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▬ 50 ▬ La lune de feu ▬▬▬


« Essaye le pain aux noix. »

Je secouai la tête vaguement.

« Alors peut-être une pomme ? »

Je fermai les yeux, épuisé, le cœur au bord des lèvres.

« Tae, il faut que tu manges. »

Je le sentais se rapprocher, ce qui m'obligea à ouvrir malgré moi mes paupières lourdes. Je voyais sans regarder ses yeux marron me regarder. Il avait un pli qui fissurait son front, lui donnant un air tourmenté étrange. Pourquoi cette fissure était-elle là ? Il avait un si beau visage d'habitude.

« Ça fait cinq jours que tu ne manges quasiment rien, tu ne vas pas tenir longtemps. »

Cinq jours ? Le temps passait si vite.

J'entendis un cri qui m'aurait fait sursauter si je n'avais pas été aussi amorphe.

« Bon sang mais tu es brûlant Tae, ce n'est pas humain ! »

Humain ? Je n'avais plus l'impression de l'être.


Je ne savais pas à quel moment j'étais devenu ainsi. Aujourd'hui j'avais l'impression d'avoir disparu, quelque part, peut-être dans une de ces innombrables plaines que nous avions traversées à cheval. J'étais près cette voix, et pourtant j'étais si loin.

« Taehyung... »

Sa voix me paraissait faible, elle aussi, mais surtout étrangement tremblotante. Ce timbre de voix était curieux. C'est quand je me rendis compte que c'était Jungkook face à moi, et qu'il était visiblement en position de faiblesse, que la brume s'entassant dans mes yeux se dissipa.


Un instinct de protection brûla alors mon cœur et je le vis enfin, lui et son teint jaunâtre sali par les journées de voyage, je vis des cernes sombres épouser le dessous de ses yeux devenus vitreux.

Un son rauque s'échappa de ma gorge, et je dus me la racler péniblement avant de laisser parcourir proprement ce que j'escomptais de mes lèvres :

« Mange. Et dors. »


Il secoua négativement la tête.

« Toi dors, je veillerais sur toi. »

Je sentis mon visage se crisper de lui-même, ainsi que ma mâchoire se contracter. Je levai les yeux au ciel, agacé par son entêtement.

« C'est à mon tour je crois. »

Il sembla étonné de m'entendre formuler une aussi longue phrase après plusieurs jours de silence, mais campa sur ses positions.


« S'il te plaît, viens », suppliai-je.

Je tendis ma main vers son visage, mais il se recula vivement, serrant mon cœur de tristesse.

« Tae, je te jure que tu es brûlant, je n'arrive plus à te toucher », couina-t-il avec détresse.

Il semblait presque encore plus peiné que moi.

« Je suis là maintenant, je crois, s'il te plaît... Serre-moi fort dans tes bras... »

J'étais pathétique, mais j'avais besoin d'un repère, j'avais besoin de trouver une place quelque part, où je savais que j'étais au bon endroit.

J'approchai de nouveau ma main vers sa joue, avec une infinie précaution, ne voulant pas le blesser, et il sursauta lorsque nos peaux se rencontrèrent. La sienne ne me paraissait pas spécialement froide, juste un peu sale. Je me concentrai sur son visage et vit qu'il semblait étonné, ma chaleur corporelle devait être plus supportable.

Il me lança un regard ardent, et n'attendit alors pas davantage pour me serrer contre lui, respectant avec application la demande que je lui avais faite.

«Je ne comprends pas ce qu'il s'est passé, chuchota Jungkook. Tu n'étais plus avec moi, j'ai essayé de te ramener avec moi, mais je n'y arrivais pas, tu m'échappais. La lune est devenue flamboyante depuis ces quatre derniers jours, j'ai eu peur de t'avoir perdu. »

Je me reculai pour saisir son visage entre mes mains et embrassai son front.

« J'étais si impuissant, je ne veux plus vivre ça Taehyung. »

J'évitai soigneusement de croiser son regard, ne voulant pas l'effrayer davantage, je l'étais déjà bien assez. Je ne comprenais pas non plus mon soudain état léthargique, ni la raison pour laquelle j'étais sortie de ma transe.

