Chapitre 22
D'une certaine manière, quand Maddie a dit ''armée'', je m'étais imaginé des rangs et des rangs de soldats en uniforme et avec des armes.
Ce n'était pas ça.
Je m'étais extirpée de notre deuxième voiture volée et trébuchai, les jambes en compote d'être restée assise si longtemps, puis vis finalement notre camp ressemblant plus à une représentation théâtrale où personne n'était capable de mettre la main sur son costume. Hommes, femmes, enfants et toute une bande d'adolescents errant ici et là. Certaines personnes portaient des vêtements formels, comme s'ils sortaient d'une réunion et qu'ils avaient décidé de voir ce qu'il se passait, alors que d'autres portaient des jeans troués et de vieux T-shirts et la plupart trainait en bas de pyjama et pulls usés. Et par-dessus tout, une grande majorité n'avait même pas d'arme. Je vis plusieurs femmes dans la quarantaine regroupées ensemble avec des couteaux de cuisine, un homme avec une bat de baseball en métal, et un jeune homme avec de longs cheveux verts et une poêle à frire. Il y avait une vingtaine de personnes réunissant des balais et essayant de les casser et de les aiguiser en pieux dans un coin du camp.
C'était les uniques armes que possédaient les gens ici. Mais une grande majorité n'en avait pas du tout, je vis des familles avec de jeunes enfants, tout le monde inquiet et l'air nerveux.
On avait fait ça. Maddie, Aretha, Alex, Sofia, Jas et moi – si rien n'arrive à ces personnes, si aucun de ces enfants ne devient orphelin ou ne se fait tué – ce serait de notre faute.
C'était presque assez pour faire trembler mes genoux sous la pression.
Je mis ce sentiment de côté, essayant d'avoir l'air calme et confiant alors que j'avançais à travers les hautes herbes, me dirigeant vers la tente blanche s'envolant du centre du siège dirigeant de fortune. C'était comme si je m'approchais de l'œil d'un cyclone, et le vent soufflant violemment à travers les arbres sous le ciel gris n'enlevait rien à cette impression.
« Oh, tu es là. Bien. Je pensais que tu allais être en retard. » Dit Maddie alors que j'entrais, ne levant même pas les yeux du bureau sur lequel elle était penchée.
« On a eu quelques problèmes à voler une voiture »
« D'ailleurs, où est le reste du 'on' ? »
« En train de décharger la voiture, de ce que je sais » Je m'arrêtai, pesant mes mots. « Tu crois qu'on est fous ? D'essayer de faire ça, je veux dire »
Maddie me dévisagea, un rictus se dessinant sur ses lèvres. « Tu as été folle de rejoindre Wrobel. Ceci est suicidaire »
Un léger bruissement derrière moi fut le seul signe me disant que les autres nous avaient rejointes, jusqu'à ce que Jas parle. « Alors pourquoi est-ce que tu fais ça ? Enfin, tu es libre. Xander n'a pas été marqué ou emmené dans une Ecole. Pourquoi ne pas fuir, laissant le reste du monde faire face à son destin ? »
Il y eut une pause angoissante alors que tout le monde regardait Maddie, curieux de savoir sa réponse. Doucement, ça venait, les mots sortirent de sa bouche. « Quand j'étais petite, mes parents sont morts. Ce n'était pas les Evos. Ce n'était pas une sorte d'exécution dramatique ou de double-homicide. Mon père travaillait cent heures par semaine, dormait rarement, ne mangeait jamais. Il tomba malade – très malade. Pas longtemps après, il est mort, ma mère ne fut alors plus capable de mettre à manger sur la table, et tout ce qu'elle arrivait avoir était directement pour Xander ou moi. Parfois, elle était tellement faible, qu'elle ne pouvait quasiment plus bouger. Nous avons essayé de l'aider, mais je n'avais même pas dix ans – je ne pouvais rien faire, surtout alors que Xander était encore trop jeune pour quitter la maison et que je pouvais être emmenée par les Evos. »
« Elle était partie quelques temps plus tard » Dit Maddie, la voix douce. Elle leva les yeux vers nous, son regard à la fois empli de détermination et de larmes. « Ce n'est pas ce que je veux pour Xander. Je ne veux pas qu'un jour il se sente aussi faible, aussi inutile. Si on part – si on fuit – il ne connaitra rien d'autre que la peur. Il n'aura jamais de maison, de famille. Il mérite mieux. Donc s'il y a ne serait-ce qu'une satanée chance pour nous de descendre les gens qui m'ont empêché d'aider ma famille, tu peux y mettre ta main à couper que je la prendrai »
« C'est suffisant » Dit Aretha, hochant la tête, la comprenant. Il n'eut pas d'échange de condoléance, de larmes de ' je suis désolé' ou de 'je ne savais pas'. On avait tous un passé – en parler ou faire preuve de compassion comme celles-ci ne ferait que nous blesser d'avantage.
J'avançai vers son bureau, penchant la tête afin de mieux voir les documents. Il y avait des cartes, surlignées de plusieurs couleurs, avec des points de plusieurs tailles certainement marquant l'emplacement de bombes.
