Chapitre 42 : Les machinations du mage
Dans une localisation isolée de tout, un lieu caché et inconnu, trois chercheurs arpentèrent un couloir en discutant de leurs travaux. Trois ans qu'ils travaillaient ensemble, menant des études sur des sujets que n'importe quel autre laboratoire aurait jugé comme étant tabous. Depuis peu, ils avaient été contraints de relocaliser leurs recherches, devant même rejoindre un nouveau monde, mais ils ne s'en souciaient à peine. Pour eux, seule la passion du savoir importait, qu'importe les sacrifices qui étaient à faire, surtout de la par d'autrui.
Vivre reclus dans un complexe sous-terrain ne posait aucun problèmes pour ces chercheurs, quoi qu'ils étaient déçus de ne pas avoir encore eu la chance d'explorer ce monde fantastique dont ils n'avaient entendu que des légendes. Leurs quotidiens se résumaient à des murs gris et ternes et des travaux qui n'avançaient pas assez vite au goût de leur employeur.
– Et moi, je dis que nous devrions vraiment augmenter les dosages ! C'est parce que vous n'avez pas le courage de pousser les sujets plus loin que nous patinons !
– Vous savez pourquoi nous ne pouvons pas nous permettre de prendre de trop gros risques, Karl... soupira la seule femme du trio en serrant un calepin contre sa poitrine. Il faut au moins trois mois pour qu'un sujet atteigne sa maturité, et il veut que nous ayons fini d'ici une semaine ou deux. Je comprends votre logique, et, si nous avions plus de temps devant nous, je serais d'accord avec vous, mais là, nous devons faire attention. Vous vous souvenez de Setona...
– Oui, la pauvre... grommela le troisième larron. Une erreur de calcul, et trois des sujets ont fondus sous ses yeux... Juste pour l'exemple, il a fait la même chose sur elle et nous a obligés à regarder... Je ne sais pas pour vous, mais je commence à regretter d'avoir accepté ce travail...
– Vous avez raison, Métor... souffla Karl. Et vous aussi, Vina... Je pensais que je pourrais faire des recherches qui valent le coup d'être menées, sans que des arriérés viennent me dire que je m'avance sur un territoire trop dangereux, mais maintenant... Même si mes recherches progressent comme jamais, je commence à me demander si le jeu en vaut la chandelle...
– Je dois vous avouer que je pense sérieusement à m'échapper d'ici... admit Vina avant de relever les expressions de stupeur de ses deux compagnons. Ne me regardez pas comme ça, c'est moins fou que ce sur quoi nous travaillons ! Soyons honnêtes, quelles sont nos chances de réussir dans les délais imposés ? Vous savez ce que nous coûtera un échec, alors même si je ne sais pas ce qui m'attends dehors, je préfère ça à...
L'air vibra quelques mètres devant le trio qui s'arrêta net et se mit à trembler. Ce n'était pas la première fois qu'ils ressentaient une telle sensation, souvent suivie par un moment de terreur ù ils avaient l'impression de risquer leurs vies à chaque instant. Droits comme des piquets, ils se préparèrent à accueillir leur maître et tortionnaire.
Le vide dans le couloir se déchira, dévoilant un mage à lunette qui fit deux pas en avant avant de remarquer la présence des trois chercheurs. Ils ignorèrent son visage couvert de cicatrices qui se résorbaient à vue d'œil avant de disparaître, préférant se concentrer sur le corps que le mage traînait derrière lui, deux doigts enfoncés dans ses orbites ensanglantés. Le corps frémit, démontrant qu'il était encore en vie, mais par-delà son teint blafard, c'était son apparence décharnée qui attestait que la dépouille se faisait vider de toute son énergie.
– Ah, Maître Saga... se dévoué Karl en faisant un pas en avant, un sourire forcé sur son visage. Nous ne vous attendions pas de sitôt... Nous...
L'arcaniste ignora le chercheur et balança dans sa direction ce qui restait du vampire qu'il était en train de siphonner. Des chaînes s'enroulèrent autours de son corps meurtri et l'immobilisa.
