Tout a changé...
Un vent de nouveauté souffle sur la vie d'Any. C'est aujourd'hui son premier jour à son nouveau travail. Elle en a tellement rêvé d'intégrer une rédaction renommée et de pouvoir vivre de ses écrits. Et tout est là ! Les sacrifices qu'elle a faits et le travail paient enfin. Son premier travail à la chronique des chats perdus dans un petit journal du New Jersey, les longues heures de pige à la rubrique mariages locaux qu'elle assurait en plus de ses heures à la boutique... Evidemment qu'elle sait très bien qu'elle a aussi été embauchée pour assurer d'autres tâches que la rédaction de ses chroniques. Mais ce n'est pas gênant. Elle va être hebdomadairement publiée ! Et bien que les chroniques mondaines ne soient pas son sujet de prédilection, elle a tout de même réussi à négocier avec le rédacteur en chef, la parution d'un encart semblable à un édito sur des sujets frivoles et légers tous les dimanches. Une grande révolution dans sa vie qu'elle aurait tellement adoré partager avec ses parents. C'est surtout dans ces moments de joie qu'ils lui manquent le plus. Ils auraient été si fières d'elle. Elle sait déjà que son père aurait précieusement découpé le moindre article avec sa signature pour les coller dans un grand cahier qu'il aurait sorti à la moindre occasion. Cette pensée la fait toujours sourire et elle adoucit sa peine quelques instants.
Au-delà de cet aspect positif de sa vie, Any a pris la décision de ne plus penser à la visite impromptue de Charly. D'abord perturbée par ses retrouvailles, la jeune femme a mis quelques jours à s'en remettre. De nouveau, il avait tout chamboulé dans son esprit. Par ailleurs, elle a remercié Rudolph de l'avoir sorti le vendredi suivant. Ça lui a clairement changé les idées. Il faut dire qu'ils ont écumé les bars et les boîtes de nuit, perchés sur leurs talons, à tel point qu'elle n'arrivait plus à les porter en fin de soirée. Enfin, c'était plutôt en début de matinée. Any ne s'était pas autant lâché depuis bien, bien longtemps. Elle a décidé, suite à ça, de tourner définitivement la page Charles. Maintenant, il le sait. De plus, elle a vraiment été soulagée de tout lui avouer. À présent, elle se sent prête à avancer. Il était temps ! Depuis sa venue, Any ne l'a pas revu. Et ce n'est pas plus mal. Sans doute que les révélations de la jeune femme lui ont fait comprendre qu'il ne devait pas revenir dans sa vie.
Dans tous les cas, elle ne veut plus y penser. Et ce matin, lorsqu' elle arrive au bas de l'immense building abritant la rédaction de son nouvel employeur, elle se sent toute petite dans ce nouvel univers. Elle se présente à l'accueil où un agent de sécurité lui remet un badge à son effigie et lui souhaite la bienvenue. Il lui indique les ascenseurs et l'étage auquel elle doit se rendre. Elle n'en mène pas large mais elle est heureuse. Sur le palier, elle est accueillie par la responsable RH qu'elle avait vu en entretien et qui lui demande de la suivre. Les deux femmes traversent une énorme salle de rédaction où les téléphones sonnent à la volée, les photocopieuses crachent toutes sortes de documents et où les gens se déplacent en courant... Une vraie fourmilière. Après un dédale de couloirs, elles arrivent devant une grande porte en bois où est inscrit Walter MUNDSON, directeur général.
Any a l'impression d'être de retour à l'école et d'être convoqué chez le proviseur.
Responsable RH - Ne soyez pas nerveuse, il n'a encore mangé personne.
Elle frappe brièvement quelques coups et ouvre la grande porte. Tandis qu'elles entrent dans le bureau, un homme à la carrure imposante et la voix grave s'avance vers elles.
Walter MUNDSON - Mademoiselle Darling ! Any ? Je peux vous appeler Any ?
Bethany - Euh, oui bien sûr.
Walter MUNDSON - Parfait ! Je vous souhaite la bienvenue au New York Paper !
Sa poignée de main est virile et amicale à la fois.
Bethany - Merci Monsieur.
Walter MUNDSON - Pas de Monsieur ici, tout le monde m'appelle Walter.
Bethany - Très bien, Walter.
Walter MUNDSON - Je suis ravie de votre arrivée. Norman m'a montré vos écrits, j'aime beaucoup. Je suis certain que vous allez faire mouche. En attendant que nous puissions lire vos premiers écrits dans notre cher journal, Georgina, ici présente, va vous emmener à votre bureau. Elle en profitera pour vous présenter vos nouveaux collègues, ainsi que votre binôme, Henry.
Bethany - D'accord.
