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Chapitre 38 : Celui que les ombres craignent

Loin de Fangia, dans les terres désolées de Plasmia, en plein cœur de Nosfera, la capitale, les vampires s'agitaient. Dans la plus haute tour de la forteresse où siégeait le pouvoir de la nation sanguinaire, Une réunion d'urgence avait été organisée, réunissant les figures les plus importantes du gouvernement. Réunis autour d'une table ronde, assis dans d'immenses fauteuils sombres, cinq vampires s'étaient réunis, trop troublés par ce qu'ils venaiet d'apprendre pour toucher à leurs verres de sang. Le long des murs autour d'eux, à peine éclairés par la lueur de la lune rouge qui filtrait à travers les larges fenêtre s qui permettaient d'observer une grande partie de la cité, des figures vêtues de capes aux visages impossibles à distinguer patientaient, guettant le moindre ordre de la part de leurs maîtres.

Grâce aux informations glanées à travers les familiers qui avaient secrètement suivi le groupe de Malnar, le haut conseil méditait sur ce qu'ils venaient d'apprendre et leurs conséquences.

– Pensez-vous que nous avons vraiment affaire à la véritable Raya, déesse de la lumière ? demanda une femme aux cheveux tirés en arrière et vêtue d'une robe de velours rouge. Je n'ose pas imaginer une telle chose, mais...

– Vous l'avez senti aussi bien que moi, Sivila, répondit un homme à la barbe fournie. Quand elle s'est mise à rayonner avec une telle intensité, presque tous nos familiers ont été instantanément éradiqués et nous avons nous même été brûlés. Seul celui que nous avions caché dans le corps de Malnar n'a pas été affecté, et ce n'est que parce que son hôte s'était pris la déflagration à sa place. Nous ne pouvons plus voir ce qui se passe là-bas, mais de ce que nous avons pu entendre avant que cet incapable soit enfermé par l'ennemi...

– Vous y allez bien fort, Calom... le coupa un individu mince et grand. Je vous rappelle que Malnar est un vampire ancestral, comme la plupart d'entre nous... S'il ne fait pas parti de ce conseil, ce n'est que parce qu'il refuse toutes nos invitations en prétextant que la politique l'ennuie... Il a été choisi pour cette mission parce qu'il est efficace, justement. Ce qui prouve combien nous avons mal jugé nos adversaires...

– Je suis d'accord avec Derac, admit Sivila. Malnar n'a pas perdu parce qu'il était faible, mais parce que nos ennemis sont au contraire puissants. Et je ne parle pas juste de la possible déesse...

– J'avais déjà été surpris d'apprendre que Tosagaram avait survécu au passage des millénaire, mais vois le jeune Rotsala aussi fringant qu'à l'époque... marmonna un quatrième vampire en lissant sa fine moustache. Et la façon qu'il se mouvait... Même si sa technique cache un détail de taille, ça ne change pas le fait qu'il est dorénavant aussi rapide que même les plus vifs d'entre nous... Nous ne pouvons pas nous permettre de le prendre à la légère au risque de nous en mordre les doigts.

– Et n'oubliez pas ses compagnons, Kolor... grogna Derac. Un être artificiel sans une goutte de sang, un mort-vivant avec le pouvoir des défunts, une barbare assez vive pour parer nos attaques, et de ce que j'ai cru comprendre, ils ont aussi une elfe capable de contrôler la nature elle même. Si nous avions su qu'ils seraient à Scurgia, nous aurions attendu leur départ avant d'attaquer. Certes, nous aurions perdu notre chance de tuer Lardzar, mais nous comptions de toute façon massacrer sa famille qui nous avaient demandé ce service.

– D'ailleurs, à ce sujet, comment se passe l'opération de Drédia ? demanda Sivila en se tournant vers une figure encapuchonnée. J'ose espérer que là-bas au moins...

– Nos derniers rapports attestent que tout se déroule comme prévu. Nous déplorons seulement que la princesse Cinder n'était pas présente, son père l'avait envoyée à Eclipsia avant le reste de se famille qui est aujourd'hui éteinte.

Presque éteinte... précisa Calom. Cette opération n'est pas un échec complet, mais regardons les choses en face : nous n'avons pas réussi à fragiliser le gouvernement de Fangia, et il reste deux héritiers au trône de Drédia en vie. Sans oublier que nous devions massacrer tous les témoins qui pourraient lier ces attaques à nous, mais Malnar a non seulement échoué, il s'est payé le luxe de tout expliquer au prince Lardzar...

