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10 : #8E1C0C

– Content de te voir en meilleur état.

    Lucien sortit de ses pensées pour tourner son attention vers Neeve. Il fut la première personne qu'il croisa aujourd'hui.

    Monsieur Zliot était effectivement venu le chercher lorsque la lune avait établi domicile haut dans le ciel sombre, à travers les nuages. Il l'avait attendu le temps qu'il s'habille et ils étaient rentrés, le tout dans un silence lourd et significatif. Lucien avait refusé de prendre l'initiative de remettre le sujet sur la table et le docteur n'en avait pas fait plus. Jusqu'à la maison, la lune ne les avait pas suivi, Lucien s'était senti seul et isolé pendant les dizaines de minutes où la musique calme de violon et piano l'avait encore plus plongé dans ses réminiscences. Lucien n'avait pas eu faim et était directement monté dans sa chambre, s'y enfermant sans même rendre les politesses de l'hôte. L'hypocrisie qu'il aurait eu à le faire lui aurait certainement retourné l'estomac. Il avait contemplé la nuit peinte d'obscur, le crépuscule s'évanouir par delà les bâtiments et arbres au profit de l'aurore tout aussi assombrie. Il s'était même mis à pleuvoir, l'affaire de quelques gouttes dérangeantes, et l'odeur du petrichor avait été la seule chose plaisante qu'il avait trouvé avant de tomber sur Neeve. Sous sa tignasse de boucles d'or à peine démêlée et ses petites lunettes, Lucien aperçut nettement son soulagement.

    Encore un peu déconnecté, il se tourna lentement vers lui, la fatigue dans les mouvements.

– Tu n'as pas l'air en si mauvaise condition que ce qu'hier laissait paraître; expira-t-il.

     Le blondinet se voyait trempé par endroit, quelques mèches gouttaient et le bout de son écharpe était humide. Il pleuvait encore, ce qui expliquait la précipitation des pas dans le couloir de l'entrée.

– Comment tu te sens ?

    Neeve attrapa son regard comme pour ancrer son attention dans le sien.

– Perdu.

    Même le son de sa propre voix le surprit. Il avait parlé si faiblement et de manière tellement enrouée que Neeve s'inquiéta aussi.

– Tu veux en parler ?

    Et placer des mots sur ce qu'il ne comprenait pas ? Il avait passé sa nuit à y retourner dans tous les sens pour y trouver une idée concrète. Et pourtant, tout était si abstrait dans ses suppositions. Puis, il ne se sentait pas de parler longuement. Alors il secoua la tête.

– Je comprends; en frôlant son bras en dessous de son pull bleu nuit. Tu as l'air fatigué.

    Lucien eut l'impression d'être un livre ouvert, que Neeve lisait dans ses pensées et qu'il pouvait même sentir la douleur subtile de son dos lorsqu'il avait approché sa main. Et pourtant, il ne fit pas plus de commentaire que celui-ci, rien qui laisserait penser qu'il entrevoyait tout.

– Mon père disait qu'une bonne nuit de sommeil est celle où les voix s'éteignent.

    Ils avaient commencé à emprunter le couloir de l'étage lorsqu'il avait repris la parole. Sa voix calme semblait rebondir contre chaque élève qui passait, comme si elle était destinée à tous ceux dont les cernes mangeaient le visage.

– Il n'a jamais vraiment aimé dormir; admit-il en rigolant; il trouvait le sommeil inutile et son temps gâché par un coma temporaire.

    À quoi pouvait penser son père quand Morphée ne venait pas ? Comment se sentait-il le lendemain ?

– Ça agaçait ma maman, elle avait peur que je ne le suive à me réveiller trop tôt et me coucher trop tard.

– C'est le cas ?

    Neeve tourna le menton vers lui, laissant le silence durer pendant qu'ils se considéraient. Le blondinet remonta ses lunettes sur le haut de son nez en esquissant un petit sourire en coin.

– Ça dépend pour quoi.

    À l'entrée de la salle, il se dirigea directement à sa place lorsque la sonnerie retentit. Lucien l'avait suivi du regard en l'imaginant aussi se planter devant sa fenêtre pour admirer le lever du soleil, les oiseaux rencontrer le vent matinal, le ciel se teinter de couleurs douces et chatoyantes. A quoi pouvait bien ressembler son regard face à une nouvelle journée ?