Walter MUNDSON - Je suis certain que vous allez vous plaire ici.
Bethany - Je l'espère Monsieur.
Walter MUNDSON - Walter mon petit. Juste Walter.
Bethany - Pardon, il faut que je m'habitue.
Walter MUNDSON - Il n'y a pas de mal. Allez, je ne vous retiens pas plus longtemps. Passez une bonne journée.
Any le remercie et commence à suivre de nouveau la femme.
Walter MUNDSON - Oh, Any ? Pendant que j'y pense.
Elle se retourne vers son nouveau directeur.
Walter MUNDSON - Le 26 de ce mois-ci, nous avons notre gala annuel de prévu. Nous en profitons pour inviter tous nos collaborateurs, partenaires et autres associés. J'espère que vous serez des nôtres. Ce sera l'occasion pour vous de vous faire connaître auprès de nos différents investisseurs comme ça.
Bethany - Ce sera avec plaisir... Walter.
Walter MUNDSON - Voilà une petite qui a de l'avenir !
Any court sur les talons de la fameuse Georgina vers la grande salle précédemment traversée. Bethany n'est pas du genre timide en général, mais il faut avouer qu'elle est assez impressionnée par l'effervescence qui règne ici. Enfin, la femme s'arrête au centre d'un ensemble de bureaux. Un homme, dos à elles, est penché au-dessus d'une planche de petites photos.
Responsable RH - Henry ?
L'homme se retourne, un crayon entre les dents et une grosse paire de lunettes sur le nez qu'il remonte immédiatement sur sa tête. Âgé d'une bonne trentaine d'années, son interlocuteur la dépasse légèrement. Ses cheveux noirs et sa barbe de quelques jours contrastent avec la profondeur de son regard bleu qui surprend Any dès qu'elle le croise. Un très court instant, elle a vu en lui une ressemblance plus que frappante avec celui qu'elle a tant aimé. Mais, rapidement, elle chasse cette idée de sa tête et lui tend la main.
Responsable RH - Voici Any ! Votre nouvelle collègue.
Henry - Ah enfin ! Enchanté de vous connaître.
Il lui serre la main énergiquement.
Bethany - Idem...
Any est comme subjuguée par le sourire de l'homme. Elle le fixe de longues secondes et cela amuse son interlocuteur.
Henry - Je vous montre votre bureau ?
Bethany - Euh, OK !
Henry - Merci pour tout Georgina. Venez Any.
Il lui indique un bureau vide.
Henry - Voilà ! C'est le vôtre. En face, c'est le mien. Ici vous avez Nadia, qui s'occupe de la chronique culinaire. Jimmy aux spectacles. James aux sorties littéraires. Et il manque Brahim qui s'occupe du cinéma. J'ai en charge tout ce qui touche à la musique et vous, les potins et la revue mondaine des peoples. Norman m'a aussi parlé d'une chronique sociétale légère... Mais ça, vous le savez déjà.
Bethany - Effectivement.
Henry - Ce qui nous est demandé également, c'est l'encadrement de l'équipe, planning et autre dispatching des sujets du moments, la correction des articles... On verra au fur et à mesure comment on s'organise pour ça. OK ?
Bethany - D'accord.
Henry - Bien ! En revanche Any, j'espère que vos articles sont plus construits que vos phrases, car pour le moment votre vocabulaire n'est pas très fourni.
Any est un peu surprise par la remarque de son nouveau collègue.
Bethany - Pardon. Je... Je ne suis pas comme ça, d'habitude. Ça va passer. Je vais prendre mes marques...
Henry - J'en doute pas. Je vous taquine.
Il lui sourit largement. Cela suffit à Any qui se décontracte légèrement et laisse apparaître un rictus à son tour.
Henry - Voilà ! C'est mieux comme ça.
Cette fois, Any rit.
Henry - Pas de pression entre nous s'il-vous-plaît ! Je vous offre un café ?
Bethany - Volontiers ! Enfin, je veux dire, oui, je veux bien. Merci !
Henry - Prenez votre veste, on va aller les chercher en bas.
De nouveau, Any se retrouve à parcourir la grande salle jusqu'aux ascenseurs. Les portes se referment sur Henry et elle. Any se dit qu'il faudrait qu'elle fasse meilleure impression. Il est vrai que pour le moment, elle a surtout montré une image désuète de ce qu'elle est réellement.
Bethany - Vous savez, je ne suis pas comme ça d'habitude. Je suis vraiment désolée.
Henry - De quoi ?
Bethany - De ce qu'il vient de se passer. Je suis un peu nerveuse, je ne voulais pas vous mettre mal à l'aise... En vous fixant.
Henry - Il n'y a pas de mal.
