Retour au présent,

(rappel : Changbin et Bang Chan sont allés boire un verre, ça a dérapé vers des insultes et des reproches).

Changbin avait manqué un jour de travail, c'était la première fois depuis qu'il était entré dans la vie active mais il était dans un état déplorable en se levant après sa soirée avec Bang Chan.

Il avait ruminé ses souvenirs jusqu'à s'en rendre malade. Il n'avait rien avalé, il n'avait répondu à aucun message en dehors du premier pour avertir la compagnie et Minho.

Ses souvenirs étaient si clairs, si meurtrier que le fait même de revoir le visage de Christopher au quotidien le faisait revenir toujours des années en arrière et continuait de distiller cette douleur, cette culpabilité qui se transformait ensuite en colère noir contre l'australien. C'était son seul moyen de continuer, de ne pas lui-même se foutre en l'air alors qu'il se sentait plus responsable que jamais pour avoir gâcher la vie de son rayon de soleil.

Après les avoir découvert en le vieux vestiaire, Felix était porté disparu pendant des jours entiers. Il avait fui la ville, sa famille, ses amis, il ne donnait plus signe de vie à qui que ce soit et il ne fut retrouver que parce qu'il avait manqué de faire une overdose. Ses parents l'avaient récupéré mais le soulagement fut de courte durée, peu de jours après s'être remis de sa fugue dont il ne conservait aucune souvenirs, Felix avait commencé à se faire du mal. Il ne voulait voir personne, ne voulait parler à personne. Il délirait parfois totalement, crachant ses médicaments au visage de ses parents et parlant seul dans sa chambre. Changbin avait essayé, quitte à subir ses coups mais chaque fois que le rouquin le voyait, il devenait encore plus instable. Lui crachant sa haine, contre lui contre Chan, qui l'avait piégé pour qu'il puisse les voir. Cette révélation avait terminé Changbin d'avoir toutes les excuses du monde ne plus adresser la parole au blond.

Les parents avaient pris la douloureuse décision de rentrer en Australie où il allait interner leur fils dans une institution spécialisée. La nouvelle avait été un vrai coup de massue pour Changbin.

Comme Felix, il devenait taciturne, mangeait peu, dormait peu, parfois il pleurait pour un rien et n'allait pas en cours. Il avait évité Bang Chan à chaque fois et son année tournait à l'échec scolaire. Il avait alors pris la décision qu'il rejoindrait Felix en Australie à la fin du lycée, il ferait ce qu'il faut pour se racheter dans le cœur du plus jeune parce qu'il l'aimait beaucoup trop pour être séparé de lui. Il avait donc pris sur lui pour ne plus tenter de le voir et quand il quitta le pays, il avait simplement envoyé un message au roux, comme il le faisait tous les jours même s'il ne lui répondait pas. Il voulait juste qu'il sache qu'il ne l'abandonnait pas et qu'il ferait tout pour se faire pardonner. Changbin s'était enfermé chez lui, avait travaillé comme un acharné pour réussir à obtenir son année et pouvoir être accepté à la faculté de Sydney en section art et musique. Felix était un passionné de danse, s'il quittait l'institution à temps, il finirait tôt ou tard par le retrouver à l'université et c'était son rêve le plus cher. Son seul objectif.

" Bonjour Monsieur Lee. Je vous appelle pour prendre des nouvelles. Je voulais aussi vous dire que j'avais réussi mes examens. Je passe le concours d'entrée dans un mois et je serai donc à Sydney. Si Felix veut me voir et s'il est déjà rentré...J'aimerai vraiment pouvoir discuter avec lui.

- Mon garçon, souffla le père de Felix au téléphone. Ce n'est pas la peine de faire tout ça...

- Je dois le faire Monsieur. J'ai besoin de lui.

- Changbin, je suis désolé...

La voix du quinquagénaire était étrangement basse, presque tremblante et Changbin comprit qu'il y avait quelque chose qu'il ne lui disait pas.

- Tout va bien Monsieur Lee ? S'inquiéta Changbin.

- Mon garçon, Felix...Mon petit garçon...Il a craqué.

- Qu'est-ce que vous voulez dire ?

