Onzième chapitre.
Dear you,
Quatre jours sont passés depuis le premier match de l'euro. Quatre jours longs comme une vie entière. Quatre jours à me demander ce que j'ai bien pu faire. Quatre jours à regretter mes actes. Quatre jours à me les rappeler. Quatre jours à les espérer de nouveau. Ce moment avec toi était inconcevable, et pourtant, il a eu lieu. Tu as été là. Devant moi. Près de moi. Je t'ai touché. J'ai effleuré ta peau de mes doigts. J'ai carressé tes lèvres des miennes. Tu était réel. Tu n'étais pas loin. C'est comme si nous avions eu seize ans de nouveau. Comme si je te découvrais. Comme quand j'apprennais à t'aimer. Nous nous sommes connus. Nous nous sommes apprivoisés. Nous nous sommes aimés. Nous nous sommes quittés. L'ordre logique des choses. Dans l'équation, il n'était pas prévu que tu reviennes, des années plus tard. Il n'était pas prévu que Nolan te remplace, puis que tu remplaces Nolan de nouveau. Tu devais disparaître.
Il faudrait que ta bouche
Ne soit pas mon unique raison.
Tu n'as pas disparu. Non, tu n'as jamais disparu. Tu as toujours été là. Dans mon coeur, dans mon esprit, dans mes pensées, dans mes rêves et mes cauchemars. Partout. Tout le temps. Sans répit. Tu ne m'accordais aucune pause. Aucune trève. Aucun moment de paix. Jusqu'à ce soir-là. Jusqu'à cette nuit-là, où tu es revenu. Je me déteste. Je me déteste et je m'en veux de t'aimer encore. J'en veux à mon corps de réagir ainsi au contact du tien. J'en veux à mon coeur de s'emballer dès qu'il croise ton regard. Je t'en veux, d'avoir cette emprise sur moi. Je t'en veux, d'être venu me voir. Et pourtant, pourtant, je n'échangerais cette nuit-là pour rien au monde. Tu m'as aidé à respirer de nouveau. A voir le monde comme il est vraiment. Tu m'as rendu cette part de moi que tu avais emporté si loin, avec toi, à Bayonne.
Il faudrait que j'inonde
De sombres couleurs tes souvenirs.
Le retour à Lyon fut incroyablement dur. Non, que dis-je. Pas seulement le retour à Lyon. Bien avant ça. Le seul retour à l'hôtel fut une torture. Te voir me quitter de nouveau pour rejoindre ton taxi. Lire ton message qui a affolé mon coeur. Ne pas prendre l'ascenseur. Monter les marches pour perdre du temps. Serrer entre mes doigts le maillot de foot que tu m'as laissé. Retenir mes larmes en pensant à ce qu'il venait de se passer. Prendre une grande inspiration une fois devant la porte de la chambre. Entendre les respirations endormies de Nolan et de Matt. Ranger soigneusement ton maillot dans mes affaires. Le ranger, ou le cacher ? Aller une nouvelle fois dans la salle de bain. Prendre une deuxième douche. Sentir mes larmes se mélanger à l'eau. Sentir mon corps crier, hurler, le manque de toi.
Il faudrait que je revienne,
Quand je pars m'égarer dans tes draps.
Depuis ce jour, depuis cette nuit, c'est le silence radio. Aucun nouveau message de ta part. Bien sûr, j'ai maintenant ton numéro. Bien sûr, j'ai commencé mille messages. Bien sûr, je les ai tous effacé avant de les envoyer. J'ai entendu parler de toi. À la télévision, à la radio, un peu partout. Nous sommes le mardi 14 juin, et demain, vous jouez votre deuxième match de l'euro. Nolan a prévu de retrouver des amis après sa journée de travail pour le regarder. Je suis bien entendu conviée, comme à chaque soirée que fait Nolan, mais pour une fois, j'ai refusé. Je ne peux pas. Je ne peux pas te voir, et le voir, en même temps. Je sais que je devrais lui parler. Je sais qu'il ne mérite pas ça. Je sais que je ne peux pas continuer ainsi. Mais pour ça, j'ai besoin de Judy. C'est pourquoi j'ai déjà réservé mon billet de train pour aller la rejoindre à Mâcon ce week-end. J'ai besoin de la voir avant de prendre la moindre décision.
