Chapitre 19 : Un œuf pour Pâques
Le temps se calme peu à peu. La neige fait place à la pluie, et la pluie fait place au beau temps. La chaleur revient aussi, à mon plus grand bonheur et de celui de Salameche. Les clients reviennent aussi, et je deviens un serveur un peu plus libéré. Je n'aurai jamais cru être aussi loquace, depuis ce fameux rêve dans l'église. Je ne sais comment j'ai pu faire pour me libérer, je me sens revivre, un peu. Le fait d'éclater cette culpabilité a emporté avec lui beaucoup de mauvaise pensées que je traînais, et quelque part, je pense avoir fait le deuil de ma mère. Typhlosion n'est pas revenu depuis, sans doute parce que je ne suis pas déprimé, ou que je n'ai pas besoin de ses conseils. Salameche aussi revit. Elle sort de la chambre, est respectée par les autres clients, m'aide à servir, parle à tout le monde, se décomplexe. Nous nous embrassons souvent le soir sous la lune, toujours aussi complice, et ce moment est une explosion de joie, et mets tous mes sens en éveil. Elle est si jolie, elle doit me trouver beau aussi. Je trouve même qu'elle a pris quelques rondeurs, elle qui était si maigre...
L'hiver fait place rapidement au printemps, avec ses gazouillis d'oiseaux, ses rivières en crus, ses arbres et ses sols fleuries et verdoyants. La vie de Pierratte reprend son cours aussi, avec ses vendeurs à la criée, son crieur public, ses passages incessants de charrettes et de chevaux. J'adore cette ambiance, et avoir vécu ici sera un merveilleux souvenir. J'aide aussi beaucoup les habitants, et je ne compte plus mes heures à travailler. Même Elektek me paye en plus des repas et de la chambre, au vue du travail que je fais, et qui ravie les clients. Le printemps apporte aussi avec elle une nouvelle fête : le Peccatum, le Péché, qu'ils appellent sobrement "Pâques". Cela m'impressionne le fait qu'on fête une malédiction, les habitants de cette Terre ne sont pas fatalistes, et veulent sans doute prouver à Arceus qu'ils n'oublient pas qu'ils ont un jour eu la Connaissance. Pendant ce temps, Salameche prend de plus ne plus de ventre, et je n'y prêtes pas plus attention que cela, juste à me réjouir, signe qu'elle allait bien. Mais je ne m'attendai pas à ce qu'elle ferait...
La veille de Pâques, le soir, je retrouve Salameche dans son lit. Elle a l'air de ne pas aller bien. J'ai l'impression qu'elle a les même symptômes que l'Evolutions. Je viens vers elle et je prend des nouvelles :
« Ça va ?
- Je suis en train de pondre. »
J'ai un moment d'incompréhension. Comment cela "pondre" ? J'ai un réflexe avec cela, je tâte mon ventre, érigé des muscles abdominaux. Et en atteignant l'endroit où je suis censé avoir un nombril, l'angoisse arrive en même temps que la compréhension de la situation. Quand je me suis vu pour la première fois dans un miroir, à Conchille, j'avais l'hypothèse que Typhlosion serait née dans un œuf. Je viens de comprendre que j'allais assister à un accouchement, pour ne pas dire une ponte. Mes mains tremblent, et je vais voir la chose. En effet, quelques chose de dur arrive, orange, et mouillé. Je lui demande alors de pousser, ce qu'elle fait. Je comprends sa douleur, l'œuf est énorme. Elle crie en poussant, et cela dure plusieurs minutes. J'essaye de l'aider, comme je peux. J'ai un réflexe bizarre, un réflexe animal peut-être, je lui chauffe le ventre de mes mains, en appliquant des flammes. Je ne doute pas qu'elle est du même pouvoir que moi, je vois qu'elle a les mêmes réflexe en présence d'eau ou du froid, et qu'elle est plus à l'aise avec le feu et la chaleur. Ce réflexe est bienvenu, Salameche est soulagé. À la moitié du travail, j'essaye d'accélérer le processus, et je le prend délicatement entre mes mains. Et après une dernière poussée, je récupère l'objet. Un gros œuf, orangé avec des teintes de rouges, poisseux, dur, et chaud. Je ne peux m'empêcher de me poser la question, même je savais déjà la réponse : est-ce à cause de moi ? Je me sens coupable d'un coup, et je m'excuse auprès de Salameche, encore allongée et fatiguée :
« Je suis désolé, je ne voulais pas..