Changbin n'arrivait plus à respirer alors qu'il pensait entendre un début de sanglot étouffé.

- Il est mort Changbin. Felix est mort.

- Qu-non...C'est impossible.

- Je suis désolé. Je n'arrivais pas à te le dire...Je n'arrive même pas m'en rendre compte moi-même..."

Le père renifla, expirant bruyamment alors qu'il essayait surement de continuer de rester fort mais Changbin était tétanisé, le combiné sur l'oreille.

" Il t'a laissé un mot. Je vais te le faire partir par la poste. Je suis désolé Changbin."

Changbin n'avait pas réussi à dire un mot alors que le père semblait attendre et quand il raccrocha, les tonalités continuaient dans le vide, marquant les battements du cœur éteint de Changbin. Un acouphène s'insinuait dans son esprit et quand il comprit qu'il ne respirait même plus, il sentit ses jambes le lâcher alors que sa poitrine brûlait de l'intérieur. La bouche entrouverte puis le barrage éclata. Il hurla si fort que sa mère accouru aussi vite qu'elle put, lorsqu'elle vit son fils sur le sol, pleurant de toute ses forces, criant de douleur à lui en déchirer le cœur elle comprit qu'une terrible chose était arrivée et sans que son petit garçon n'eût besoin de lui dire, elle savait.

Il n'y avait pas d'autre raison. Rien. Felix était mort. Seul. Blessé par la personne qu'il aimait le plus et pour ne pas mourir de culpabilité, il l'avait reporté sur Christopher Bang. Cette colère, elle aurait pu s'atténuer avec le temps mais quand il remarqua que Bang Chan avait repris goût à la vie après quelques semaines en entrant à l'université, il se sentait bouillir littéralement de rage contre lui. Son rayon de soleil était mort et lui souriait au milieu des étudiants.

Sa haine l'avait maintenu lui-même, il devait au moins ça au blond mais s'il avait lui aussi tenter de continuer son existence, en essayant de se pardonner, il ne pouvait pas le faire pour l'australien.

Minho avait été là pour lui dans ses pires moments et l'avait laissé nourrir sa colère voyait qu'elle le maintenait à flot mais plus le temps passait, plus Minho essayait de lui faire comprendre que c'était une erreur. Les années étaient passées, il fallait maintenant tourner la page car ce n'était ni sain, ni honnête envers lui-même. Bang Chan ne méritait pas ça, il avait le droit de vouloir continuer à vivre. Il avait le droit d'arrêter de se flageller pour quelque chose dont il ne pouvait rien. Et le fait que lui-même n'arrivait pas à passer outre après huit ans était franchement inquiétant.

Minho commençait sérieusement à croire que Changbin avait besoin d'aide et si au départ il pensait qu'il suffisait que les deux garçons discutent pour pouvoir tout lâcher une bonne foi, il était entrain de se dire que le choc était plus brutal que prévu. Changbin n'avait jamais parlé à un professionnel de ce qui c'était passé, se contentant de ses amis et de la musique mais ce n'était peut-être pas la bonne solution.

Perdu dans ses pensées, Minho n'entendit pas arriver à sa hauteur Bang Chan, il le salua mais le danseur avait le regard dans le vide, ne cessant de touiller son café sur la table haute. Bang Chan appuya sur la machine et il s'approcha enfin, le temps que la boisson chaude soit préparée.

" Minho ? Tu m'entends ?

- Hein ? Ah. Salut Chan.

- Tu as mal dormi ? Tu as l'air fatigué.

Minho allait répondre mais Bang Chan bâilla, faisant sourire le châtain. Le blond récupéra sa boisson et passa une main dan ses cheveux avant de revenir vers le danseur.

- C'est à moi que tu dis ça ? Sourit Minho.

- Ouais...J'ai pas beaucoup dormi effectivement."

Bang Chan avait un air grave. Il était facile de deviner ce qui le tracassait, s'il faisait tout pour ne pas inquiéter Changbin, il avait renoué avec Chan il y a déjà plusieurs années. Minho et lui se connaissaient aussi du lycée mais quand Minho avait intégré son école, il se voyait moins, et la mort de Felix ayant plongé son ami dans une dépression sans précédent, il avait fait comprendre à l'australien que pour son bien, il devait prendre ses distances.