– Vous tombez à pic, je vous apportais un cobaye prometteur, déclara le mage sèchement. Vous disiez avoir des problème à trouver le bon équilibre dans les dosages ? Ce Calom se fera une joie d'offrir son corps plus robuste que la moyenne à cette noble cause. Je me moque de savoir s'il survit, et s'il venait à mourir trop vite... Bah, disons qu'une de mes vieilles expériences m'a déçu une fois de trop, alors j'ai un royaume entier de cobaye à votre disposition... Voyez avec Gardin si vous avez besoin de plus de sujets.
Sans un mot de plus, Saga toisa le trio et se retourna, partant dans la direction opposée. Vina tomba à genoux en sentant la tension retomber, inspirant ses premières bouffées d'air depuis qu'elle avait senti l'arrivée de l'arcaniste.
– Pourquoi je n'ai pas écouté ma mère quand elle me disait de devenir fleuriste comme elle...
– Je vous avoue que ce changement de carrière a tout à coup l'air très alléchant... marmonna Karl en hissant le vampire sur son épaule. Mais pour le moment, nous n'avons pas le choix, nous devons terminer nos recherches au plus vite.
– Je ne remets pas en cause ce que Maître Saga vient de dire, mais je ne pense pas que ce cobaye tiendra vraiment beaucoup plus longtemps que les autres... Les pouvoirs avec lesquels nous travaillons... Existe-t-il vraiment un moyen de les canaliser dans un corps de chair et de sang ? Sans qu'il n'implose en emportant tout dans son passage ?
– Nous pouvons juste espérer que nous aurons de la chance... maugréa Métor en aidant Vina à se relever. Si Saga doit reprendre nos recherches à notre place... Vous vous souvenez de ce qui est arrivé à l'équipe de Barto qui n'a pas su tenir leurs délais ? Saga a du reprendre leurs travaux lui même et s'est servi d'eux comme cobayes... Même quand il prend une vie, il lui trouve toujours une utilité...
Tandis que le trio frissonnait de terreur, Saga avançait d'un pas déterminé, maudissant sa charge de travail conséquente qui le forçait à déléguer des tâches à des moins que rien comme eux. Depuis que ses actions avaient été révélées au grand jour, que l'on savait ce qu'il tramait dans l'ombre, l'acaniste avait senti que le temps lui échappait, qu'il avait besoin de toujours plus se presser s'il ne voulait pas voir tout ses efforts être réduits à néant. Après tout ces siècles passés à affiner ses plans, à envisager toutes les possibilités, imaginer que ses projets pourraient être gâchés lui donnait un ulcère.
Le mage regrettait amèrement de ne pas avoir passé plus de temps à réfléchir à un moyen d'atteindre la porte de Flegmon, plusieurs lieux sous les mers dans des ruines dominées par des magies anciennes qui troublaient la sienne. S'il avait trouvé un moyen de l'atteindre par lui même, il n'aurait pas été contraint de confier la tâche de récupérer la pierre du Déchu de la paresse à un fantôme. Et maintenant, cet objet se retrouvait entre les mains de son frère et ses insupportables compagnons.
Il ne se faisait pas d'illusions, ils n'allaient pas accepter son marché. Saga savait qu'il avait été trop gourmand, réclamant bien plus que juste la pierre, mais sa cupidité avait pris le dessus, le poussant à en réclamer toujours plus. Au moins, il était certain qu'ils se rendraient à Eclipsia, leur ayant annoncé qu'il les y attendrais. Le mage ne put s'empêcher de sourire en pensant au piège dans lequel les Déicides allaient se jeter si allégrement. Ils n'avaient pas la moindre idée de ce qu'il leur préparait...
Cependant, la prudence restait de mise. Certes, il avait trouvé un moyen de déjouer les sceaux de protection qui l'empêcherait de les contrôler au besoin, mais ils avaient tous démontré qu'ils étaient devenus assez dangereux pour représenter une menace à redouter. Rotsala qui était devenu le parfait chasseur de mage avec sa magie des ténèbres capable de dévorer le mana des autres. Ce musicien dont le lien avec le domaine de la mort lui procurait des talents insoupçonnés. Chaque membre de cette équipe avait le potentiel de lui mettre des bâtons dans les roues, d'une façon ou d'une autre. Alors ensemble...