– S'il arrive à Eclipsia et expose ce qu'il sait au Ténèbraile, les démons pourraient décider de rompre d'eux même la trêve sans que nous soyons prêts pour ça... Et s'ils arrivent à former une alliance avec les homme-dragons...

– Nous nous sommes crus malins en attaquant les deux peuples en même temps... soupira Kolor. Chaque équipe d'assassins devaient laisser des indices que les deux nations avaient envoyés des assassins simultanément pour éliminer la royauté de l'autre pays, mais rien qu'avec l'échec de Fangia, tout va se retourner contre nous.

– Tout est de la faute de ce sale rat de Tosagaram.

Quatre membres du conseils se tournèrent ensemble vers le cinquième, un homme robuste au regard calculateur qui avait gardé le silence jusqu'à cet instant. Ce vampire, plus respecté que quiconque parmi leur race, était un ancien général humain ayant combattu les démons aux côtés des Neuf Sauveurs durant la guerre du Crépuscule. Respecté par sa force et son esprit stratégique, sa transformation en vampire avait causé un chaos sans nom, ses talents ayant permis à son espèce de trouver un moyen de survire alors qu'ils avaient vu le jour dans un monde qui leur était hostile dès que le soleil se levait. Aussi craint qu'admiré, il avait toujours siégé sr ce conseil et en était le meneur non-officiel.

– Nous sommes d'accord avec vous, Seigneur Bram, répondit Sivila. Cependant, nous ne pouvons pas prendre le risque de...

– De quoi ? la coupa Bram en lui lançant un regard noir. De l'étriper comme l'insecte qu'il est ? Sa magie ne vaut rien contre la puissance de notre nation ! Il est certes le créateur de notre race, il n'est pas notre maître ! Il nous a fait croire que nous y trouverions notre compte en l'aidant, mais au final, tout notre plan s'est effondré à cause d'un seul de ses soldats ! Pour le moment, nous avons mieux à faire que de le traquer pour le tuer, mais dès que nous aurons une opportunité...

Oh, vraiment ? Une opportunité ? Voila qui est parfait, parce que je vais vous en donner une, bien que vous allez très certainement le regretter...

Stupéfaits, chaque vampire scruta tous les recoins de la salle, leurs sens en alertes, mais ils ne perçurent aucune respiration, nul battement de cœur qui pourrait trahir la présence d'un intrus.

Je vois que vous n'êtes pas habitués à la télépathie... Laissez-moi vous simplifier les choses...

La table commença à s'élargir, les fauteuils glissant sur le sol pour faire place à un sixième siège dont les contours se dessinèrent lentement dans l'espace créé. Des brumes sombres se propagèrent dans la pièce, s'étendant sur le sol comme un second tapis intangible. Sur leurs gardes, les membres du conseil observèrent le fauteuil qui devenait de plus en plus consistant, décelant enfin une figure affalée dessus.

La première chose qu'ils purent déceler de ce nouvel arrivant fut l'éclat de ses lunettes qui refléta la lumière de la lune rouge. Ils purent identifier ses courts cheveux blonds, puis son expression de profonde déception se dessina sur son visage. Vêtu d'une robe de mage argentée brodée d'or et de diamant, l'humain qui venait de faire irruption sans rien demander quiconque toisa les monstres sanguinaires face à lui avec un mépris transcendant.

– Ainsi donc, vous me reprochez l'échec de votre petite opération... souffla le mage d'une voix posée. J'admets que mes troupes n'ont pas été à la hauteur de nos attentes à tous. Cependant, je ne m'étais pas attendu à ce qu'un tel traître aurait pu se glisser si aisément dans mon armée...

– Tosagaram ! rugit Calom en se levant de son fauteuil. Je t'avais déjà trouvé insolent il y a quatre mille ans, mais là, tu dépasses les bornes ! Comment oses-tu nous insulter en te présentant comme ça devant nous sans...

Sans prendre le temps de regarder, Calom, Saga leva une main dans sa direction et mima un mouvement de fermeture en joignant son pouce en bas au reste de ses doigts en haut. La bouche du vampire se scella aussitôt et refusa de s'ouvrir malgré les efforts de Calom qui ne put que gémir en réponse.

– Je n'ai pas pour habitude de demander à mes cobayes leur permission pour obtenir d'eux ce que je veux... déclara sobrement l'arcaniste. Et je vous conseil de ne pas plus me contrarier, car si je suis ici, ce n'est pas pour votre puéril désir de conquêtes ou les insignifiantes retombées de cette opération. Non, si je suis ici, c'est parce qu'un autre de mes subordonnés à commis une faute autrement plus grave que celle que vous me reprochez...

Les deux poings de Bram frappèrent la table, le choc se réverbérant à travers elle pour parcourir le château entier qui trembla sous le choc. Les autres vampires le regardèrent avec effroi se redresser lentement, ses pupilles rouges verrouillées sur Saga qui n'esquissa qu'un simple haussement de sourcil blasé.

– Toi, tu as trente secondes pour nous dire ce que tu fous ici avant que je te donnes à bouffer à mes clébards...

– Les millénaires passés ne t'ont pas réussi... ricana Saga. Moi, par contre, si je peux déplorer une seule chose, c'est qu'en quatre mille ans, les gens sont pour la plupart restés... médiocres... Voyez-vous, j'ai à peine délégué une fraction de mon autorité à la mauvaise personne. Quelqu'un qui semblait fiable, mais qui a jeté mon estime pour lui aux orties en faisant une seule erreur. Certes, ce n'est qu'une faute, mais ses ramifications sont désastreuses. Et c'est lié à l'échec de votre opération...

Saga se leva et commença à faire le tour de la table, passant derrière chaque membre du conseil qui ne le suivirent du regard comme des hyènes qui se méfieraient d'un tigre sur leur territoire.

La seule chose que je lui avais demandé, c'était de sélectionner des recrues prometteuses pour cette mission. Et même si je peux comprendre la logique derrière son choix, il a choisi un de mes pions qui revenait d'une mission vitale, bien plus importante que votre petite soif de conquête et de sang, et lui a ordonné de partir pour Fangia avant de me remettre ce pourquoi je l'avais envoyé. Un des sept objets que je convoite, et c'était le seul que je ne pouvais pas aller chercher en personne, faute de temps et d'options. Normalement, il aurait dû vite se téléporter à moi en arrivant dans le monde des ténèbres, mais rien ne s'est passé comme prévu...

Un à un, les vampires se mirent à frissonner, frappés par une sensation glaciale qu'ils n'avaient plu ressenti depuis des siècles. Malgré son air calme, ils arrivaient à sentir la fureur de l'arcaniste qui tempérait sa rage, la gardant sous contrôle dans le seul but de la laisser exploser en beauté plus tard. Les vampires avaient certes fait les fiers devant lui plus tôt, ils étaient conscients qu'à la moindre erreur, toute attaque envers Saga pourrait signer l'extinction de leur race entière.

– Oh, et si vous vous demandez ce qui est arrivé à l'incapable qui a ruiné tous mes beaux projets...

Saga fouilla dans sa robe et sortit d'une poche une poupée qu'il fit flotter dans les airs par magie et la posa au centre de la table. Les vampires la scrutèrent, s'attardant sur ses bras et ses jambes tordues dans tous les sens et l'expression de désespoir peinte sur son visage. Bram déglutit quand il commença à percevoir un faible battement de cœur de la poupée et ne sut pas s'il imaginait les cris qu'il avait l'impression d'entendre au loin.

– Maintenant que vous avez compris ce qui arrive à ceux qui font l'erreur d'échouer aussi lamentablement, je n'ai qu'une question...

Ayant fini son tour de table, Saga la frappa de son poing et déclencha une déflagration de mana qui la pulvérisa. Les traînées de magie s'éparpillèrent et s'enroulèrent autour des membres du conseil, en ligotant quatre dans leurs fauteuils et enchaînant Bram sur place alors qu'il avait presque fermé la distance qui le séparait de l'arcaniste. Le mage regarda fixement le bout des griffes du vampire qui n'étaient qu'à quelques centimètres de son visage avant d'attraper le poignet de Bram et incanta un sort. Bram vit son bras se désagréger et tomber en poussière.

– Oui, j'ai appris comment rendre au temps ce que vous avez si jalousement gardé pour vous... ricana Saga en donnant un coup de pied dans le tas de poussière au sol. En un instant, je peux faire vieillir vos corps pour qu'ils montrent leur âge réel. Alors si vous savez ce qui est bon pour vous...

En entendant des bruis étouffés de partout, Bram chercha du regard les vampires qui les entouraient et qui auraient dû intervenir. Il eut à peine le temps de distinguer la dernière pile de vêtements tomber au sol dans une pile de cendres.

Saga attrapa la mâchoire du plus puissant des vampires et le força à le regarder droit dans les yeux pour y percevoir toute l'étendue de sa frustration.

– Qu'est-ce qui est arrivé à Lainabe et la boite qu'il aurait dû m'apporter ? Et crois moi, tu ne veux pas découvrir ce qui arriverait si tu me répondais je ne sais pas...

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