud se hissa contre lui et passa rapidement sa jambe par-dessus les siennes, assis en califourchon sur ses jambes et collant maintenant son torse contre le siens. Dans un soupir de soulagement, retrouvant la sensation de son corps chaud contre le sien, Bang Chan glissa ses mains sur sa peau, sous son t-shirt noir, pour venir palper ses muscles fins, la ligne de sa colonne et la petite bosse que formait la cicatrice proche de son rein. Il aimait chaque imperfection, chaque détail qui faisait de chaque seconde un souvenir parfaitement ancré dans son esprit, il savait qu'il n'oublierait jamais cette sensation, qu'il n'oublierait jamais le bruit que faisait sa respiration contre ses oreilles ni les frissons qu'il provoquait contre ses phalanges. Lorsque Changbin entamait un frottement contre son bassin, presque plus par instinct que vraiment volontaire, Bang Chan se sentit dérailler. Il le rendait fou, son corps, sa voix, son odeur, tout tournait dans son esprit comme un envoûtement et frénétiquement il fit passer le tissu par-dessus ses épaules, retirant ses propres vêtements tout en le basculant sur le sol froid. Changbin n'arrivait même plus à voir clair, se laissant entrainer dans cette danse folle et incontrôlable où ils n'entendaient que le tambour de leurs cœurs battant, scandant les mêmes mots, le même mantra.
Le soleil se couchant définitivement, parsemant les dos luisant de sa lumière, ouvrant la voie à une nuit, une parenthèse secrète où Bang Chan pourrait laisser son amour s'exprimer pour le noiraud, par des baisers sur son corps, par des murmures contre ses lèvres, se délectant des gémissements du plus jeune, de ses suppliques pour continuer, pour lui faire voir des étoiles qu'il garderait comme un précieux moment. Son moment, que Changbin ne partagera jamais avec personne. Jusqu'à la dernière minute, le dernier soupire, enivré du plaisir charnel l'un contre l'autre. Encore un peu avant que la réalité ne reprenne son cours.
Sauf que ce ne fut ni la lumière du jour matinal ni les courbatures pour avoir dormi sur le sol froid du vestiaire qui les fit redescendre sur terre mais bien le grincement strident de la porte métallique qui s'ouvrait. Changbin se redressa soudainement, à moitié endormi et réveillant au passage Bang Chan qui peinait à comprendre ce qu'il se passait.
" Channie ? T'es là ?"
S'il avait pu faire à vœux cet instant, Changbin aurait voulu arrêter le temps. Disparaître. Exploser la Terre entière. Tout était préférable à ces secondes qui devenaient des heures et qui s'ouvraient sur une vision qu'il n'oublierait jamais.
Poussant la porte, Felix passa son visage par l'entrebâillement et regardant tout autour de lui à la recherche de son ami il glissa enfin sur le sol et le vit. Lui. Et Bang Chan. Les deux garçons encore à moitié nus. Et même s'il faisait nuit, si Changbin pouvait si bien distinguer les pupilles de Felix, s'écartant dans une expression d'horreur, c'est que Felix le voyait avec autant de clarté qu'à la lumière du jour.
Le silence aussi mortel qu'un cri strident avant un accident était en train de tout ravager sur son passage. Felix restait figé et Changbin dans l'effroi continuait ses prières, espérant qu'un astéroïde les percute soudainement ou qu'il se réveille de ce cauchemar car ce ne pouvait être qu'un cauchemar, le pire de toute son existence. Ce ne fut que lorsque Bang Chan se redressa sur ses jambes que Felix donna le premier signe de vie, il s'écarta soudainement, lâchant le tournevis qu'il tenait dans ses mains et qui avait sans doute permis d'ouvrir la porte. Le bruit de l'outil sur le sol finit de faire sursaute le roux qui passait du blond au noiraud et qui d'un seul coup détalla sans un mot.
" Felix !" Cria Changbin en se relevant rapidement.
Il voulut le suivre mais Bang Chan le retint par la main, violemment le noiraud se détacha, furieux, paniqué. Une fumée semblait sortir de ses narines alors qu'il planta ses yeux dans ceux du blond qui en eut un mouvement de recul.
Changbin récupéra ses vêtements et tout en les enfilant d'une manière brouillonne, il fit éclater la bulle.
C'était terminé.
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Ce qui devait arriver arriva !
Et comme je vais me trouver en plein examen et que je suis trooooop gentille
Je vous mets la suite dans la journée :D
Prochain chapitre : retour au présent
D.
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