𝙲𝚑𝚊𝚙𝚒𝚝𝚛𝚎 𝟻𝟹
Bonne lecture !
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Mlle Blake est assise derrière son bureau.
A chaque début de séance, elle commence toujours par s'asseoir derrière son bureau pour, très certainement, ouvrir son dossier et lire ses quelques notes. La dernière fois qu'il est venu, il y a un peu plus de trois semaines, elle avait évoqué l'idée d'une médicamentation.
Peter l'avait fixé avec un regard perdu. Il avait dit non. Il ne voyait pas l'interet. Il ne voyait pas la raison.
Même lui, en vérité, sait très bien que la plupart des choses qu'elle lui dit rentre par une oreille pour ressortir par l'autre.
Aujourd'hui, Mlle Blake le fixe plus qu'à l'ordinaire alors qu'elle quitte son fauteuil de bureau pour venir s'asseoir sur la chaise face à lui. Ces deux chaises sont toujours trop proches à son goût, alors à présent Peter ne se gêne plus pour la reculer légèrement.
— Peter, dit-elle et son ton est un peu étrange. Tu...
Elle se tait et serre les lèvres.
Cette femme est sans doute très douée dans son domaine. Elle est psychiatre mais exerce aussi le rôle d'une psychologue. Elle a été recommandée par le Dr Cho et le Faucon, qui apparemment était lui-même spécialisé dans les thérapies des soldats traumatisés. Elle est jeune, a les cheveux toujours attachés, porte très souvent des jeans, et lui donne une sucrerie quand Peter s'en va.
Mais cette fois, elle a l'air encore plus inquiète que d'habitude.
— Peter, je l'avais déjà remarqué la dernière fois, mais... tu as beaucoup de bleus, non ?
Il hausse les sourcils. Pas vraiment ce à quoi il s'était attendu. Il tente de suivre son regard, et ses yeux tombent sur ses poignets, et plus précisément sur le bandage qui dépasse de la manche de son sweat-shirt, sur sa main gauche.
Quelques jours plus tôt, il a arrêté une agression dans une ruelle : un type avec un couteau très bien aiguisé tentait de prendre le portefeuille d'un petit papi partit acheter un cadeau pour l'anniversaire de sa femme. Peter l'a arrêté, mais dans la manœuvre le gars lui a presque arraché la peau de son avant-bras, comme une épluchure de carotte avec un économe. Ça a saigné pendant une vingtaine de minute, et évidemment que cela devait être l'intérieur de son poignet car, en plus d'à présent paraitre suspect, il a fini par avoir la nausée à cause de l'anémie.
Et il en a mis partout sur son costume.
— Oh, ça ? C'est presque guérie, c'était pas grand-chose. J'étais en train de me faire à manger, et...
— Tu as un bleu sur la mâchoire, Peter. Et je vois des traces, dans ton cou.
Elle ne note rien sur son petit carnet habituel. Elle se contente d'avoir l'air extrêmement concernée.
Il hésite une seconde avant de dire :
— Je me fais pas du mal, vous savez ? Je suis juste super maladroit, quand je m'y mets.
— Ce n'est pas vraiment ce que j'imaginais.
Elle se mord discrètement la lèvre.
— Tout va bien à la maison ?
— Ca va. Tony est souvent à l'appart', ces derniers temps. On fait des trucs ensemble.
Elle acquiesce, mais ça n'a pas l'air de la détendre.
— Tu t'entends toujours bien avec Mr Stark ?
— A part la dernière fois où il s'est un peu énérvé parce que j'étais encore en retard par rapport à mon couvre feu, ça va.
— Qu'est-ce qu'il fait, quand il « s'énerve un peu » ?
Elle accroche son regard, et ne le lâche pas. Peter cligne des yeux.
— Quoi ?
— Est-ce que tu trouves qu'il s'énerve facilement ? Est-ce qu'il crie, ou est-ce que —
— Vous n'êtes pas en train de dire ça.
Ça lui a échappé. Les mots sont presque tombés de ses lèvres. Peter la regarde avec une expression effarée, et elle se redresse sur sa chaise.
— Tu as beaucoup de bleus, Peter. La dernière fois aussi. Encore plus maintenant. C'est mon devoir de m'assurer que tout va bien, et même si j'imagine que la pression d'avoir quelqu'un aussi influant que Tony Stark —
— Non, non. Taisez-vous.
Il secoue la tête.