Minho n'avait jamais vraiment perdu le contact avec lui mais ils restaient discrets, pour ne pas perturber leur cadet.

" Ca s'est si mal passé ? Demande Minho en buvant son café.

- C'était prévisible. Même si je ne pensais pas que c'était toujours pour cette histoire...

- Vraiment ? S'étonna Minho. Qu'est-ce que ça pouvait être d'autre ? Répondit Minho un brin cynique.

- J'en sais rien. J'espérais juste...Je sais pas ce que j'espérais. Souffle Bang Chan. Je croyais qu'il avait compris, qu'on était pas responsable, ni lui ni moi. Felix était malade...Il a craqué à cause de sa maladie et pour rien d'autre. Si je commence à me reprocher sa mort, jusqu'où ça va m'entrainer ? Je veux pas replonger là-dedans et si Changbin est pas capable de voir la vérité, de laisser Felix partir alors il a raison. On a plus rien à se dire.

- Si c'était si simple, ça ferait longtemps que t'aurais lâché l'affaire."

Minho pencha la tête sur le côté arrachant un soupire à fendre l'âme au blond. Le danseur avait raison, si Bang Chan restait si souvent dans les parages, à toujours tenter d'attirer l'attention du noiraud c'était tout simplement parce qu'il voulait retrouver son ami. Son amant. Le garçon qu'il n'avait jamais pu oublier même après toutes ces années.

Bien sûr qu'il voulait oublier le mauvais et ne garder que le bon ! Bien sûr qu'il faisait toujours comme si rien n'était arrivé, comment pourrait-il faire autrement ? S'il ne le faisait pas, comment pourrait-il se regarder dans une glace ? Comment pourrait-il avancer ?

Il n'avait rien fait. Il n'avait pas poussé Felix par la fenêtre. Forcer à avaler sa boîte de comprimé. Il ne l'avait pas tué. Il était juste tombé amoureux et même s'il avait tout fait pour ne pas succomber, c'était plus fort que lui. Et aujourd'hui il aimerait pouvoir arrêter de s'en vouloir pour ça.

" Continue à le pousser dans ses retranchements. Ça sera douloureux, peut-être qu'il te frappera mais ça lui fera du bien. Il doit laisser partir Felix et il doit se pardonner.

- Je sais pas Minho...Je commence à me dire que ça n'arrivera jamais.

Bang Chan semblait si défaitiste, ce n'était pas son genre, lui que rien ne pouvait ébranler. Même pas huit ans de disputes.

- Ca te ressemble pas ça. Le Bang Chan que je connais est borné et quand il veut quelque chose, il l'obtient.

- C'est pas une chose que je veux, c'est Changbin.

Minho avait envie de rire. Changbin ne se rendait même pas compte à quel point le blond crevait d'amour pour lui. S'il le laissait faire, il serait surement l'être le plus chéri sur cette planète.

- Alors bats toi pour ça."

Le châtain jeta son gobelet avant de laisser l'australien après un petit signe de la main. Bang Chan savait qu'il avait raison mais Changbin lui donnait vraiment du fil à retordre. Il ne savait plus comment s'y prendre pour lui faire comprendre mais peut-être que Minho avait raison, il fallait le pousser un peu comme il l'avait fait il y a des années.

***

En revenant travailler, Changbin avait essayé d'oublier sa soirée désastreuse mais aussi tous les mauvais souvenirs qui étaient revenus le hanter. Il devait revoir Seungmin pour les paroles des chansons qu'il lui avait donné quelques jours avant, le brun était plutôt fier de lui présenter même si un peu appréhensif, surtout que Changbin semblait de mauvaise humeur. Il essayait de ne pas le montrer mais le chanteur était plutôt bon pour repérer ce genre de chose et quand il passa la première piste en s'essayant au chant avec les paroles fraîchement écrites, il fit plusieurs erreurs.

" C'est rien, lui avait dit Changbin. Ca ne change rien à tes paroles qui sont très bien. Pour une première c'est pas mal du tout Seungmin, le complimentait le noiraud tout à fait sincère.

