Chào các bạn! Vì nhiều lý do từ nay Truyen2U chính thức đổi tên là Truyen247.Pro. Mong các bạn tiếp tục ủng hộ truy cập tên miền mới này nhé! Mãi yêu... ♥

9 : #3A7CC8

        Lucien avait fait un rêve étrange. Ce fut la panique qui le réveilla. Il s'était fait agresser, crier dessus et la personne semblait familière. Et pourtant, impossible de mettre un nom ou un visage sur la responsable. Le sujet aussi manquait de clarté, la migraine qui tambourinait ses tempes, dès qu'il ouvrit les yeux, était sacrément dérangeante. Et cette douleur à la mâchoire, la peau de ses joues qui le brûlait...

    Ce n'était pas qu'un songe, quelque chose s'était produit hier.

    Il se souvenait de Neeve, de son temps passé avec lui, et de son rire. En revanche, il était incapable de mettre des événements après l'avoir quitté. Il frôla son visage de ses doigts, sentant des bandages tièdes sur ses pommettes, le froid des scotchs s'accrochant sur la pulpe de son index écorché. Oui, il y avait une grosse entaille qui le barrait, c'était pénible en le pliant.

– Regardez-moi qui se réveille de son sommeil à la Belle au bois dormant; se réjouit une voix sur sa gauche.

    Lucien releva aussitôt les yeux sur son copain de lycée, le visage à moitié caché sous une casquette et un masque posé sur son menton. Il avait une boisson de couleur sombre dans les mains et il faisait encore jour dehors. Même si la fenêtre était à l'opposé de l'arrivée de son ami. Lucien avait de suite reconnu l'endroit, les couleurs monotones et l'odeur irritante. Il était de nouveau à l'hôpital. C'est qu'il s'était passé quelque chose de grave.

– C'est qui ?; fut la première question du noiraud.

    Lucien se frotta les yeux d'agacement. Il aurait au moins espéré se réveiller dans sa chambre.

– La Belle au bois dormant ? Une princesse qui s'est piqué le bout du doigt et qui est censée dormir pour l'éternité à cause d'un maléfice.

    Rith sauta sur le lit, poussant Lucien pour s'y installer plus confortablement. Il avait replié ses jambes en tailleur en le regardant enlever la casquette et l'envoyer valser sur le siège près de la fenêtre, ainsi que son masque.

– Et elle s'est faite sauver par un prince, l'amour de sa vie; ironisa-t-il; qui lui a donné un baiser d'amour véritable.

    La pipelette avait quelque chose de différent de d'habitude, ses épaules étaient trop tendues et ses doigts subtilement trop crispés sur sa bouteille.

– Je t'aurais bien embrassé; plaisanta-t-il; mais je ne suis pas de ce bord-là. Navré pour toi, tu aurais sûrement dormi quelques années encore.

– Qu'est-ce que je fais ici ?

    Aucun élément dans la pièce n'indiquait comment il avait atterri dans le pire endroit. La chambre était propre, les rideaux légèrement tirés pour restreindre la clarté aveuglante du gris dehors, les draps étaient blancs et bien repassés. Il n'avait pas bougé dans son sommeil, dormait-il seulement ?

– Ça fait combien de temps que je suis ici ?

– Une bonne grosse journée, tu as roupillé jusque là.

    Le détachement avec lequel il répondait fit tourner la tête de Lucien. Sa voix n'allait pas avec le reste de son corps.

– Tu as été agressé par des voleurs qui voulaient ton argent; haussant les épaules. Comme tu n'avais sûrement rien sur toi, ils t'ont blessé pour te faire céder et que tu leur filent quelque chose de valeur. Ils t'ont assommés avant de te faire les poches quand la police est arrivée.

– Comment tu sais tout ça ?

– C'est moi qui ai appelé les flics; tout fier.

    Lucien le considéra un instant avant de le contredire avec toute la certitude du monde :

– Tu mens.

