Jungkook ٭
Coucouuu
Désolé d'avoir mis autant de temps à update oups 😐 J'espère que ce chapitre vous plaira, même si j'ai du mal à avoir confiance en ce que je fais en ce moment 😭 (la fatigue des cours y joue beaucoup)
N'hésitez pas à relever s'il y a des fautes d'orthographe il se peut que j'en laisse parfois, et aussi à me faire un retour si vous avez le temps et l'envie !
Aussi ce chapitre est plus long que les autres :)
Bonne lecture !
✰
Si Jungkook avait débuté, c'était pour chanter.
Son unique motivation avait été celle de faire résonner sa voix, de l'exposer au monde entier. Il montait sur scène pour émouvoir, faire trembler les coeurs, tressauter les pupilles et chambouler les âmes.
Il s'était beaucoup rapproché de Yoongi grâce à la musique. Tandis qu'il jouait de sa voix et de ses tonalités, l'autre composait. Certaines des musiques de Jungkook, écoutées par des milliers de fans, sortaient de la tête de son ami.
Jungkook s'était fait un nom. Comment aurait-il pû en être autrement ?
Il faisait tout parfaitement, entraînait sa voix jusqu'à ce qu'elle craque, enregistrait les pistes de ses prochaines chansons avec une précision démesurée, cherchait toujours le bon timbre, l'émotion qui ferait écarquiller les yeux, naître dans le monde gris des gens un brin de couleur. Du jaune qui embaume, du rose qui repose. Pourquoi pas un peu de bleu, un peu de feu ? Des touches de rouge, des touches d'amour ?
Jungkook étalait sa voix comme un peintre étale ses couleurs sur sa toile.
Il était doué. Ça lui avait valu la reconnaissance. Ça lui avait valu la popularité. Ça lui avait valu la stabilité professionnelle.
Ça lui avait valu les fans.
Il y avait une phrase qu'on répétait sans cesse à l'oreille de Jungkook. Une mélodie qu'on lui chuchotait à chaque débordement, chaque comportement déplacé, chaque glissement. Une mélodie qui lui raclait les tympans car, elle, contrairement aux siennes, n'avait pas de couleurs.
Elle était grise et fade.
« Jungkook, les fans passent avant tout. »
Les fans passent avant tout.
Au début, Jungkook écoutait cette voix distraitement, en dodelinant de la tête docilement. Il haussait les épaules, avec un petit sourire.
Évidemment, que mes fans passent avant tout, se disait-il. Ils sont mon tout, la raison de mon succès. Ils sont ceux qui restent, ceux qui m'attendent, ceux qui me regardent, ceux qui me rêvent, et parfois ceux qui me jalousent, me mangent, me dévorent, me bouffent, qui peuvent partir à la moindre erreur, me détruire à la moindre rumeur. Mais surtout, ils sont ceux qui m'aiment.
Jungkook aimait cette amour à en tomber amoureux.
Il lisait tout ce qui se disait à son sujet, avalait chacun des commentaires jusqu'à se forger une personnalité rien que pour eux, qui pourrait convenir à tout le monde, faire fondre d'admiration le coeur le plus glacé. Il s'improvisa un lac qui ne ferait pas de vagues, jamais.
Jungkook continua d'exposer ses couleurs au monde.
Mais ce monde réagissait, voyait bien qu'il en perdait chaque jour.
C'était le piège de vouloir plaire à tout le monde. Jungkook avait fini par s'effacer pour laisser place à cet être souriant, généreux et travailleur qu'on voulait qu'il soit.
Il lisait les commentaires, lisait, lisait, engouffrait.
Je l'admire tant, j'aimerais être comme lui.
Quelle blague, pensait-il. Ils veulent tous être quelqu'un que je ne suis pas.
Mais il continuait, lisait, lisait, se consumait.
Parfois, c'était plus brutal.
Il a trop maigri.
