Jimin ٭
Devant les yeux avides, devant la foule en suspens, Jimin créait les flammes. La braise naissait de ses mouvements, s'étendait jusqu'au ciel et illuminait la pièce d'éclats translucides. Il dansait, il tournoyait, il s'oubliait, se perdait dans les tréfonds de quelque chose d'indicible. La passion.
À travers la danse, Jimin donnait ce qu'il ne pouvait s'offrir à lui même. Sa sensibilité, les cicatrices du coeur, son souffle, tantôt enchaîné, tantôt vide, l'amour ou encore la haine. Sur scène, il fascinait et attirait comme un aimant. Les spectateurs s'avançaient inconsciemment sur leur siège, captivés, envoûtés. Le rideau tombait, et alors ils se taisaient. Pas un mot, pas un commentaire.
Mais ils pensaient, en ébullition.
Qui est ce garçon ? Quelle est cette chose terrifiante qui émane de ses pores ?
Parce que lorsque Jimin dansait, il brûlait.
Jimin avait des amis qui comptaient beaucoup pour lui. Il y avait Jungkook, Namjoon..., il y avait surtout Taehyung. Malgré tout, ces amis passaient toujours après la danse.
Tout était toujours passé après la danse.
Taehyung et lui étaient assis en tailleur sur le canapé du blond.
« Un jour, la danse va finir par te consumer, Jimin. » l'avait-il prévenu, le ton lointain. Taehyung avait toujours ce regard expressif, cet air agité, comme s'il renfermait bien plus qu'on ne pouvait le croire.
Jimin avait fixé le vide. Et de ce vide s'était crée un sentiment inexplicable, une soudaine répulsion pour cette remarque. Taehyung ne comprenait pas.
Mais je veux tant qu'elle me consume. Qu'elle me consomme. Qu'elle me contrôle et me console. Qu'elle fasse de moi ce qu'elle veut, qu'elle me chérisse puis me blesse. Qu'elle m'étreigne puis me presse.
Puisque je suis tombé amoureux d'elle.
Jimin enchaînait les chorégraphies, les improvisations. La musique défilait, faisait vribrer chaque pore de sa peau, valser son coeur et trémuler son esprit. Elle cognait là où il fallait. Jimin prenait appuie sur elle pour créer, il se servait des accords et du rythme pour inventer quelque chose de nouveau. Il savait dénicher le bon temps, la bonne note sur laquelle son corps devrait s'enflammer.
Tous les soirs, on le retrouvait tard, assoupi sur le sol des salles de répétition, le souffle court, même dans son sommeil. Taehyung venait lui rendre visite. Il le regardait dormir, et parlait seul dans la nuit.
« Jimin, il y a tant de choses que j'aimerais te confier. Je ne m'en sors plus. Mais comment te le dire alors que tu es déjà si faible ? »
Jimin ne l'entendait pas. Dans ses songes, les paupières scellées et les poings fermés, il murmurait des amas de mots sans trop de sens. Il bougeait même endormi, entendant la musique sans cesse.
Il rêvait de danse. Il se revoyait sur scène, et plus le temps avançait, plus il détectait les défauts les plus infimes dans ses mouvements. Ces petits détails qu'il avait mal exécuté lors d'une performance. La honte le submergeait. L'ambition bien plus encore.
Ses amis s'inquiètaient.
Jimin détestait ces regards qui disaient tu es sûr de savoir ce que tu fais ? Parce que Jimin savait, évidemment. Il avait toujours su que ce serait elle et lui. En guerre contre le monde.
Alors il commença à vouer une haine profonde pour ces regards qui semblaient tout savoir. Tu vas trop loin, la danse n'est pas tout.
Vous ne comprenez pas. Bien sûr qu'elle est tout. Elle m'enflamme et m'embrase. Elle se jette dans mes bras et m'étouffe et me dépasse.
Jimin avait le soucis de sa vérité.
Il se renseignait. Il regardait les performances des autres, les ballets, il analysait tout jusqu'au moindre détail. Son oeil était aiguisé, milimitré à la pointe. Le problème, c'est qu'il était tellement plongé dans la passion qu'il n'était plus capable d'avoir du recul.
Cela aurait pu continuer ainsi.
Mais Jimin...
... Il était perfectionniste.
Peut-être un peu trop.
Ses mouvements devenaient soudain trop lents, trop raides, son corps le lâchait. Ses cuisses trop épaisses, ses abdos pas assez fermes. Ses joues trop pendantes, sa peau trop élastique. Ses manières trop exagérées, son visage trop peu inspirant. L'image de son corps le fascinait et le repoussait en alternance.