Bethany - On pourrait peut-être recommencer depuis le début ?
Elle lui tend la main une nouvelle fois.
Bethany - Salut, je suis Any. Votre nouvelle collègue. Ravie de vous rencontrer.
Il rit et cela le fait plisser les yeux. Any se surprend à aimer ça. Henry prend enfin le temps de vraiment regarder sa nouvelle collègue et découvre, avec son sourire en coin, un air mutin qui le charme instantanément.
Henry - Salut Any ! Je suis Henry. Je suis ravie de faire votre connaissance également. J'ai hâte que l'on travaille ensemble.
La jeune femme est soulagée de voir que le courant passe entre eux deux. Vu qu'ils vont passer une bonne partie de leur journée l'un en face de l'autre, cela est plus que nécessaire. Et les jours qui suivirent confirment cette mouvance. Henry prend Any sous son aile et la guide dans l'ensemble de la rédaction. Outre le fait d'apprendre tout ce qui est inhérent à son nouvel emploi, Any fait surtout la connaissance d'un homme charmant et drôle. Elle n'aurait jamais pensé faire ce genre de rencontre, elle qui a bridé son cœur depuis de si nombreuses années. Voilà qu'elle se surprend à avoir une attirance pour un homme. Cela l'effraye un peu tout de même.
En face d'elle, la pudeur et la retenue d'Any à son égard intriguent Henry. Elle est ce qu'il aime chez une femme, la simplicité, un grand sens de l'humour et le respect des autres. Plus il apprend à la connaître, plus il est sous son charme. Tout est prétexte à passer du temps avec elle. Après presqu'un mois au journal, elle est maintenant autonome mais Henry trouve toujours une excuse pour qu'ils travaillent en étroite collaboration. Et ça, Any ne s'en est pas vraiment rendu compte...
Un soir, à la boutique de fleurs, Any passe voir Rudolph. La nouvelle chroniqueuse n'a effectivement pas pris le temps de venir voir son ami depuis sa prise de poste. Le jeune homme attend désespérément qu'elle lui raconte ses premiers jours. Il veut tout savoir !
Rudolph - Alors ??? Arrête de jouer avec mon petit cœur.
Bethany - C'est génial Rudolph. Tout est super. J'ai publié mes premières rubriques et apparemment, le retour est positif. Le grand patron, Walter, est venu me le dire ce matin. Heureusement que Henry m'aide beaucoup. J'arrive encore à me perdre dans l'immeuble. Si tu voyais comment ça se passe là-bas. C'est clairement moins tranquille qu'ici. Ça court tout le temps et partout.
Rudolph - C'est qui Henry ???
Bethany - C'est mon collègue.
Rudolph - Ah oui ? Et comment il est ?
Bethany - Oh, tout de suite !
Rudolph - Ma chérie, maintenant que tu m'as dit avoir tourné la page Charles, tu as intérêt à te remettre en selle. Depuis combien de temps tu n'as pas....
Bethany - Hey ! T'es pas obligé de me rappeler que je suis proche d'entrer dans les ordres.
Rudolph - Je n'irai pas jusque-là, mais de quand date ton dernier mec ?
Bethany - Quelques mois...
Rudolph - Ah ! tu vois ! Je veux juste te dire que le très beau Charly a peut-être fait un come-back en fanfare, mais tu dois avancer dans la vie maintenant.
Bethany - Ça non plus tu n'es pas obligé de m'en reparler.
Rudolph - Alors, dis-moi. Comment est ce petit Henry ?
Bethany - Déjà il n'est pas petit. Il a les cheveux noirs, une légère barbe et de superbes yeux bleus. Il a aussi des petites rides aux coins des yeux quand il sourit. Et son sourire... magnifique...
Rudolph - Je t'ai demandé de me décrire Henry. Pas Charly.
Bethany - Mais c'est Henry ! Et je te ferai remarquer que ça pourrait aussi être n'importe qui de la population masculine de New York. Pourquoi tu rapportes toujours tout à Charly ?
Rudolph - C'est maladroit, pardon... Mais il est tellement sexy !
Il a le regard rêveur. La jeune femme le frappe sur le bras, ce qui fait réagir l'homme, outré du geste.
Rudolph - Aïe !!!! En tout cas, je suis curieuse de le voir.
Bethany - Un jour, peut-être !!
Rudolph - Et donc, il se passe quoi avec ? Juste collègue ?
Bethany - Oui. Je pense. Après, c'est vrai qu'on passe pas mal de temps ensemble. On mange aussi ensemble les midis assez régulièrement... Tout le temps en fait.
Rudolph - C'est déjà un bon point !