Pourtant, je fais tout pour prendre du poids, je vous jure que j'essaie, mais la fatigue des répétitions prend le dessus sur mon appétit. Est-ce que vous le savez, ça ? Est-ce que vous l'avez remarqué ? Bien sûr que non, puisque je ne vous montre que ce que voulez voir.
Il a chanté faux aujourd'hui.
Faux ? Je me suis entrainé toute la nuit, me suis effondré d'épuisement et me suis réveillé le jour du concert avec la voix cassée. Mes cordes vocales me hurlaient de m'arrêter pendant la prestation, mais j'ai tout donné. Putain, j'ai tout donné, j'y ai mis toute mon âme ! Ai-je vraiment chanté faux ?
Il ne sourit pas assez.
Et comme ça ? Si je souris comme ça, est-ce que c'est mieux ? Dites moi ! Si je ne quitte plus mon sourire, m'aimeriez vous ?
Face à son miroir, il s'entraîna, laissa grandir et grandir en lui cette joie factice, ce personnage enjoué, bienveillant et naïvement stupide.
Stupide. Je suis stupide. Mais ce n'est pas moi, cette personne sur scène.
Alors moi, moi, je suis où ?
J'ai disparu. Ça me fait peur. J'en crève d'angoisse. Je ne me vois plus.
Le seul avec qui Jungkook pouvait délier son masque, c'était Yoongi. Les nombreuses fois où les deux se retrouvaient sur le canapé du plus vieux, Jungkook craquait. Il regardait Yoongi, un grand sourire aux lèvres.
Mais à Yoongi, il suffisait qu'il lui demande.
« Ça va ? »
Jungkook n'arrêtait pas de sourire. Il ne répondait pas. Il se murait dans le silence, et alors ce sourire se fissurait sous le regard gris et sombre de Yoongi. Ses lèvres se craquelaient, ses dents disparaissaient sous ses lèvres. Il se penchait pour se cacher contre le t-shirt de son ami. Il fondait en larmes, secoué de soubresauts, et répétait en boucle ce qu'on lui avait inculqué au point de graver les tissus de son coeur.
« Les fans passent avant tout, ils passent avant tout, Yoongi. Je leur dois tout, tout putain. Mais je... je crois que je suis horrible Yoongi. Je suis horrible, horrible, horrible. Parce que parfois... parfois-"
Ses mains resserraient leur prise sur son ami.
« Parfois je les déteste, je les déteste t-tellement. »
Il se mordait les lèvres, s'accrochait à Yoongi comme si sa vie en dépendait. Et peut-être que c'était le cas. Peut-être que d'entendre le coeur de Yoongi battre contre son oreille, collé à son torse, c'était ce qui l'aidait à avancer dans sa bataille.
Mais voilà, Yoongi avec d'autres batailles. Jungkook le savait.
Yoongi était un champ de guerre.
Pourtant, il trouvait toujours les mots pour consoler Jungkook, et il passait ses doigts dans ses cheveux, chuchotait à son oreille. De temps en temps, cette voix et ces mains faisaient frissonner le plus jeune. Ces mots doux calmaient la houle en lui. Il arrivait même qu'il ferme les yeux, et que l'image des lèvres de Yoongi contre les siennes ne le dérange pas tant que ça.
En vérité, il en cramait de désir.
Mais ça, ce n'était pas envisageable. Pas dans sa carrière de chanteur parfait. Pas alors qu'autant de fans comptaient sur lui. Pas alors que l'agence essayait déjà de lui faire comprendre que Yoongi était une mauvaise fréquentation.
Il avait entendu parler d'une fan qui s'était donnée la mort après avoir appris que son idole était en couple.
Effrayant, pensa t-il.
Les lendemains de ses pleurs, Jungkook se levait, se rhabillait de sa bonne humeur superficielle et se rendait à tous les rendez-vous, les cours de chant, d'anglais, les concerts, les émissions, les shootings et les fan-meetings. Il se nourrissait de l'amour des fans, s'en servait pour modeler son caractère.