- Viens, que je te punisse, me répond-t'elle, avec le souffle coupé. »
Je m'approche, avec cette œuf entre les mains, et en se levant, m'embrasse. Elle a le don de me rassurer, et me dit, d'une voix douce :
« Tu es si gentil, tu m'offres la liberté, tu m'offres l'amour, tu m'offres la vie, et tout ce que tu me racontes, c'est que tu es désolé. Tu es papa maintenant. »
Je ne peux m'empêcher de pleurer, elle continue :
« Je te dis que ce n'est pas ta faute.
- Je suis papa ! Je je... C'est le plus beau jour de ma vie. »
Je fais pleurer la nouvelle maman aussi. Nous sommes heureux, si heureux. Je viens de mettre le doigt dans une chose impliquant beaucoup de responsabilités, de doutes et de questions, mais aussi de bonheurs. Et moi qui a une si mauvaise image de mon père, je dois en être un exemplaire. Ce soir-là, je ne dors pas, je regarde Salameche et l'œuf, qui se trouvent sur mon lit de paille, au chaud, éclairés par par la lune.
Le lendemain. J'ai sommeil, mais je suis sur mon petit nuage. Moi si timide, je raconte à tout le monde la bonne nouvelle, aux habitués, aux aventuriers de passage, au patron, et tout le monde voulu voir cela. Les aventuriers et les voyageurs ne connaissant que l'aventure, la Police, les batailles, et la mort, aiment entendre ce genre de bonnes nouvelles. La naissance à Pâques est apparement signe de bonheur pour la famille, moi qui est déjà touché par le bonheur de l'évolution de Machopeur, je ne suis que doublement heureux. Salameche est au comble du bonheur aussi. Je la vois dans sa chambre, comme cela, ses long cheveux rouges de la douceur de soie, ses yeux de la couleur de l'océan, sa flamme balançant tranquillement au bout de sa queue. Je veux la voir encore, couché dans le lit, mais je ferme les yeux...
Je réouvre les yeux. Je vois encore mon amie caresser l'oeuf, le tenir entre ses jambes pour le garder au chaud. À côté de moi, Typhlosion regarde aussi la scène, admiratif, heureux. Je dois encore dormir.
« Que va-tu faire maintenant que tu as enfanté, me demande mon hallucination.
- Je ne sais pas, je serai obligé de partir je suppose, pour ne pas les mettre en danger.
- Mauvaise idée.
- Je sais, mais je n'ai pas trop le choix.
- On l'a toujours.
- Plus quand on reçoit des responsabilités, et la Police au trousse.
- Rien ne dit qu'ils reviendront.
- Rien ne dit qu'ils oublieront. »
Je regarde dans le vide. Typhlosion continu :
« Toujours un besoin de partir de ce monde ?
- Ce n'est plus ma priorité.
- Et quel est-t'elle alors ?
- Garder Salameche en sécurité, ne pas lui faire subir ce qu'elle a déjà subi, et qu'elle puisse vivre normalement avec notre enfant.
- Et il n'existe pas d'autres alternatives à la fuite ?
- J'aimerais, mais plus je resterai avec elle, plus elle sera en danger. Il fait beau maintenant dehors. Les patrouilles vont recommencer. Et ils reviendront ici. Tout le monde me connaît maintenant à Pierratte. Le plus dur sera de lui dire que je dois la laisser.
- Et tu penses que la laisser ici toute seul est une meilleur idée, me rétorque Typhlosion. Je suis sûr qu'elle te rejoindra si tu pars.
- Alors, je dois rester ici, et attendre que l'on m'attrape comme un rat ?
- Tu es le seul juge, je te dis juste ce qu'il en est.
- Dis-moi, avant de disparaître, es-tu vraiment un fruit de mon imagination comme tu l'as prétendu, où es-tu autre chose ?
- Tu connais déjà la réponse, me répondit-il, avant que je ne referme les yeux. »
En les ouvrant, je ne vois plus Typhlosion. L'espace d'un instant, je m'étais endormi. Je ne suis réveillé que par un baiser de Salameche sur ma joue.