Il se comparait aux autres danseurs, à leurs pirouettes, à leur technique, à leur taille un peu plus sculptée, à leur nuque un peu plus élégante, à leurs côtes un peu plus saillantes.
Il devait être parfait, alors il courait derrière la perfection. Mais plus il accélerait, et plus celle ci s'éloignait, inateignable. Mais Jimin était perfectionniste, alors il ne s'est jamais arrêté de courir.
Il ne savait pas.
Un danseur, ça n'a peur de rien. Le comble. Jimin était terrifié par son assiette.
« Mange quelque chose, je t'en supplie. » lui avait un jour murmuré Taehyung, au bord des larmes.
Jimin avait observé son meilleur ami sangloter, impuissant. Il avait froncé les sourcils. Pourquoi pleure t-il pour moi, alors que je vais bien ? Regarde Taehyung, je vais bien, puisque je cours toujours après elle. C'est quand je cours que je me sens bien. Tant que je cours, tout ira bien. C'est quand le chiffre chute que mon sourire s'élargit. C'est quand il baisse que je monte.
Jimin se sentait coupable. Parce que ce chiffre, il le rendait plus heureux que son meilleur ami.
Alors il se tournait vers lui.
Jimin n'était pas encore parfait.
Pas encore.
Un jour, je le serai, et alors à ce moment là, tout sera fini.
Mais ce qu'il ne savait pas, c'est qu'il ne serait jamais assez satisfait.
Le temps passait, il s'observait dans les miroirs, comtemplait son reflet tantôt avec vigueur, tantôt avec dégout. Ses muscles le lâchaient, son corps faiblissait, sa faim le rongeait. Mais il souriait, parce que tant que la perfection était toujours en vue, en espoir, il souriait.
Un jour.
Un jour, il l'atteindrait.
Il continuait de danser. Même lorsqu'il voyait flou, même lorsque sa tête tournait, que la sueur dévalait ses tempes et que son coeur battait bien trop vite pour que ce ne soit normal. Il sentait ses battements dans son front, dans son ventre, dans ses cuisses, dans ses poignets. Les pulsations étaient effrénées. Son coeur peinait à le faire tenir debout, et Jimin détesta ce coeur, voulu se l'arracher.
Parfois, Jimin craquait. Il titubait, la mort dans l'âme, seul dans son appartement, les organes retournés. Une main devant lui pour le guider, un malaise dévorant ses prunelles de blanc, de blanc, blanc et de blanc à l'infini.
Il s'accrochait aux meubles pour ne pas s'écrouler, tâtait à l'aveugle sur le plan de travail en sentant des sueurs froides le manger de l'intérieur.
Instinct de survie.
Il attrapait n'importe quoi, et le dévorait. Il fondait en larmes, sentant le malaise s'éloigner plus il croquait, engloutissait, emmagasinait.
Plus il reprennait des forces, et plus il avait l'impression d'en perdre.
Ses larmes le torturaient alors qu'il acceptait sans broncher des quantités de sucre impressionnantes, qu'il finissait par vomir.
Le ton montait.
« Jimin, viens sortir avec nous, ça fait des jours que tu t'entraînes seul dans cette pièce. »
Le fil était prêt à se rompre.
Plus le fil se tendait, plus il était fin. Alors Jimin tirait dessus, de toutes ses forces, pour le rendre encore plus fin, infiniment plus fin. Parce qu'il n'y avait plus que ça qui comptait.
Il s'éloignait, s'isolait, criait, hurlait, agressait.
« Mais tu ne comprends pas, Taehyung ! Je ne suis pas encore prêt ! Pas encore tout à fait parfait ! La danse, c'est stricte, il n'y a que les gens ambitieux qui y arrivent ! Et je vais réussir, il le faut. Taehyung, la danse, c'est mon rêve... »
« Ce n'est plus un simple rêve, Jimin ! Tu vas en mourir, p-par pitié, reviens. »
La porte avait claqué. Jimin s'était effondré au sol suite au mouvement trop brusque, la tête brumeuse.
Son coeur ralentissait.
Il était faible.
Mais Jimin pensait que cela le rendait plus fort.
C'était ainsi depuis le début.
Il était tombé amoureux.
Mais ce n'était plus lui et la danse.
Lui et elle.
Contre le monde.
C'était son corps et la danse.
Lui et elle.
Contre lui même.
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