« Je suis désolé d'être une source permanente de tracas pour toi. »

Il secoua la tête.

« Non, ne le sois pas. »

Sa voix bien plus douce que d'habitude me poussa finalement à affronter ses yeux en amande, couleur noisette, des yeux délicieux à regarder, et je m'en approchais inconsciemment. La fatigue me paralysait, mais son souffle tiède sur ma peau arrivait à m'électriser subtilement le corps, si bien que j'étais beaucoup plus enclin à laisser tomber ma résistance contre la tension qui nous liait tous les deux.

Nos lèvres se joignirent brièvement dans un baiser chaud qui fit brûler mon cœur de bonheur, mais qui détendit aussi les muscles de mon corps crispé par les jours de voyage. Je soupirai de plaisir contre sa bouche alors qu'il me tirait doucement les cheveux à l'arrière de mon crâne d'une main, et caressai ma joue de l'autre. Lorsqu'il me touchait ainsi, j'avais l'impression d'être un joyau exceptionnel, son joyau.

Nous nous allongeâmes, enlacés, dans l'herbe qui commençait à être humide sous la fraîcheur du soir, mais les corps réchauffés par le petit feu qui crépitait à nos côtés. Je le sentis se blottir contre moi, sa bouche embrassait parfois ma peau, ou grignotait le pain aux céréales qu'il m'avait proposé plus tôt. Il me nourrissait aussi, alors que nous devenions de plus en plus somnolents.

Après avoir mangé correctement, Jungkook se leva rapidement pour détacher sa cape et la mienne, et nous dûmes nous tortiller l'un contre l'autre pour réussir à nous envelopper dedans. Il avait pris soin d'emmener l'œuf et je le calais contre mon flanc avec précaution. En sentant le rythme cardiaque de mon gardien vibrer contre ma poitrine, je me rendis compte que nous étions proches ainsi enveloppés. Je rougis de cette proximité qui me rappelait celle que nous avions dans la source chez Jimin, mais aussi parce que le fait de sentir son corps robuste contre le mien me donnait des bouffées de chaleur.

« Ne sois pas si raide, gloussa Jungkook. Dors.

- Toi dors, je protestai en ignorant sa première remarque.

- D'accord. »

Je fus étonné de sa docilité soudaine, mais c'est en voyant de nouveau les cernes qui assombrissaient le dessous de sa ligne de cils sombre que je me rappelais qu'il n'avait quasiment pas dormi depuis ces derniers jours.

« Fais de beaux rêves», lui susurrai-je avant d'embrasser le bout de son nez froid.

Un gémissement faible me répondit, alors que son bras glissait autour de ma taille et qu'il bougea contre moi de façon à placer son visage dans le creux de mon cou. J'ignorais la vague de chaleur qui tourbillonnait dans mon ventre et veillais à replacer correctement nos capes qui avaient bougées.

Je fredonnais doucement une musique de mon enfance en regardant l'immensité du ciel étoilé, mais mon regard fut vite attiré par la lune étrange qui s'élevait dans le ciel. Jungkook ne m'avait pas menti, elle arborait une couleur flamboyante qui m'attira soudainement.

Mon cœur s'emballa et la tête me tourna, mais je ne pouvais pas m'empêcher de regarder ce rond presque parfait.

Bientôt.

Demain.


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Je n'avais pas dormi avant que la lune ne disparaisse de mon champ de vision, mais avais été bercé par la respiration paisible de Jungkook qui était insensible à la présence rouge qui avait flotté au-dessus de nos têtes. Inconsciemment, j'avais somnolé en l'écoutant, mais le sang brûlait de plus en plus dans mes veines, et mes sens se décuplaient. J'étais davantage sensible à la lumière, au bruit, et à l'énergie qui tourbillonnait autour de moi.

Et cette énergie avait au moins triplé au cours de la nuit, ce qui m'inquiétait. Mon instinct me poussait à fuir le plus vite possible.

« Ça va se passer aujourd'hui, pas vrai ? »

Je sursautai en entendant la voix rauque de mon gardien. Trop happé par mon environnement, je n'avais pas fait attention à sa respiration plus rapide, ni à ses beaux yeux qui s'étaient ouvert et me regardaient avec douleur.

