Chapitre 25 : Surgia, la citadelle rocheuse
Les jours passèrent, et à mesure que le convoi s'aventurait vers l'ouest, les voyageurs purent sentir la température grimper. À seulement une journée de route de leur destination, Sieg et ses compagnons avaient du mal à convaincre la barbare de rester assez couverte pour ne pas porter atteinte au bonnes meures. Le meilleur qu'ils purent obtenir d'elle fut de revêtir une de ses plus légères robes, avec l'obligation de Sieg de porter un short en-dessous car ses mouvements pouvaient autrement se montrer forts révélateurs.
Durant leur dernière halte avant d'entrer dans le territoire des homme-dragons, Farca, ayant elle aussi allégé un peu sa tenue pour faire face à la chaleur qui les agressait de façon si inattendue, décida d'interroger Wadro.
– Dîtes, c'est de cette saison, cette canicule ? Parce qu'il n'y a même pas deux jours, on n'avait pas besoin d'autant forcer notre exhibitionniste à s'habiller pour sortir...
Le démon fronça les sourcils en dévisageant l'alchimiste qui finit par se mordre la lèvre en comprenant d'où venait son incompréhension. Bien qu'elle s'était exprimée en démonique, elle avait eu l'impression que certains mots étaient sortis difficilement, comme si la langue ne les connaissait pas. Guidée par cette révélation, la naine commença à deviner ce qui se passait et chercha des confirmations.
– Vous savez... Il y a bien des moments de l'année où il fait plus chaud et plus froid, non ?
– Première fois que j'entends ça... souffla Wadro avec un air pensif. Parce que ça vous arrive chez vous ? Ici, nous avons des régions froides, des régions chaudes, et des régions tempérées comme Dredia. Par contre, si l'endroit peut changer la température, la période de l'année n'est pas un facteur...
– Vous voulez dire que vous n'avez pas d'hiver ? s'étonna Sieg qui avait écouté la conversation d'une oreille distante. Pas d'été non plus ?
– Je ne sais même pas de quoi vous me parlez... répondit le démon en haussant les épaules.
– C'est clair qu'il ne va pas savoir, ils n'ont pas ce qu'il faut le plus pour avoir des saisons... grommela Farca en désignant le ciel. Il y a quelques années, j'ai passé du temps avec un mage qui était fasciné par la météo et les saisons. Je n'ai plus tout les détails en tête, mais il m'a dit qu'une partie de la raison pourquoi il fait si chaud en été et froid en hiver, c'est la position du monde de la lumière par rapport au soleil. J'avoue que je n'avais pas tout compris, mais s'il a raison et que les saisons dépendent en grande partie du soleil, c'est normal qu'il n'y en ait pas ici.
– Je vois... murmura Sieg en tapant le sol du pied. J'avais aussi remarqué que le sol produit sa propre chaleur, c'est pour ça que le monde n'est pas gelé sans soleil pour le réchauffer... J'aimerais juste comprendre pourquoi il fait aussi chaud ici...
– Ah, c'est normal, on s'approche du volcan de Vivol ! déclara Wadro fièrement avant de voir les expressions neutres de son entourage. Ah mince, oui... Alors, il existe des puits un peu spéciaux qui ne font pas que libérer de l'énergie. Ces endroits peuvent dégager d'importantes chaleurs comme ici, ou un froid mordant comme dans les forêts gelées d'Agacia, loin au sud-ouest d'ici. Honnêtement, il y a toutes sortes de puits, certains des plus dangereux créant des gaz toxiques...
Fascinée par ce qu'elle venait d'entendre, Farca se tourna vers l'horizon en direction de leur objectif. La végétation s'y faisait plus rare et l'herbe laissait vite place à de la terre aride ponctuée de rochers. La naine scruta plus attentivement la montagne qui se dressait au centre de ce paysage, n'ayant pas deviné qu'ils s'approchaient d'un volcan
– Et c'est là que se trouve la capitale de Fangia, j'imagine... grinça l'alchimiste. L'endroit le plus chaud de toute la région...
