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Chapitre III. Deux vagabonds roulants ~ section 3/6

Chacun laissa une pièce au chanteur. Si quelques-uns reprirent leur route, d'autres restèrent au spectacle. Ayant ramassé sa recette, il joua encore six mélodies, sous le regard bienveillant du larron infirme. Celui-ci s'autorisait à ne pas poursuivre ce jour-là son parcours de mendiant et de chapardeur dans la ville : la bourse qu'il était parvenu à dérober lui assurait deux semaines de nourriture. Il se permit donc d'écouter paisiblement le musicien.

En début d'après-midi, l'artiste cessa son activité, se mêla au public et plaisanta avec les spectateurs. Il avait fidélisé des dizaines d'auditeurs devenus des amis. Ainsi chaque numéro se voyait-il suivi d'un moment où Lénius venait bavarder, prendre des nouvelles des uns et des autres, rire en leur compagnie. Le voleur demeurait à l'écart de cet échantillon du vaste réseau de son acolyte, préférant ne pas déranger leur animation. Silencieux, il attendait que tous eussent terminé. Enfin, la gargouille rejoignit le garçon qui l'accueillit d'un regard luisant, accompagné du beau sourire que l'homme lui enviait. Son bras passa autour des pâles épaules tombantes.


– Tristan ! Heureux de te voir ! Si j'en crois ta présence ici ainsi que ta mine tranquille, tes affaires marchent bien, non ? s'enquit-t-il avec un clin d'œil.

– Oh oui ! En c'moment j'me débrouille, répondit une douce voix traînante.

– Viens, si tu es d'accord, partons nous donner des nouvelles dans un lieu plus calme ! Et puis, nous pourrions en profiter pour manger, j'ai faim !


Son ami acquiesça. Ils roulèrent côte à côte au sein des allées fourmillantes. Tristan ployait la tête face aux regards horrifiés, décontenancés ou méprisants qui fixaient leurs chariotes et la morphologie de Lénius. Ce dernier s'en moquait. Autour d'eux défilaient droguistes, écrivains publics, arracheurs de dents, bibelotiers et cireurs de souliers tenant boutique à l'extérieur, n'hésitant pas à user de la voix afin d'attirer le client. Sur les quais, des imageurs peignaient des portraits, des bouquets, ou mille autres motifs à vendre aux bourgeois.

Notant que son compagnon ralentissait son véhicule afin d'admirer les magiciens des formes et des teintes, Lénius avança moins prestement pour lui accorder le temps d'apprécier les images. Il le vit se laisser porter par l'émotion que dégageaient les gracieuses courbes d'un visage, ou la beauté d'un paysage suggéré avec de simples touches colorées. Lorsque le garçon ne pouvait croiser ces œuvres ni s'y attarder, sa sensibilité accueillait les nuances environnantes. Celles des vêtements, des fruits, des regards, mais sa préférence allait à celles des cieux, profondes, si belles et changeantes.

À présent qu'il s'était sorti des étroites venelles où l'obscurité l'avalait tandis qu'il chapardait, Tristan buvait la lumière du jour et des toiles dans ses grands yeux effilés. Pourtant cernées des légères ombres de la fatigue, ses iris peintes aux couleurs d'un radieux jour d'automne dansaient sur les tableaux sortis d'une main humaine ou divine. Lénius était touché par cette contemplation : son ami recevait les émotions en son jeune cœur de quinze ans, dans l'absolue discrétion où il se voilait.

Le laissant à sa rêverie, l'homme aux bésicles se dissipa et promena partout ses yeux captivés, réjouis par cette ambiance effrénée où il se sentait léger. Tête haute, il sifflotait. Un sourire étira ses lèvres devant la joie de trois mômes sur sa droite, sautillant près de leurs parents qui achetaient des jouets à un colporteur. À gauche, il croisa un duo de marchandes ambulantes qui proposaient bouquets et pâtisseries.


– Ô fleurs parmi les fleurs ! interpella Lénius de sa voix sonore et chantante.