Je déglutis avec difficulté. Tout allait s'accélérer aujourd'hui.

« Oui. »

Il ferma ses paupières un instant avant de souffler lourdement, et de se redresser un peu pour prendre mon visage en coupe.

« Tout ira bien. »

Ses yeux étaient brillants, sa voix tremblante, la manière dont il m'embrassa après désespérée. Je pris son corps encore chaud de sommeil sur le mien et fis courir mes doigts dans ses mèches emmêlées. Nous restâmes ainsi quelques instants, le temps que la lumière bleutée du petit matin fit place à celle, écarlate, du soleil.

Le sentiment d'être observé ne quittait pas mon esprit, et plus le temps passait, plus je devenais tendu, incitant Jungkook à me laisser terminer le voyage seul.

L'œuf ne me quittait plus, car ma méfiance était bien présente. Le poignard de mon père n'était pas non plus très loin de moi, au cas où.

Mon regard s'attardait de plus en plus sur celui-ci, et j'essayais de me concentrer sur son esthétisme remarquable plutôt que sur sa future utilité. Je caressais parfois une petite perle nacrée qui y était sertie, me demandant depuis combien de temps la famille Kim était la famille des Perles. Il y avait encore tant de mystères que j'aimerais éclairer.

Soupirant, j'espérais de tout cœur que nous n'allions pas avoir de complications sur la fin de notre route, elle-même étant déjà suffisamment compliquée.

Mais alors que nous étions en train de nous laver, je me rendis compte qu'il y avait un élément perturbateur de taille : mon gardien. Il ne cessait de m'enlacer contre lui, d'embrasser ma peau comme un affamé dès qu'il en avait l'occasion. Cela n'était pas pour me déplaire mais j'avais l'impression qu'il souhaitait retarder le moment fatidique.

Mais surtout, il tenait un discours de tentateur.

« Si tu savais comme je rêverais de pouvoir être lâche, et de t'emmener loin d'ici avec moi, m'avait-il murmuré contre mon oreille avant de poser ses lèvres dessus.

- C'est toi qui m'as appris ce qu'était le courage. Tu ne peux t'en prendre qu'à toi-même.

- Quel sot je fais. »

Pour autant, malgré mes dires, plus le temps passait, plus l'idée de la fin de la journée me donnait la boule au ventre.

Et ce n'était pas les reflets d'écailles qui perçaient le feuillage des arbres qui m'aidaient à me calmer.

Les premiers que j'avais cru voir dataient de la nuit, des écailles bleu nuit brillant sous les rayons de la lune rouge.

Je m'étais demandé pourquoi ils ne se montraient pas à moi, et pourquoi ils restaient tapis dans l'ombre. Lenka s'était montrée très tactile en ma présence, puisant en moi une source de réconfort que je n'avais pas compris.

Mais, alors que Jungkook nous arrêta dans notre marche pour embrasser la peau de mon cou en m'enlaçant contre lui, je me dis qu'ils le craignaient peut-être, et attendaient le moment où je sois seul.

Une douleur s'insinua dans ma poitrine quand je me dis que nous allions devoir nous quitter, le plus vite étant le mieux pour nous.



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« Il te reste de l'eau ? »

Je me tournai vers Jungkook qui était en sueur et lui tendis ma gourde aux deux tiers vide. Il semblait vraiment épuisé et peinait à tenir les rennes du cheval en marchant.

Il était temps que le trajet se finisse.

Et il était temps pour moi de mettre mon plan en action.

Je lui pris doucement sa main, et lui caressai de mon pouce en lui offrant un sourire que j'espérais convainquant.

« Faisons une pause, suggérai-je en lui épongeant le front de la manche de ma chemise.

- Nous devons continuer, il faut qu'on traverse avant la nuit.

- Il faut que nous soyons en forme pour la traversée Jungkook, reprenons notre souffle. »

Il voulut protester mais je serrai sa main chaude dans la mienne et l'attirai vers moi.

« Cinq minutes », je soufflai avant de m'asseoir et de l'entraîner avec moi.

