Septième chapitre.
Cher toi,
À l'heure où je t'écris ces lignes, nous sommes le 1er juillet 2016. Tu te rends compte comme le temps passe vite ? 2016. Ça me paraît fou quand j'y pense. Le calcul est rapide, ça fait six ans que tu as quitté Mâcon. Six longues années faites de hauts et de bas. Rassure-toi, je vais bien. Je m'en suis finalement remise. Heureusement, tu me diras, après tout ce temps. Je ne souffre plus, ne pleure plus, et tu ne me manque presque plus. Tu dois te demander pourquoi je t'écris ces lignes, depuis quelques jours, si je t'ai vraiment oublié. Et bien laisse-moi te dire que c'est dû à un événement qui te concerne et, par le biais, me fait songer de nouveau à toi, à nous, à ce que nous avions. L'euro.
L'euro qui va débuter dans quelques jours. J'ai vu, en même temps que des millions de personnes, que tu avais été sélectionné une nouvelle fois. J'ai souris, en l'apprenant. J'ai été fière de toi en entendant votre entraîneur citer ton nom. Mais si seulement il n'y avait que ça. Non, bien sûr, il y a plus. Mon cher et tendre m'a fait la surprise de me montrer deux places pour le premier match de l'euro, et pour combler le tout, la France joue. Je n'ai pas feins l'étonnement, car étonnée, je l'étais vraiment. Mais j'ai feins le ravissement. Même si ça fait des années, je trouve cette situation embarrassante. Par chance, tu ne connaîtras rien de ma présence dans les gradins. Et c'est un soulagement en soit. Le premier match a lieu dans cinq jours. Je n'ose pas me dire que cinq jours me séparent de toi, si je puis dire.
Nolan, lui, est ravi. Il attend ce premier match avec une impatience non dissimulée et il n'arrête pas de m'en parler. Du coup, c'est comme si tu étais partout. J'allume la télévision et je te vois dans les pubs pour l'euro. J'achète une malheureuse bouteille de coca et j'arrive encore à tomber sur toi. Tu as été absent de ma vie pendant des années. Et soudainement, tu es omniprésent. Ce n'est pas évident de s'y faire. Je te parle de Nolan, mais je me rends compte que tu ne le connais pas. Lui non plus ne te connaît pas, d'ailleurs. Bien-sûr, il connaît Antoine Griezmann, le joueur de foot. Mais il ne sait pas qui tu as été pour moi. Il ne sait pas que je te connais.
Laisse-moi te parler de lui. J'ai rencontré Nolan il y a trois ans. Et tu sais dans quelles circonstances ? Lorsque j'ai quitté Mâcon. Oui, tu as bien lu, je ne vis plus à Mâcon. Comme quoi les choses sont réellement capables de changer. J'ai quitté notre ville, mes parents, nos amis, et je n'ai pas versé une seule larme. J'étais soulagée. Apaisée. Ce n'était pas seulement la ville que je laissais derrière moi. C'était tous nos souvenirs. J'ai décidé de partir à la fin de nos deux ans de BTS. J'ai poursuivi avec une licence d'un an qui se passait à Lyon. C'est donc là-bas que je suis partie. Mes revenus n'étant pas exorbitants, j'ai pris un appartement en colocation avec une parfaite inconnue. Judy, elle, était restée à Mâcon après avoir signé son premier contrat. C'est à Lyon que j'ai rencontré Nolan. Je te passerais les détails, je ne crois pas que cela t'intéresse.
Nous vivons dans le même appartement depuis presque un an maintenant. Même si nous n'étions qu'au collège, j'ai toujours pensé que ce serait avec toi que je prendrais mon premier appartement. Que c'était avec toi que j'allais quitter la maison de mes parents. Il faut croire que le destin en a décidé autrement. J'ai cru comprendre que maintenant, tu n'habites même plus en France, mais en Espagne. C'est drôle de voir comme nos vies se sont éloignées. Comme nos chemins se sont séparés. Bien sûr, aujourd'hui, je trouve ça drôle, mais il y a quelques années, je trouvais ça déchirant. Injuste. Le temps a fait son devoir. Tu sais, il y a bien longtemps que je n'avais pas pensé à toi. Tu peux remercier l'euro qui t'a rappelé à moi. Et tu vois, je me demande si de ton côté, il existe encore des choses qui me rappelle à toi. Est-ce qu'il t'arrive de te souvenir de moi, après tout ce temps ?