Bethany - Et comme je ne suis pas encore très à l'aise, il a proposé de m'accompagner au gala annuel du journal qui a lieu mardi prochain.
Rudolph – Wahoo ! Wahoo ! Wahoo ! En voilà un qui sait y faire ! Tu as dit oui j'espère !
Bethany - Oui !
Any rougit en baissant la tête alors que Rudolph saute sur place en tapant dans ses mains.
Rudolph - Formidable ! Ça n'a pas l'air de te réjouir.
Bethany - Ah si... Mais je suis morte de peur.
Rudolph - Pour le gala ?
Bethany - Non, pour Henry. C'est un peu nouveau. Ça fait super longtemps qu'un homme ne m'a pas fait cet effet. Ni même juste la cour. Je n'ai pas connu quelqu'un qui prenait cette peine. Lui, il est différent.
Rudolph - Chaque chose en son temps, ma belle. Il faut déjà voir où ça va vous deux. Ça ne sert à rien de s'emballer.
Bethany - Mais s'il se passe quelque chose ?
Rudolph - Et bien tu n'as qu'à lui dire que tu veux prendre ton temps.
Bethany - Il ne dira rien ?
Rudolph - Ma chérie, ta naïveté te perdra. S'il te dit quelque chose, c'est que ce n'est pas un mec bien ! S'il craque sur toi, il acceptera les choses. Mais ne te mets pas à fantasmer. Vous venez de vous rencontrer. Laisse les choses venir doucement. Et joue tes supers cartes atouts !
Bethany- Laquelle ?
Rudolph - Tes boobs et ton style, chérie !
Any éclate de rire.
Rudolph - Il faut que tu lui en mettes plein les yeux au gala mardi.
Bethany - D'ailleurs, tu ne voudrais pas m'aider ?
Rudolph - À quoi ma chère ?
Bethany - À me trouver une tenue pour la soirée.
Rudolph - Tu sais à qui tu parles ma belle ? Évidemment que je vais t'aider ! Je vais te rendre... Sexy !
Bethany - C'est avant tout une soirée de taf.
Rudolph - Bon, alors je vais te rendre sexy, mais respectable !
Bethany - J'ai pas trop envie d'affoler les vieux du conseil d'administration.
Rudolph - Y'a rien de pire qu'un vieux libidineux !
Bethany- Beurk !
Rudolph - Tu sais quoi ? Samedi, on se fait une virée shopping. Et on va te trouver la tenue parfaite ! Et puis comme ça, tu auras tout l'après-midi pour me parler du beau Henry !
Qu'est-ce qu'Any n'avait pas fait en demandant à Rudolph de l'aider. C'est limite s'il n'avait pas fait un plan d'attaque des différents magasins à visiter ce samedi après-midi-là. Selon les dires de Rudolph, Any devait montrer une facette femme d'affaire associée à une facette de femme sauvage.
Une fois son concept matérialisé, il était certain que la jeune femme ferait des étincelles. Rudolph a choisi de faire sortir le côté professionnel de son amie en lui proposant un pantalon cigarette noir taille haute. Son côté fatal est quant à lui souligné par un body cœur croisé vert émeraude très décolleté et avec des manches bouffantes, ainsi qu'une paire de sandales à plateforme Tribute de Saint Laurent. Rudolph conclut la journée par l'achat d'accessoires.
Le soir du gala, Rudolph a ponctué la tenue de la jeune femme par un effet coiffé-décoiffé-rock de sa coupe courte et un maquillage assorti à son corsage. Devant son miroir, la belle est émerveillée. Rudolph contemple son travail. « Carrie n'aurait pas fait mieux. » lâche-t-il avant de prendre son amie dans ses bras et de la presser à rejoindre son cavalier.
Un taxi dépose la jeune femme devant un hôtel de l'Uper East Side. Elle se sent comme Cendrillon au bal. Elle avance d'un pas assuré vers le hall, essayant de cacher sa légère angoisse. Il convient de dire qu'elle n'est pas du tout habituée à ce genre d'événement, même si elle a toujours rêvé d'y participer. À peine est-elle entrée dans l'hôtel qu'elle aperçoit Henry qui l'attend. Il s'approche vers elle.
Henry - Wahoo... Tu es... Superbe !
Bethany - Je te remercie. Le costume te sied à merveille également... Hugo Boss ?
Henry - Tu as l'œil !
Bethany - La mode est une de mes passions.
Henry - On pourra y penser si on manque de rubrique.
Ils rient et Henry tend son bras à Any. Elle lui fait un grand sourire et s'y accroche pour monter les escaliers vers la soirée. La salle de réception est bondée de monde sur leur 31. Des visages qu'elle a déjà vu à la rédaction, et d'autres, totalement inconnus. Ils entrent dans la salle et sont approchés par un serveur qui leur propose une coupe de champagne. Ils se servent et trinquent avant de déguster une gorgée.