Il expira profondément avant de se rapprocher et de poser sa tête sur mon épaule.

« On dirait que tu n'es pas fatigué alors que tu n'as pas dormi, ce n'est pas juste », soupira-t-il.

Je gloussai nerveusement et passai ma main à travers les mèches de ses cheveux, ignorant leur texture poisseuse, et exécutai de petits cercles sur son cuir chevelu, me rappelant que ça le détendait. Son souffle était toujours court, mais je l'entendais petit à petit devenir plus profond. Sa tête s'enfonçait de plus en plus dans mon épaule, devenant lourde.

« Je vais m'endormir si tu continues. »

Pour toute réponse, je continuai, ce qui lui fit pousser un gémissement de protestation fatigué.

« On a dit cinq minutes, c'est bien ça Tae ?, bailla-t-il.

- Oui, cinq minutes », lui promis-je.

Un autre gémissement s'ensuivit, et je sentis ses bras chercher mon contact à tâtons. Souriant malgré moi doucement, je l'attrapai par la taille et l'installai entre mes jambes pour qu'il puisse reposer contre mon corps.

Comme il en avait pris l'habitude, il se blottit contre moi en nichant son visage dans mon cou, me procurant des fourmillements agréables. Je continuais mes caresses alors qu'il continuait de bailler, de plus en plus léthargique contre moi.

« Tae...

- Mmh ?

- Tu n'as pas fait ça ? »


Il venait de comprendre.


Il dut sentir mon corps se tendre puisqu'il chercha à se retourner mais je l'en empêchais, refusant de croiser son regard. Ma gorge se serra alors que je raffermis mon emprise sur lui.

« C'est pour ton bien, lui murmurai-je

- Tu n'avais pas à faire ce choix seul, dit-il d'une voix de plus en plus faible mais dont le ton respirait la colère.

- Je voulais faire ce choix seul, pardonne-moi, répondis-je alors qu'il continuait faiblement de se retourner.

- S'il te plaît », dis-moi que c'est un mauvais rêve, dis-moi que je vais me réveiller et que tu seras avec moi, fit-il avec détresse en s'agrippant à mes jambes malgré ses paupières qui se fermaient.

Je voyais qu'il luttait désespérément pour garder les yeux ouverts, il respirait fort malgré que son souffle se rallongeait. Ses doigts se crispaient sur mon pantalon, me faisant mal, mais la douleur la plus forte s'installait dans ma poitrine.

« Tu te réveilleras bientôt et je serai avec toi, reniflai-je.

- Tu mens, tu me quittes !, couina-t-il en luttant contre le sommeil.

- Jamais, mentis-je. »

Ses doigts se desserrèrent et je vis sa tête dodeliner sur son cou, tel un pantin. Le voir dans un état pareil était la plus sournoise des douleurs, de par le fait que j'en étais le responsable et que je devais dorénavant assumer mon choix, seul.

« J'aurais dû être plus fort pour t'accompagner jusqu'au bout, sanglota-t-il étrangement en s'endormant. »

Son ton avait changé, amer, mais aussi faible. Je haïssais cette soudaine vulnérabilité.


« Tu l'es, bien plus que moi. »


Sa prise sur mes jambes était moins convaincante, et je passais mes mains autour de sa taille pour le serrer contre moi, fourrageant les mèches de ses cheveux bruns de mon nez, et embrassai sa nuque.


« Ne m'abandonne pas encore Tae, je t'en supplie. »


Il me suppliait maintenant, et je sentais des sanglots dans sa gorge déformer sa voix. Mais ce que je vis en me penchant vers son visage me figea.

Des larmes roulaient sur ses joues, brisant mon cœur.


« Pourquoi mon Kiki veut-il encore partir sans moi ? Je voulais tant prendre soin de lui », ricana faiblement mon gardien.

Il savait que lorsqu'il m'appelait ainsi, je devenais faible, il savait qu'en disant ceci il appuierait où ça faisait mal. Je ne lui en voulais pas, je le méritais très amplement. Avalant difficilement ma salive, je lui répondis en chuchotant misérablement :

« Parce qu'il tient beaucoup trop à son gardien, et qu'il ne veut pas qu'il assiste à la fin.