Et on lui répétait.
Les fans passent avant tout.
Ce jour là, quand c'est arrivé, Jungkook devait se présenter au stade le plus imposant de Corée, pour l'apotéose de sa tournée nationale.
Il se souvenait encore de l'après midi qu'il venait de passer en compagnie de Yoongi. Il repassait en boucle les mots de ce dernier.
« Je t'aime. Je crois que je t'ai toujours aimé. »
Puis il se remémora ses propres réponses, sèches, froides. La culpabilité lui retournait l'estomac.
Jungkook arrivait si bien à accepter l'amour de ses fans.
Il se demanda pourquoi il n'arrivait pas à gérer celui qu'il portait à Yoongi.
Ce soir là, il monta sur scène comme il l'avait toujours fait. Avec élégance, resplendissant d'une attitude parfaite. Il apparaissait comme un ange, mais quittait toujours le public dépouillé de ses ailes.
C'était un peu comme se voir en dehors de son propre corps. Il s'observait de l'extérieur, analysait chacun de ses gestes, se demandait s'il pouvait s'autoriser une phrase ou une autre.
On l'acclamait lorsqu'il reçu une peluche assez lourde en plein sur l'épaule. Le contact lui fit mal mais son sourire s'agrandit. Il regarda la fan qui venait de la lui lancer. Celle ci se mit sur la pointe des pieds, des étoiles pleins les yeux pour mieux l'apercevoir. Le coeur de Jungkook gonfla d'une façon indescriptible.
Ces cris d'admiration en cascade sur sa peau, le propre son de sa voix qui résonnait dans le stade, le chant repris en coeur par tous ces gens... Il se sentait vibrer. Presque trop.
Il observa la peluche plus en détail, ravi.
C'est là qu'il la vit.
Cette petite cavité, juste là, dans l'oeil droit. Un millimètre seulement, qui avait été recousu, et il sut immédiatement.
Une caméra.
Il frissonna, mais ne laissa rien paraître. Les fans s'amusaient de le voir se réjouir, alors il continua de montrer son contentement.
Il se tourna vers la fille, lui mima des lèvres.
Je t'aime.
Au fond, il pensa.
Je te déteste.
Puis tout lui revint en vague. Tous ces mots écrits innocemment sous ses posts, ces ordres donnés pour qu'il agisse mieux, ses managers qui lui faisaient sans cesse des remarques pour corriger toutes ses erreurs, sa propre ardeur à devenir quelqu'un qu'il n'avait jamais été, ses amis qu'il laissait petit à petit tomber. Il repensa à Yoongi, à leur conversation, juste avant qu'il ne parte pour se préparer pour le concert.
Et puis le monde tourna.
Quelque chose n'allait pas.
Le sol tangua.
Il venait de se passer quelque chose.
La houle s'intensifia.
Et ça n'allait pas.
Sa voix craqua, laissa le public silencieux un instant. Il se reprit bien vite, continua de chanter prodigieusement, affichant les émotions adéquates sur le bord de ses lèvres si parfaites. Ces lèvres qui lui faisaient mal.
Soudain, chaque fois qu'il souriait, il eut l'impression qu'on le forçait, lui déchirait la peau l'écarteler. Ce sourire, c'était comme crever au sol, puiser la dernière énergie de mensonge.
Yoongi, pensa t-il.
À la pause du concert, il se précipita en arrière-scène, laissant tomber son micro au sol dans sa course. On voulut l'arrêter pour le remaquiller, réarranger ses vêtements avant de reprendre le concert, mais il ne laissa personne le toucher.
À la place, il se rua sur son téléphone, le déverrouilla en vitesse, et fut directement alerté par quatre messages de Yoongi, chacun à une dizaine de minutes d'intervalle.
Ce fut ce jour là,
Yoongi : Jungkook ?