Et que penser de celle qu'il aurait dû massacrer le jour de leur rencontre ? Sans même parler de la possibilité qu'elle serait la principale raison de l'union d'autant de talents contre lui, Bélial était celle qui avait le meilleur potentiel de tout ruiner. Même s'il arrivait à atteindre son but final, le pouvoir dont la démone ne soupçonnait même pas la présence serait toujours capable de renverser la situation et causer sa perte. Quoi qu'il arrivait, cette brute devait mourir.
En tournant à une intersection, Saga aperçut une armure au garde-à-vous devant une porte close. Il n'avait pas bougé d'un millimètre depuis qu'il lui avait demandé de monter la garde, trois jours plus-tôt, interdisant l'accès à quiconque chercherait à s'approcher de son laboratoire personnel. Le mage s'était douté que personne n'aurait eu le courage de se mesurer à un adversaire dont la fonction première était d'éliminer impitoyablement n'importe quel ennemi, quelle que soit la situation.
– Pas de problème à signaler, Kira ?
L'armure tourna la tête vers l'arcaniste, le fixant sobrement sans trahir la moindre émotion, chose aisée tant il était incapable d'en ressentir.
– Affirmatif ! Personne N'A Osé Bravé Votre Interdiction De Pénétrer Dans Votre Laboratoire. Aucune Victime À Déplorer.
Les lèvres de Saga s'étirèrent à l'entente de cette dernière phrase. Véritable antithèse d'Adam, créé par le même génie qui avait façonné Kira, cet automate n'existait que pour mettre fin à la vie d'autrui, à détruire ses obstacles. Même si la première mission que le mage lui avait confié s'était soldée par un échec, il ne regrettait pas de l'avoir extirpé de ces ruines pour le recruter dans son armée. Même ses subordonnés les plus cruels risquaient à tout moment d'avoir un éclair de compassion, de se retrouver dans une situation où ils pourraient hésiter ou douter de leur mission, mais pas Kira. Pour l'automate, tant qu'ils entraient pas en conflit avec ses objectifs, ses ordres étaient absolus. Et comme les désirs du tueur de métal étaient de prouver qu'il était supérieur aux organique et son frère, l'envoyer massacrer allégrement des centaines d'innocents ne serait jamais un problème.
– Je suis ravi de voir qu'au moins une personne ici arrive à faire son travail correctement... souffla Saga. En même temps, je t'ai demandé de surveiller une porte, je serais surpris si tu n'arrivais pas à exécuter une tâche aussi simple...
Kira s'écarta et laissa Saga pousser la porte de son laboratoire, laissant des crissements stridents, des vibrations magiques et des hurlements de souffrance filtrer à travers l'ouverture. Blasé par le vacarme, l'arcaniste s'avança dans le laboratoire où deux squelettes s'arrêtèrent dans leur travail et se retournèrent pour le fixer. Ne pouvant faire confiance à personne avec son projet phare du moment, il les avaient créé pour exécuter des fonctions basiques et ils étaient capables de le contacter si quelque chose passait de travers.
Saga toisa les squelettes, laissant son regard dériver avec lassitude sur les rangées de fioles sur les étagères et les innombrables outils impeccablement rangés sur les tables. Enfin, il se tourna vers l'immense structure sphérique de verre et de métal où une immense quantité de Ténèbrium était concentrée. Des cylindres d'énergie, puisée directement dans un des puits que l'armée de Saga avait investi, déversait sa puissance dans l'édifice au centre duquel des cris résonnaient.
– Comment avancent les choses ici ? demanda Saga, les bras croisés dans le dos.
Un squelette lui présenta un parchemin en s'inclinant, laissant son maître le lui prendre et l'examiner avant de sourire. Le document était parsemé de caractère et de chiffres qui changeaient rapidement, relayant de façon précise les changements qui s'opéraient et lui permettant de voir que cette expérience se déroulait sans problème.
– Parfait... susurra Saga en s'approchant d'avantage de la structure où il discerna à peine une ombre dans l'éblouissante lumière du pouvoir employé ici. J'ai besoin que Tyrian soit prêt pour la prochaine étape de mon plan...
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro