DEAR MATÉO (l'inconscient)
DEAR Matéo,
Je suis vieux et fatigué. J'ai vu des choses dont tu n'as même pas idée. J'ai traversé des époques troubles, des temps secs, des jours qui sonnaient de désespoir, j'ai assisté à des naissances, entendu des mariages, vu des amours naître et disparaître. J'ai vu tant de choses magnifiques, Matéo, des choses que tu finiras peut-être par découvrir. Ou par détruire par ton égocentrisme. Mon garçon, la haine n'engendre que la haine. Depuis quelques temps je vois mes frères partir, un par un, tomber sous les assauts de ces machines grises, qui les brûlent ou les arrachent dans d'atroces souffrances. Je vois leurs cris, leurs appels à l'aide, leurs souffrances et leurs désillusions. Eux qui n'ont toujours que donné amour, ne récoltent que destruction, avançant de désillusion en désillusion. Ils ne cessent jamais d'espérer, Matéo, jamais. Mais moi j'ai arrêté. Je sais qu'au fond de moi, plus rien n'a d'importance à vos yeux, même si j'ai consacré toute mon existence à votre survie, à votre bonheur, et vous le savez, tous autant que vous êtes, vous le savez que vous avez besoin de moi, de mes frères et moi. Alors pourquoi ? Pourquoi nous tuer, nous torturer ? Assouvir vos besoins de toujours et toujours plus, besoins qui n'auront d'incidence que sur l'instant ! L'éphémère prime-t-il à ce point sur votre pérennité ? N'avez-vous donc pas une conscience vous projetant plus loin que vos futiles petits désirs que vous jetterez sans considération dès qu'un autre futile petit désir pointera le bout de son nez dans vos pensées ? Sans prendre en compte la vie qui a été arrachée pour donner corps à ce désir ? Nos belles couronnes de feuilles, nos robes de bois, si majestueuses auparavant, si éclatantes lorsqu'elles étaient fêtées comme elles auraient toujours dû l'être. Maintenant il ne reste d'elles que des haillons calcinés, mâchés, dévorés par vous. Sourds aux à nos cris, nos pleurs, nos appels. Aveugles. Vous refusez de vous confronter à la réalité du monde. Tu le refuses Matéo, tu ne vois pas plus loin que le bout de ton minuscule nez.
Je suis fatigué et meurtri par ta faute Matéo, je suis blessé et malade à cause de toi. Toi, félicitant avec flegme tes bêtes d'acier qui nous tuent. Toi, félicitant le meurtre de sang froid que tu perpétues.
Matéo, ma patience a atteint ses limites et mes larmes vertes ne peuvent plus couler. Matéo, le chant de mes feuilles ne peut plus raisonner pour tenter une ultime fois de te réveiller. Matéo, mon corps meurtri ne peut plus résister, ne peut plus rester droit et fier pour te montrer la voie du monde. Alors Matéo, je vais m'assoupir, m'éteindre et m'allonger, car je suis si fatigué, si désolé. Je vais m'éteindre par ta faute, Matéo, moi arbre de plus de deux cent ans. Et à cause de toi, et seulement toi, ta fin se sera encore plus rapprochée.
Adieu...
Bien cordialement,
Zôè (signifiant la vie).
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