Parce que cette fois, son cerveau a compris après sa bouche. Elle pense qu'ils sont violents. Elle pense qu'il le traite mal.
— Si jamais tu as un problème, tu peux le dire. Dans ces cas-là, il y a des choses qu'on peut faire.
— Vous ne comprenez pas.
— Aide-moi à comprendre, dans ce cas. Parle-moi, Peter.
Il secoue à nouveau la tête.
— Non, je veux dire que vous ne comprenez pas. Tony est... ce n'est pas comme ça. Jamais de la vie.
— Quelqu'un d'autre, alors ?
— Personne.
Il serre ses poings sur ses cuisses.
C'est étrange, de sentir la colère monter. En tant que Peter Stark, il ne s'énerve que très rarement. Il ne se sent jamais assez courageux, jamais assez légitime. En tant que Spider-man, en revanche, beaucoup de chose le mette en colère. Il voit l'injustice presque tous les jours, il voit les forts s'en prendre aux faibles, il voit des hommes s'en prendre aux femmes, il voit des jeunes s'en prendre aux vieux.
Il voit tellement de choses qui font bouillir son sang et qui lui donnent envie d'agir.
Mais là, il est Peter.
Juste Peter.
(Et il est tellement ridicule, tellement miséreux, qu'il donne l'impression que Tony Stark est une mauvaise personne).
— Tony et Pepper ne laisseraient jamais quelque chose comme ça arriver. Ce sont... les meilleures personnes au monde.
Elle hausse les sourcils.
— Continue.
— Vous ne comprenez pas, répète-t-il tout bas. Je leur dois tout. Je leur dois chaque seconde que je vis maintenant. C'est grâce à eux que je peux manger quand j'ai faim, que j'ai une chambre à moi, que je peux aller dans un lycée comme ça, que j'ai un avenir pour la fac.
Il secoue la tête. Tout à coup, sa vue est un peu floue, comme avant ; il met un instant à se rendre compte que ce sont des larmes qui montent.
— Tony aurait pu passer son chemin. Je suis que moi, j'ai rien de spécial, rien d'incroyable. Il aurait pu me laisser là où j'étais. Qu'est-ce que je serais devenu ? J'aurais peut-être fait quelques familles d'accueil en plus, je serais peut-être tombé sur encore pire. On aurait continué de me taper dessus, de me voler ma nourriture, de me traiter de débile. Et je les aurais cru. J'aurais cru chaque mot, et je me serais détesté jusqu'à la fin.
Il agite les mains, les larmes encore aux coins de ses yeux. Les images sont nettes : il y pense tellement souvent que c'en est presque douloureux.
— J'avais aucun avenir dans ce foyer. Je supportais pas qu'on me touche et pourtant les gars ne faisaient que ça. J'avais pas la force de manger, de marcher, d'étudier ou même de parler. J'étais personne. Alors qu'est-ce que je serais devenu ? J'ai aucune concentration, j'ai le cerveau toujours trop plein, j'ai ces foutues images h24 dans la tête ! J'aurais fini comme ces ados qui trainent dans les rues et qui prennent de la drogue pour avoir un peu de répit, j'aurais jamais réussi en cours, j'aurais jamais eu de famille, j'aurais peut-être fugué avant mes treize ans.
Il renifle, et tente de respirer normalement.
— Ca aurait été trop dur. De vivre avec tout ça, avec les souvenirs de mon père, ou de May et Ben. Alors quand j'y pense, je me dis que j'aurais pas tenu longtemps. Je suis pas assez fort. Je me serais surement juste réveillé un matin en essayant de trouver un toit, ou une boite de médicament, ou n'importe quoi d'autre.
Il secoue la tête.
— Alors n'insinuez pas des choses comme ça. Vous ne savez pas à quel point Tony a changé ma vie. À quel point avoir Pepper et lui m'a aidé. Ils sont pas parfaits, mais moi non plus et pas un jour ne passe où je me dis qu'ils auraient été plus heureux avec un garçon normal, avec quelqu'un d'autre que moi.
Ses joues sont trempées, à présent. Et Mlle Blake n'écrit plus sur son carnet. Elle l'observe avec encore plus d'inquiétude qu'avant.
— Jamais je pourrais les repayer pour tout ce qu'ils m'ont donné, chuchote-t-il. Jamais je pourrais être celui qu'ils mériteraient d'avoir. Alors... ne dites pas ça.
Et Peter continue de pleurer, jusqu'à ce que la séance soit terminé et qu'il puisse enfin attraper son sac et filer d'ici.
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