– Comment ça "je mens" ?; un sourcil haussé.

    Il ne prit pas la peine de répondre, il n'avait pas vraiment d'arguments pour le contrer. Juste son instinct qui lui soufflait que rien de tout ça n'était vrai. Alors Lucien se levait, rencontrant le sol d'une froideur désagréable du parquet, avant de se diriger vers la salle de bain.

– Qu'est-ce qu'il y a, Lulu ? Ça te parait si surprenant que des gens soient mauvais à ce point ?

    Des inconnus oui, mais une certaine personne encore plus.

    Comme la derrière fois qu'il s'était retrouvé ici, il trouva des vêtements accrochés derrière la porte. Dont cette même veste sombre qui appartenait à monsieur Zliot. Automatiquement, il la prit pour fouiller dans sa poche gauche. Au son du tintement des pièces et la sensation particulière du billet, il était certain qu'il lui dissimulait quelque chose ouvertement. Il prit l'argent pour sortir de la salle de bain et lui montrer.

– Tu mens, Rith.

    Son visage se décomposa aussi rapidement qu'il s'était redressé sur le lit.

– Oh bah; rit-il nerveusement; ils ont dû en oublier.

– Qui essayes-tu de protéger ?

– Personne, voyons ! Quelle idée !

    En d'autres circonstances, il aurait fini par laisser couler. Or, il s'agissait de la soirée et de la santé de Lucien dont ils parlaient. Il voulait savoir ce qui était si flou dans sa mémoire, et en quoi ça le concernait.

– C'était juste des malfr...

– Rith, qui essayes-tu de protéger ?; réitéra-t-il.

– Mais enfin, Lucien...

– Rith, je veux savoir.

– Toi, j'essaye de te protéger toi !; s'emporta-t-il.

    La tension s'était allégée. C'était plus confortable quand la vérité sortait, Lucien préférait.

– Parce que je le connais, que c'est un gosse et que ses caprices sont sans limites; affirma-t-il.

     Puis il soupira, pour manifester son mécontentement. Il se pinça l'arête du nez avant d'avouer :

– Parce que ça va au-delà du simple caprice et que tu fonces dans le tas.

– De qui tu parles ?

    Aheen, il en était certain.

– Aheen, quelle question ! Tu en as d'autres comme ça ?

    Tout devint limpide. Sa provocation hier soir, son avertissement, sa menace, ses sous-entendus que Lucien ne comprenait pas le moins du monde.

– Je n'ai rien fait; se défendit-il d'une petite voix.

– Tu as juste oublié; s'agaça Rith en balayant l'air de sa main.

     Lucien déposa la monnaie sur le rebord de l'évier avant de venir se positionner devant Rith. Le blondinet releva les yeux vers lui et le suivit pendant qu'il s'installait sur la place libre du lit. Lucien détailla Rith qui avait détourné la tête lorsqu'il posa la question :

– Qu'est-ce que j'ai fait ?

    Il se mit à rire nerveusement, plus discret.

– Même avec toute ta mémoire, tu ne saurais pas ce qu'il te reproche.

    Ça n'avait aucun sens. Ils ne se connaissaient pas avant, ni réellement maintenant. Et pourtant, Aheen lui avait fait comprendre la même chose : "Tu penses passer inaperçu mais personne ne t'a oublié. Moi je me souviens ! Ça me maintient éveillé chaque jour qui passe." qui ne voulait autant rien dire que le charabia de Rith.

– C'est lui qui m'a fait ça ?

    Il désigna les bandages sur ses joues. Rith hocha la tête avant de rouler des yeux.

– Il peut être vraiment ingérable quand il s'y met.

    Le blond paraissait peu surpris que cela lui soit arrivé.

– Qu'est-ce qu'il y a en-dessous ?

     Des brûlures ? Des griffures ? Il avait tellement compressé ses joues qu'il ne savait pas trop sur lequel se pencher.