L'endroit est merveilleux et magique. Le haut plafond de la salle brille sous les lumières des lustres. Des serveurs endimanchés virevoltent comme des patineurs entre les invités. Une musique d'ambiance, interprétée par un orchestre, anime une piste de danse centrale. Any est subjuguée par la beauté du lieu. Un groupe composé de Walter, Norman le rédacteur en chef du journal, ainsi que d'un couple et d'une femme qu'elle ne connaît pas, s'approche d'eux.
Walter - Ahhh, vous êtes enfin là ! Mon petit couple de journalistes vedettes.
Any rougit en souriant.
Norman - Henry, il fallait absolument que je te vois. Je vous l'emprunte quelques instants, Any.
La jeune femme voit les deux hommes s'éloigner dans la foule.
Walter - Je suis ravie de vous voir Any. Je parlais justement de vous. Laissez-moi vous présenter à ma femme, Carol. Et voici Paul et Evelyne Rickman, des amis.
Walter désigne les personnes qui l'accompagnent. Any leur tend la main pour les saluer poliment. Elle est soudainement bousculée par une personne derrière elle, renversant légèrement sa coupe sur ses chaussures. Elle se retourne vers la voix qui lui présente ses excuses.
Voix - Vraiment navré, je ne...
Ils se regardent, fixement, pendant de longues secondes. Le vide se fait dans la tête d'Any.
Charly !
La surprise se lit sur le visage de chacun.
Bethany - Ce... Ce n'est rien.
Walter - Alors Charles ? Vous n'avez pas mis vos lunettes ce soir ?
Any, tout comme Charles, ne sait quoi dire. Il est de nouveau devant elle. Des années sans avoir de ses nouvelles et voilà que c'est la deuxième fois en quasiment un mois. Le hasard est vraiment impressionnant parfois.
Walter - Any, vous connaissez Charles ? Il travaille chez Driver Émotion, notre agence de pub. D'ailleurs Charles, faudra qu'on se voie pour organiser une campagne de pub pour la petite. Sa chronique cartonne tellement que je voudrais qu'on fasse un truc. J'ai d'ailleurs déjà quelques idées.
Paul - Mademoiselle, ma femme vous adore !
Evelyne - Oh oui, c'est tellement frais ce que vous écrivez. Même quand vous abordez des sujets plutôt tristes, vous arrivez à dégager tellement... D'émotions.
Charles - Euh... Oui, Walter. C'est pour quelle rubrique ?
Evelyne - « Dear Any » voyons. Vous ne connaissez pas ?
Le jeune homme tique en entendant la réponse de la femme. Voilà des mots qui lui rappellent beaucoup de choses. Elle utilise toujours ce titre. Malgré toutes ces années. Il a un petit pincement au cœur. Il se demande si cela voudrait dire qu'elle pense à lui aussi ?
Charles - Non, pas encore...
Walter - Venez Charles, on va aller trouver Dwight pour parler de tout ça !
Femme - Chéri, on avait dit pas trop de travail ce soir.
Walter - Voyons Carol, ce n'est pas vraiment du travail...
Walter saisit son cigare avec ses dents et attrape le publicitaire par l'épaule. À leur tour, les deux hommes s'en vont. Any reste avec le couple et la femme. Ils ne cessent de l'encenser et la jeune femme ne sait plus trop où se mettre. Elle est ravie de voir qu'elle est lue. Les deux femmes lui expliquent qu'elles en ont parlé autour d'elle dès la première parution qu'elles ont lue. Durant un long moment, Any répond aux questions de son assemblée. Elle jette de temps en temps des coups d'œil autour d'eux pour voir si elle n'aperçoit pas son cavalier... Ou Charly.
Elle sent une main se glisser autour de sa taille et voit apparaître Henry à ses côtés. Aussitôt la jeune femme sourit.
Henry - Excusez-moi messieurs dames, me permettez-vous d'emprunter cette charmante femme pour une petite danse ?
Any est surprise. Le couple et la femme acquiescent et Henry saisie la main de la jeune femme. Elle n'a pas le temps de répondre qu'elle est emportée par son cavalier vers la piste de danse. Il fait tourner la jeune femme avant de l'attirer vers lui. La musique est douce. Le couple glisse doucement sur le parquet.
Henry - Je te voyais désespérer. Je me suis dit que je pouvais te sauver de cette horde d'investisseurs scrupuleux.
Bethany - Oh ? Et donc tu as décidé d'être mon chevalier servant ?
Henry - En même temps, qui d'autre que moi pouvait te sauver ce soir ?