Elles eurent un petit rire flatté, puis gêné en recevant en pleine vue l'une des pattes arquées et la rangée de crocs de l'étrange animal qui les apostrophait. Les yeux d'abord fuyants des demoiselles choisirent néanmoins de lui rendre son regard taquin. Lénius nota alors qu'une des filles se mit à observer Tristan avec un air absorbé, cet air curieux posé sur quelque figure artistique presque irréelle et pourtant si charnelle. Il suivit l'attention de la vendeuse le long des courbes à l'étrange élégance qui jaillissaient des vieux habits du voleur, sur la pointe retroussée de son nez fin, dans ses cheveux châtains en désordre, au fond de ses iris. Et Tristan baissait le visage. Lénius soupira, se racla la gorge, fixa les marchandes. Sa voix sympathique s'éleva :


– Combien pour deux de ces beaux gâteaux ?

– Trois rilchs, Monsieur, annonça la plus grande d'un ton amusé mais où pointait un évident malaise, en se demandant si la gargouille les courtisait, plaisantait ou ne voulait qu'accompagner sa commande de délicats compliment.

– Tenez, charmantes demoiselles.

– Merci à vous ! Et voici, prenez. Bonne journée !


Il fit un élégant baise-main à celle qui venait de lui servir les pâtisseries et de le saluer, avant de reprendre sa flânerie, suivi de Tristan. Celui-ci tint absolument à rembourser la friandise que le musicien lui offrait. Comme Lénius refusait, il acheta à son tour pour eux deux quelques fruits auprès d'un épicier.

Ils s'enfoncèrent dans une venelle qu'un décrotteur balayait et où seuls quelques citadins passaient. Les pupilles du voleur, installé à l'ombre d'un balcon pour déguster le repas, pétillaient encore, amusées par le numéro auprès des vendeuses. L'excentricité de son ami le surprenait toujours, bien qu'il commençait à le cerner. Sa verve le captivait. Mais Tristan refusait de s'avouer que sous chacun de ses enthousiasmes, au fond de ses mots admiratifs, de ses applaudissements, la jalousie pointait. Le troubadour le devina une nouvelle fois au coin de son sourire malicieux.


– Eh ben en v'là-t-y d'la prestance, M'sieur le séducteur ! souffla l'adolescent sur un ton gentiment taquin, après un échange de regards complices.

– Ha ! Séducteur... Affranchi plutôt ! Je ne me pourrais point permettre ces fantaisies si j'espérais réellement plaire, répliqua Lénius, espiègle. Ô liberté !


Pas une once d'amertume ne tachait ses propos. Cependant, Tristan décelait à chaque plaisanterie une ombre de mélancolie dans ses yeux, furtive, à peine visible au milieu d'une façade exubérante. Le garçon voulut changer de sujet, plus pour lui-même que pour son ami armé du radieux bouclier qu'il aurait bien volé aussi.


– Bravo pour ta dernière chanson, au fait.


La face rieuse du baladin, touché du compliment, s'assombrit quelque peu lorsqu'il surprit une contrariété venant plisser le nez et le front du jeune mendiant.


– Eh bien... Merci. Mais... Quelque chose te déplaît, je me trompe ?

– Non pas. J'aime c'que tu fais ! C'est-y seulement que... Tu... Tu te livres à un jeu dangereux lorsque tu parles du roi dans la rue.

– Avec mes singeries ? Tu es très gentil de t'inquiéter, réagit Lénius avec calme et bienveillance, espérant que du haut de ses sept années d'aînesse, il le rassurerait encore. Tranquillise-toi, il n'y a mal ! Elles distraient la gent.


Tristan tiqua, eut un soupir à peine perceptible. Une nouvelle fois, l'histrion attaquait Der Ragascorn, avec un acharnement sur cet ennemi qui lui semblait dépasser les bornes de la conventionnelle satire du pouvoir appelée par sa profession. Les autres bateleurs n'en faisaient pas autant. Sans compter toutes ces discussions où, silencieux à côté de Lénius, il l'entendait infliger à demi-mot des morsures au gouvernement monbrinien, aussi subtilement piquantes que les boissons autour desquelles il défaisait le monde. Là encore, cela allait au-delà de la gouaille : quelque chose se cassait alors dans sa voix colorée. Quelque chose que Tristan sentait bien, à présent qu'ils se fréquentaient presque tous les jours depuis trois mois. Trois mois. Leur amitié devenait sérieuse. Vouloir se comprendre sincèrement paraissait légitime. Impressionné par cet aîné et redoutant d'être aussi intrusif qu'offensant, le jeunot n'avait rien osé suggérer. Pourtant, cette fois était de trop : il ne pouvait détourner les yeux de sa crainte pour Lénius qui se risquait tant.