– Normalement plus rien.

    Lucien fronça les sourcils. Ça datait de la veille, il y avait forcément des séquelles.

– Va pas me faire croire que tu n'as pas remarqué la vitesse incroyable avec laquelle tu guéris ?

    Il se trompait de personne.

– Je souffre toujours de mon dos; contra-t-il.

– C'est différent.

    Face à son incompréhension flagrante, Rith inspira longuement avant de tourner le haut de son corps vers lui.

– Lucien, tes omoplates ne cicatriseront pas au point de disparaître, tu t'es...

    La porte s'ouvra soudainement, après un maigre grattement qu'aucun des deux n'avait entendu. Les deux regards s'étaient posés sur monsieur Zliot, sa tenue bleue et blanche parfaitement repassée, qui souriait doucement en tombant sur les deux garçons. Sa coiffure était parfaitement plaquée vers l'arrière, signe qu'il venait de commencer son service ou qu'il avait eu sa pause quelques minutes auparavant.

– Et bien, pour une surprise; ria-t-il; je ne pensais pas voir Lucien levé de si bon pied !

    Le concerné le considéra. C'était sans doute monsieur Zliot qui avait changé ses pansements, donc il pourrait peut-être répondre à sa question en suspens : qu'avait-il enduré en dessous des compresses de gazes ?

– C'est bon de te voir réveillé, Lucien.

    Sincère, le noiraud lui sourit faiblement en retour avant de voir du mouvement derrière son épaule. L'infirmière Tiaj ?

– Mais je pense que nous ne sommes pas les deux seuls soulagés de ce fait-ci.

    Puis il se décala pour laisser apparaître Neeve dans l'embrasure de la porte, son bonnet rouge fixé sur sa tête, l'écharpe entre ses mains. Il était inquiet, ou nerveux, Lucien n'arrivait pas bien à déterminer. Or il fut surpris de le voir ici, il n'était jamais venu auparavant. Il se leva sans cligner des paupières, même sa bouche s'était entrouverte.

    Le blondinet souriait gentiment avant de le rendre au docteur qui s'était éclipsé en leur informant avoir à faire dans les étages en dessous. Il était entré par la suite dans la chambre, fermant la porte doucement avant de se précipiter contre Lucien, entourant sa taille de toutes ses forces. Bouleversé, il resta figé sur place, regardant le vêtement de laine sur sa tête s'écraser contre sa clavicule.

– Neeve ! Pour une surprise; se manifesta Rith, qu'un instant Lucien avait oublié.

    La chaleur du garçon caressait chaque partie du corps de Lucien, qui finit par l'étreindre aussi, maladroitement. Certes, son dos le brûlait, mais pas aussi douloureusement que les autres fois. C'était plus comme s'il avait activé son radiateur et qu'il était resté devant.

    En tournant son regard vers Rith, il vit celui-ci lever son pouce vers lui. Alors que Lucien demandait silencieusement ce qu'il faisait là.

– Tu vas bien; soupira finalement Neeve.

– Bien-sûr qu'il va bien, qu'est-ce que tu crois ?

    Le blond s'était décollé de lui pour dévisager Rith et tout son enthousiasme.

– Ne regardes-tu donc jamais la télévision ?

– Pour quoi faire ?

    Il plaça ses deux mains derrière sa tête avant d'écraser son dos sur le lit. Neeve s'était complètement détaché du noiraud pour venir taper le genou du garçon.

– Il y a eu un meurtre dans un pâté de maison à côté du lycée; sur le ton de la réprimande.

– Viens-en au fait; pas perturbé pour un sous.

– J'ai laissé Lucien au lycée hier !

    Comme s'il n'était pas au courant de cette histoire, Rith se redressa vivement en dévisageant l'adolescent.

– Attends, tu l'as laissé tout seul ?

    Lucien fronça les sourcils. Pourquoi faire semblant de ne pas savoir alors qu'il était sur place ?