    De retour après une longue absence, son voisin de table, Franck, le salua d'une petite voix avant de se décrocher la mâchoire d'un bâillement digne d'une nuit blanche. Il avait coupé ses cheveux, ce qui rendait son visage bien pâle entre son grand front et les petits yeux qui fixaient sa trousse distraitement. Bien que curieux quant à sa disparition les rares fois où Lucien était présent, il ne posa aucune question au garçon qui s'était mollement levé à l'arrivée du professeur. Ils étaient aussi silencieux qu'une éolienne à l'arrêt, la fatigue parlait à leur place. Et pour cause, Lucien n'avait pas participé la moindre fois ce matin. Même lorsque les réponses fausses s'accumulaient au tableau. Malgré ses convalescences répétées, Lucien trouvait toujours les bonnes informations dans son coin, il ne s'en félicita même pas, il luttait pour ne pas que ses paupières ne se ferment et qu'il s'endorme sur sa table.

    Les deux heures interminables l'avaient presque achevé, et le trou juste après était le bienvenu dans son emploi du temps. Nahara avait accaparé le temps de Nevee, ce qui donnait des dizaines de minutes à Lucien pour se retrouver seul. Il n'avait pas croisé Rith ce matin, sans doute n'était-il pas présent ou restait-il avec des camarades. Alors le noiraud s'était réfugié à la bibliothèque, accessible par la cour du lycée. Il s'y était rendu d'un pas nonchalant et la durée du trajet avait été d'une longueur épuisante. Néanmoins, en arrivant sur place, il s'était de suite dirigé dans le rayon religion et mythologie. Il voulait des réponses sur ce qu'on refusait de lui dire, et il avait l'intuition qu'en cherchant dans ce domaine, il trouverait certainement des pistes.

    Il avait parcouru de nombreux dos du doigt, s'arrêtant par instant lorsqu'un titre agrippa un peu plus son regard que les autres. Spécifiquement celui où les mots 'ange et démon' étaient inscrit dessus. Il le délogea et s'assit à même le sol, loin des bruits incessants des crayons sur les cahiers ou les murmures des élèves. Il posa son sac contre l'étagère, créa un support de ses genoux puis ouvrit tranquillement le livre. Malgré sa couleur sombre et les inscriptions en lettres d'or sur la couverture, l'intérieur était épuré et simple. Il détaillait le sommaire un court instant avant de se retrouver à l'introduction. Elle dura deux pages, néanmoins elle mettait les points sur les i. Lucien la survola, il ne se rappelait pas vraiment ce qui y était dit.

    Le premier chapitre parlait des anges, ce qu'ils étaient véritablement, à quoi ils ressemblaient, à quelle fonction ils étaient attribués. Le livre précisait des détails qui furent étonnants. Comme ceux qui disaient que les gardiens étaient peu et qu'ils n'étaient pas des protecteurs, comme leur nom l'indiquait. Ils conseillaient la plupart du temps, aiguillaient sur des doutes, des choix. Personne ne les voyait jamais, peu connaissait leur existence et ils s'occupaient de plusieurs vies humaines en même temps. Les descriptions faites de ces êtres invisibles intriguaient Lucien. Comment faisaient-ils pour placer des mots, des ressemblances et même croquer des apparences sur ce qu'ils ne connaissaient pas ? La recherche d'une rationalisation sans doute. D'après un dessin sur la dixième page ils étaient grands, élancés et dotés d'ailes dans leurs dos, immenses et volumineuses.

    Un instant, Lucien se représenta une paire entre ses omoplates, là où ses blessures ne guérissaient pas. Des plumes blanches, comme décrites dans le bouquin, aussi maniable que ses doigts bougeaient, que son torse se soulevait en respirant. Néanmoins, le contraste avec ses vêtements quotidiens le dérangeait, cela faisait tâche. Puis, comment des choses aussi gigantesques pouvaient sortir à travers des tissus ? Ou ne disparaissaient-elles pas lorsque les anges enfilaient des tee-shirts ? Comment faisaient-ils pour s'habiller ? S'habillaient-ils seulement ? Puis, comment volaient-ils sans que personne ne les voit ? Les nuages avaient l'air certes épais et opaques, néanmoins du mouvement devait les faire bouger. Comme quand le vent les emportait dans un autre pays. Comment était-ce de planer parmi les oiseaux ? Quelle sensation cela procurait de se rapprocher de la lune, du soleil et des étoiles ? Si Lucien y pensait, il serait amusé de voyager avec des volatiles en tout genre, de rencontrer la pluie à la lisière des nuages, de venir caresser la brume pour en connaître la sensation. Comment verrait-il le monde d'en haut ? Était-il beau ?

    Ça lui donnait envie de tester, de savoir ce que cela faisait de planer comme un aigle. Peut-être était-ce pour cela qu'il faisait du parapente, lorsqu'il a été retrouvé. Lucien avait sans doute aimé les sensations en plein jour et avait été trop curieux de le faire en pleine nuit. Et si la tempête les avait surpris ? Les ? Il y voyait une deuxième personne, floue et indistincte mais présente. Il avait même la sensation de ne pas être seul, et qu'il était angoissé. Par la tempête ou pour son compagnon de vol, il n'en savait rien. C'était si abstrait qu'il se demanda comment il avait pu en arriver là, à s'imaginer une énième explication de son état alors qu'il s'était promis de ne plus y penser, l'avant dernière fois où il s'était retrouvé seul à l'hôpital car il commençait à se sentir anxieux.