- Merci beaucoup Hyung ! Je suis content que ça te plaise.

- Et la balade ? Tu l'as terminé aussi ?

- Oui, je te montre ?

- Je t'en prie."

Changbin prit la feuille pour faire une première lecture. La chanson était triste, il ne s'attendait pas à une chanson triste, étrangement il aurait imaginé une chanson d'amour de la part du brun mais cela n'enlevait rien à la qualité. Au contraire. La chanson lui parlait énormément et alors qu'ils continuaient de relire certaines lignes il sentit une petite pointe lui presser la poitrine.

" C'est mauvais ? S'inquiéta Seungmin le voyant si silencieux.

- Non. C'est bon. Même très bon, sourit doucement Changbin."

Son sourire semblait triste, Seungmin se sentit touché, se demandant si c'était sa chanson qui avait à ce point affecté le noiraud ou le thème.

" Vas-y, je lance la bande. Tu es prêt ?

- Oui." Confirma Seungmin en reprenant sa feuille.

Le chanteur passa rapidement sa langue sur ses lèvres puis concentré laissa les premières notes de guitares sèches jouées. Lorsqu'il fit ronronner sa voix sur la première ligne Changbin sentit un nouveau sa poitrine se comprimer. La voix du chanteur, les expressions de son visage se mêlaient parfaitement aux notes de la chanson et lui semblait vivre toute son histoire au travers de ses paroles. C'était très émouvant, Changbin eut du mal à revenir quand il entendit la piste s'arrêter et Seungmin ouvrir les yeux sur le dernier mot.

" Parfait, souffla enfin le compositeur. C'était magnifique.

- Merci Hyung !

- Elle va faire un carton. Tu es impressionnant.

- C'est grâce à toi ! Sourit davantage le brun qui sentait ses joues s'empourprer de gratitude.

- Non. C'est grâce à toi, n'en doute jamais."

Changbin avait toujours le mot pour galvaniser la confiance des idoles en leurs capacités. Si le Directeur pouvait avoir des mots durs et paraître froid, le garçon au regard perçant dégageait une vraie chaleur pour les artistes. Pas étonnant que tous les stagiaires et presque autant d'artiste de la compagnie s'extasiaient devant le compositeur. Son aura était intimidante accentuée par sa carrure et un style sombre. Mais lorsqu'on s'approchait assez on se sentait protéger et couver par son sourire, son expérience. Rajouter à ça un corps attrayant et une force rugissante dans le regard, même Seungmin ne pouvait s'empêcher de se sentir un peu faiblir devant son aîné.

" Je te donne des pistes supplémentaires. Tu les écoutes et ensuite tu me dis celles que tu préfères pour compléter ton album. On enregistrerait les deux que tu viens d'écrire la semaine prochaine."

Seungmin confirma interrompant soudainement son matage en règle. Il se sentait embarrassé. Ce n'était pas dans son habitude mais le noiraud lui avait donné chaud, surtout moulé dans sa chemise blanche dont les boutons sur son buste semblaient prêt à éclater. C'était rare de le voir en chemise et il ne pouvait s'empêcher d'apprécier la vue.

" Je vais y aller, rougissait à nouveau Seungmin. Je te remercie Hyung.

- C'est moi qui te remercie."

Le chanteur s'éclipsa rapidement mais cela n'interpella nullement Changbin qui avait toujours été aveugle à ce genre de réaction. Il repassa un peu en revu son agenda et les pistes sur lesquelles il travaillait, repensant un instant à la chanson de Seungmin. Il avait beaucoup de talent, c'était indéniable et il ne doute pas qu'il aurait très rapidement la notoriété suffisante pour devenir un artiste reconnu. C'était toujours très gratifiant de participer à la réussite de quelqu'un, c'est ce qu'il aimait le plus dans son métier.

Plongé dans son travail, il essaya d'occuper son esprit le plus longtemps possible, s'autorisant à peine à récupérer une bouteille d'eau et faire monter un plateau repas dans son studio. Il n'arrêta que lorsque ses yeux commençaient à brûler sous la fatigue des écrans, il soupira un long moment en s'étirant avant de constater qu'il était déjà vingt heures. Il sortit de son studio en baillant, croisant encore pas mal de monde et notamment des stagiaires qui s'entrainaient dans les salles de danses.