– J'étais en retard pour un rendez-vous avec ma tante, puis il ne se passe jamais rien dans cette foutue ville !

– Sauf ce soir-là; sur le ton du reproche.

– Comment je pouvais savoir ?

– Il y a des fous partout !

– S'il vous plaît; les interrompit Lucien.

    La migraine pointait à nouveau le bout de son nez et il préférait éviter une dispute relance-balle qui ne servait à rien. Les deux têtes s'étaient tournées vers lui, laissant un silence soudain planer dans la pièce, qui était aussi bruyant que leur voix. Lucien soupira avant de regarder le nouveau venu.

– Oui, je vais bien.

     Le regard désolé, il fit tout de même une petite moue.

– Rith, évite de crier; demanda-t-il en se rasseyant doucement.

– Qu'est-ce qui t'est arrivé ?

    Neeve partit prendre le fauteuil dans le coin de la pièce et le fit glisser jusque devant eux.

– Il s'est fait agressé par des voleurs; mentit naturellement Rith.

– Des voleurs ? Comment ça ?; dégageant la casquette du blondinet pour s'asseoir sur le bord du siège.

– Paraît que c'étaient des gens qui en avaient après son argent, j'en sais trop rien; esquiva le garçon en haussant les épaules.

    Lucien le fixait, curieux de la manière dont il sortait ce récit. C'était la même intonation, les mêmes mots, cependant avec une attitude moins crispée. Au point où il passa son bras autour de son cou pour le rapprocher de lui.

– Mais tout va bien, regarde; en prenant son menton pour montrer tous les angles de son visage; il pète la forme !

– Tu étais là ?

    Puisque c'était Rith qui avait répondu.

– Ouais, j'ai appelé la police. Et comme elle n'était pas loin, c'était réglé en deux deux.

    Tout de même encore inquiet, Neeve considéra un instant le noiraud. Lucien aurait aimé effacer cette culpabilité de son visage, la faire disparaître et retrouver sa bonne humeur d'hier.

– Je suis désolé, j'aurais dû te raccompagner.

    Ses doigts se battaient sur ses genoux, une de ses cuisses sautait et il se mordillait l'intérieur de la joue.

– Tu parles à un roc; reprit Rith; il peut très bien se débrouiller tout seul. Ne t'en fais pas.

– Il a quand même été blessé; fusillant l'adolescent du regard.

– Quelques égratignures, l'affaire de quelques jours.

    Et encore maintenant, il était certain qu'il guérirait vite. Lucien baissa son regard vers son doigt, l'entaille était toujours présente et à peine sèche. Pourtant, puisque Rith s'obstinait à mentir, il referma son poing sur lui-même avant de relever la tête vers Neeve, fixé sur lui. Cette expression, Lucien la détestait vraiment, elle ne lui allait pas.

– Comment tu te sens ?; demanda-t-il en interrompant le troisième garçon.

– Secoué.

    Ce n'était pas un mensonge, il l'était vraiment. Il ne s'était pas attendu à un tel élan de violence de la part d'Aheen.

– Il s'en remettra; promit Rith en ébouriffant ses cheveux.

– Arrête de parler à sa place.

– Fais pas le rabats-joie.

    Le contraste entre les deux émotions des garçons ne donnait pas envie à Lucien de parler. Il les observa tour à tour, n'écoutant pas pour autant la joute verbale qui s'ensuivit. Rith paraissait en savoir beaucoup et ne disait pas grand chose. Il s'était même apprêté à lui faire une sorte de cours scientifique sur le pourquoi son dos ne cicatrisait pas, cependant il n'était pas prêt d'aborder à nouveau le sujet. Et pourtant, une question brûlait ses lèvres :

– Comment tu savais où j'étais ?

    Ce qui remit au silence les deux pipelettes qui s'étaient figées sur lui, le souffle en suspens. Il se passa une, deux, trois, voire une dizaine de secondes avant que l'un d'eux ne reprenne vie. Ce fut Neeve qui bougea en premier.