– T'as quand même remis ça, 'vec le souverain, là tout à l'heure, lâcha le garçon en un sourire crispé. Je... J't'ai jamais rien dit, mais... Tes saynètes, c'est drôle et salé, pour sûr. Innocent ? Nenni.

– J'essaie néanmoins de rester sur le fil du rasoir, dans le double registre. En équilibre, mon cher ! fit-il en écartant du mieux possible ses bras tordus.

– Mais ce matin, ça allait loin. Sois prudent.

– Il n'y a pas à s'en faire ! lança l'histrion désinvolte à son cadet soucieux. Ce n'est point comme si je mettais en circulation des pamphlets dans le Beau Monde. Je chante : aucune trace, et dans la rue, où j'ai la chance d'être aimé.

– D'accord mais bon, s'il te plaît dis-moi : pourquoi tu t'en prends à Der Ragascorn ? s'enquit Tristan. Oui, de façon indirecte. Pourtant, t'insistes.

– Tout le monde le vénère. À tort, je puis te l'assurer, se contenta de répondre Lénius, désormais avec une once de colère dans la voix.

– Ça veut dire quoi ? T'en parles comme s'y t'avait personnellement offensé. Pour sûr, y fait que guerroyer depuis dix ans, détailla le garçon qui cousait à ses paroles des tournures de son élégant modèle. J'sais pas quoi en penser, moi. Mais au moins, y tient l'pays avec brio, à ce qu'on dit. Tu sais quequ'chose ?

– Je ne sais rien, néanmoins je suppose, commença par marmonner le baladin d'une voix aussi pensive que mystérieuse, en tirant sur son bouc.


Il réfléchit, main au menton. Tristan réitérait son étonnement. Timide, il n'insistait pas, cependant il s'était déjà émerveillé de la culture de Lénius avant d'en demander l'origine. L'homme difforme jeta un furtif regard au loin comme pour échapper à la lumière des profonds yeux ambrés posés sur lui – petite lumière qu'il aimait tellement, pourtant. Il accrocha à sa face un sourire aussi désinvolte que ses gestes et compléta :


– Vois-tu, ma profession de troubadour m'a souvent attiré des invitations de seigneurs à intégrer leur ostel. Parfois juste une soirée, parfois quelques jours.

– D'où tous les voyages qu'tu m'as racontés ! réagit Tristan, enthousiaste.

– Oui. Officier en divers lieux du royaume et chanter dans les rues de beaucoup de cités, cela faisait parler de moi et pouvait m'intégrer parfois au cœur des domaines nobles en plus des coutumières auberges et tavernes.

– Passionnant ! Pas étonnant qu't'en saches long sur la culture d'aut' villes, tout ce que tu m'en as appris... Mais pas trop rude, de t'déplacer sans arrêt ?

– Oh, guère davantage que pour toi, répondit l'histrion en balayant l'air de la main. Et il n'est point rare qu'un bonne âme me propose de faire un bout de chemin en sa carriole, au mieux pour mes beaux yeux, au pire contre un rilch.


Le petit rire du garçon accueillit ces mots, avant qu'il ne reprenne avec sérieux :


– Donc... c'est dans certains d'ces domaines nobles que t'as entendu des choses sur le roi ? D'ces choses que nous autres, on peut pas savoir, hein ?


L'aîné acquiesça. La courbe de ses sourcils se durcit et assombrit son regard.


– Auprès des Grands, une oreille attentive et bien placée s'aguerrit à la critique. Un vrai art. Mais avec style et verbiage galant, s'il vous plaît !