    Il tenta donc de changer de sujet, cependant il ne savait pas trop à quoi penser. Il refusait de songer à Aheen avec des ailes blanches, ses deux copines ou encore à penser que ces êtres existaient. Personne n'en avait jamais vu, à quoi bon trop y réfléchir ?

    Lucien ouvrit les yeux vivement, sursautant par la même occasion, en entendant du mouvement proche de lui et quelque chose tomber. Il s'était assoupi, la tête presque dans le bouquin. Il inspira longuement en relevant le regard vers la personne peu discrète. C'était Neeve, accroupi au sol, qui venait de faire tomber un carnet brun et un stylo aux pieds du noiraud. Vu sa position figée et tendue, ainsi que son expression paniquée, ce n'était pas son attention de faire tout ce vacarme. Que faisait-il là ? Il avait été embarqué par Nahara une dizaine de minutes auparavant. Lucien fronça les sourcils. Somnolait-il encore ?

– Désolé; d'une faible voix; ça m'a glissé des mains.

    Bon, point véridique, il était bien là. Neeve posa finalement ses fesses par terre, croisant ses jambes en tailleur en récupérant ses affaires.

– Je ne voulais pas te réveiller.

    Lucien lui tendit le stylo avant de laisser sa main revenir se poser sur les pages à l'allure usée. Neeve entrouvrit son bouquin, jeta le crayon dedans avant de le poser sur ses cuisses, sous le regard attentif du noiraud.

– Qu'est-ce que c'est ?; demanda-t-il d'une voix légèrement enrouée.

    Le binoclard releva la tête, les sourcils aussi, en essayant de déterminer de quoi il parlait. Du menton, il désigna le carnet de faux cuir.

– Oh, ça ? Un passe-temps; répondit-il en remontant ses lunettes; je dessine un peu.

    Lucien détailla ses doigts un maigre instant, apercevant des traces sombres sur le côté de son auriculaire. Ainsi que le haut de sa pommette.

– Et j'avoue que je suis très inspiré ces jours-ci.

    Lucien pencha la tête sur le côté. Le fin sourire du blondinet semblait en dire long, néanmoins il n'en comprit pas le moindre sens. Cela le rendait manifestement heureux. Malgré lui, Lucien détendit ses épaules et esquissa lui aussi un petit sourire, comme pour imiter son vis-à-vis.

– Et toi ? Qu'est-ce que c'est ?

    L'expression du noiraud s'évanouit, le sentiment d'angoisse l'avait comme rappelé à l'ordre. Il posa son regard sur la onzième page, qu'il ne se souvenait pas avoir lu, parcourant rapidement les mots sans prendre le temps de les lire.

– Des réponses; laissa-t-il échapper malgré lui; à des interrogations.

– Tu as l'air tracassé.

    Il se mordit l'intérieur de la joue puis soupira. Sans doute que Neeve avait raison, il se tracassait pour des choses lues qui se basaient sur des informations sortant de mythes et légendes.

– De quoi il parle, ton bouquin ?; s'avançant vers lui pour tenter de déchiffrer des phrases à l'envers.

    Lucien redressa le menton en perdant son souffle, de nouveau il pouvait sentir l'odeur de son shampoing et remarquer le rosé subtil de ses joues tachetées.

– D'anges; en même temps que Neeve.

    Leurs regards se croisèrent sur l'arrêt du temps. Le jour ne bougeait plus, les bruits avaient cessé et l'entièreté du monde vivant s'était arrêtée net. Seuls les cils corbeau au-delà des lunettes de Neeve étaient capables de se mouvoir. Ses lèvres s'entrouvraient pour s'apprêter à parler avant de se résigner, son souffle dominait celui nul de Lucien, ses prunelles accrochaient les siennes, et rien ne comptait d'autre.

    À un moment, trop court à son goût, Neeve se racla la gorge en s'éloignant, le laissant dans une sensation de froid soudaine qui le fit frissonner désagréablement.

– Vraiment ?; rigola-t-il fébrilement. Et tu as trouvé de quoi te satisfaire ?

    Le temps avait repris son cours, rattrapant le garçon comme une gifle.

– Qu'est-ce que tu sais sur eux ?; demanda à la place Lucien, de but en blanc.

    Un maigre instant, il sembla pris de court, papillonnant des cils comme s'il avait mal entendu ou qu'il ne s'attendait pas à cette question. Puis il s'autorisa une grande inspiration avant de répondre :

– Pas grand chose de plus que les livres ou internet; laissant son regard vagabonder ça et là; seulement que presque personne ne croit en leur existence, que personne n'en a jamais vu, qu'ils sont aussi mystifiés que les vampires ou les lutins.