– Surgia, oui, répondit le prince en s'approchant du trio. Fangia est une nation d'homme-dragons rouges, ils aiment particulièrement les endroits chauds. Alors pour d'évidentes raisons, ils ont installé leur capitale à l'endroit le plus chaud possible.
– Nous avons intérêt de nous procurer des vêtements adaptés à la région... commenta Sieg qui avait lui même délaissé sa veste en écailles de dragon-rubis à cause de la chaleur. Si nous voulons arriver à nous battre normalement, nous ne pouvons pas nous permettre d'être affaiblis par la chaleur...
– Moi, je m'inquiètes pour plus que ça... maugréa Lorelya qui s'éventait avec une feuille qu'elle avait fait pousser. Il n'y a pas beaucoup de plantes que je peux faire pousser dans un endroit comme ça...
Sieg se retourna en entendant la voix de sa descendante et manqua de s'étrangler en voyant sa tenue. Des feuilles recouvraient sa poitrine et entouraient ses hanches, ne laissant que très peu de choses à l'imagination.
– Je sais... grommela la verdoyante en voyant la réaction de son ancêtre. Crois-moi, ça ne m'amuse pas de rester comme ça, il n'y a que les femmes que je veux voir saliver comme ça sur moi, mais je sens que je vais fondre... Et si en plus vous me dîtes qu'il va faire de plus en plus chaud...
– Justement, pour éviter d'enflammer encore plus les choses, fini les voitures avec que des femmes... prévint autoritairement Anoro. Ne me regardez pas comme ça, je ne suis pas stupide, je sais ce que vous faites quand nous voyageons. Alors vous avez intérêt de vous préparer, parce que maintenant, vous ne voyagerez qu'avec des hommes. Mais ne vous en faites pas, ils ont déjà bien compris que la rose que vous êtes n'a que des épines pour eux...
Altérée, Lorelya chercha de l'aide du côté de l'écarlate qui secoua la tête.
– Je regrette, mais il a raison. Je te rappelle que nous sommes ici en mission diplomatique. De quoi aura-ton l'air, si on arrive à la capitale et qu'ils découvrent qu'une de nos voitures est devenu un bordel sur roues ?
– Tu veux parler de la mienne, ou celle d'Udia ? demanda sournoisement l'archère en désignant l'autre côté du camp.
Le bretteur tourna son attention vers le groupe de soldats, humains et démoniaques, hommes et femmes, qui s'était rassemblé autour de la chercheuse. Au premier abord, ils semblaient fascinés par l'exposé qu'elle faisait, mais un second regard soulignait que bien des yeux étaient posés sur le décolleté de l'elfe et ses jambes à peine couvertes par une jupe à la limite du scandaleux. Anoro ouvrit la bouche aussi grand que ses yeux en comprenant l'allusion de Lorelya et réalisa combien le désordre régnait au sein de ses troupes.
– Udia voyage avec des talismans qui permettent de bloquer les sons, exposa l'elfe qui se délectait de l'état de choc du soldat. Je pense que vous pouvez tous deviner pourquoi je sais ça...
– Dame Udia, nous devons parler, vous et moi ! explosa Anoro en se précipitant vers elle. Pour le reste de cette expédition, je vous interdit de quitter mon champ-de-vision !
– Pourquoi je sens que ça va se retourner contre lui... soupira Sieg.
– Je devrais peut-être calmer mes ardeurs de mon côté aussi... avoua le prince en se penchant vers l'oreille de l'écarlate. Remonté comme il est, je ne voudrais pas qu'il me...
– Je vous arrête tout de suite Votre Altesse, parce que tout le monde dans cette expédition a depuis longtemps réalisé que vous aimiez passer du temps en charmante compagnie quand nous montons le camp pour dormir... l'interrompit Sieg en lui adressant un regard appuyé. Si Anoro ne vous en a pas parlé mais qu'il a longuement critiqué vos conquêtes, c'est à cause de votre rang qui lui interdit de vous crier dessus devant tout le monde pendant des heures...
– Franchement, si personne ne tombe enceinte avant la fin de cette mission, ce sera un putain de miracle... grommela Farca qui levait les yeux au ciel. Et sachez déjà que je refuse de jouer les sage-femmes !
– Hé, Sieg !
