Retour à la source
Je regarde les eaux claires devant moi, je sais ce qui m'attend, je l'entend qui m'appelle, qui m'attire vers elle, et pourtant après 6 ans je ne peux m'empêcher d'hésiter. Je reste un long moment perdue dans le vide, je songe à la sensation, cette sensation de ne faire qu'un avec l'eau, de pouvoir me déplacer librement, flotter, plonger, voguer, admirer la surface ou observer les profondeurs. La voix de Charles derrière moi me coupe ma contemplation.
- Y a t-il un problème ? Tu n'y vas pas?
Je me tourne vers lui, et le regarde un instant, j'espère ne pas faire une énorme erreur... je me détourne et plonge finalement. Dans l'eau je ferme les yeux et souffle dans un murmure:
- J'aimerais des écailles.
Les jambes auxquelles j'ai eu bien du mal à m'habituer se métamorphose en ma queue. Ce n'est qu'une fois que je la ressens que je me rends compte à quel point elle m'avait manqué, tout comme la sensation de l'eau autour de moi, cette sensation totale de liberté comme elle m'avait manqué. Je laisse le bout de ma queue sortir de l'eau et regarde émerveillée le soleil faire étinceler mes écailles orangées.
Mon objectif me revient en tête avec la force d'un ouragan, je laisse de côté ma joie et dit à Charles avec sérieux de m'attendre ici.
Depuis tout ce temps rien n'a changé, le monde océanique à continué paisiblement sa vie, cette évidence me rends un peu triste. Je regarde avec une certaines mélancolie les coraux, les récifs et autres merveilles du monde océanique. Je finis par repérer un buisson, je m'en approche et récolte l'une des baies.
Je reste un instant, les yeux baissés vers la baie au creux de ma paume. Pourquoi ai-je l'impression d'avoir tout raté alors que je me rapproche du but? Je secoue la tête et commence à remonter vers la surface, je n'ai pas le droit d'hésiter je n'ai plus le choix. Lorsque mon visage fend la surface de l'océan je regrette immédiatement sa sensation sur ma peau, le vent est tellement plus agressif, l'océan me rappelle tellement de bons souvenirs et est toute ma vie. Je dois tout faire pour lui et mon peuple, mais il m'a tellement manqué, je ne veux plus le quitter, je ne veux plus rejoindre la terre mais ce n'est pas le moment de faire des sentiments. Je me rapproche de la plage et tend la baie à Charles.
- Prends cette baie elle accroît les pouvoirs de la mer d'un triton, sur un humain elle lui apportera la capacité de respirer sous l'eau, enfin normalement... elle est interdite dans l'enceinte du royaume car trop dangereuse.
- C'est censé me rassurer?
- Pas vraiment,
Il soupire et mange le fruit. Je l'encourage ensuite à me rejoindre lorsque je le vois hésiter au bord de l'eau. Il finit par y entrer et remarque avec stupeur qu'il peut effectivement respirer. Je lui fais un petit sourire et l'invite d'un geste à me suivre.
Avec ma queue j'avance beaucoup plus rapidement que lui, je suis obligée de rester sur place pour le laisser me rejoindre régulièrement. Mes pensées sont une bouillis d'algues qui s'entremèlent et me rend dingue. J'essaie d'y faire abstraction, j'ai pris ma décision il y a 6 ans, je n'ai plus le choix, je dois continuer jusqu'au bout.
Soudain je remarque deux humains avec des harpons, alors que je comptais m'enfuir immédiatement, je vois qu'ils me remarquent. Charles s'avance vers moi mais je créer une rafale d'air pour le repousser, je m'apprête à enfaire de même avec les plongeurs lorsqu'une douleure fulgurant fend tout mon être. La vue floutée par la douleur je baisse les yeux vers ma queue et vois mon sang s'échapper de deux plaies béantes ouvertes par les harpons. La douleur se répand à une vitesse fulgurante et me fait perdre le contrôle du reste de mes sens. Les hommes tirent sur leur harpons et m'entraînent vers eux, la rage prenant momentanément le pas sur la douleur je fais apparaître une flamme au creux de ma main et fait rapidement brûler les cordes au bout des harpons. Les hommes me regardent les yeux remplis de surprise mais je m'empresse de créer un courant marin qui les mets hors de vue. La douleur accentuée par l'eau de mer qui s'infiltre dans ma plaie noircit ma vision, je sens mes forces s'en aller après avoir utilisée mes pouvoirs en étant blessée. Je remarque que Charles est presque revenue jusqu'à moi, je regarde autour de moi et, espérant ne pas me tromper je lui pointe une direction avant de laisser mes forces s'échapper avec mon sang.
~~~
Je nage rapidement vers Melinéaelle et la rattrape alors que son corps commençait à couler. Ne sachant pas quoi faire d'autre je suis la direction qu'elle avait pointé du doigt espérant trouver de l'aide pour la sauver. Tout en nageant du mieux que je peux, je ne peux empêcher mon esprit de repenser à la première fois que je l'ai rencontré.
Il y a quelques mois, je ne sais plus également quand, j'étais sur la terrasse d'un café au bord d'une falaise surplombant l'océan, après avoir entendu des rumeurs je ne peux m'empêcher d'en toucher quelques mots à la serveuse.
- J'ai entendu parler d'une folle, dis-je de but en blanc lorsqu'elle pose ma boisson devant moi
- Et comme je suis serveuse dans le café de la ville vous me demandais si j'ai entendu des choses.
- Oui, effectivement, dis-je gêné
Ici tout le monde sait tout sur tout le monde, les ragots courent plus vite qu'un incendie.
- Une jeune fille qui dois avoir 17 ans est arrivée il y a deux jours. Elle parle une langue inconnue alors tout le monde pense que tu devrais lui parler, me répond-elle avant de s'en aller
Je soupire, petit je parlais une langue qui n'existe pas depuis tout le monde ne cesse de me charier à propos de cela. Je pose mon regard vers la mer en contre-bas, de là mon regard s'accroche sur une jeune fille à l'air étrange qui regarde l'horizon. Pris d'une subite impulsion, je dépose rapidement un billet sur ma table et cours descendre les marches le long de la falaise. Je l'entend avant de la voir, la jeune fille chante d'une voix inhumaine une chanson triste.
Je découvre la terre,
J'abandonne la mer,
Je quitte les miens,
J'étais quelqu'un je ne suis plus rien,
Entend mon chant,
Regarde mon coeur,
Oh océan,
Pourquoi n'ai-je pas droit au bonheur ?
Ma vie était toute tracée,
J'ai déçue,
Je me suis perdu,
J'ai abandonné,
Chaque jour je reviendrais vers toi,
Et pourtant je sens que tu ne veux plus de moi,
Je garde pourtant espoir,
D'un jour te revoir.
La jeune fille se tourne soudain vers moi, je reste muet sous son regard doré mais étonnament et étrangement terne. Cette fille à peine plus jeune que moi semble sortir d'un autre monde, je ravale ma surprise tandis qu'elle me regarde comme une étrangeté et essaie de lui demander son nom dans cette langue imaginaire. Ses yeux s'arrondissent d'étonnement.
- Un homme qui parle la langue de l'océan...
- Qu'avez-vous dit?
- Vous parlez la langue de l'océan, continue t-elle de murmurer en se tournant vers l'étendue bleue, la langue d'où je viens...
Elle s'avance lentement vers moi, je recule instinctivement alors qu'elle m'attrape le bras. Lorsqu'elle lève son visage je vois une tristesse infinie dans ses yeux.
- Avez-vous cette marque depuis toujours?
Elle soupire lorsque j'acquiesce.
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