Il pourrait aller faire un peu de sport avant de rentrer mais il n'en avait pas envie aujourd'hui alors qu'il commença à se diriger vers les ascenseurs, il vit la porte d'une salle de réunion s'ouvrir et reconnu le rire de Bang Chan ainsi que la voix du Directeur.

" Oh ! Changbin !" L'interpella le Directeur.

Changbin releva son regard de son téléphone et salua le Directeur qui vint à sa rencontre. Il lui donna une tape amicale sur l'épaule. Derrière lui Bang Chan le regardait un peu surpris, remontant le col de sa veste.

" Ca faisait longtemps ! Comment vas-tu ?

- Je vais bien, je vous remercie.

- Tu es sûr ? J'ai appris que tu n'étais pas très bien hier.

- C'est rien. Un petit coup de froid, rien de grave. Menti le noiraud.

- Il faut que tu prennes soin de toi. C'est important. On se revoit bientôt de toute façon. Bang Chan je te fais confiance pour la suite", salua le Directeur en entrant dans l'ascenseur.

Changbin laissa par politesse l'ascenseur au Directeur et s'inclina en même temps que le blond. Une fois les portes fermées, Changbin appuya à nouveau pour rappeler l'ascenseur sentant que Bang Chan attendait aussi. Le compositeur resta immobile regardant droit devant lui et priant secrètement pour le blond ne dise rien.

Ou peut-être était-ce l'inverse.

" Ca va mieux ? Demanda l'australien.

- Hum. Ca va.

- Tant mieux."

A nouveau le silence tendu mais étrangement il ne sentait aucune animosité, aucune haine contenue venir s'immiscer entre eux. Changbin se sentait juste agité, voulant mettre le plus de distance possible entre eux car il avait la sensation d'avoir laissé entrevoir une faille. Il peinait à empêcher la proximité du blond le troubler autrement qu'en faisant bouillir le sang dans ses veines. Il était vulnérable et il en venait même à désirer que l'australien rompe ce silence qui l'étouffait à mesure que le temps passait.

Lorsque l'ascenseur s'ouvrit à nouveau, Changbin ne put retenir un soupire soulagement, il s'avança et Bang Chan à sa suite vint se poser contre la paroi métallique. Les portes se refermèrent et l'ascenseur entama sa descente. Chaque numéro semblable à des heures crispait la mâchoire du compositeur. Combien de temps encore avant qu'il ne puisse s'échapper ?

A peine les portes glissèrent que Changbin avança pour se faufiler et se diriger vers la sortie avec hâte, n'essayant même pas de savoir si Bang Chan l'avait suivi. Au fond il ne voulait pas savoir, s'est à peine s'il pouvait garder les yeux ouverts et faire taire les battements frénétiques de son cœur qui frappaient en rythme avec ses pas. En atteignant l'extérieur, il se sentait un peu essoufflé. Entre le stress et sa course, il en avait même les mains moites.

Il s'engouffra dans les rues de Séoul, écouteurs dans les oreilles s'isolant définitivement pour retrouver au plus vite la quiétude de son appartement.

Enfin chez lui, il resta une seconde, dos collé à la porte essayant de faire disparaître les restes de sa nervosité. Après une grande inspiration, il passa la bandoulière de son sac par-dessus sa tête et alla prendre une bière pour calmer le bourdonnement dans ses oreilles. Plongé dans ses pensées, il sursauta presque en entendant la sonnette de son appartement.

Surpris, il regarda sa montre et posa sa canette tout en se dirigeant vers l'entrée. Lorsqu'il ouvrit la porte il resta interloqué devant la stature de Bang Chan, toujours dans son costume noir qui regardait de l'autre côté du couloir puis presque au ralenti, il plongea son regard dans le sien. Sans sourire. Sans aucune expression particulière. Il l'avait donc suivi.

" Qu'est-ce que tu fais ici ? Demanda Changbin.

Toujours pas de colère, toujours de la surprise mêlée d'adrénaline qui reprenait son ascension.

- J'en sais rien", souffla Bang Chan.

Il lui semblait effectivement revenir à lui, comme s'il s'était laissé guider par ses pas sans s'en rendre compte jusque-là. Bang Chan vint passer sa main sur sa bouche, perdu. Changbin déglutit et s'écarta d'un pas de la porte, lui faisant comprendre qu'il pouvait rentrer. Il préférait ne pas trop réfléchir à son geste, se laissant porter par l'instant.

Bang Chan balaya de la même façon ses interrogations et il s'avança dans l'appartement qu'il voyait pour la première fois. Il était à l'image du noiraud, simple, élégant mais assez chaleureux pour que le blond s'y sente immédiatement à l'aise. Changbin l'incita à continuer jusqu'au salon et lui proposa une bière tandis qu'il récupérait celle qu'il avait posé sur le bar.

" Je n'avais pas oublié tu sais", lui dit Bang Chan.

Changbin savait de quoi il parlait, il n'en répondait rien se contentant de lui tendre la canette qu'il venait d'ouvrir.

" J'ai jamais oublié...Rien. Continuait le blond. Ni les bons ni les mauvais moments. Je sais qu'à l'époque tu avais besoin d'un coupable pour ce qui était arrivé et j'ai tout fait pour te laisser du temps, quitte à porter le chapeau mais je te jure, sur ma vie...Sur tout ce que j'ai de plus cher, que je n'ai jamais souhaité ce qu'il s'est passé...J'aimais Felix moi aussi. Il était important pour moi et même si tu en doute, j'aurai tout fait pour le protéger.

- Il m'a dit que tu lui avais dit de le rejoindre dans le vestiaire. Pourquoi est-ce qu'il m'aurait menti ?

Bang Chan se mordit la langue. Il avait la réponse mais il ne savait s'il devait lui dire et ternir l'image de l'ange qui gardait le cœur du Changbin prisonnier. Le croirait il ?

- Comment as-tu été amené à venir dans ce vestiaire Changbin ?

Le noiraud se tenait debout devant lui, appuyé contre le pilier qui séparait le salon de la cuisine.

- Tu m'avais posé un mot. Fronça les sourcils le noiraud tout en buvant une gorgée de sa bière.

- Tu es sûr que c'était moi ?" Demanda maintenant Bang Chan

Changbin avait peur de comprendre où il voulait en venir, il se redressa et s'approcha d'un pas du blond qui restait débout, une main dans les poches et l'autre tenant sa canette qu'il faisait craquer par la pression nerveuse de ses doigts.

" J'ai moi aussi eu un mot Bin. Il était posé dans mon casier et il était à ton nom. Mais j'ai assez vite compris que ce n'était pas toi parce que tu ne m'appelais jamais Chan...Tu m'as toujours appelé Chris."

Changbin restait calme. Il se souvenait du mot, de nom signé qui l'avait frappé de la même façon. "Chan", il s'était dit la même chose mais le temps avait passé et malheureusement il n'avait pas assez confiance, il ne se souvenait même pas l'avoir un jour accordé à l'australien et ce dernier semblait le savoir. Il se mordit les lèvres, encore plus blessé qu'il ne l'aurait cru et avala une nouvelle gorgée avant déposer la canette sur le comptoir, prêt à quitter l'appartement. Instinctivement Changbin se redressa aussi comme s'il allait l'en empêcher.

" Tu ne me crois pas. Je le vois dans tes yeux, lui dit Bang Chan. Mais ce mot, tu sais comme moi que c'était Felix qui l'avait écrit. Tu étais ami avec lui depuis si longtemps, je suis sûr que tu as reconnu l'écriture. Je suis sûr que tu savais mais tu es quand même venu parce que tu te doutais que je serai là aussi."

Bang Chan avait un ton sec, ferme presque accusateur, il se sentait blessé et ça transparaissait dans ses gestes, dans la façon qu'il avait de relever la tête. Changbin pourtant restait muet et peut-être que ça n'aidait pas à le calmer car Bang Chan soupira une nouvelle fois et continua du même ton.