Cette heure là,
Yoongi : Jungkook, t'es là ? Je n'aurais jamais dû te dire tout ça...
Cette minute là,
Yoongi : Je ne t'en veux pas. Je ne pourrais pas t'en vouloir. Pas pour ça. Alors toi non plus, ne m'en veux pas.
Cette seconde là,
Yoongi : Jungkook...
Que les couleurs s'évaporèrent.
« Jungkook, il va être temps de retourner sur scè- »
Jungkook repoussa la maquilleuse qui était venue l'informer. La panique dévala la pente de ses veines. Il eut l'impression de se faire électrifier de l'intérieur.
Il arracha cette veste stupide qui lui collait à la peau depuis le début de ce stupide concert, ce show où il ne montrait que son sourire, son putain de sourire. Ce sourire avait fini par prendre plus d'importance même que sa propre voix. Pourtant, au début, c'était seulement ce qu'il voulait faire ; chanter. Comment cela avait-il pu déraper ainsi ?
Sous les yeux écarquillés de la femme, il la contourna et s'enfuit. Il mit un temps à trouver son chemin pour sortir de là. Lorsqu'il réussit enfin à fuir le stade, il se retrouva en plein air, devant une foule de passant.
On le reconnut, une masse se fraya un chemin pour l'observer, quelques photos furent prises. On les posterait sûrement le lendemain, avec pour titre à la une ; Jeon Jungkook, la star coréenne, s'est enfuit de son propre concert pour une raison encore obscure.
Mais il en avait marre de tous ces artifices. Et surtout, la peur lui tenaillait le ventre, lui torsadait l'estomac avec une force insoutenable.
Il envoya rapidement un message à Yoongi.
Jungkook : J'arrive. Je t'en supplie, Yoon, ne fais pas de connerie.
Il fuya, esquiva tous ces gens, emprunta des lieux fréquentés sans même plus se poser la question de la célébrité, et courut.
Jungkook n'avait jamais couru ainsi. Il dévalait les rues sans même faire attention aux passants et aux voitures. L'instinct nous fait faire des choses dont nous ne nous pensions pas capables. L'instinct, c'était cette angoisse qui lui dévorait les tripes.
Qu'est-ce qu'il avait fait ? Qu'est-ce qu'il lui avait pris putain !? Merde, merde, merde !
Pourquoi avait-il répondu aussi froidement à la déclaration de son ami ?
Parce qu'il avait peur. Au fond, Jungkook était effrayé. Il était cet adulte enfantin qu'on avait su modeler et à qui on avait répété en boucle les mêmes règles à appliquer.
Répondre à l'amour de Yoongi dérobait à la liste de ce qu'il croyait être ses droits.
La première chose qui sauta aux yeux de Jungkook, ce fut les flammes. Dévorantes. Elles lui brulèrent la rétine et le cerveau avec.
Puis il se souvint du briquet. Du tic incessant de Yoongi.
La seconde chose, ce fut les voisins réveillés, les conversations paniquées, les poussées de voix médusées, et la chaleur insipide sur les peaux, offrant des éclats orangés dans toutes ces paires de yeux tournées vers un appartement, là haut.
Jungkook les contourna tous, un par un.
« Tu vas où, gamin ? » l'arrêta un homme.
Jungkook l'ignora, traça sa route, monta les escaliers à l'interieur en vitesse. Ces escaliers qu'il avait emprunté un million de fois pour lui rendre visite, pour venir pleurer dans ses bras alors même que Yoongi était déjà englouti par une pluie intérieure bien plus grande.
Si grande qu'elle avait débordé ce soir. Mais pas assez grande pour éteindre les flammes.
Plus il montait, et plus Jungkook sentait la chaleur s'infiltrer. Derrière lui, il entendait des cris paniqués, des gens qui hésitaient à lui courir après pour le ramener en bas.