– Ton oreille ? Ta langue aussi, souffla Tristan, en une légère tension.


Malgré les confidences de Lénius, une voix intérieure refusait au jeunot de les croire entièrement. Oh, peut-être se faisait-il des idées, trop soucieux. Les lèvres plissées de l'histrion dessinèrent un étrange rictus durant lequel les compères tentèrent de se percer de l'œil. Lénius, rivé à la légère et inaccessible effigie qu'il aimait voir danser, tournoyer, jouer de ses mains et courbes pour quelques pièces, mais qui en ce jour resserrait autour de lui ses cercles. Tristan, tendu face au ballet de son ami dans l'arène, armé de pointes en voltige contre un ennemi si présent, si pesant, et pourtant si distant. Le larron passa les doigts à son oreille, arrangea une mèche, lorsque les vibrations nées du clocher qui sonnait au loin happèrent son attention, mêlées au chant d'une procession. Lénius fit aussitôt un bond dans son fauteuil.


– Oh ! Diable, que le temps file ! Il faut que j'y retourne. Ce n'est pas tous les jours férié en l'honneur de Sa Gracieuse Majesté ! Profitons-en ! lança-t-il en attrapant sa lyre attachée derrière lui.


Il fixa Tristan qui d'abord ne souffla mot – déçu de ce départ pressé – puis réagit d'une voix attendrissante dans son enthousiasme :


– Bon, alors à bientôt ! Mais dis, tu m'expliqueras, pour le roi, hein ?

– Je te dévoilerai tout, mon cher, le jour où toi-même tu m'en confieras un peu plus à ton sujet, rétorqua Lénius, ayant retrouvé son petit sourire badin.


Le cadet haussa les épaules. Il dévisagea le musicien de son air félin disant : « Tu veux jouer à cela ? » pour mieux dissimuler l'inquiétude qui motivait autant ses interrogations que son propre silence. Mais une amitié ne se bâtissait pas en bras de fer. Ils devraient un jour se découvrir. Lénius fronça significativement les sourcils et lui fit des yeux piquants. À l'image des deux longs et fins couteaux que Tristan cachait sous ses guenilles et avec lesquels souvent il ondoyait, attaquait, se défendait lors de ses périlleux chapardages ou de ses ballets d'illusions. Ses banderilles à lui. L'adolescent les dissimulait – et sûrement bien d'autres choses. Accoutumé à sa réserve, Lénius souhaitait toutefois le percer davantage. Il resta immobile, se fit songeur.


– Je plaisantais, reprit-il pour initier le mouvement de mise en confiance, avant que sa voix ne se fasse presque troublée. Tu fais comme tu l'entends, je n'ai nulle intention de te forcer la main. Pour ma part, c'est... c'est d'accord. Tu es mon ami, un jour... je te parlerai de tout cela. Si ces affaires politiques te fascinent tant. Pourtant il n'y a rien de glorieux ou de si passionnant, crois-moi.


Ces dernières paroles ne découragèrent pas un seul instant la curiosité de Tristan. L'immobilité fascinée de ses yeux obligea le saltimbanque à capituler :


– Mais... soit. Bien, sur ce, je m'en retourne !

– Et si on se retrouvait un de ces jours ? relança le larron, décidé à profiter du temps vacant que lui offrait sa bourse dérobée. Enfin... J'sais pas, t'es libre ?

– J'ai prévu d'aller ce soir là où tu sais, précisa-t-il avec un clin d'œil qui peignit un sourire aux lèvres du complice. Viens ! Rendez-vous à neuf heures.

– Oh ? B'en alors oui, merci ! C'est d'accord. À ce soir !


Déjà, en sifflotant, l'histrion élançait sa chariote vers le parvis où se promenait une foule de potentiels spectateurs. Tristan décida de poursuivre sa paisible balade le long des quais. Porté par le lent roulis de son véhicule, il admirait quelques arbres et bosquets que les arroseurs publics entretenaient. Il avait pris l'habitude des pavés bien moins volumineux qui dallaient les abords du fleuve, ne secouant que peu sa voiture, et ne s'en trouvait plus incommodé dans sa contemplation.

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