Ces derniers jours, j'ai écris beaucoup de pages sur toi. Nolan m'a surprise de nombreuses fois, je lui ai prétexté qu'une idée d'histoire m'avait effleuré l'esprit et que je commençais à la mettre sur papier. Ce qu'il ne sait pas, c'est que cette histoire, c'est la nôtre. Si tu savais comme c'est étrange de l'entendre parler de toi lorsqu'il est avec ses copains. Bien sûr, il ne parle pas que de toi, mais il parle de l'équipe Française, et indéniablement, tu es dedans. Parfois, je me dis qu'il faudrait que je dise tout à Nolan. Qui tu es, et qui tu as été pour moi. Mais c'est une discussion qui me fait peur, ce sont des souvenirs trop douloureux, alors finalement, pour me protéger, je me dis que si mes parents ne sont pas au courant, Nolan n'a pas besoin de l'être non plus. C'est égoïste, car je pense savoir tout de lui, et de son côté, il ne connaît pas la plus grosse partie de ma vie. Mais comment lui dire que toi, Antoine Griezmann, l'une des star du football qu'il admire, a été mon petit-ami ? Non, c'est une discussion qui n'a pas lieu d'être.
Je crois que je vais m'arrêter là. Je crois que j'avais besoin d'évoquer nos souvenirs, et c'est ce que je fais depuis quelques jours. Et je crois que ça me rend morose. À dans cinq jours, bien que tu n'en sauras rien. Tu sais, je voulais juste que tu saches que tout allait bien. Que tu saches que je n'ai plus mal. Que tu saches que c'est ok.
****
- Tu vas bien ?
Je tourne la tête en direction de Nolan qui me regarde en souriant. Il détourne rapidement le regard puisqu'il est en train de conduire, et je laisse échapper un soupir qu'il n'entend pas. Nous sommes sur la route qui nous conduit à Paris, pour aller voir le premier match de l'euro. Pour aller te voir.
- Oui, pourquoi ?
- Tu n'as presque pas dit un mot depuis que nous sommes partit.
Oh... Et comme une idiote, je ne m'en suis même pas rendu compte. Il faut croire que te revoir dans quelques heures m'inquiète bien plus que je ne le pensais. N'y aura-t-il donc jamais de fin ? Ce n'est pas comme si tu savais que je serais là, il n'y a aucune raison de s'inquiéter.
- Je crois que je n'ai pas suffisamment dormi cette nuit, je répond en souriant.
Nolan semble se satisfaire de cette réponse puisqu'il se concentre de nouveau sur la route. En chemin, nous nous arrêtons pour prendre un de ses amis, Matt, qui vient voir le match avec nous. C'est un soulagement pour moi, un grand soulagement. Quand il arrive, je monte à l'arrière pour le laisser devant avec Nolan, et je ne suis plus obligée de tenir la discussion. Aujourd'hui, je ne m'en sens pas capable. Prétextant la fatigue, je sors mes écouteurs et ferme les yeux en m'appuyant contre la vitre. Quelle merveilleuse idée que ce match, vraiment...
Lorsque nous arrivons, quelques heures plus tard, je suis en état de stress total. Et ça m'énerve, car je me dis qu'il n'y a pas de raison, que ce n'est rien, que ça fait des années et que je pourrais aller voir ce match tranquillement. C'est pourtant tout l'inverse. Je souris de temps en temps à Nolan et Matt pour ne pas qu'ils s'inquiètent, mais ils sont tellement impatients et excités qu'ils ne remarqueraient rien, dans tous les cas. En premier lieu, nous rejoignons l'hôtel que nous avons réservé. Rien de bien luxueux, mais il ferait l'affaire. Aucun de nous trois n'était motivé à faire l'aller retour dans la journée, alors nous étions d'accord là-dessus. Nous y déposons nos affaires, mangeons un bout rapidement, bien que j'ai du mal à avaler quoi que ce soit, puis nous partons en direction du stade. Juste avant de partir, j'appelle Judy pour me retenir d'exploser.