Any sourit de son plus beau sourire. Au même moment, elle aperçoit Charly au loin dans la salle en pleine conversation. Elle baisse la tête.
Henry - Dis-toi que tu as de la chance que je sois venu te chercher. Lors de mon premier gala, un investisseur m'a tenu la jambe pendant des heures en me parlant de la représentation de la guerre au cinéma. Débat qui aurait pu être intéressant si ses seules références ne s'étaient pas tenues entre Rambo et US Warrior. De quoi ils te parlaient, toi ?
Bethany - Oh et bien ils ont commencé par ma rubrique, puis quand je leur ai dit que je m'occupais aussi de la rubrique mondaine, ils ont dévié sur la représentation négative des habitants de l'Uper East Side.
Henry - Oh mon dieu ! Mais c'est horrible !!
Bethany- Ils ont peut-être cru que j'étais une Gossip Girl en devenir.
Henry rit à la référence.
Henry - J'en conclus que tu n'es pas d'ici.
Bethany - J'ai l'air d'être une fille de riche ?
Henry - Tu portes quand même des chaussures à presque 800 dollars.
Bethany - Je ne sais pas ce qui m'étonne le plus. Que tu me vois comme une riche fille à papa, ou que tu connaisses le prix de mes chaussures ?
Henry - Je ne te vois pas du tout comme ça.
Bethany - Comment me vois-tu alors ?
Henry - Alors, je dirais fille d'une gentille famille de banlieue chez qui tu aimes retourner te ressourcer de temps en temps pour garder les pieds sur terre et manger des hot-dogs avec tes frères devant les matchs de foot. J'imagine que tu as grandi en regardant Dawson. Tu devais être pom-pom girl au lycée et tu n'as jamais quitté ta banlieue avant de venir à New York.
Bethany - L'image est belle. Mais ma vie est bien différente de ça.
Henry - Ah oui ? Je t'écoute !
Bethany - Je viens de Brooklyn. Je suis fille unique et mes parents sont morts quand j'avais 17 ans. Je regardais Sex and the City avec ma meilleure amie et je faisais surtout partie du journal de l'école. À 18 ans, j'ai tout quitté pour venir à Manhattan. Quelques années plus tard, je suis partie en Europe pour mes études. Et j'ai horreur des hot-dogs. Je préfère les Fish and chips.
Henry - Bon ok, je ne suis pas bon.
Bethany - Tu t'es lamentablement planté là.
Henry - Il faut que j'avoue en plus que le portrait que je viens de tirer est en fait... Le mien.
Bethany - Ah mais c'est pour ça que tu connais le prix de mes chaussures. Tu étais pom-pom girl !
Henry – En fait, pour un garçon, on ne dit pas pom-pom girl. On dit Cheerleader !
Bethany - Mazette !
Henry - C'est un sport très complet ! Et très pratique pour séduire les filles aussi.
Bethany - Ah ! La voilà la vraie raison !
Henry - Je n'ai pas réussi les sélections au foot, donc j'ai opté pour ça. J'avoue que c'était très sympa.
Bethany - Et donc tu viens de banlieue ?
Henry - De Boston. Dernier d'une fratrie de 3. J'aime les hot-dogs mais j'aime encore plus les Fish and chips aussi. D'ailleurs, je connais une petite échoppe qui en fait des succulents.
Bethany - Arrête, j'ai trop faim ! Je n'ai rien mangé. Mes trois vautours ont empêché tous les serveurs de m'approcher.
Henry - Ça te dit ?
Bethany - De quoi ?
Henry - On se sauve discrètement pour aller manger un Fish and chips ?
Bethany - Maintenant ? Mais ils vont voir qu'on est parti.
Henry - Et alors ?
Any aime bien son idée. Et d'ailleurs ce genre de comportement lui ressemble davantage que de tenir la conversation et autres mondanités. Elle sourit à Henry qui lui attrape la main et la guide rapidement vers la sortie en slalomant entre les invités. Ils rient comme des enfants en s'engageant à l'intérieur d'un taxi hélé à la va vite.
Bethany - C'est complètement dingue !!!
Elle est euphorique. C'est lui qui la rend comme ça. Et ça lui plaît tellement.
Une fois les cornets de Fish and chips achetés, ils décident de se promener le long du quai. La jeune femme croque allègrement dans un morceau de poisson.
Bethany - Oh mon dieu, qu'il est bon !
Henry - Le meilleur de Manhattan !
Face à l'Hudson, le couple savoure son repas.
Bethany - Qu'est-ce que je préfère être ici. J'ai toujours l'impression de faire tâche dans ce genre de soirée.
Henry - Tu étais loin de faire tâche ! Tu avais plus de classe que certaines nymphettes qui étaient présentes. Et puis, regarde ! Toutes les personnes que j'ai vues m'ont parlé de ton travail. Tu fais l'unanimité sans conteste. Même si tu n'aimes pas les trucs trop guindés, ta présence était justifiée.
Bethany - C'est très gentil Henry.
Henry - Je t'en prie ! Je suis ravi de travailler avec toi.
Bethany - Ouais, on fait un bon binôme.
Henry approche son pouce du visage d'Any pour essuyer un surplus de sauce à la commissure de ses lèvres.
Henry - Tu as... Un peu de... Voilà !
Sa main s'attarde sur la joue d'Any. Ils se regardent dans les yeux, n'arrivant pas à détacher leur regard. Any ressent, au fond de son ventre, quelques papillons mêlés à de l'excitation. Il y a bien longtemps qu'elle n'a pas ressenti ça. Aucun homme l'ayant touché par le passé ne l'a ébranlé à ce point. Henry ne peut s'empêcher de détailler la bouche de la jeune femme. Il meurt d'envie de l'embrasser. Il en a eu envie à la seconde où il l'a vu dans le hall de l'hôtel. Elle l'a totalement subjuguée. Ils se connaissent à peine, depuis presque un mois seulement. Mais le journaliste n'a aucun doute quant à son attirance pour sa collègue. Délicatement, il approche son visage du sien et vient déposer ses lèvres sur les siennes.
Un sentiment de plénitude envahit Any. À ce moment précis, plus rien n'existe autour d'elle. Leur étreinte est tendre et chaste. La main d'Henry caresse le visage de la demoiselle. Puis, doucement, il se détache de ses lèvres. Toujours les yeux dans les yeux, ils se sourient largement.
Henry - Je crois que tu n'as plus de sauce maintenant.
Bethany- Heureusement que tu étais là.
Henry - J'espère que ça ne t'a pas dérangé que j'en profite pour t'embrasser ?
Bethany - Ah bon ? Tu m'as embrassé ? Je n'ai rien senti.
De nouveau, le grand brun dépose un tendre baiser sur la bouche de la rouquine.
Henry - Tu me plais tellement Any.
Le cœur de la jeune femme loupe un battement. Elle voudrait lui répondre mais aucun son ne sort de sa bouche.
Henry - Normalement, c'est le moment où tu dis "Oh oui, toi aussi tu me plais beaucoup Henry".
Bethany - Oui, tu me plais Henry. J'adore passer du temps avec toi.
Henry - Mais ?
Bethany - Je... Je suis un peu nerveuse.
Henry - Oh mais non ! Pourquoi ?
Bethany - Ce n'est pas facile pour moi. Je ne suis tombée amoureuse qu'une seule fois dans ma vie et j'en ai beaucoup souffert. À tel point que mon cœur s'est... Fermé.
Henry ne dit rien mais il regarde tendrement Any.
Bethany - Je ne sais pas s'il pourrait s'ouvrir de nouveau. J'en ai envie, mais je ne maîtrise rien. Et je ne voudrais pas te faire souffrir.
Henry - Tu ne me feras pas souffrir.
Bethany - Ça, tu ne peux pas me le promettre.
Henry - C'est vrai. Je ne peux rien te promettre. Je peux juste te proposer d'apprendre à nous connaître, à nous apprécier et voir comment les choses se font au fur et à mesure. Tu me plais vraiment Any. J'ai envie d'essayer malgré tout... On prendra le temps qu'il faut. Je ne veux pas que tu aies peur. Je veux juste... Être avec toi.
Henry se veut rassurant et convaincant. Les yeux baissés, elle esquisse un petit sourire en coin. Elle se dit que Rudolph a raison, Henry est un bon garçon. Elle les relève vers lui. Any arrive à voir sa détermination au fond de ses yeux. Henry lui rend son sourire et s'approche de nouveau d'elle pour l'embrasser. Any s'abandonne dans les bras de l'homme et profite de l'instant présent. Elle est heureuse et se sent bien dans les bras du grand brun. Elle ne veut penser à rien ! À rien d'autre qu'à lui...
L'heure étant tardive, Henry propose gentiment de raccompagner la demoiselle chez elle. Le taxi s'arrête devant son immeuble. Le jeune homme accompagne la journaliste sur le trottoir, pendant que le véhicule attend. Any se sent rougir lorsqu'elle attrape la main de son partenaire.
Bethany - Merci pour cette très jolie soirée.
Henry - J'espère que ce ne sera pas la dernière.
Bethany- À priori, je ne pense pas.
Henry - Tu accepterais donc que je t'invite à dîner ?