– C'est vrai, ça.

    Rith fronça les sourcils avant de hausser les épaules.

– Je passais dans le quartier, une course de dernière minute.

– Il n'y a pas de magasins aussi proches du lycée, et encore moins dans cette rue-là.

– Figure-toi que j'habite presque en face; se défendit-il; et qu'en descendant j'ai vu du grabuge sur le trottoir.

    Il mentait, encore. Il avait contracté légèrement ses épaules et parlait un poil trop fort comparé à la seconde précédente.

– Pourquoi tu as toujours ton skate si tu vis à proximité ? Ça ne sert à rien...

– J'ai déménagé juste avant la rentrée, puis c'est l'effet de style ! Cet air de mauvais garçon est très flatteur.

– Tu m'en diras tant; roula des yeux Neeve, un sourire discret naissant sur le bout de ses lèvres.

    Finalement, Lucien aimait bien cet endroit, du moins à cet instant. Ils apportaient de la lumière et de la chaleur entre ces murs tout blanc. Suivant le blondinet, il se mit à sourire aussi, ce qui n'échappa à aucun des deux.

– Mais c'est qu'il sait sourire, finalement !; s'enthousiasma Rith en haussant les sourcils.

– Tu n'es pas assez amusant pour qu'il le fasse avec toi, voilà tout.

– Je vais te faire manger ton bonnet; le menaça-t-il en levant l'index. Je suis très drôle !

– Les rêves c'est la nuit.

    Rith attrapa l'oreiller plus loin avant de lui lancer gentiment dessus, sous le rire de Neeve qui avait à peine esquivé l'attaque. Faussement offusqué, il riposta en le frappant du coussin. Ils se chamaillèrent ainsi de longues secondes, animant la chambre comme Lucien n'avait jamais connu auparavant. Jusqu'à ce que le noiraud se prenne un coup en pleine tête, figeant les deux. Leurs rires résonnaient encore sur chaque meuble et Lucien se laissa aller, pour la première fois, à rire. Il le découvrait autant que ses amis. Un rien trop grave, à peine nasale et d'une petite voix.

    Neeve avait sans doute arrêté de respirer, au manque de son provenant de sa personne, et Rith s'était redressé pour le regarder en ne sachant pas trop comment réagir. Pour autant, Lucien le laissa vivre un temps avant de se calmer en relevant la tête. En fait, Neeve souriait, la bouche ouverte et Rith avait les mêmes yeux qu'un merlan fris.

– Et bien pour une surprise, il sait rire en plus.

    Et pendant les vingt minutes suivantes, ils avaient continué à se chamailler comme deux enfants, sous le regard amusé du noiraud qui n'avait pas vu le temps passer. Il eut un pincement au coeur en voyant la tête de monsieur Zliot passer par le battant de la porte en informant Neeve que sa tante était venue le chercher. À contre-coeur, il s'était levé en s'excusant auprès des deux autres avant de filer. Il lui manquait déjà.

    Cependant, Rith était toujours là, n'ayant aucune intention de bouger de la chambre et encore moins du lit. En tailleur, il finit sa bouteille avant de la poser par terre, là où elle était jusqu'à présent.

– Tu as appelé madame Mirren ?

    Lucien avait tourné un regard perplexe dans sa direction tandis que l'adulte fermait le battant tranquillement.

– J'ai des pansements à changer; se justifia-t-il.

    Il se dirigeait directement vers Lucien, observant d'abord ses yeux avec une lumière alors qu'il fixait son index pendant de longues secondes.

– Tu as été bien secoué; éteignant la minuscule lampe qu'il finit par ranger dans sa poche; il fallait que je m'assure que tu n'aies rien.

    Lucien cligna plusieurs fois des paupières, gêné par ce petit faisceau lumineux qui dura dans son champ de vision.