– Mystifiés ?

    Neeve haussa les épaules.

– Dans les œuvres modernes les vampires immortels, charismatiques et dangereux sont romancés, et rendus accessibles aux hommes. Comme s'ils ne buvaient pas leurs sangs et les tuaient par la suite; rit-il jaune.

    Autant dire qu'il ne les portaient pas dans son cœur. Vu la description peu flatteuse, Lucien comprenait amplement.

– Dans la croyance populaire, les anges sont magnifiques, bienveillants et constamment parmi les humains; continua le garçon en fixant ses doigts se battre. Personne ne comprend qu'ils ne sont pas flatteurs à la vue des hommes, qu'ils peuvent être terrifiants et que leur immortalité les rend distants et indifférents du sort des humains.

    Son discours était bien négatif par rapport à l'excitation dont il avait fait preuve auparavant pour en parler à Lucien.

– Qu'est-ce qui a changé ?

    Neeve releva les yeux, pensait-il que Lucien avait oublié ? Il cligna deux fois des paupières avant d'admettre :

– Le temps a changé les choses.

    En une semaine, c'était radical. Malgré ses propos quelque peu médisants, son regard était bien triste. Cela le peinait, c'était blessant pour Lucien qui ferma le livre comme si le laisser ouvert faisait du tort au garçon.

– Ça fait deux ans que mes parents ont disparus; avoua Neeve; qu'ils sont morts dans un accident de voiture, un soir d'hiver.

    En parler était douloureux, il avait ce tic de faire la moue entre deux phrases, il se grattait le bras puis le front et recommençait à rougir son poignet. Il n'avait manifestement pas fini son deuil, néanmoins les larmes s'étaient asséchées à la barrière de ses cils, ce qui justifiait que son corps s'exprime différemment.

– Depuis ce jour, le premier où je me suis retrouvé à l'hôpital, il a quitté mon côté.

– Ton gardien ?

    Neeve opina du chef en maltraitant sa lèvre inférieure.

– Comme s'il me tenait responsable de leur... mort. Que le fait que je sois en vie soit injuste.

    Sa voix s'était éteinte lentement, dans un souffle minime qui voulait en dire beaucoup. Lui qui était arrivé tout heureux avait soudain perdu sa bonne humeur sur un sujet glissant. Attristé, Lucien déposa son livre près de son sac et baissa ses genoux au sol, imitant la position de son ami. Il aurait aimé passer son pouce sur son visage pour le laver d'une telle peine, pourtant il ne fit qu'affirmer :

– Il te manque.

    Neeve étouffa un esclaffement avant de hausser les épaules, comme si l'indifférence était la meilleure de ses armes à cet instant.

– Pas autant que mes parents.

– Je suis désolé.

    Neeve vit son rire s'éteindre lentement avant de sourire faiblement, considérant Lucien, puis bascula sa tête contre les livres derrière lui.

– Tu sais; commença-t-il; j'ai toujours du mal avec les personnes qui s'excusent de leurs absences. Je déteste entendre qu'ils me souhaitent du courage, que je leur fait pitié.

    Lucien, qui s'apprêtait à reprendre ses mots, posa ses coudes sur ses cuisses, pour réduire la distance qu'il trouvait irrespectueuse. Il ouvrit la bouche mais se fit devancer par le garçon :

– Mais quand c'est toi qui le dit, ça me réchauffe le cœur.

    Puis il rabattit ses cheveux vers l'arrière, peinant à dissimuler un nouveau rire, sous l'attention entière du noiraud. Lucien avait rougi sans pouvoir expliquer pourquoi.

– Même Aheen je lui demande de ne pas le faire.

– Pourquoi ?

    Il haussa les épaules, inspirant longuement comme si son corps entier était tendu et qu'il avait envie de tout relâcher d'un coup.

– Je n'en sais rien; admit-il; je n'aime pas ça.

    Lucien se demanda comment il se sentirait à sa place s'il n'en parlait pas à Rith et les raisons tues qu'il garderait pour lui. Il se doutait d'avoir perdu des personnes de son entourage, spécifiquement parce qu'il ne s'en rappelait pas. Néanmoins, il ne pouvait pas dire qu'il comprenait, cela serait mentir – les souvenirs en moins, ça évitait les tracas. Ce fut du moins la réflexion qui avait effleuré son esprit.

– Dis-moi, Lucien; reprit-il après un court moment de silence; qu'est-ce que tu cherches sur les anges ? C'est un gros livre que tu as là.

    Le garçon n'avait pas fait attention à l'épaisseur avant de commencer à le feuilleter. Il cligna trois fois des paupières avant de se tourner vers son camarade.

– Des réponses.