Il faudrait que je me souvienne,
Comment ne pas avoir envie de toi.
La journée du lendemain fut infiniment longue. Je ne sais pas si tu es au courant, mais je travaille dans une agence immobillière. Rien de bien passionnant, je n'occupe qu'un poste d'agent administrative pour le moment. J'ai mis deux fois plus de temps à traiter un dossier car je ne pensais qu'au match de ce soir, qu'à toi, que j'allais bientôt voir. Nolan m'a rejoint, durant ma pause de midi, pour que nous mangions ensemble. Il m'a demandé une nouvelle fois de l'accompagner ce soir, mais je n'ai pas pu m'y résoudre. J'ai pretexté être fatiguée. Ce qui n'est pas vraiment un prétexte. Je suis fatiguée. Fatiguée de tout ça, fatiguée de toi, de moi-même, fatiguée d'attendre la moindre nouvelle de ta part. Tu m'as dit ne pas en avoir terminé avec moi. Tu en as pourtant tout l'air.
Il faudrait que j'permette,
Au vide de venir m'habiter.
Je suis sortie du travail à 17 heures. Comme une automate, j'ai prit le bus pour rentrer à l'appartement. Comme une automate, je me suis arrêtée pour acheter du pain, alors que Nolan n'est pas là ce soir et que je ne vais pas en manger. Comme une automate, j'ai prit le courrier qui se trouvait dans la boîte aux lettres. J'ai monté les marches qui mènent à l'appartement. Ouvert la porte, retiré mes chaussures, et j'ai regardé, pour la centième fois de la journée, mon téléphone. A la recherche du moindre nouveau message. Du moindre signe de toi. De ce petit truc qui me prouverait que je ne suis pas la seule à ne pas être moi-même sans l'autre. Mais rien. Le silence. Le néant. L'indifférence. J'ai prit une douche, puis je suis allé vérifier dans mon armoire que ton maillot était toujours là. Pour me rassurer. Pour me prouver que je n'ai pas rêvé cette nuit-là, que je ne t'ai pas imaginé. Tu étais bien réel, tout comme ce maillot à ton nom l'est.
Il faudrait que j'apprenne,
À compter combien de fois j'ai dit,
Qu'il n'y avait plus rien,
Et combien de fois je me suis mentie.
Je me suis installée devant la télévision pour regarder sans vraiment la voir une de ces émissions débiles qui passent de 17h à 19h. Je suis tombée sur quatre mariages pour une lune de miel. J'ai soupiré, et j'ai zappé sur les reines du shooping. Pas d'amour et de l'hypocrisie, exactement ce dont j'avais besoin. Je ne regardais pas la télévision, non, j'attendais simplement le match. J'ai discuté un peu avec Nolan par message, et je crois m'être endormie entre deux essayages de robes. C'est la sonnerie de mon portable qui m'a réveillé, et j'ai constaté avec étonnement qu'il était déjà vingt heures, les reines du shooping ayant été remplacées par les informations. Je me suis emparée de mon téléphone, pensant lire un message de Nolan, mais ce n'était pas lui. D'un seul coup, j'ai senti mon corps se réveiller. J'ai senti mon coeur sortir de son état de torpeur. J'ai senti mon esprit s'activer. Je me suis sentie entière. Un numéro inconnu s'affichait sur mon téléphone, m'indiquant que j'avais un nouveau message. Ce numéro inconnu que j'ai reconnu instinctivement. Ce numéro que je n'ai pas enregistré dans mes contacts, mais que j'ai attendu pendant cinq jours. Toi.
"C'est ok."