– Tu as des maux de tête ? Des vertiges ?

– La tête; répondit-il en lançant un regard à son ami.

    Il consulta son pouls quelques instants puis partit se désinfecter les mains dans la salle de bain. Rith, qui était resté silencieux pendant les maigres minutes d'auscultation, était fixé sur le noiraud. Lucien aurait aimé savoir ce qui lui passait par l'esprit à cet instant. Quand monsieur Zliot revint, s'apprêtant à enlever ses bandages, Rith posa enfin sa question :

– Tu penses qu'il en gardera des séquelles ?

    Tandis qu'il retirait délicatement les sparadraps, Lucien grimaça. Rien à voir avec l'inconfort qu'il ressentait dans son dos à chaque évaluation de ses blessures. Sa peau voulait rester collée au scotch, il donnait peu cher de ses plaies dessous, en espérant qu'elles n'aient pas été touché.

– En théorie, non; se faisant le plus délicat possible; mais ne sait-on jamais.

– Jusqu'où va ta théorie ?

    Rith avait l'air sincèrement consciencieux, contrastant de sa discussion avec Neeve.

– Une théorie ?; s'inquiéta Lucien en fronçant les sourcils.

    Or aucun des deux ne répondit tandis que son premier pansement fut complètement détaché. Le silence pesant qui s'ensuivit fit presque frissonner le noiraud de malaise. De quelle théorie parlait-il ? Des séquelles ? Du genre ? Lucien ouvrit les yeux doucement pour s'assurer de la teneur de la situation. L'un ne fut pas le moins surpris du monde tandis que l'autre abordait un petit sourire en coin.

– Jusque là; déposant le tissu blanc à peine tâché sur le drap.

    Il s'affaira à retirer le deuxième, tout aussi doucement alors que Lucien ne savait trop quoi penser. Une bonne dizaine de questions nécessitant de solides réponses se bousculaient dans sa tête.

– C'est dingue ça; souffla Rith.

    Ses deux joues à l'air, le noiraud porta immédiatement ses mains à son visage, puisque le docteur ne lui interdit pas. L'adulte tourna un regard amusé dans la direction du blond.

– Parce que tu en doutais ?

– Ce n'est pas que je n'étais pas sûr qu'il guérirait aussi vite mais...

    Lucien avait fermé ses oreilles pour tourner son attention vers le miroir de la salle de bain, auquel il s'était précipité. Il perdit sa respiration en constatant l'absence totale de marque, comme s'il n'avait jamais rien eu et que les bandages n'avaient été que pour justifier son séjour ici. Il laissa ses doigts frôler ses pommettes lentement, parcourir la courbe saine de sa joue, dessiner son menton, sa mâchoire. Sa peau était aussi lisse qu'avant et sans douleur, aucune. Impossible. Il se souvenait de la sensation vive de brûlure lorsque Aheen l'avait touché, l'acharnement de ses ongles contre sa peau, qu'il l'ait au moins égratigné. Ça s'était produit, Rith lui avait même avoué.

    Il dévia ses yeux vers lui, qui conversait avec le docteur comme si la situation était normale. Leurs mots étaient indistincts, le sujet tout aussi incompréhensible, mais tous deux étaient détendus. Lucien se dirigea lentement vers le docteur, dont le sourire s'illuminait un peu plus à la vue du convalescent.

– Alors, comment te sens-tu ?

    Il s'arrêta à quelques pas, et souleva son index à hauteur de poitrine. L'adulte haussa les sourcils, étonné que Lucien manque autant de tact, puis s'approcha. Le contact tiède de ses doigts contre sa main le fit un instant hésiter à se retirer. Ce n'était pas désagréable, pas comme celui d'Aheen, pourtant cela le dérangeait. Néanmoins il voulait savoir ce que c'était, et ils paraissaient mieux le connaître que lui. Le poivre et sel examina un instant la pulpe à la lumière artificielle, puis il se mit à appuyer sur la fine cicatrice à peine séchée. La douleur fut vive mais moindre, il en grimaça tout de même. Il s'en envola une fumée noire à l'odeur nauséabonde qui fit reculer le garçon d'un pas, sous la surprise et l'incompréhension.