" La porte a lâché mais tu sais, j'ai passé des heures dans ce vestiaire et même si la poignée nous restait dans les mains parfois, il y avait toujours la visse qui tombait aussi puisqu'elle était rouillée et qu'elle ne tenait plus. Ce jour-là, quand tu as tiré sur la poignée, il n'y avait pas de visse. Elle avait été retirée délibérément.

Tu as raison Bin, on a bien été piégé mais ce n'était pas moi. C'était Felix. Et je vois à tes yeux que tu n'es pas surpris."

Changbin semblait de glace mais son cœur battait à tout rompre et ses mains tremblaient doucement alors qu'il se rappelait ce mot, cette poignée, des mots de Felix quand il était reparti vers le lycée, de son petit sourire fier de lui.

Bang Chan recula, sentant qu'il l'avait ébranlé et que ça n'allait pas forcément en faire ressortir une réaction joyeuse. Il se mordait encore les lèvres, se sentant honteux d'accuser ainsi son défunt rouquin au rire solaire et aux belles tâches de rousseurs qui parsemaient ses joues. Il disait vrai mais ça ne le rendait pas fier pour autant. Il aurait aimé ne pas avoir besoin d'en arriver là mais il était fatigué, frustré et il en avait assez d'être toujours le méchant de l'histoire.

" Ca ne change rien, lui dit alors Changbin. Tu as oublié.

- Je t'assure que non, je te l'ai dit...

- Tu m'as oublié.

Bang Chan manqua de s'étouffer devant l'air sérieux du noiraud.

- C'est une plaisanterie ? Dit-il sentant sa propre colère gronder.

- Quand il est mort, je suis venu te voir. Lui avoua Changbin. Ta mère m'avait dit que tu étais au Bercail, tu fêtais l'obtention de ton année et quand je suis arrivé, que je ne te trouvais toujours pas, j'ai commencé à croire que tu fuyais aussi la réalité...Je savais même pas si tu étais au courant, si tu l'avais su avant moi et j'ai même commencé à paniquer à l'idée que j'allais peut-être te l'apprendre. Et puis je t'ai vu..."

Changbin avait à nouveau le visage fermé et releva son regard vers l'australien qui ne comprenait pas.

" Tu sautais Sana dans ta voiture. Tu t'étais garé pas loin du bar mais dans une ruelle assez sombre. T'essayais surement d'être discret." Sourit presque sarcastique Changbin.

Bang Chan semblait ne pas le croire mais il réfléchissait et puis les faits qu'il décrivait lui revenaient à l'esprit, Changbin remarqua enfin cette lueur, celle qui lui confirma qu'il disait vrai et que l'australien se souvenait brusquement de cette soirée.

" Attends, attends, tu étais au Bercail et tu m'as rien dit ? Tu m'en as voulu tout ce temps parce que je me suis tapé Sana dans ma voiture ?

Changbin soupira. Il se sentait à nouveau frémir d'une colère froide.

- Laisse tomber. Va-t-en Chris, laisse-moi tranquille.

- Non ! Bang Chan le tira par le bras et l'attira à lui. Tu m'en veux parce que j'ai essayé de passer à autre chose ? Parce que je me suis consolé comme je pouvais avec qui je pouvais ?

Changbin fronça les sourcils retirant son bras de sa poigne et le poussant à son tour contre le mur.

- Je t'en veux parce que tu m'as fait tomber amoureux de toi ! Parce qu'à cause de toi j'ai perdu mon frère, mon meilleur ami ! Parce qu'il t'aimait et qu'il m'a vu dans tes bras ! A cause de ça il a complètement déraillé, il s'est foutu en l'air et j'ai même pas pu m'excuser ! J'ai même pas pu lui dire à quel point j'étais désolé ! A quel point je m'en voulais mais aussi à quel point je t'aimais et que je pouvais rien y faire !

