Reiner connaissait par cœur les étapes de l'examen clinique du nourrisson. Cette vérification permettait au pédiatre (Eliabel, pour l'accouchement de Mikasa) de vérifier la maturité du bébé, au niveau musculaire et physique.

Eliabel était délicate dans ses manipulations. Ses gestes étaient doux et lents, quasi maternels. Elle embêtait Eren, qui ne devait attendre qu'un moment précis et agréable de la soirée : son dernier biberon, et son bain. Eliabel l'avait déshabillé, et le fils Kirstein était désormais en couche. Enfin, Reiner supervisait les opérations, en rassurant la jeune maman du regard.

Système cardio-respiratoire, musculo squelettique et neurologique, tête et cou, abdomen et pelvis, et la peau : Eliabel connaissait son métier et ses responsabilités sur le bout des doigts. Elle resta silencieuse et concentrée tout le long de l'auscultation, jusqu'à ce qu'elle confirme aux jeunes parents que leur nouveau-né était en pleine santé.

- Vous pouvez prendre le relai Reiner, lui indiqua-t-elle en désinfectant son stéthoscope, et en le rangeant dans sa mallette. Eliabel eut un geste réconfortant envers Mikasa en posant sa main sur l'épaule frêle de l'héritière Ackerman, et se tourna vers Reiner.

Reiner aimait prendre soin des enfants, de tous les âges. Réchauffer ses paumes avant de toucher leur peau froide, jouer pour attirer leur intention, encourager à imiter les sons, inciter à se mettre debout, soutenir dans les premiers pas... Il savait que le rôle le plus noble de sa vie serait celui d'être père.

Il serra ainsi Eren doucement, en accordant une attention particulière à sa tête. L'enfant devait se sentir apaisé par Reiner, avec son corps chaud et ses bras consolants. Le bébé ne pleura pas à son entrée dans l'eau, mais regarda Reiner avec ses yeux ronds bien éveillés.

Tandis que Reiner habillait Eren d'un pyjama qui semblait si petit, le bébé bailla. Il était si fragile, si innocent, si vulnérable, mais s'agita sur la table à langer, jusqu'à ce qu'il comprenne le signal qui annonçait toujours une bonne nouvelle : Reiner lui enfila un bavoir. L'heure était au festin.

Reiner se savait chanceux, car Mikasa jugeait naturel qu'il donne le biberon. Il s'installa alors délicatement dans la chaise à bascule, et Eliabel l'aida à trouver une position confortable. Il pouvait rester toute la nuit, avec Eren et la femme dont il tombait éperdument amoureux.

Eren avala son lait à grandes goulées, et rôta dès que Reiner l'installa sur son épaule. Braun essuya les dernières traces du dîner, et se retrouva inexplicablement seul avec le nourrisson et Eliabel.

Mikasa avait fermé les volets, et l'ambiance tamisée de la chambre calma Eren, Eliabel et Reiner. En vérité, ils aimaient cet environnement silencieux, propice au repos et aux confidences.

- Je voudrais vous tutoyer, si vous me le permettez. Reiner prenait des initiatives, et cette réalité était encore difficile à imaginer pour lui quelques semaines auparavant... Mais il ressentait cette envie indescriptible et inexplicable de se projeter dans l'avenir avec Eliabel.

- Naturellement Reiner. Je te rappelle que nous partagerons un dîner ce soir, et que... Je suis impatiente. Elle était audacieuse Eliabel. Courageuse mais réfléchie. Elle déstabilisait Reiner par sa force de caractère, sa personnalité imposante et son tempérament de feu.

- J'espère que tout sera à ton goût... Parce que j'ai cuisiné tous les plats. L'heure était aux aveux, et le cœur de Reiner cognait intensément dans sa poitrine.

- Je suis prête quand tu l'es, confessa-t-elle avec son immanquable sourire malicieux, et son regard trop expressif au goût de Reiner... Car s'il s'écoutait, ses lèvres seraient liées à celles d'Eliabel. Je t'attends au pas de la porte... Sinon, le clan ne nous laissera pas profiter de notre soirée tous les deux.

"Notre soirée", "Tous les deux" : Reiner ordonna à son cerveau de mémoriser ce moment, et à ses oreilles d'enregistrer ces mots. Eliabel parlait d'eux comme s'ils étaient des amis d'enfance, de vieux complices, des camarades de promotion, des frères d'armes... Un couple.

- Je couche Eren, et je te rejoins. La scène semblait irréelle. Reiner posa Eren avec toute sa douceur, tourna les talons en silence, éteignit la lumière mais laissa un entrebâillement.

Un bazar bruyant régnait dans la pièce de vie. Hanna et Jean étaient engagés dans un débat interminable, Livaï donnait à manger à Marius et seule Mikasa leva ses yeux vers Reiner. Elle lui accordait une confiance absolue, et hocha sa tête pour le remercier et lui donner l'autorisation tacite de filer avant que l'attention soit focalisée sur lui.

Eliabel tenait sa parole : elle attendait Reiner dans l'entrée, son bouquet et le dessert à la main. Ils se regardèrent comme s'ils se quitteraient pour un long moment, jusqu'à ce qu'il se rapproche d'elle... Pour saisir la poignée, et la déverrouiller. Parce qu'il souhaitait juste être avec elle.

***

Eliabel et Reiner marchèrent cinq minutes dans les rues de la ville, pour atteindre l'endroit qu'ils espéraient : l'appartement de l'héritier des Braun. Pour la première fois, il ne ressentait pas de l'appréhension, car il savait que chaque détail serait propre et à sa place.

Les pièces étaient rangées, les rideaux étaient fermés pour être en intimité, l'environnement sentait l'encens et le sol brillait. Reiner était l'archétype du guerrier (ou du soldat) : le lit était plié au carré, les vêtements étaient repassés, les chaussures étaient cirées.

Reiner poussa donc la porte avec une confiance inhabituelle, alluma la lumière et... Entendit le souffle de surprise d'Eliabel. Ses yeux scrutèrent chaque coin avec émerveillement.

- Ton appartement est magnifique, confia-t-elle avec soulagement. Reiner la scruta pour deviner ses pensées, mais Eliabel possédait un avantage immense : ses proches devinaient et connaissaient rarement le fond de son esprit.

Eliabel se protégeait et était hermétique... Excepté face à Reiner, qu'elle pouvait naturellement décrire comme courtois, galant, gentil, plaisant, respectueux, séduisant : les adjectifs ne lui manquait pas pour décrire cet homme qu'elle admirait et considérait.

- Fais comme chez toi, je t'en prie. Reiner était sincère, et cette raison fut pour laquelle Eliabel le rejoignit instantanément à l'évier de la cuisine, pour se laver les mains. Je suis désolé, je n'ai pas eu le temps de décortiquer les crevettes pour l'apéritif...

- J'ignore ce que sont les "crevettes", mais je m'engage dans mes paroles : nous passerons une excellente soirée à les dépouiller, assura-t-elle en décrochant l'un des tabliers accrochés sur le mur, en tendant le second à Reiner.

"Je veux l'épouser."