Puis les sons disparurent. Seul un sifflement sourd au creux de ses tympans persista. Il débarqua dans le couloir du troisième étage, et se précipita à la porte de Yoongi. Celle ci n'était pas fermée à clé, alors il entra. Le salon était encore en bon état. La cuisine aussi. Le feu venait de la chambre.
Les larmes lui piquaient la rétine, la fumée le faisait toussoter violemment. Il déboula dans la chambre avec un horrible pressentiment.
Les flammes léchaient les murs, le sol, entouraient le lit central, qui commençait à se faire manger par le brasier. Le bout des draps cramait déjà. Et au milieu, à côté de trois plaquettes vides...
« YOONGI !! »
La chaleur était étouffante. Les larmes dévalèrent ses joues alors qu'il se précipitait sur son ami. Les flammes lui brulèrent les yeux. Mais son regard resta fixe, plongé sur ce corps, inerte, ces lèvres entrouvertes qui lui avaient murmuré son plus grand secret quelques heures plus tôt. Ces lèvres qu'il aurait voulu sur les siennes à la place de ce sourire mensonger.
Jungkook se jeta sur ce corps, l'attrapa par dessous les épaules, tira dessus de toutes ses forces, deux rivières dégringolant sur ses paumettes.
« Qu'est-ce qui t'a pris !? Hein ? Yoongi, s'il te plaît, réponds-moi ! Réponds-moi !! »
Il hurla, cria à s'en déchirer la gorge.
« J'aurais tout fait pour toi ! J'aurais tout abandonner pour rester avec toi Yoongi je... »
Il traîna Yoongi sur le lit, jusqu'à ce que ce corps mou rencontre le sol et que Jungkook ne continue de le tirer, le tirer pour le faire sortir de la pièce en flammes. Le tirer pour s'accrocher encore un peu à lui.
Les forces de Jungkook s'affablissaient, les larmes le ravageaient, et la haine envers lui même lui donnait bien plus chaud encore que l'incendie, alarmant.
« R-réponds quelque chose, je t-t'en supplie Yoongi... » chuchota t-il cette fois ci, au creux de l'oreille de son ami, son confident, celui qu'il avait aimé et qu'il ne cesserait jamais d'aimer.
« S'il te p-plaît, réponds-moi... »
Mais les yeux de Yoongi restèrent clos, son corps ne trembla pas d'un centimètre.
« Je t'aime... Je t'aime, J-je t'aime, Yoongi, je regrette tellement, s'il te plaît, reviens à toi. »
Dans la salon où il avait entrainé Yoongi, pas encore touché par l'incendie, il se laissa pleurer sur son épaule, comme il l'avait fait tant de fois auparavant.
Par lâcheté. Par hypocrisie. Pour les fans.
« Reviens moi, et on vivra. »
Mais rien ne se fit entendre. Pas même le moindre battement de coeur. Celui de Jungkook, ce soir là, se cassa en deux. Dans ce salon, au troisième étage, dans cet appartement miteux mais qui renfermait tous leurs souvenirs, il laissa un bout de lui même. Tout comme il peignait dans ses chansons, ce fut une part de lui qui s'étala sur le tapis. Une moitié qu'il ne retrouverait jamais.
Des bruits de pas se firent entendre. Jungkook n'entendait plus. La fumée emplissait ses poumons, la douleur lui taillait l'amygdale, et ses doigts se crispèrent autour de Yoongi, s'accrochèrent à son t-shirt quand on tenta de le lui enlever.
Il hurla, protesta, frappa, se débattu jusqu'à en sentir des vertiges douloureux.
Puis ce fut le noir total. Autant devant ses yeux, que dans les tréfonds de son coeur qui ne se colorerait plus jamais.
✰
Jungkook se promit de ne s'y rendre qu'une seule fois. Pas moins, pas plus.
Juste histoire de déposer sa lettre et l'objet qu'il serrait dans le creux de sa main à s'en éclater les veines.