– De quel genre ? Je peux essayer de t'aider.

    Son état avait de nouveau changé pour le léger qu'il lui connaissait. Il avait le regard plus lumineux, plus vif, et puis l'atmosphère pesait moins sur la poitrine du noiraud. Il réfléchit un instant. À vrai dire, il n'avait pas de question précise à élucider et encore moins une soif de savoir à assouvir. Il était curieux parce qu'il ne savait pas vers quoi se tourner d'autres et qu'au vu des événements récents, il avait le sentiment que le bouquin l'aiderait.

– L'ange aux ailes d'or.

    Neeve le fixa un long moment, pendant lequel Lucien tentait de se remémorer ce dont il se souvenait de la dernière fois qu'il avait rencontré ce surnom sur internet.

– Lucien ?; en fronçant les sourcils.

– Oui ?

– Non, mais le seul ange connu qui porte ton nom ?

    Oui, c'était ça. Il hocha la tête, tout ouïe de ce qu'il allait pouvoir lui apprendre.

– C'est quand même une sacrée coïncidence que tu me parles de lui alors qu'il y a un nombre incalculable d'anges qu'on connaît.

– Je l'ai vu sur internet.

– Internet ?

– Rith m'a... montré comment faire.

    Neeve hocha la tête comme s'il comprenait à moitié ce qu'il disait. Un instant, il crut bien que son camarade ne lui répondrait pas, il le fixait sans vraiment s'en rendre compte, du moins ce fut l'impression qu'il donnait.

– Eh bien; commença-t-il en se redressant légèrement; Lucien vient du latin lucianus qui peut aussi te parler sous la forme 'lux', lumière pour faire simple. Mais ça tu le savais déjà; balayant l'air de sa main. Il est l'un des anges les plus loyaux, on raconte même qu'il est vaillant et fort.

» Il paraîtrait qu'il vaut son surnom par les innombrables victoires dont il est à la tête. Il est né avec de l'or au bout des ailes, même décrit avec des yeux de la même couleur ! Il n'est pas très vieux, quatre bon millénaires si mes souvenirs sont bons.

    Quatre milles ans c'est long. Ne s'ennuyait-il pas ? À quoi rimait sa vie en si longues années ? Cela devait être redondant.

– Il a fréquenté le temps des premières sorcières. Sacré anecdote, non ?

    Pas de quoi s'esclaffer, Lucien ne savait pas trop quoi en penser. Tout cela lui paraissait invraisemblable.

– Sa frangine se fait plus discrète, on a moins d'informations; continuait Neeve; mais l'un ne va pas sans l'autre. En soit, monsieur Lumière est plus important et plus puissant.

– Puissant ?

–Je n'ai jamais réussi à trouver plus de précisions sur ce détail; haussant les épaules.

    Neeve avait lui-même dit qu'il avait gagné beaucoup de batailles, ce qui signifie qu'il devait avoir l'avantage sur pas mal de points. Stratégie, ruse, force, plan d'attaques, il doit être un sacré gaillard. Qu'est-ce qui le différenciait des autres anges ? Ou même des humains comme eux ? La couleur de ses ailes ? Ses yeux dont l'ambré s'harmonisait avec le soleil ? Pourquoi créer des légendes s'ils savaient si peu de choses ?

– Et sa sœur ?; s'intéressa Lucien en croisant les bras.

    Neeve plaça son menton entre ses doigts en se grattant sous la réflexion. Manifestement, ses recherches remontaient.

– Maeve, pas de surnom particulier autre que le bras droit de Lucien; énuméra-t-il. Il n'y a pas de caractéristiques particulières sur elle, ou du moins rien qui ne soit cité dans tous ce que j'ai pu lire. Elle est assez discrète, dans les légendes plus particulièrement.

– Maeve; souffla Lucien en se mordillant l'intérieur de la joue, les sourcils aussi froncés que le ciel était noir en pleine nuit.

    Le blondinet marqua une pause sous l'écho de Lucien. Il se demandait si c'était possible que lui aussi croit aux anges avant de devenir amnésique ?

– À mon réveil; hésita-t-il; j'ai appelé un nom. Maeve. Mais il ne me rappelle rien, je n'arrive pas à mettre le doigt sur pourquoi je l'ai fait avant de... perdre la mémoire.

– Ne me dit pas que ta sœur s'appelle Maeve ? La coïncidence serait énorme !; se précipita Neeve en attrapant ses épaules.

    Surpris, Lucien écarquilla les yeux sous la proximité soudaine et les décibels qui avaient augmenté drastiquement. Réalisant qu'il venait certainement de déranger toute la bibliothèque, il se pinça les lèvres en s'assurant n'avoir pas crié trop fort, par-dessus la tête du noiraud. L'odeur de pluie était toujours imprégnée sur ses vêtements. Et après de longues secondes, où Lucien avait perdu la capacité à respirer régulièrement, son ami lui refit face, reprenant dans un chuchotement digne des secrets les plus inavouables :

– Et si tes parents y croient aussi ? Ça serait fou !

    Il avait un instant semé le fil de la conversation dans le regard noisette du garçon. C'était bien la beauté de ses yeux qui était dingue. La bordure claire de ses lunettes soulignait la longueur de ses cils, l'ouverture de ses mirettes et la lumière qui s'y reflétait. Ou bien était-ce l'excitation ?

– Si ça se trouve, tu es religieux aussi.

    Instantanément, Lucien secoua la tête. Ça avait été une réponse aussi logique et simple que son prénom la première fois qu'il avait parlé. Neeve hésita, clignant plusieurs fois des paupières.

– Quoi, non ?

– Je ne le suis pas.

    Le blondinet pencha la tête sur le côté un instant avant de hausser les épaules.

– Si tu le dis.

    Il se rassit, peu convaincu de son affirmation, attrapant le livre que Lucien avait sur sa droite.

– Y n'empêche que c'est quand même assez surprenant comme coïncidence.

    Lucien trouvait cela aussi étonnant, surtout qu'il était celui qui avait trouvé les informations avec Rith, s'il oubliait un instant qu'il avait totalement passé ce détail aux oubliettes de sa mémoire. Bien que sa situation lui trotte dans l'esprit, Maeve avait momentanément disparu. Dans son songe, il avait tout de même imaginé son dos vêtu d'ailes et à aucun moment il n'avait réfuté ce croquis. Pas avec autant d'assurance que ses croyances.

    Neeve parcourait du doigt des phrases sur le livre, esquivant l'avant-propos comme s'il n'existait pas, et s'était arrêté sur deux pages spécifiques.

– Regarde; tournant le bouquin dans sa direction; c'est le même croquis que sur internet, l'ange représenté est toujours le même.

– Tu en es sûr ?; trouvant ses yeux plutôt que le dessin.

– Absolument ! Il a de plus grandes ailes que toutes les autres ébauches. Tiens, prenons celui-ci.

    Il avait tourné quelques pages avant de tomber sur une nouvelle figure ailée. À l'allure féminine, ses plumes étaient moins denses et ses contours plus rigides. Idem pour le galbe du dos juste en dessous qui détaillait les courbes des omoplates et le placement exact des deux membres supplémentaires.

– Et puis il a cette petite marque sur le début de son épaule gauche; expliqua-t-il; on ne voit rien là mais ça ressemble à une brûlure.

    Inconsciemment, Lucien se toucha l'épaule en tentant de se souvenir s'il avait remarqué quelque chose sur son corps. Cependant, il n'avait jamais vraiment prêté attention à son apparence jusqu'ici.

– Comment tu sais ça ?

– Des manuscrits sont plus précis que d'autres.

    Lucien détailla le visage fuyant du garçon à cette question.

– Cet ange aux ailes d'or; souffla-t-il; tu en connais beaucoup sur lui.

    Il se mit à rigoler, faussement. Ses sourcils dansaient à mesure qu'il bégayait, il n'arrivait pas à placer deux mots corrects l'un à la suite de l'autre.

– Autant que sur le latin.

– Non, c'est différent.

    Neeve claqua silencieusement le livre, observant rapidement les alentours.

– Oui, d'accord, c'est bon. C'est vrai qu'il fait partie de ceux dont je me renseigne le plus.

    Il se leva en secouant légèrement son pantalon pour partir reposer le livre, cherchant longuement l'emplacement. Sa tête bougeait un poil trop et ses mains serraient le bouquin comme s'il avait peur de le faire tomber. Suivant le mouvement, Lucien se mit sur ses jambes, en coton, et distingua nettement la douleur de son dos qu'il ignorait jusqu'à présent. Il eut soudain froid et frissonnait. Neeve n'était pourtant qu'en simple chemise blanche, les manches retroussées et son gilet accroché autour de son cou.

– Il attire plus mon attention que d'autres, sûrement parce qu'il y a plus de représentations de lui, je n'en sais fichtre rien.

    Il finit par ranger le livre avec précipitation, sans pour autant enlever sa main. Il soupira en posant son front un instant contre les dos des autres alphabétiquement rangés.

– Plus j'en parle, plus j'ai l'impression d'être un illuminé dans mon genre.

    Il croisa le regard de son ami, après s'être approché.

– En temps normal les gens se renseignent sur leur star favorite ou des personnages imaginaires, pas des légendes auxquelles plus personne ne croit. Aheen trouvait ça illusoire et inutile, mes parents s'inquiétaient quant à mes intérêts, tante Mi ne doit pas en penser moins et j'ai cessé d'en parler quand la primaire s'est finie.