Ni plus, ni moins. Un message, minuscule, mais qui signifie pourtant tout. Que tu penses à moi. Que tu m'aimes, si la signification de ces mots n'a pas changée pour toi. Que je suis toujours là, quelque part, malgré ta vie bien remplie. Qu'il y a encore une petite place pour moi. Ce seul message a un impact incroyable pour moi. Il m'a fait sourire. M'a réveillé. M'a fait quitter cet état de torpeur. Il est clair, maintenant, que je ne suis plus grand chose sans toi. Que les années ne t'ont pas effacé, au contraire. Il est clair que j'ai besoin de toi pour avancer. Que sans toi, je ne suis pas moi. Et ça m'effraie. Ca me terrifie même. Je suis morte de peur, car je sais que jamais je ne pourrais t'avoir comme je t'ai eu autrefois. J'ai besoin de toi dans ma vie, mais à quoi ma vie va-t-elle ressembler si je ne peux pas t'avoir ? Comment suis-je censée avancer, puisque tu seras toujours loin de moi ? Qu'est-ce que je dois faire, pour guérir de toi ?
Ne pas te répondre aurait déjà été une bonne chose, pour avancer. Mais j'en suis tout simplement incapable. Attendre ce message pendant cinq jours pour ensuite feindre l'ignorance ? Non, c'est beaucoup trop me demander. Bien sûr que je t'ai répondu. Je t'ai envoyé exactement le même message. Et soudain, tout m'a semblé être plus paisible. Moins tourmenté.
Il faudrait que j'arrête,
De dire que je vais arrêter.
***
Je n'avais pas prévu de lui écrire. Je m'étais même fait violence pour ne pas le faire. À mon retour de l'hôtel, j'ai tout raconté à Paul. Je n'ai pas pu me résoudre à attendre le lendemain matin, alors je l'ai réveillé une fois arrivé. Il a grogné, gueulé, puis m'a écouté. Il m'a écouté parler de Rawena, de ma petite escapade, et de ce que j'avais fait. Il m'a traité de con, d'idiot, et de débile. Puis il m'a dit que je n'étais qu'une merde pas même capable de retenir ses impulsions. Enfin, il m'a dit que je m'étais fourré dans un sacré pétrin. Paul connaît une grande partie de l'histoire avec Rawena. Il est l'un des seuls, d'ailleurs. Il m'a conseillé de ne pas recommencer. De ne pas lui écrire. De ne plus voir Rawena. De faire d'elle ce qu'elle était censé être, une ex vieille de presque sept ans. Il m'a dit qu'il ne comprenait pas comment je pouvais encore m'accrocher à elle après toutes ses années. Lui ne se souvenait même plus du nom des filles avec qui il était sorti il y a un an, alors celles viellent de neuf ans, n'en parlons pas. Paul m'a dit que la meilleure chose à faire était d'oublier Rawena. De la mettre de côté, de me concentrer sur l'euro. Peut-être même de trouver quelqu'un d'autre, histoire de la remplacer.
Et je l'ai écouté. Pendant quatre jours, j'ai fait en sorte de m'éloigner de Rawena. Je ne lui ai pas écrit, et j'ai fait de mon mieux pour ne pas penser à cette nuit où nous nous sommes revus. Mais ce soir, soir de match, je n'ai pas pu me résoudre à lutter plus longtemps. M'empêcher de penser à Rawena ne faisait qu'accroître mes pensées. Alors je lui ai envoyé un message, et quand elle m'a répondu à l'identique, je me suis senti apaisé. Le monde semble faire en sorte que je n'en finisse pas avec elle. Qu'elle soit toujours là, partout, où que j'aille. Et ce soir-là, en marquant face à l'Albanie à la 90ème minute, c'est à elle que j'ai pensé.
Attends une seconde, laisse-moi reprendre mon souffle.
Rappelle-moi ce que ça fait d'entendre ta voix.
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Ce chapitre n'est pas très utile,
Mais il a au moins le mérite d'être là.
❤️
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