– Maintenant il n'y a plus rien; avec un sourire compatissant.

    Pourtant son expression était trop tendue pour être sincère. Les sourcils un poil trop proches, les yeux fuyants, les deux savaient quelque chose.

– Qu'est-ce que c'était ?; se méfia Lucien.

– Plus rien de grave, ne t'inquiète pas; prenant un mouchoir dans sa poche pour s'essuyer les mains.

    En effet, en regardant son doigt il n'y avait plus la moindre trace d'une blessure. Comme si elle n'avait jamais existé. Déboussolé, Lucien se le pinça, le senti, cherchait une explication plausible à ce qui lui arrivait.

– Plus rien ?

    Néanmoins, le docteur ne répondit rien. Il était préoccupé, Lucien le sentait. Rith était bien silencieux aussi, lui qui avait toujours quelque chose à dire. Il triturait ses doigts lorsqu'il tourna sa tête, son pied tressautait de manière régulière.

– Qu'est-ce que j'ai ?

– Tu sais; esquiva monsieur Zliot, rangeant le mouchoir dans la poche de son pantalon; ce n'est pas toujours de ta faute s'il se passe quelque chose. Tu étais au mauvais endroit au mauvais moment.

    Lucien plissa les yeux, méfiant. Ça ne répondait pas à sa question.

– Les voleurs courent les rues ces derniers temps, heureusement que Rith était au bon endroit au bon moment.

– C'était Aheen; le reprit Lucien.

    Le choc dans ses yeux valait son pesant d'or. Visiblement, il s'attendait aussi à ce qu'il oublie, qu'il gobe facilement ce mensonge. Il ouvrit la bouche pour répliquer quelque chose, se ravisa, il n'allait pas le contredire vu le regard désapprobateur qu'il lança à l'adolescent sur le lit. Puis il soupira en recoiffant ses cheveux déjà parfaitement plaqués vers l'arrière. Il alla même jusqu'à passer sa large main sur son visage comme pour effacer cette contrariété qu'il affichait.

– Quoi ?

– Lucien; somma-t-il d'une voix forte; quoique Rith ait pu te dire, n'y pense pas trop.

– Mais...

– Tu n'es pas prêt à... comprendre ce qu'il se passe.

– Monsieur Zliot; tenta-t-il de le retenir.

    L'adulte avait incité Rith à se lever et le suivre d'un signe de menton en contournant Lucien.

– En attendant, reste ici; lui ordonna le poivre et sel. Je viendrai te chercher dans la soirée.

– Monsieur Zliot.

    Mais il avait déjà fermé la porte au nez du garçon. Il était resté tout penaud à fixer le battant clair, son maigre espoir d'avoir des réponses s'étant envolé avec les deux seules hommes. Il était déterminé à savoir, il s'apprêtait même à activer la poignée pour les suivre. Pourtant, en frôlant le froid du métal, il se ravisa. Son instinct lui soufflait de rester ici. Il lui avait promis de venir plus tard dans la nuit et il n'avait pas fermé le verrou. Il lui faisait confiance, ou il l'aurait sans doute enfermé.

    Il laissa tomber sa main contre sa cuisse avant de se détourner vers la fenêtre par laquelle les rayons fins de la lune caressaient les courbes simples du lit. Lucien éteignit la lumière et s'avança jusqu'au matelas, s'y assit docilement et contempla l'horizon. Non sans frotter son index et son pouce, repensant à ce qu'ils lui avaient dit, et surtout la phrase inachevée de Rith.

    Il le connaissait. Pourquoi ne pas lui avoir dit plutôt ?

Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro