Chapitre 10 - Descente aux enfers
LK se tenait devant l'enseigne lumineuse de son troisième bar de la soirée, ou peut-être bien le quatrième. Le Bar à papa, un énième jeu de mots désopilant. Ils avaient quoi, ces mortels, à autant adorer donner des noms saugrenus à leurs établissements ? Et pourquoi y avait-il autant de bars dans cette ville d'alcooliques ?
Depuis plusieurs soirs qu'il écumait les lieux de rencontres nocturnes des mortels, le démon avait croisé plus de jeux de mots minables et d'humains ivres que pendant les cent dernières années. Il en avait la nausée, mais il n'abandonnerait ses recherches que lorsqu'il aurait remis la main sur cette satanée rouquine.
Presque partout où il avait posé la question, on lui avait répondu qu'une jeune femme rousse était passée par là plus ou moins récemment et que s'il avait un peu de patience elle finirait tôt ou tard par pointer le bout de son nez. Il n'avait clairement aucune patience et préférait refaire en boucle le même circuit entre plusieurs établissements plutôt que de s'installer dans un coin et attendre qu'elle daigne bien venir lui tomber dans les bras.
Contrairement au dicton, il aurait aimé que sa vengeance soit un plat qui se déguste encore brûlant, mais visiblement les choses ne semblaient pas enclines à se goupiller de cette manière. Peut-être qu'un petit coup de pouce ne serait pas malvenu. Il existait dans le royaume des enfers divers artefacts vecteurs d'un pouvoir démonique susceptible de l'aider dans sa tâche, bien qu'il y ait peu de chance qu'on l'autorise à en faire usage pour sa petite vendetta personnelle.
Quoi qu'il en soit, pour l'instant il ne lui restait qu'une chose à faire, ronger son frein et guetter une chevelure rousse à l'intérieur du Bar à papa.
🔥🔥🔥
Laëlle rasa les murs jusqu'au premier étage. Il y avait une terrasse quelque part là-haut sur laquelle elle espérait pouvoir trouver refuge mais elle ne se souvenait plus très bien de la configuration des lieux, elle n'avait que rarement mis les pieds dans cette demeure. Elle se souvenait qu'il fallait traverser un bureau pour rejoindre l'extérieur, c'était l'une de ces portes sur la droite, mais laquelle ?
Un homme très grand avec de longs cheveux blonds mêlés de quelques tresses discrètes apparut au fond du couloir et avança dans la direction de Laëlle. Elle fit semblant de chercher quelque chose dans son sac en attendant que leurs chemins se croisent, mais au lieu de poursuivre sa route l'impressionnante caricature viking s'arrêta à hauteur de la jeune femme et lui tendit la main.
— Laissez-moi vous raccompagner dans le grand hall mademoiselle, offrit Nith en esquissant un sourire chaleureux.
— Oh non merci, déclina Laëlle avec un rire gêné. J'attends quelqu'un ici.
— ... Ne restez pas seule trop longtemps, ce n'est pas un endroit très sûr pour une demoiselle comme vous.
Nith sembla hésiter à l'abandonner dans ce couloir, mais il ne pouvait pas l'obliger à le suivre. Il finit par se détourner d'elle pour rejoindre la salle de réception malgré le mauvais pressentiment qui l'assaillait.
Laëlle avait trouvé curieux le comportement de ce charmant garçon, bien qu'il lui ait semblé être bienveillant. Une vague sensation de déjà-vu l'étreignait. Peut-être s'agissait-il de l'un des nombreux employés de la famille Valefort qu'elle avait déjà croisé fugitivement, ce qui expliquerait sa présence au premier étage où les invités n'avaient en principe pas de raison de se trouver.
Bien sûr, pour Laëlle c'était différent, elle faisait presque partie de la famille après tout, personne n'allait lui reprocher d'avoir voulu prendre l'air sur la terrasse. A la réflexion, elle était presque sûre qu'il fallait passer par la troisième porte sur sa droite. Elle posa la main sur la poignée et l'abaissa en douceur.
— Ils ont été exécutés cet après-midi.
Laëlle se figea sur place, n'osant plus retirer sa main de la poignée. C'était la voix de Léo qui s'échappait de cette pièce, et il s'exprimait avec une autorité froide.
— Trouvez-moi de nouveaux volontaires, ordonna-t-il sèchement. Ce sont nos dernières doses de cendres, on n'a pas le droit à l'erreur cette fois.
— A vos ordres monsieur, répondirent plusieurs hommes en simultané.