- Je te hais. »


Cette phrase me fit tant de mal que ma prise sur lui et dissipa, et il parvint enfin à se retourner.

Voir son regard noisette aussi froid me glaça le sang, et je ne pus que croasser :


« Et moi je t'aime Jungkook. »


Puis il perdit connaissance.

Sa tête qui dodelinait déjà beaucoup trop roula sur ses épaules et le haut de son corps finit par s'effondrer sur le mien.

Une larme roula sur ma joue alors que j'avisais la gourde coupable qui était restée ouverte dans sa main.

Le soleil allait se coucher d'ici une ou deux bonnes heures.

Il était temps de partir.

Ne voulant pas le réveiller, je me dégageai délicatement de son étreinte. Sanglotant silencieusement, j'observais son visage qui aurait pu paraître apaisé si les sillons humides n'avaient pas fait briller ses joues sales. Je caressais ses boucles brunes doucement, enlevant les brins d'herbe et feuilles qui s'y étaient mélangées avec la terre et la poussière, puis l'allongeais dans l'herbe et l'enroulais dans sa cape. Je pris soin de le cacher dans une cavité que j'avais repérée en marchant tout à l'heure, qui était cachée entre des buissons et de grosses racines d'arbre. Évidemment, il se laissa faire telle une poupée de chiffon, ce qui serra mon cœur de douleur. Je ne pensais pas que l'infusion aurait fonctionné si rapidement.


« Pardonne-moi, mon amour », sanglotais-je face à ses paupières closes.


Je me penchai et embrassai ses lèvres, en essuyant délicatement mes larmes qui avaient coulé sur ses joues terreuses. Mon cœur brûlait d'envie de rester à ses côtés, mais je n'en avais plus le droit. Il était trop tard pour faire marche arrière dorénavant.

« Je te retrouverais quand la lune aura retrouvée sa couleur perle, attends-moi », piaillai-je pathétiquement en embrassant longuement le dos de sa main, avant d'y glisser une perle toute particulière.

Mon corps tremblait alors que je m'efforçais d'ignorer la silhouette que j'avais volontairement poussée à l'inertie.

Rabattant ma capuche sur mon visage, je m'emparai de l'œuf, et le glissai dans ma poche, attachai rapidement les rennes du cheval de Jungkook et lui laissais nos provisions, ne gardant qu'une tranche de pain de route et une pomme pour le reste du voyage. Je tirais par la suite mon cheval vers ce que je sentais être le chemin le bon chemin.

Il ne fallait pas que je me retourne, il ne fallait pas que je pense à lui.



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« Arrête de tourner en rond comme ça, tu me coupes l'appétit. »

Le jeune homme à la chevelure blanche fronça ses sourcils, indigné du manque de compréhension de la part de son homologue.

« Comment fais-tu pour rester aussi serein ? La Perle et ton meilleur ami sont partis seuls, nous ignorons ce qui va leur arriver.

- Jungkook protégera le jeune Seigneur, et la Perle sait ce qu'elle a à faire, nous ne pouvons rien faire d'autre que d'attendre. »

Yoongi et Jimin étaient dans le laboratoire de ce dernier, l'un assis en train de déguster le rôti aux champignons qu'il avait mis du cœur à faire, l'autre debout, qui ne cessait de se lever pour aller jusqu'à la fenêtre pour observer la nuit écarlate immense, avant de finalement se rasseoir aux côtés de son hôte pour faire honneur à sa cuisine.

« C'est ce soir, n'est-ce pas ?, demanda Yoongi en connaissant toutefois la réponse.

Jimin lui apporta une confirmation en hochant simplement la tête.

« Je n'aurais pas dû les laisser y aller seuls, grogna Yoongi.

- C'était ton choix de rester ici, si c'est ma personne qui t'encombre trop l'esprit et te retient ici pourquoi ne pars-tu pas les rejoindre pour te libérer de moi? »

Le ton se voulait narquois, mais le voyageur y perçut un autre sentiment qu'il ne pouvait définir. Il chercha donc dans ses yeux verts brillant ce qu'il voulait dire par là.

Jimin feinta l'innocence en dégustant son repas sans le regarder. Yoongi attendit en silence, il attendait qu'il daigne lever sa tête vers la sienne, sans succès. Il changea alors de tactique et vint s'asseoir en face de lui et posa ses coudes sur la table en le regardant fixement manger.

Il ignorait que la viande pouvait être si fascinante à observer.

Il soupira donc, et finit par répondre :

« C'était peut-être justement parce que tu étais trop encombrant dans mon esprit que j'accapare encore ta maison, petit ignorant. »


Il jura que les mains de son hôte s'étaient crispées sur ses couverts, ainsi que sa mâchoire.


« Tu es plus petit que moi », siffla finalement Jimin en évitant ce que Yoongi lui avait révélé.


Il ricana, amusé par son entêtement à l'ignorer quand la tournure des événements ne lui plaisait guère. Le voyageur se leva alors encore, et son regard s'attardait inévitablement sur la lune qui ne cessait de grossir, écarlate.

« Une lune de flammes... », souffla-t-il mi-fasciné mi-apeuré.

Un raclement de chaise se fit entendre, puis des pas se rapprochant de lui.


« Un phénomène que nous ne verrons pas avant des milliers d'années, souffla Jimin gravement, un phénomène relaté de génération en génération, et qu'une infime partie pourra en découvrir toute la majesté. »


Il finit par s'appuyer sur le rebord de la minuscule fenêtre, et sembla s'imprégner du ciel rouge, brûlant la plaine et les roches entourant sa demeure.


« Bientôt elle sera au dessus de nos têtes, sa lumière traversera les flots sombres de la source des Perles, elle prendra la teinte carmin du sacrifice, puis elle brûlera le Seigneur Dragon et s'infiltrera dans son corps puis dans son âme, la Perle devra choisir son chemin pour faire naître son héritier d'écailles. »


Yoongi fut silencieux pendant quelques instants, le temps qu'il s'imprègne bien ces paroles, puis se tourna vers son hôte en fronçant les sourcils :


« C'est ce genre de discours que tu lui as sifflé ? »


Il se recula et son visage prit un ton colérique au fur et à mesure qu'il comprenait pourquoi Taehyung lui avait demandé de le poignarder :

« Dis-moi, Jimin, que penses-tu que Taehyung ait compris quand tu lui as parlé de sacrifice ?

- Je lui ai dit que c'était quelque chose qui lui était attaché. Mais je ne peux deviner ce dont il s'agit, lui seul doit le savoir. »

Le jeune homme à la chevelure blanche fut alors furieux, furieux de constater que son protégé soit parti avec si peu de certitudes.

Le souvenir de sa demande était très douloureux, et il s'était demandé pour quelles raisons ce beau seigneur voulait mettre fin à sa vie. Il pensait qu'il avait commencé à apprendre d'aimer cette vie, la vie en dehors d'une prison dorée que le seigneur Seokjin s'était appliqué à préserver, sans doute dans le but que Taehyung n'ait que son destin seigneurial à penser, mais sa requête avait chamboulé sa vision. Il y avait vu un homme ayant une faible estime de lui-même cherchant à tout prix à devenir plus fort, mais il n'avait pas compris pourquoi cela devait passer par sa mort.

Venait alors cette histoire bancale autour d'un sacrifice, que Yoongi ne comprenait pas, probablement parce qu'il n'était pas concerné directement, mais il avait gardé à l'œil le jeune homme.

Il était évident qu'il aimait Jungkook, et les voir heureux et de plus en plus à l'aise dans une relation privilégiée avait fini par atténuer ses peurs.

Jungkook ne le laisserait pas se tuer.

Et Taehyung ne blesserait pas son gardien.

Il ne connaissait pas bien le jeune homme au visage juvénile, il avait cependant tiqué au fait qu'il avait des liens avec les loups géants. Ce n'était définitivement pas commun et hasardeux, mais il n'avait pas eu encore l'occasion de mener sa propre enquête sur le sujet. Mais malgré sa méconnaissance du jeune homme, il était sûr qu'il était loyal à Taehyung.