« Tu devrais descendre, Elektek te cherche partout. »
Aujourd'hui s'organise les festivités de Pâques, la taverne est rempli de villageois, de voyageurs, de humanimaux en tout genre, et du crieurs public Grodoudou, qui proclame :
« Oyé, mes amis. Je vous souhaite à tous un joyeux Peccatum, et gloire à notre roi et notre Dieu.
- Longue vie au roi, crièrent en coeur les autres personnes. »
C'est l'occasion de sortir de la nourriture plus riche, que l'on ne mange que rarement. C'est comme cela que je redécouvre le bonheur d'un gros morceau de pâtés sur un morceau de miche de pain. Ou de me délecter de délicieux pains d'épices aux miel et noix, et de confitures de fruits, le tout accompagné d'un vin rouge. Des choses que j'avais complètement oublié à force de manger des bouillons, des viandes séchées et du pain rassis. La nourriture est si riche dans ce monde et cette époque, que je trouve que tout est délicieux. À intervalle régulier, je monte de la nourriture à Salameche, qui gardait l'oeuf au chaud, et qui loupait la fête. Cela me permet de la voir, et de lui tenir compagnie. Je profite d'elle, car je serai sans doute amené à partir très bientôt...
Je reviens, rejoindre les autres qui fêtent un hiver rude de passé, et leurs dévotions à Arceus. Ce n'est pas une journée de congé pour moi, je travaille comme d'habitude, voir d'avantages, au vu du nombre de clients. Mais je ne vois pas le temps passer, comme toujours dans les bons moments, et le soir arrive vite. Pour ce soir uniquement, les rues sont illuminées par des bougies, des torches et des feux de joies. J'entends pour la première fois les cloches de l'église, elle doit appeler les fidèles à venir en son sein pour un moment de communions et de prières. J'ai fini mon travail, et je n'avais rien d'autre à faire, alors, poussé par la curiosité depuis que j'avais lu la bible de leur culte, je rejoins le reste des croyants, et je m'engouffre dans l'édifice. L'intérieur est aussi éclairé que l'extérieur, par des bougies de cires d'abeilles. L'effet est saisissant, et pousse plus encore au recueillement. Je m'installe entre une tortue bleu clair au oreille et la queue blanche, et un Humanimal qui ressemblait au premier drogué que j'avais rencontré, et qui me réclamait de la poudre. Leveinard apparaît dernière l'autel fleuri, vêtu du même accoutrement de prêtre, et lança :
« Prions mes frères, adressons nos vœux et nos regrets à Arceus. »
Je copie mes semblables, et j'adresse une prière à ce dieu que ne connaissait pas une saison avant :
« Arceus, je ne te connais pas, et tu ne me connais pas, alors je te pris, si tu ne pouvais protéger qu'une personne, donne cette protection à Salameche. Si tu pouvais me ramener dans mon monde, je t'en serais reconnaissant. »
Après cette demande, je reviens à la réalité, et à l'absurde de cette prière. Je ne sais même pas s'il existe vraiment, c'est pour cela que je suis athée. Comment parler à quelqu'un que l'on n'a jamais vu, que l'on ne connaît pas, et dont on doute son existence ? Néanmoins, je reste dans l'église, pour écouter, apprécier la lecture des récits et de chanter à la gloire de ce créateur et de ce punisseur. La messe fini par un remerciement à Arceus et à ses enfants, pour qu'ils nous protègent de la mort. Je ne pus m'empêcher d'avoir une pensée à Akwakwak, cette Humanimal que j'avais tué à Conchille. J'adresse, une dernière fois pour aujourd'hui, mes excuses pour ce crime, comme si je me confessai à un psy imaginaire. Cette fête est magique, pour ce qu'elle m'a apporté et ce qu'elle m'a fait oublier. Je retrouve voir ma compagne, pour un autre baiser, et pour contempler ensemble notre œuf. Je me sens coupable de devoir la laisser, je dois couper notre relation avant qu'elle se fasse attraper, avant qu'Elektek se fasse attraper. Je réfléchis toute la nuit pour savoir comme partir, et où m'enfuir. Mais cette nuit-là, Typhlosion ne m'apparaît pas en rêve. Cette fois, il ne veut pas me parler....
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