Laëlle recula très lentement pour ne pas faire le moindre bruit. Il ne fallait pas être bien futé pour comprendre qu'elle avait surpris une conversation qu'elle n'aurait jamais dû entendre. Si Léo la prenait sur le fait, il se mettrait vraiment très en colère, voire pire.
Elle soupçonnait depuis longtemps la famille de son fiancé d'être impliquée dans des affaires illégales, mais qui était-elle pour leur en faire le reproche ? Cependant, cette conversation laissait craindre des histoires bien plus sombres et dangereuses que les petites magouilles habituelles de la jeune femme. Mieux valait déguerpir d'ici au plus vite et tout oublier.
Laëlle fit quelques pas prudents vers l'escalier qui menait à la salle de réception lorsqu'elle constata qu'une mauvaise surprise l'attendait au bas des marches. La petite brute au cou tatoué l'avait retrouvée. L'homme hésita un instant, cette jolie poupée bien apprêtée lui était familière. Mais très vite il réalisa que malgré l'absence de sa chevelure rousse, il s'agissait bien de l'arnaqueuse qui devait de l'argent à son patron. Il n'allait pas la laisser s'en tirer cette fois.
Paniquée, Laëlle se mit à courir dans l'autre direction pour garder son avance, il y avait un petit escalier de service au bout du couloir. Heureusement, son poursuivant n'était pas très rapide en raison de son embonpoint et il n'était cette fois pas accompagné de son acolyte plus grand, les chances de la fuyarde étaient plutôt bonnes.
Elle dévala l'escalier étroit et se retrouva devant de larges doubles portes contre lesquelles elle se jeta dans un élan effréné. Elle venait d'arriver dans la grande cuisine en effervescence. On se serait cru dans les cuisines d'un restaurant tant la pièce était vaste et encombrée de monde.
Plusieurs serveurs chargés de plateaux ralentirent la fuite de la jeune femme. Elle bouscula commis et cuisiniers dans l'indignation générale. Son objectif était la porte du fond, celle qui servait à recevoir les livraisons de nourriture depuis une ruelle à l'arrière de la maison.
Laëlle aurait pu choisir de retourner vers la salle de réception où la présence de témoins l'aurait momentanément protégée, mais le scandale qui en résulterait si ses activités malhonnêtes étaient révélées n'en valait pas la chandelle. Elle avait bien plus peur d'affronter la colère de Léo que de se faire pincer par le rigolo à ses trousses. Rigolo qui gagnait de l'avance par ailleurs, car après avoir été bousculés une première fois les gens avaient tendance à s'écarter naturellement pour laisser la voix libre au second coureur pressé.
Laëlle poussa la porte de sortie et s'élança sur la petite volée de marches en béton qui remontait au niveau de la rue. Mais alors qu'elle se croyait tirée d'affaire, une main en contrebas la saisit à la cheville et elle chuta lourdement au sol. Elle essaya de se relever en essuyant du revers de la main le sang qui coulait sur sa lèvre mais l'homme l'empoigna par la nuque et la jeta à terre un peu plus loin dans la ruelle déserte. Il vint s'asseoir sur elle en l'écrasant de tout son surpoids pour l'empêcher de bouger, et de respirer correctement par la même occasion, puis il se pencha au plus près de son visage, la faisant profiter de son haleine alcoolisée et fétide.
— Je t'ai enfin choppée, petite garce, lui souffla-t-il à la figure. Comment tu vas faire pour t'en sortir cette fois, hein ? Dis-moi, je suis curieux.
— Vous avez gagné, admit-elle le souffle court. Plus d'embrouilles, promis.
— Et si on allait parler à mon patron ? Il se trouve justement dans cette petite soirée de parvenus.
— Pas à l'intérieur, implora Laëlle. Faites-le sortir pour parler ici, s'il vous plaît.
— Ah, tu as peur que tes petites magouilles s'ébruitent parmi les gens de la haute, comprit l'homme avec un sourire narquois. Et si on allait plutôt parler à ton fiancé, le vrai cette fois ? Peut-être qu'il sera prêt à payer pour étouffer ce scandale, tu crois pas ?
— Il ne lèvera pas le petit doigt pour moi...
Sa voix était faible, la tête lui tournait, elle manquait d'air et respirait avec de plus en plus de difficulté.
— D'une manière ou d'une autre, ce soir tu vas rembourser ta dette ma mignonne, gronda l'homme en lui enserrant fermement la gorge.
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Note : Si j'ouvrais un bar, je l'appellerais le "Bar Bare" et une image de Conan ornerait mon enseigne. Qui dit mieux ? ^^
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