Il était tôt, aussi tôt qu'il était tard lorsqu'il avait retrouvé Yoongi, ce soir là, au coeur d'un amas de flammes et de fumée poussiéreuse.
Jungkook s'abaissa, arrangea délicatement les quelques fleurs et fit glisser sa lettre sur la pierre froide, contrastant avec la chaleur des mots qu'elle contenait, contrastant avec la chaleur du feu qui ne quittait pas ses cauchemars.
Yoongi,
Au début, j'ai voulu faire comme toi. J'ai voulu suivre ton chemin, jusqu'au bout. Comprends-moi, tu me manquais bien trop. Je ne faisais que voir ton corps inerte dans mon sommeil, et je ne faisais que répéter notre dernière conversation en boucle dans ma tête.
J'ai voulu sauter d'un toit. Moins original que toi, pas vrai ? Mais c'est idiot, je n'ai pas réussi. Je me suis retrouvé comme un con, à fixer le vide, et j'ai fondu en larmes en me souvenant de toutes ces fois où toi et moi, on se réfugiait sur le toit de l'université pour parler pendant des heures en regardant le ciel.
Je me souviens que je te chantais des chansons.
J'ai arrêté.
De chanter, je veux dire. J'ai arrêté. Je sais pas si je vais pouvoir reprendre un jour, tu sais. Et puis, depuis que j'ai quitté ce concert en plein milieu, les rumeurs circulent sur moi. Des choses atroces. Plus personne ne m'aime.
J'aurais dû nous faire confiance. J'aurais dû t'avouer mon amour, j'aurais dû t'embrasser, ce soir là. J'aurais aimé pouvoir goûter à tes lèvres, juste une fois. Rien qu'une fois. Tu peux pas savoir comme leur attraction m'élecrisait.
J'essaie de vivre. C'est dur sans toi. C'est dur sans vous tous, tu sais, nous sept...
Je suis allé voir Taehyung. Le choc. Il semblait dépossédé de lui même. Il devenait fou. Il murmurait, se tirait les cheveux en répétant que sa petite soeur n'était pas en sécurité, ou alors se rongeait les ongles en se traitant d'assassin. J'ai l'impression d'évoluer en plein enfer.
Aujourd'hui, j'ai pris la décision d'aller rendre visite à Jimin, à l'hôpital. À ce qu'il paraît il n'est plus capable de se nourrir seul. Tu penses que je pourrais réussir à l'aider, le sortir de là comme je n'ai pas su le faire avec toi ? Ça fait si longtemps que je ne l'ai pas vu... Je vous abandonnais tous un peu avec ma carrière, j'en suis désolé, tellement désolé...
Je t'ai tellement aimé, merde, Yoongi... Comment passer au delà d'un sentiment pareil, celui d'avoir tout gâché, celui de t'avoir tué ? La tristesse est indescriptible. C'est comme si elle voulait déborder mais qu'elle ne le pouvait pas. Elle est trop grande pour mon corps et pourtant elle persiste, reste en moi comme si j'étais capable de la supporter. Mais la vérité, c'est qu'elle me fait mourir de douleur. J'ai la constante impression qu'on éventre mes émotions sans anesthésie.
Je t'ai aimé au point de me faire peur. Au point de te laisser seul.
Je t'ai aimé comme on tombe amoureux de l'amour.
Jungkook.
Ps : j'ai retrouvé ton briquet dans les décombres, celui avec lequel tu aimais tant jouer. Je l'ai déposé avec toi, caché entre les fleurs.
Jungkook baissa la tête, et son sourire se fendilla. Il avait toujours bien voulu se fendiller pour Yoongi. Il laissa un dernier regard à la pierre avant de faire demi-tour, la poitrine éclatée de souvenirs ravageurs.
Il retraça dans sa mémoire le petit briquet qu'il venait de déposer, et l'inscription discrète au marqueur noir qu'il avait ajouté.
Deux lettres.
« Y.K. »
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro