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Chapitre 31 : Des festivités gâchées

Dans la salle de banquet, Lorelya s'étrangla en buvant une gorgée de vin et se mit à tousser. Adam l'aida à garder l'équilibre pendant que les princes et le roi s'inquiétèrent de son état

– Ne vous en faîtes pas, j'ai juste avalé de travers... Rien de bien grave... les rassura la verdoyante.

– Et pour la version non-officielle ? demanda Farca en griganien. Je t'ai vu descendre des pintes comme du petit lait, tu n'es pas du genre à t'étouffer comme ça...

– Tu te souviens avoir demandé ce que les quatre autres étaient en train de faire avec le premier prince ? Hé bien il y a quelques fleurs en pot dans ses appartements, et elles viennent de m'apprendre que le gros lard est peut-être l'homme-dragon le plus puissant du monde. Enfin, le deuxième, après Tarkar, mais c'est déjà assez impressionnant comme ça...

Farca haussa un sourcil, incrédule. L'archère n'avait pas l'habitude de mentir, mais une telle déclaration se devait de venir avec des preuves aussi dures que le diamant. Surtout après avoir rencontré en personne le prince en question.

– Veuillez nous excuser, mais je vais devoir raccompagner moi amie dans nos appartements, je veux l'ausculter pour m'assurer qu'elle va bien, déclara l'alchimiste en commençant déjà à traîner l'elfe avec elle. Adam, tu restes avec prince Lardzar, sa sécurité est importante.

Ayant compris l'échange entre les deux femmes, le gardien sut que l'auscultation n'était qu'un prétexte pour la naine de se retrouver seule avec sa patiente et lui demander plus de détails sur ce qu'elle venait d'apprendre. Il calcula donc qu'aucune d'entre elles était réellement assez épuisée pour avoir besoin de sa protection et suivit les consignes données. Onyx couva les demoiselles d'un regard mauvais que son père surprit, le menant à frapper l'arrière de sa tête.

– Tu vas apprendre à te calmer, oui ? Tu as fait le serment de les laisser tranquilles s'ils accomplissaient les trois épreuves, et c'est ce qu'un seul d'entre eux a fait ! Alors tiens parole et laisse les !

– Parce que tu penses que le peuple a accepté ce cirque ? s'emporta Onyx. Tu l'as bien vu, ils se sont payé notre tête du début à la fin ! Ils ont trouvé les failles dans chaque épreuve et ont envoyé quelqu'un qui était immunisé aux périls à affronter ! Peut-on s'étonner qu'un mort-vivant réussit à passer des épreuves mortelles ? J'ai entendu des rumeurs selon lesquelles on devrait invalider ce qui s'est passé !

– Ça suffit ! tonna Blaso en foudroyant son deuxième fils du regard. Tu publies que je n'ai accepté de les laisser participer que pour que tu arrêtes de suspecter nos invités diplomatiques, et maintenant qu'ils ont prouvé leur valeur, tu râles comme un enfant de six ans ? Souviens-toi de ton rang ! Tu es à deux doigts de déclencher une guerre pour les mauvaises raisons !

Onyx se renfrogna, sachant qu'il était sur le point de s'aventurer sur un terrain glissant. Comme son père, non seulement il n'avait rien contre un conflit, les homme-dragons ayant la guerre dans le sang, mais il partageait son point de vue que sans une cause valable derrière, provoquer une guerre pouvait entacher leur honneur. Dévoiler des espions parmi des diplomates aurait suffit à son ego, mais à présent, il risquait de lancer les hostilités pour des raisons puériles.

Voyant que son fils se calmait, Blaso se tourna vers Lardzar et s'inclina.

– Je te présente mes excuses, prince de Dredia. Onyx est certes le plus valeureux de mes deux fils, il a encore de sérieuses lacunes dont il a besoin de se débarrasser s'il espère un jour me succéder.

– Ne t'en fais pas, je ne me vexe pas pour de simples suppositions, le rassura Lardzar. Je pense même que je réagirais de la même façon, si des représentants d'une autre nation arrivaient avec des inconnus racontant une histoire aussi incroyable. Si mon escorte ne m'avait pas été présentée par des personnes de confiance et que leurs dires n'avaient pas été confirmé par une cloche de la vérité, je pense que moi même, je n'y croirait pas entièrement.

– Ah oui, ces fameuses cloches... grommela Onyx. Les homme-dragons ne font pas confiance à ces objets artificiels, il suffit que celui qui les fabrique ait de mauvaises intentions pour le trafiquer et le rendre défectif. Tu peux croire en tes jouets, moi, je me fis à mon instinct, et je sens qu'ils cachent quelque chose. Surtout leur meneur, je sens qu'il garde un secret conséquent...