Je t'en veux parce que quand j'ai perdu la personne la personne la plus importante au monde pour moi, tu étais dans les bras d'une femme, que tu faisais la fête alors que je souffrais à en crever ! Tu m'avais oublié, comme tu l'avais oublié lui ! Et tu peux te mentir et te dire que ce n'est pas vrai mais tu sais comme moi que j'ai raison ! Tu as tout fait pour en tout cas ! Alors arrête de me faire passer pour un fou ! Arrête de me dire j'ai imaginé la source de ma colère ! Je te hais ! Je te hais ! T'as tout gâché ! "

Changbin avait le cœur qui cognait contre sa poitrine, les narines dilatées par la colère et ses respirations fortes soulevaient son torse dans un mouvement régulier. Il avait serré si fortement les bras de Bang Chan que lorsqu'il le relâcha, ce dernier laissa transparaître un rictus de douleur.

" Tu as raison, lui dit alors l'australien en baissant la tête, appuyant sur la douleur de son bras comme s'il avait pris un coup. Tu as raison...J'ai tout fait pour oublier. Sans jamais réussir...Je voulais pas voir la haine dans tes yeux, je voulais pas entendre tes mots blessants parce que moi aussi j'avais perdu un ami et l'homme que j'aimais en prime. J'ai toujours montré que ta colère ne m'atteignait pas, que je pouvais me relever à chaque fois mais crois moi, ça m'atteint...C'est comme un millier de poignard qui se plantent dans ma chair à chaque fois que je vois ta colère, à chaque fois que je sens tes accusations...Parfois même...J'aurai préféré que ça soit moi au lieu de lui...Si j'étais mort, alors peut-être que tu aurais pleuré pour moi...Et peut-être que tu aurais pu être plus heureux."

Changbin se sentait mal. Il n'y avait que de la souffrance entre eux, que de la colère et il se sentait brusquement coupable autant qu'il lui en voulait. Il sentait toute sa fureur précédente redescendre car elle n'avait pas de réelle cible. Elle n'était que la conséquence d'un évènement tragique sans coupable et son esprit avait juste tenté, désespérément, de se protéger.

Minho avait raison. Huit ans s'étaient écoulé. Et ce qu'il en avait fait n'était pas beau à voir.

Il aurait aimé que Bang Chan soit l'homme cruel qu'il s'évertuait à décrire à chaque fois, il aurait aimé qu'il soit aussi pourri qu'il essayait de s'en convaincre. Si seulement il était le mal incarné, il n'aurait pas besoin de se sentir aussi mal.

" Je suis désolé ", termina Bang Chan.

Le blond pouvait presque entendre le déchirement de son cœur.

L'australien semblait hésitant puis il s'orienta vers la sortit et au moment de se saisir la poignée, il sentit la main de Changbin lui tirer la manche. Il se retourna et en voyant ses iris noires, brillantes, comme dans ses souvenirs, il se sentit projeté des années auparavant. La même appréhension, la même détermination à ne pas vouloir qu'il s'éloigne de lui.

" Je n'ai jamais souhaité, que ça soit toi au lieu de lui." Lui dit le noiraud sentant sa gorge se serrer.

Les yeux de Bang Chan s'inondaient peu à peu d'une émotion qu'il n'arrivait pas à contenir. Il ne trouva aucun mot, aucune réponse mais ses billes sombres qui le regardaient avec sincérité, inquiet à l'idée qu'il ne le croit pas, terminaient de l'achever. Bang Chan l'attira brusquement à lui et l'emprisonnant dans une étreinte désespérée. Il était moins frêle que dans leur jeunesse et pourtant il pouvait encore sentir une fragilité dans sa pression autour de ses épaules et lorsqu'il sentit les mains de Changbin venir s'accrocher à ses épaules et son visage se cacher dans son cou, il put enfin respirer. 

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😥

Et oui...C'est comme ça que ça se finit avec Lixie...

On peut donc mieux comprendre le trauma de Changbin...

Mais ça ne veut pas dire que je vais les laisser comme ça, car au fond, peut-être qu'il n'y a que Chan qui pourra l'aider à surmonter sa peine ? 

Je viens d'écrire un chapitre entier sur Hyunjin de mon côté, j'en ai presque rêvé et du coup j'avais besoin de le mettre vite par écrit 😁

Je suis sûr qu'il va vous ravir ! (mais ça n'arrivera pas avant le chapitre 15 donc un peu de patience...)

A bientôt les poulettes !

D.