    Nouveau soupir. Lucien avait croisé ses bras pour prendre appui contre les étagères, légèrement fébrile sur ses pieds. Il regardait son camarade d'un œil triste.

– Je crois à leur existence mais je ne crois même pas en... lui; désignant le plafond de l'index. N'est-ce pas illogique et dénué de sens ?

    Il réfléchit un instant avant de se tourner vers Lucien.

– Si tu fais des recherches pour me faire plaisir, ça me touche. Mais ne te sens pas obligé d'en faire seulement parce que c'est un de mes intérêts.

    "Neeve à tendance à se lier facilement avec ceux qui ont un intérêt commun avec lui."

– Ce n'est pas le cas; assura Lucien

    Le temps se ralentit un maigre instant, espace pendant lequel il sourit doucement.

– Merci; souffla-t-il, soulagé; de ne pas me faire sentir comme une bête de foire.

    Lucien lui rendit son sourire au moment où la sonnerie retentit, annonçant la pause repas imminente. Neeve lança un regard vers certains qui se précipitaient déjà vers la sortie, laissant le loisir au noiraud d'admirer son profil parsemé de pluie. Sous la lumière orangée des leds son nez resplendissait plus. Long, légèrement courbé vers l'avant, il semblait confectionné pour habiller les lunettes sur le haut de son arête ainsi que sa fine cicatrice.

    Le blondinet revint à l'adolescent pour lui proposer :

– On mange ensemble ?

    Il hocha la tête sans la moindre hésitation. Il allait évidemment accepter de partager un repas avec lui, comment lui refuser ? Ils prirent leurs affaires et deux minutes plus tard ils se retrouvaient dans la fraîcheur du vent automnal. Aussitôt, Neeve avait enfilé son gilet et son écharpe, chose que ne fit pas Lucien.

– Tu es pâle, Lucien.

    Chaque fois qu'il prononçait son prénom, il tournait immédiatement la tête et toute son attention. Neeve désigna ses lèvres.

– Mon dos tire; admit-il.

    La sensation de piqûre devenait tellement habituelle qu'il ne s'était pas rendu compte de suite qu'elle était aussi présente.

– Tu veux qu'on passe à l'infirmerie ?

– Je ne me sens pas si patraque que ça; le rassura-t-il.

    La foule qui les entourait, lorsqu'ils entrèrent dans le couloir principal, surprit Lucien, puisqu'elle était à l'arrêt et que des murmures les accueillaient. Ils étaient tous agglutinés devant le hall sans possibilité de passer. Et parce qu'ils étaient bousculés, Neeve attrapa le pan de sa manche pour ne pas le perdre.

– Qu'est-ce qu'il se passe ?

    Mais personne ne semblait réellement savoir. Certains disaient avoir entendu les ambulances arriver, que d'autres ont été temporairement exclus du réfectoire pour une cause qu'on leur cachait. Puis ils avaient ceux qui pleuraient, affolés dans le silence sur le coin d'un mur ou au-devant de la foule. Lucien et Neeve échangèrent un regard avant que le blondinet ne se fraie un passage pour se rapprocher des premières lignes, emportant son ami sans desserrer ses doigts. Un petit groupe particulier s'était regroupé près d'une fille sanglotant dans les bras d'une camarade, barrant sa bouche de sa main pour calmer ses pleurs.

– Mina, qu'est-ce qu'il se passe ?; interrogea le binoclard.

    Mina, une jeune fille menue et noire, dont les yeux verts étaient mis en valeur grâce à des brillants sous ses cils, caressait gentiment le dos de son amie. Les portes coupe-feu étaient fermées mais les vitres étaient mal couvertes, laissant la possibilité aux curieux de s'approcher pour voir. Lucien trouva un trou où poser son regard et la scène avait tout du macabre. Une toile blanche recouvrait quelque chose au sol, des personnes en uniforme blancs l'entouraient. Ils notaient sur des calepins, prenaient des photos accompagnés de quelques officiers en tenues sombres, conversaient avec les adultes de l'établissement soucieux ou paniqués. Les gyrophares rouges et bleus se reflétaient sur le carrelage et l'escalier, le bruit des élèves coincés à l'entrée du couloir était trop important pour qu'il n'entende la moindre parole ou distinction de discussion.

    Au fond, il sentait un malaise.

– Lucien.

    Neeve tirait sur sa manche pour attirer son attention, chose qu'il eut tout de même du mal à avoir du premier coup.

– Écoute ça; l'emportant près du petit groupe en premier plan.

    Mina était la moins ébranlée des quatre mais ce ne fut pas elle qui prit la parole pour expliquer.

– Tu dis avoir vu quelque chose, Chloé ?; demanda le délégué d'une voix douce.

    Elle tenait maladroitement un mouchoir en tissu qu'elle secouait en déballant ce qu'elle savait.