Se félicitant pour son expression neutre qu'il avait travaillé pendant des années, Lardzar se retint de dévoiler que Sieg était l'un des meilleurs guerriers humains de la guerre du Crépuscule. Il ignorait si Onyx crierait au complot en apprenant la vérité, ou s'il ferait des pieds et des mains pour défier l'écarlate.

– Question : Tu Parlais De Faire D'Onyx Ton Héritier. Votre Peuple Ne Choisi Pas Le Premier Fils Pour Succéder À Son Père ?

Les homme-dragons fixèrent Adam un moment, se souvenant que, si l'histoire de son équipe était réelle, venait d'un autre monde où il n'aurait pas vent de leurs coutumes.

– Normalement, oui... soupira Blaso. Alors d'abord, sache que ce n'est pas nécessairement le premier fils, mais toujours le premier enfant qui doit normalement prendre le trône. Par exemple, j'ai succédé à ma mère à sa mort, le premier enfant de mon grand-père. Mon père était encore en vie à l'époque, mais comme il n'avait pas de sang royal, il n'avait pas le droit de régner. Il aurait pu être régent si je n'avais pas eu l'age de gouverner, mais ce n'était pas le cas. Par contre, si on préfère mettre le premier enfant sur le trône, il peut arriver que l'on fait des exceptions...

– Et mon frère mérite que l'on fasse une exception ! déclara Onyx en croisant les bras. Sérieusement, quand vous le voyez, est-ce qu'il vous fait penser à un fier guerrier ? Le roi se doit d'être un exemple à suivre pour le peuple, et qu'a-t-il à montrer ? Un fainéant qui ne s'entraîne jamais ! Un lâche qui ose à peine braver le regard de même son père et son frère ! Personnellement, je n'ai rien contre lui en tant que personne, il est bon et tolérant, un homme-dragon intègre qui se soucie du bien des autres, mais un homme bon ne fait pas un bon roi. Il n'a pas les épaules pour supporter le poids des responsabilités du roi. Au moindre problème, j'ai peur qu'il ne s'effondre et entraîne le pays avec lui. C'est pour ça que je ne peux pas l'accepter comme futur roi.

– Et je suis en partie d'accord avec toi, mon fils. Par contre, comme lui, certaines qualités pour faire un bon souverain te font défaut. Tu l'as prouvé toi même avec nos invités, tu ne sais pas agir diplomatiquement. Quand tu doutes de la sincérité des autres, tu leur rentre dedans sans te soucier de l'image que tu donnes alors que plus de finesse est requise. Tu es le roi dont Fangia pourrait avoir besoin en temps de guerre, mais en temps de paix, c'est de quelqu'un comme Basile dont nous aurions besoin. À vous deux, vous faîtes un souverain idéal, mais un seul d'entre vous peut monter sur le trône. C'est pour ça que je veux que tu apprennes à prendre du recul, parce que, de vous deux, je pense que tu es le seul qui peut apprendre de l'autre ce qui lui fait défaut. C'est la nature de ton frère qui lui pose problème, alors que pour toi, tout est une question d'attitude qui peut changer. Tu comprends ce que j'essaye de te dire ?

Impressionné par la déclaration de son père, Onyx hocha la tête. Il ne s'était pas imaginé que le roi fondait tant d'espoir en lui, réclamant de lui plus d'effort uniquement parce qu'il le croyait digne de lui succéder.

En voyant le regard de son père soudainement bifurquer, Onyx se retourna et vit Lorelya revenir seule et s'avançant vers eux. Il ne put s'empêcher de remarquer que sa démarche gracieuse avait laissé place à des mouvements plus bourrus et moins élégants. L'archère avait le regard rivé droit sur eux et reflétait quelque chose de sombre.

Les gardes en faction remarquèrent eux aussi la scène et se dirigèrent vers elle, mais des ronces émergèrent de sous terre et s'enroulèrent autour d'eux pour les immobiliser. La foule se mit à paniquer, des cris fusant dans tous les sens. Abasourdi, le roi se mit en position de combat, plongeant son regard dans celui de la verdoyante qui tendit le bras vers lui en souriant.

Adam se dressa sur la route de Lorelya, faisant s'arrêter à trois mètres de lui par hésitation.

– Avertissement : Tu es Priée Relâcher Les Gardes Et Explique...

Juste quand l'elfe s'apprêtait à attaquer le gardien, une sphère heurta sa tête, la déconcentrant, et un gaz épais fut relâché sur elle. Lorelya tituba pour en sortir mais tomba à genoux en gémissant avant de s'effondrer au sol. Onyx cligna des yeux face à ce qui venait de se passer et se ressaisit.

– Gardes ! Libérez-vous et saisissez vous de cette...

– Ne l'approchez surtout pas !

Troublés par l'intervention, les convives se tournèrent vers sa source et découvrirent Farca, adossée à un mur en haletant, une main plaquée contre son épaule en sang. Elle était pâle et avait du mal à garder les yeux ouverts mais elle se força à tenir debout.

