De l'alignement des étoiles
De l'alignement des étoiles
Je suis née sous le signe du sagittaire, ascendant je ne sais quoi. L'heure exacte de ma naissance et le lieu dans un Liban en guerre ne sont pas suffisamment précis pour ce calcul.
Parce que ça se calcule... oui, il paraît... à une époque lointaine, datant de plus d'un siècle, voire millénaire, j'avais cherché...
Je ne voulais pas rester ignare devant toutes ces certitudes et certifications.
Certains savants ont découvert comment utiliser l'alignement des étoiles pour comprendre notre caractère et prédire notre destinée. Les étoiles, elles, savent tout.
Ah pardon, il y a aussi les planètes.
Ne m'en demandez pas plus... je botte en touche...
Moi je dis Dieu sait tout. Je n'ai jamais dit qu'il décide de tout. Comme s'il n'avait pas assez à faire à décider de l'expansion de l'univers.
Selon certains, je serais trop bête à croire en l'existence d'un être suprême. Peut-être, mais alors que dire de quelqu'un qui n'ouvre le journal que pour aller sur la page des horoscopes ?
Nous sommes plus de 8 milliards sur notre Terre nourricière. Cette Terre, si belle, que nous gaspillons à longueur de temps... je divague, revenons en aux faits...
Un douzième de la population, à répartir par signe astrologique... what ?
C'est juste mathématique...
Je n'ai jamais cru un instant que ma journée allait se dérouler comme celle des 666 millions de personnes du même signe.
Oups, je n'ai utilisé que des 6, j'ai oublié l'arrondi. Alors 667 millions de personnes environ.
Quel esprit sain le croirait ?
Voilà pour l'intro, je vous laisse imaginer la suite de ma pensée...
Je vais quand même vous parler de l'alignement de mes étoiles, parce que si vous me lisez c'est parce que vous avez cette curiosité....
Mais où veut-elle en venir ?
Patience, ça vient... ne dit-on pas "tout vient à point à qui sait attendre"... Alors poursuivons.
Tout a commencé un jour de pleine lune. C'est pour planter le décor. Mais n'allez pas croire tout ce que je dis sur la Lune, je n'en sais fichtrement rien car je ne l'ai jamais regardée, sinon pour m'émerveiller de sa forme, et la mitrailler avec mon numérique...
Promis je me tais sur la Lune...
Donc, la Lune, on s'en fiche.
Alors un jour où je rentre dans la chambre de mon enfant de deux ans environ, je m'extasie. Un génie, je me suis dit. J'appelle alors son père, mon mari...
Nous sommes alors deux dans l'extase.
Mais qu'a-t-il fait ce petit bonhomme pour nous conduire ainsi au Nirvana ? Vous vous dites...
Et ben, deux secondes, ça vient...
Ses voitures, toutes sans exception, de la plus petite à la plus grande puis de la plus grande à la plus petite étaient alignées en ligne droite, vue de haut mais formant une parabole aplanie vue de face. Un génie, vous dis-je... J'ai beau avoir regardé par tous les côtés, l'alignement était parfait.
Qu'en diraient nos professeurs en sciences occultes ?
Je ne suis pas allée le leur demander.
À l'époque, les photos étaient argentiques, je ne mitraillais pas encore ce que mon fils faisait...
Pourquoi les a-t-il alignées, me demanderiez-vous ?
Je n'en savais fichtrement rien. Après des mois d'alignements quotidiens, voire pluri-quotidiens, des voitures de plus en plus nombreuses et de plus en plus petites, des rails de trains, des Legos et j'en passe, l'alignement est resté toujours aussi impressionnant.
Aujourd'hui, il n'aligne plus les voitures, Dieu merci, car passer dans sa chambre et risquer de bouger d'un dixième de millimètre un de ces objets l'aurait mis en rogne, à se taper... et c'est un euphémisme.
Aujourd'hui, il n'aligne plus les rails et les Legos, non plus.
Les voitures sont dans une boîte, les rails aussi. Les Lego forment un village à demeure sur son bureau, que nous ne pouvons plus utiliser, ainsi que sur tous les autres surfaces planes meubles de sa chambre.
Je n'ose plus rien toucher dans son antre de peur de bouger le sol en Lego de ses constructions.
Heureusement pour nous, sa chambre reste nickel.
Aujourd'hui, les étoiles sont celles dans nos yeux quand nous voyons les prodiges de nos enfants. L'ordre leur est indispensable pour être heureux. Difficile à tenir pour la reine du désordre que je suis.
Mais j'apprends. Comme une maman apprend à aimer son enfant, nouveau-né, j'apprends à grandir avec mes enfants, différents de la norme.
Aujourd'hui, quand j'arrive pour débarrasser la table du petit déjeuner, s'il ne l'a pas fait avant, je m'ébahis à la vue des restes de ce repas qui lui sert de carburant pour la journée.
Les étoiles s'alignent donc dans les yeux de nous parents. Elles sont le reflet de notre émerveillement devant le génie de nos enfants.
Pour conclure, mes enfants ont une compagnie à vie, qu'ils aiment appeler TSA. Certains, dont moi, parlent d'autisme. D'autres, disent Asperger. Quelque soit le nom qu'on peut donner à cette particularité, elle les rend si singuliers et fatigables qu'ils ont besoin aussi qu'on soit patient et doux avec eux.
© squelette du petit déjeuner du 24/01/22
©Wafa Babin
Texte écrit le 25/01/22, commencé le matin à 6:30 et terminé le soir à 21:30.
En couverture de ce chapitre :
© squelette du petit déjeuner du
25/01/22
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