Bethany - Ce serait avec plaisir.
Henry - Que dirais-tu de demain soir ?
Bethany - Navrée. J'ai déjà quelque chose de prévu.
Henry - Oh ?
Bethany - Je vois mon meilleur ami.
Henry - Je vois... Soirée débriefing ?
Bethany - Soirée glace, vernis à ongles, Sex and the city et potins à gogo !!!
Henry - Ton meilleur ami met du vernis à ongle et tu tiques quand je connais le prix d'une paire de Saint Laurent ?
Bethany - Mais toi, tu n'es pas gay !
Henry - OK ! Bien vu ! Bon, et bien jeudi ?
Bethany - Va pour jeudi !
Henry - Super !
La jeune femme s'approche pour déposer un baiser sur la joue de l'homme. Elle s'attarde pour respirer son parfum. Il en profite pour tourner la tête, faisant se rencontrer leurs lèvres. De nouveau, une chaleur envahit le corps de la rousse et son cœur se met à battre la chamade. Quel beau sentiment ! Au fond d'elle, elle n'a pas envie qu'il s'en aille. Mais elle ne se sent pas totalement prête à lui proposer de rester.
Bethany - Bonne nuit Henry !
Henry - Bonne nuit, petite Any !
Le brun lui caresse doucement le nez et retourne dans le taxi. Il salue la demoiselle par la vitre, la laissant seule devant son immeuble. Une fois le véhicule hors de sa vue, elle se décide à rentrer chez elle. Ses chaussures enlevées, elle se jette sur son lit, saisit son ordinateur et commence à écrire.
"Dear Any,
Je t'ai dit qu'aimer ça faisait mal, qu'il fallait faire attention et se méfier. Ma pensée était trop négative. Je crois que je dois nuancer mon avis sur la question. Car des fois, les choses changent. Il faut que tu saches que, parfois, c'est tellement bon de se sentir mal, de sentir le sol se dérober sous nos pieds, de perdre la tête, d'avoir peur que son cœur sorte de sa poitrine... Au début, on trouve ça angoissant. C'est normal ! Tout est nouveau, on ne maîtrise rien. Est-on prêt à vivre ça ? Tous les changements que cela va apporter ? À laisser l'autre prendre sa place dans notre quotidien ? Se déshabiller dans tous les sens du terme et oser se mettre à nu devant lui ou elle ? Parce que si se montrer déshabillé est assez facile, il n'est jamais aisé de montrer ses cicatrices. Les preuves du passé et du temps sur notre âme et notre cœur.
Il suffit en plus que la tête décide de venir s'en mêler et cela devient une vraie cacophonie. Car si le cœur a ses raisons, la raison les ignore souvent. Par amour, on aimerait faire mille folies. Tout quitter. Partir avec l'autre. Succomber rapidement aux appels de nos envies. Lui dire qu'on l'aime. Et ce qui nous retient, ce n'est nul autre que notre tête. On se ravise pour ne pas être rapide, ne pas impressionner, ne pas tout gâcher. Passion et sérieux ne sont pas les meilleurs amis. À nous de trouver le juste milieu qui nous satisfera et conviendra à l'autre. Tout devient ambiguïté et questionnement. On appréhende chaque rendez-vous, mais pas négativement. Bien au contraire. On est remplis d'impatience à le ou la revoir, de hâte à ressentir ces milliers de papillons qui se battent dans notre estomac, d'empressement à toucher sa peau, de découvrir dans ses yeux son affection à notre égard. On l'observe, on le détaille, on se délecte de ses moindres habitudes ou petits tics qu'il ou elle peut avoir. Même le pire défaut devient une mignonnerie qui nous charme. On devient littéralement bête quand on est amoureux. Car, c'est ça, on peut le dire. Quand on est comme ça, c'est que l'on est tombé en amour pour une personne. Et bon dieu, que c'est bon ! En fait, on y trouve un certain plaisir à perdre la tête. C'est pour ça que tout le monde veut aimer ; "Nous avons tous besoin d'amour" comme le dit la chanson.
Si je dois résumer, l'amour c'est ça. Un mélange de sentiments contradictoires. De la crainte et de l'inconscience. De la joie et de la souffrance. De l'excitation et de la plénitude. De la sérénité et de la démence. L'envie que tout aille vite et pourtant vouloir que le temps s'arrête. Un mixte incohérent et inexplicable qui satisfait chaque personne à qui cela arrive. De quoi devenir fou... De quoi faire peur... Et tu sais ? J'avais peur moi aussi. Peur que tout ceci me submerge et m'empêche de remonter à la surface. Mais un jour... Les choses ont changé...
Il faut juste être patient et laisser faire le temps.
Ta chère Betty."
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