– Il... il y avait... une... une chose; peinant à trouver assez de souffle pour y dire d'une traite; immense et... et... terrifiante. Elle avait les yeux rouges... sombre comme... comme... comme dans les films d'horreurs...

– Quand était-ce ?

– Vingt minutes avant la fin du cours; reprit Mina tandis que son amie pleurait de plus belle; elle a eu une urgence féminine. Elle est sortie pour aller aux toilettes et s'est mise à hurler.

    Neeve regardait Lucien, inquiet, alors qu'il repensait à ce qu'elle venait de dire. Grand, sombre, aux yeux rouges, à sa connaissance il n'y avait pas beaucoup d'animaux avec ces caractéristiques dans le monde.

– Il s'en est pris... à elle, il l'a... frappé, défiguré et... et puis il l'a poussé de l'étage; tombant à genoux tant l'émotion était forte.

    Lucien eut beaucoup de peine pour elle, il comprenait la peur qu'elle ressentait et la difficulté avec laquelle elle tentait de décrire ce qui s'était passé. Il détacha son gilet de son sac pour s'accroupir près d'elle, ses copines l'ayant rattrapé avant que sa tête n'atteigne potentiellement le sol. Lucien la regarda avec beaucoup de tristesse puis passa son vêtement autour de ses épaules, qui tremblaient sans s'arrêter. Elle pleurait son saoul et ne fit pas attention au geste du garçon, en revanche son amie qui lui prêtait son épaule depuis le début le remerciait lorsqu'elle croisa son regard.

– Je te crois, Chloé; lui assura-t-il simplement.

    Elle hocha la tête comme pour dire qu'elle avait bien entendu. Peu de secondes après, une des portes s'ouvrit sur le principal en costard gris souris. La mine abattue et les épaules très tendues, il passa son regard sur les élèves présents dans le couloir.

– Les cours sont suspendus pour aujourd'hui. Les personnes ayant assisté à la scène ou ayant besoin de soutien, je vous invite à me suivre dans mon bureau.

    Malgré son ton fort et strict, la peine tintait sa voix. Et ce fut bien la première fois que Lucien entendit un silence de mort lorsque tous quittèrent l'établissement. Chloé s'était faite escorter par Mina et son autre copine, quelques autres camarades les avaient suivi –– tout aussi secoué. Neeve n'avait cessé de regarder Lucien jusqu'à ce que plus personne ne soit dans les parages.

– Tu as vu quelque chose, toi aussi.

    Il opina du chef en tournant la tête vers les portes. La chose sous la bâche devait manifestement être la victime. En retrouvant Neeve des yeux, il le voyait affecté par la situation. Alors, sans la moindre hésitation, il le prit dans ses bras, sans mot. Il cajolait ses cheveux doucement, le berçait très lentement alors que l'adolescent s'accrochait avec fermeté à son ami.

    Il lui dirait bien que ça irait, mais il mentirait. Il n'en savait rien.

– La chose que Chloé a vu; commença Neeve après de longues minutes de silence; à la même description que toi.

– Oui.

    Nouveau silence. De nouvelles sirènes se faisaient entendre, mais à la tonalité différente.

– Tu crois que c'était la même chose ?

– Je n'espère pas.

    Lucien perçut la voix de monsieur Zliot qui s'approchait de la porte. Deux secondes plus tard, ils tombèrent nez à nez avec le docteur, accompagné de l'infirmière Tiaj qui salua à peine les deux adolescents avant de se diriger vers le bureau du principal. Neeve s'était décollé du noiraud pour récupérer son sac par terre.

– Vous n'avez rien ?; demanda-t-il après un soupir lourd de pression.

    Ils secouèrent tous deux la tête.

– Bien, c'est déjà ça.

    Lucien avait entrevu un lit à roulettes soulevant la bâche blanche avant que la porte ne se ferme derrière l'infirmière.

– Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

– D'après les témoins, c'était un animal sauvage qui s'est introduit par une porte extérieure mal enclenchée.

    Mensonge. Lucien le savait, surtout d'après le regard qu'il avait posé sur lui.

– Qui est-ce ?

    Le docteur se tourna lentement vers Neeve avec une expression désolée. Avant même qu'il n'ouvre la bouche, Lucien savait qu'il verrait des larmes sur le beau visage du garçon. Le nom ne disait rien au noiraud, et pourtant, ce fut lui qui retenait Neeve de tomber sous ses genoux flanchants. Il échangea un regard entendu avec l'adulte avant de consoler le blondinet contre sa clavicule. Il s'accrochait si désespérément que Lucien crut bien sentir son cœur se briser à chaque larme couler, à chaque sanglot.

    Peu importait qui était la personne, elle ne méritait pas ça. Et Neeve méritait encore moins d'avoir la peine dans l'âme. 

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