– Elle n'y est pour rien... Par contre... le salaud derrière tout ça... ne va pas... tarder à...

Adam ignora l'elfe au sol, se doutant que la naine n'aurait pas risqué de la tuer pour l'arrêter, et se rua vers Farca pour l'aider à s'allonger et inspecter sa blessure.

Un garde se libéra de ses entraves fragilisées par l'inconscience de leur créatrice et s'approcha de l'elfe inconsciente, épée en main.

– Mais qu'est-ce que tu racontes bordel ? Elle était sur le point de lever la main sur la famille roy...

Quelques personnes eurent l'impression de voir un mouvement entre Lorelya et le garde, mais l'action fut si brève qu'ils ne furent certains de rien. Le garde tituba, secoua la tête et fixa le visage assoupi de l'archère. Sans un mot il saisit son épée à l'envers de ses deux mains et visa la femme endormie.

Réalisant que quelque chose ne tournait pas rond, Onyx prit contrôle de la roche sous l'archère et la fit glisser d'un mètre hors de portée du garde qui plongea son arme vers le bas, se heurtant à une barrière d'Adam.

– Je crois que je commence à comprendre... grommela le prince en ne quittant pas des yeux le garde. Aucun homme-dragon se déshonorerait en attaquant un adversaire incapable de se battre, ça va envers tout ce que nous croyons. Et la façon que l'elfe se comportait n'était pas naturel, surtout si c'est elle qui a attaqué la gamine.

– Je t'en foutrais des gamines... marmonna Farca qui tomba au sol, épuisée par sa perte de sang qu'elle avait à peine réussi à endiguer.

– Finalement, j'aurais dû viser la tête quand j'ai voulu m'en débarrasser... soupira le garde en toisant la naine qui sombrait dans l'inconscience. Avec sa taille, j'ai eu du mal à évaluer où était le cœur. Par contre, j'aimerais savoir ce qu'elle a utilisé contre son amie, parce que si elle l'avait juste rendue inconsciente, j'aurais pu continuer de la contrôler sans problème...

– Je t'ordonne de décliner ton identité, ordure ! hurla le roi en serrant les poings. Personne s'en prend aux homme-dragons chez eux sans avoir à en subir les conséquences !

– Oh, mais où sont mes manières ? ricana le garde en s'inclinant. Vous pouvez m'appeler Lainabe, et je vous annonce que si vous comptez sur l'aide de vos gardes et des... Déicides... Et bien, vous allez attendre longtemps ! Dès que j'ai possédé cette traînée et sa capacité à sentir le danger approcher, le reste de nos troupes a envahi la ville et doivent déjà se diriger vers leurs cibles. Bon, je sens que Radan va me faire la gueule pour avoir esquinté la naine qu'il voulait buter lui même, mais si elle est encore en vie, il pourra se contenter des restes... En même temps, on ne s'attendait pas à tomber sur eux en arrivant ici, vous pouvez parler d'une surprise !

– Rends-toi ! aboya Onyx en prenant l'épée d'un garde pour la pointer vers le possédé. Tu es cerné, tu ne peux rien faire !

– Ah vraiment ? J'ai peut-être perdu un pion aux pouvoirs intéressants...

Les assiettes et les couverts disposés sur les tables s'élevèrent, renversant de la nourriture sur le sol. Des verres et armes furent arrachés des mains des invités et des gardes et flottèrent elles aussi, dansant dans les airs pendant que Lainabe riait.

– ... les miens ne sont pas mal non plus, pas vrai ?

– Tu sembles oublier que nous aussi, nous avons des tours à notre disposition...

Joignant l'acte à la parole, Onyx contrôla la roche sous les pieds de Lainabe qui s'éleva et recouvrit son corps pour l'emprisonner.

– Parce que tu crois que ça suffira à me retenir ? se gaussa le prisonnier. Il va te falloir plus que ça pour me retenir, petit prince !

Une forme vaporeuse émergea du corps du garde et s'envola au-dessus de la foule, prenant la forme d'un corsaire qui regarda de haut les mortels sous ses pieds.

– Allez ! C'est parti pour le carnage !

– Négatif ! Tu Ne Feras Pas Plus de Mal !

Lainabe se tourna vers Adam, se mettant à rire quand le poing que le gardien venait de propulser sur lui le traversa sans lui faire de mal. Cependant, loin de ne pas réagir, le spectre s'infiltra dans la main du colosse qui fut rétracté. Quand le poing fut rattaché au reste du corps, l'armure se mit à trembler avant de s'immobiliser. Horrifiés, les homme-dragons et Lardzar observèrent Adam qui fixa sa main en la serrant devant son visage.

– Oh oui... je sens que ça va être très amusant...

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