« Je vois que tu as travaillé dur » Dit Alex, en regardant au-dessus de mon épaule. Sa main frôla la mienne, et je la pris, enlaçant nos doigts ensemble.
« Tu t'es demandé ce qui arriverait si ça tournait mal ? » Demanda Sofia, le ton inhabituellement ferme.
« Pour être honnête, non. Je me suis concentrée sur comment faire pour que ça marche »
« Ce n'est pas suffisant. Tu pourrais avoir le plan parfait, et il suffit que nous ayons oublié une seule variable pour que tout capote. On a besoin d'un plan de secours ! »
« Je ne veux pas être désagréable, mais c'est un peu tard pour y penser, si tu n'avais pas encore remarqué. Je n'ai pas eu de temps pour réfléchir à une stratégie de sortie » Dit Maddie, la voix de plus en plus sèche alors que ses épaules se soulevaient.
« Alors laisses-moi en donner un »
Je clignai des yeux, surprise. Sofia apportait toujours de l'aide aux gens mais elle n'était pas du genre à se donner totalement et à prendre les choses en charge.
J'hésitai, mais seulement un moment. La question devait être posée. « Sofia, est-ce que...tu sais...ça va ? »
Elle nous regarda, les épaules basses et le cou droit, et encore une fois je fus stupéfaite en réalisant que je n'étais pas la seule à avoir énormément changé au cours de ces derniers mois. La timide Sofia, la Sofia avec les cheveux doux et une voix claire aux petites mains, ne se tenait plus devant nous. A la place, il y avait une jeune femme qui comprenait la gentillesse et la cruauté, qui connaissait la différence entre le bien et le mal, et qui prenait totalement part en une cause.
« Non. Non, ça ne va pas. On a passé nos vies dans la peur, et la plupart d'entre nous n'ont rien – ni personne – à perdre, donc ça va si on fonce dans une guerre puisque personne ne se préoccupe de si on meurt. Mais il s'agit de nous. Ces gens dehors... ont une famille, une vie et des amis. Ils ont tellement à perdre, et si on n'y arrive pas, tout ça – toutes ces morts, toute cette tristesse, cette douleur – ce sera à cause de nous. Maintenant, peut-être que vous préférez rester assis là et ne rien faire alors que ces personnes marchent vers la guerre pour nous, mais je veux être sûre que chacune de ces personnes rentre chez elle »
Avec ça, elle se retourna et sortit, laissant les pans de la tente danser violemment derrière elle.
« Eh bien, ça arrivera » Dit Alex, serrant ma main.
« Je vais m'assurer qu'elle va bien » Dit Jas, soufflant. Ses yeux se reposèrent sur Maddie, et elle sourit timidement. « J'espère que tu es prête pour demain »
« Et il n'en resta plus que quatre » Murmurai-je. Je la regardai partir, me demandant ce qu'il fallait faire, entouré de toute cette folie.
Et encore une fois, je n'eus pas de réponse.
***
La lumière du lever de soleil réveillait déjà les oiseaux, mais le ciel était toujours assez sombre pour que la ville ait l'air de briller doucement.
Cela prit du temps, mais nous avions réussi à emmener tout le monde dans le Pot-Pourri sans trop de problème. Les gardes étaient occupés dans la capitale, alors s'y faufiler ne demandait pas trop d'effort dès que les portes sont ouvertes. Désormais, nos forces étaient éparpillées dans le rayon de deux pâtés de maisons, prêtes à commencer à rassembler les Evos dans la salle de réunion voisine quand le temps sera venu.
Mais aucun d'entre nous ne s'attendait à ça.
Six longs jours plus tard, une foule d'Evos – plus que ce que je n'en avais jamais vu auparavant, plus que ce que je pouvais l'imaginer – nous étions réunis en une épaisse foule. Chacun d'entre eux tenait une bougie, et s'avançait dans la pièce emplie de photos et de symboles. Alex avait aperçu des roses éparpillées sur le sol, les pétales parfumant alors la pièce d'une douce odeur.
Mais l'étrangeté de cette situation ne fut pas la seule chose qui me fit soudainement me poser des questions à propos de ça, à propos de tout ça. Non, c'était aussi à cause de ce qu'il y avait d'écrit sur les symboles – en lettres tellement grande qu'on n'avait pas besoin de lunettes pour les lires :
SOUVENEZ-VOUS DE LA VIOLENCE. SOUVENEZ-VOUS DE LA CHUTE. LONGUE VIE AUX EVOS.
C'était un mémorial. Et pas n'importe lequel, un mémorial pour les victimes auxquelles personnes ne fait allusion, pour des vies que je ne savais pas qu'elles avaient été prises. D'une certaine façon, cela me donnait une impression de perversité à notre plan, comme si nous étions les tourmenteurs et eux les innocents.
« Tu le savais ? » Demandai-je la voix étouffée, les yeux posés sur Alex. « Tu savais que G42 les massacrait depuis tout ce temps ? »
Il n'eut pas le temps de répondre que des cris retentirent.
***
Pour toutes réponses à vos questions :
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A bientôt ;)
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