– Tiens, en parlant d'une qui a su contrer toutes les probabilités jusqu'ici....
Le bretteur ignora le propos de l'alchimiste et fixa Bélial qui s'approchait de lui avec un sourire qui l'inquiétait un peu.
– J'ai causé avec Udia avant qu'Anoro se pointe et elle disait qu'elle voulait nous montrer un truc sympa plus tard quand on sera que tous les trois ! J'ai pas tout compris, mais elle a dis qu'on passerait un super...
Farca pouffa de rire en voyant le visage de Sieg se décomposer.
***
Les trois lunes accomplirent un cycle entier quand le convoi arriva finalement devant les portes en acier de Surgia. La muraille en pierre qui encerclait la capitale s'élevaient si haut que nul géant ne la dépassait. L'expédition s'arrêta et la voiture en tête conversa avec les gardes postés pour leur montrer les sceaux officiels qui prouvaient leur identité et la raison de leur venue.
Poussé par son instinct, Bélial sortit la tête à travers une fenêtre et observa de loin l'échange. Les homme-dragons qu'elle pouvait apercevoir étaient aussi grands que des Rochechairs et avaient des écailles rouges et blanches et ne portaient que très peu de tissus. Les hommes n'avaient qu'un pagne alors que la seule femme présente couvrait son torse d'une courte tunique sans manche s'arrêtant au-dessus de son ventre. Ils n'avaient pas de cheveux mais leurs têtes étaient ornées de cornes aux formes diverses couverts de divers bijoux. Dans leurs dos, leurs épaisses queues reptilienne et leurs ailes draconiques parachevait leur apparence si unique aux yeux de la jeune femme.
Les gardes semblèrent satisfait par les documents présentés et s'écartèrent du chemin des véhicules. Deux d'entre eux cependant se placèrent devant chaque battant de la porte. La barbare se pencha plus en avant à travers la fenêtre, si bien que Sieg se réjouissait une fois de plus qu'elle portait encore un short sous sa robe beaucoup trop courte pour ce genre d'acrobatie, surtout quand ils avaient de la compagnie. Les deux homme-dragons prirent appuis sur leurs jambes en s'accroupissant avant de frapper le sol de leurs poings gauche et droit respectivement. Un grondement retentit et les immenses portes s'ouvrirent lentement.
– Putain, ils font comment ? s'extasia Bélial qui sautait sur place, secouant la voiture. Ils sont juste deux, et ils poussent une porte si grosse que je pourrais pas la remuer !
– Les homme-dragons ont une connexion particulière avec le Ténèbrium qui coule dans le sol, exposa Lardzar pendant que Sieg tentait de ramener sa partenaire à l'intérieur pour la calmer. Si les démons et les elfes noirs utilisent le poids des puits à travers des dispositifs, les homme-dragons peuvent la canaliser à travers eux même pour accomplir d'incroyables exploits.
– Vous êtes sérieux ? s'inquiéta Sieg qui en oublia ses manières. Une telle faculté leur donnerait un avantage considérable contre les autres races !
– Oui et non... continua le prince. Les homme-dragons ne peuvent manier le Ténèbrium que dans sa force la plus pure, à savoir comme elle est dans le sol. Une fois qu'elle est extirpée et stockée pour un usage futur comme nous le faisons, elle perd de sa pureté et les homme-dragons ne peuvent plus l'utiliser. Alors oui, ils sont formidables à proximité d'un puits pour leur fournir plus de puissance, mais s'ils s'en éloignent...
– Je vois... souffla Anoro en se massant le menton. S'ils n'ont pas l'avantage du terrain, les homme-dragons sont en position de faiblesse contre les démons et les elfes noirs qui peuvent transporter et déployer de l'énergie aisément...
– Même sans la présence d'un puits, ils restent d'incroyables guerriers, prévint Donce. Je me suis déjà frotté à des homme-dragons par le passé, et je ne suis en vie que grâce à l'absence d'un puits dans les parages pour les renforcer.
Bélial n'écoutait plus qu'à moitié ce qui se racontait, observant avec fascination la cité taillée à même le flanc de la montagne. Elle eut l'impression d'explorer une version infiniment plus vaste de son propre village mais aux formes plus artistiques. Les murs des habitations étaient gravés de symboles peints de milles couleurs, si bien que les rues semblaient bordées d'œuvres d'arts. Des portes et des fenêtres, des homme-dragons apparurent, imitant les passants dans les rues qui observaient avec curiosité le convoi qui grimper le long de la rue principale vers le point le plus élevé du village. Comme les gardes, les habitants n'étaient que sommairement habillés et portaient presque tous des armes à leurs ceintures ou accrochées dans leur dos, seuls les enfants les plus jeunes et les vieillards les plus décrépis s'en passant.
En remarquant combien la pente qu'ils gravissaient était raide, la démone se demanda si les habitants reposaient aussi sur des véhicules à roue pour se déplacer. Elle eut vite une réponse en voyant une femme charger ce qui ressemblait à un large bol qui émergeait du sol. Une fois qu'elle eut chargé le récipient, elle frappa le sol de son pied et le bol glissa le long du sol à sa suite, alors qu'il semblait faire parti de la roche elle même.
Émerveillée, la barbare leva les yeux vers le sommet de la montagne et scruta le palais qui surplombait la ville. Dans dix pics rocheux plantés sur un vaste plateau, un château avait été façonné, doté de nombreuses fenêtres et de ponts qui reliaient les tours naturelles entre elles.
Le convoi s'arrêta devant l'entrée principale du palais d'où émergèrent des hommes dragons vêtus de toges pour les accueillir. Le plus vénérable d'entre eux écarta les bras en voyant Lardzar descendre de sa voiture.
– C'est un plaisir de te rencontrer, pince Lardzar. J'espère que la route n'a pas été trop chaotique ?
– Non, du tout. Et vous... commença à répondre le prince avant de se reprendre. Et tu es ?
– Mon nom est Treon, un des trois conseillers de notre souverain, Blaso aux dents aiguisées. Si il t'attends, alors si ton escorte veut bien nous suivre...
Sieg fut quelque peu déstabilise par la familiarité, devant se souvenir que Lardzar avait comparé la façon de s'exprimer à celle des homme-dragons. Comme ses compagnons, il emboîta le pas au prince qui ne se fit pas prier et suivit le conseiller dans le palais. Le hall d'entrée avait des allures de cavernes, des stalactites luminescentes pendant du plafond et éclairant la pièce. Les visiteurs furent quelque peu surpris de voir les sols tapissés et les murs couverts de tentures où étaient représentées plusieurs scènes, comme pour narrer une histoire. Les ouvertures dans les murs qui permettaient de rejoindre d'autres salles n'avaient pas été taillés, comme l'immense escalier que le groupe gravissait, et pourtant ils avaient tous une régularité singulière, comme si la montagne avait pris d'elle même la forme d'un palais habitable sans que personne n'est eu à altérer sa forme.
Une fois en haut de l'escalier, le conseiller toucha le mur qui lui faisait face et une porte se dessina dans la roche avant de s'ouvrir dans un crissement monumental. La salle du trône fut présenté aux invités qui admirèrent l'immense plafond soutenu par deux rangées de colonnes aux allures naturelles. Des pierres incrustées en elles et dans les murs baignaient la pièce d'une douce lueur aux milles teintes, éclairant le long tapis menant de l'entrée de la salle au marches en haut desquelles un trône de pierre parsemé de cousins émergeait du sol, tel un monolithe. Installé confortablement, son occupant toisa ses invités d'un regard arrogant, sa mâchoire posée dans le creux de sa main tandis qu'il s'accoudait pour être à l'aise. Vêtu d'or et de bijoux, l'homme-dragon aux écailles ternies esquissa un sourire aux dents dont le tranchant pouvait être ressenti de loin.
– Ah, voilà donc la délégation de Dredia... grogna le souverain. Tu dois être le Prince Lardzar, le rejeton de ce pleutre de Xerec... Je suis Blaso, le roi des homme-dragons rouges. Parle, je t'écoute ! J'ai hâte d'entendre comment tu vas me convaincre que ton père n'a pas la ferme intention d'attaquer mon pays !
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