- Allô ?
- On va partir pour le stade.
Elle ne dit rien pendant quelques secondes, mais je sais qu'elle comprend directement. Je lui ai parlé toute la journée par message. J'ai toujours eu besoin de Judy lors des situations délicates, et aujourd'hui est une situation délicate.
- Ok. On respire, dit-elle enfin.
- Je respire.
- Et on se calme.
- Je me calme.
C'est tout bête, mais je sens que ça m'aide à me calmer. Généralement, rien que la voix de Judy m'apaise. Elle est mon ancrage, ma roue de secours, mon garde-fou.
- Tu ne risques rien, il ne te verra pas.
- Je sais. Mais moi je vais le voir.
- Ça fait des années, Ranana.
- Il ne ressemblera plus à celui que j'ai connu, j'ajoute, plus pour moi-même que pour Judy.
- Hé, c'est ok.
Et soudain, je me rends compte. Je me rends compte que je fais n'importe quoi. Que je réagis comme je l'aurai fais il y a quelques années, quand tu es parti. Je me rends compte que je ne devrais pas, que je suis censée avoir tiré un trait sur tout ça, et en ce moment, j'ai l'impression qu'il n'en est rien. Et ça me fait peur. Comment pourrais-je être encore amoureuse de toi après tout ce temps ? Ce n'est pas concevable, ce n'est pas dans l'ordre logique des choses. Je prends une grande inspiration pour me ressaisir, prête à faire face.
- Tu as raison, c'est ok. J'ai eu un moment de panique, mais ça va aller.
- Tu sais, je n'aurai jamais cru avoir cette discussion sur Antoine après tout ce temps, m'avoue Judy.
- Moi non plus...
- Je sais que tu es capable de faire face. Et avant que je n'oublie, donne-moi l'adresse de ton hôtel, j'ai un ami qui cherchait un endroit pas trop cher où aller le mois prochain, je vais le lui conseiller.
Je lui donne l'adresse, et nous finissons par raccrocher alors qu'elle me souhaite bonne chance. Lorsque je rejoins les deux garçons, ils m'agressent à propos de ma lenteur en me reprochant de gâcher la plus belle journée de leur vie. Je ris en m'approchant de Nolan, et je lui quémande un câlin pour calmer mes angoisses. Il m'y répond avec plaisir, et ses lèvres sur les miennes me rassurent presque autant que les mots de Judy.
- Prête pour le match ?
- Allons voir tes idoles, je répond en souriant.
****
À des kilomètres de là, Judy terminait d'envoyer un message, sourire aux lèvres. Elle avait conscience qu'elle jouait avec le feu, et peut-être faisait-elle la mauvaise chose, mais elle était persuadée du contraire. L'un n'allait pas sans l'autre, et elle comptait bien le prouver ce soir.
Quand le destinataire du message l'ouvrit, il fronça les sourcils et sentit son ventre se retourner un court instant. Combien de temps depuis qu'il n'avait pas entendu parlé d'elle ? Combien de temps depuis qu'il n'y avait pas pensé ? Il en voulu à l'expéditeur de se manifester ce soir. Il n'avait pas besoin de ça. Non, il fallait qu'il reste concentré. Il ne fallait pas qu'il pense à ce qu'il avait perdu.
"Elle sera là ce soir, dans les gradins. Et cette nuit aussi.
B&B Hôtel Paris Saint-Denis Pleyel
36 Boulevard de la Libération
93200 Saint-Denis
Bon match mon mignon, tu as intérêt de marquer, je te regarde depuis Mâcon."
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Je n'aime pas ce chapitre. Mais alors pas du tout. Et en plus, il est minuscule. Mais je promets de me rattraper avec le prochain. Merci pour vos mots. ❤️
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