« Que veut dire ce visage si grave ? »

La voix curieusement plus douce de Jimin le fit sortir de ses pensées, et il se rendit compte qu'il s'était rapproché de lui. Bercé par sa voix, il répondit sans réfléchir :

« Taehyung m'avait demandé de le sacrifier. »

Jimin se figea, mais l'expression de son visage ne trahissait pas la surprise, ce qui alerta Yoongi, qui sentit sa colère revenir au galop :

« Tu le savais ?! »

Il empoigna le col de sa chemise et le plaqua brutalement contre la paroi rocheuse, lui faisant pousser une plainte de douleur.

« Tu as osé le laisser partir avec cette idée en tête ?! »

Un grondement fit soudain trembler l'atmosphère électrique qui s'était installée entre les deux hommes, et Yoongi n'eut pas besoin de se retourner pour deviner l'aura soudainement écrasante de Lenka, menaçante et effrayante.

Il lâcha avec regret Jimin, et découvrit le regard fixe de la dragonne sur lui, ses yeux verts reptiliens rivés dans les siens.

« Ton père a peut-être causé du tord à ton maître », gronda Yoongi qui mimait la confiance.

Jimin soupira, réarrangea son col, puis s'élança vers une autre salle.

« Tu as gagné, viens », lança-t-il au voyageur perdu.

Ils furent bien vite dans la salle aux miroirs, et Yoongi fut estomaqué du nombre de miroirs de vision que possédait son hôte mais, bien vite, son regard fut attiré par ceux qui étaient recouverts de tissu épais.

« Qu'est-ce qu'il y a derrière ceux-ci ? », demanda Yoongi.

Jimin s'approcha et parut crispé.

« Plus tard ».

Il ne protesta pas, et suivit son hôte jusqu'à un autre miroir, beaucoup plus petit, qui était posé sur une table.

« C'est Jungkook qui portait ce miroir la dernière fois que je lui ai parlé.

- Oh.

- Tu peux lui demander comment se porte la Perle, je sais que tu aimerais être auprès d'elle. »

Il ne releva pas le sous-entendu et s'empara du bout de miroir, et sursauta à cause de ce qu'il avait sous les yeux. Effaré, il lâcha le bout de miroir sur la table et se recula.

Jimin réagit instantanément et fondit sur son miroir, avant de se figer à son tour.

« Qu'est-ce que... Jungkook... »

Le miroir montrait depuis l'ouverture d'une poche un corps allongé, et un bout de son visage dont les yeux étaient clos.

« Il... Il est peut-être juste endormi », avança Jimin qui paraissait peu sûr de lui pour la première fois depuis longtemps.

Il chercha les yeux bleus clairs de Yoongi, et sentit désagréablement son corps trembler, par l'effroi de la situation.

« Au clair d'une lune de feu ? C'est vrai que ça me semble tout à fait apaisant. »

Jimin devait se rendre à l'évidence, il ne servait à rien de cacher sa nervosité. Il évita le regard perçant de son compagnon et s'employa à chercher un miroir particulier. Un miroir qu'il avait interdit à Jungkook d'approcher.

« Jung Kwon ? »

Yoongi fronça les sourcils, se rapprochant en se demandant qui cela pouvait être.

« C'est le père de Jungkook », souffla nerveusement Jimin comme s'il avait lu dans ses pensées

Il l'appela de nombreuses fois, tandis que le tremblement de ses mains empirait à vue d'œil, avant qu'un visage aux yeux noisette, identiques à celles de son fils, apparaisse sur un des miroirs.

« J'ai comme l'impression que cet appel soudain n'est pas hasardeux, Jimin, fit l'homme d'une voix fatiguée.

- J'aurais aimé vous appeler dans d'autres circonstances mais en cette soirée particulière, vous vous doutez bien que je me dois de prendre la température de Stäfa. »

Jung Kwon hocha la tête, et semblait jeter des coups d'œil aux alentours, sans doute dans le but de vérifier qu'il était seul, mais les yeux perçants de Yoongi ne purent manquer la blessure qui striait la peau du cou de l'homme, blessure qui semblait vieille mais profonde.

« Le restant de l'armée a quitté le château il y a une semaine, le château est en train d'être vandalisé. Le peuple étouffait Jimin, ils sont venus récupérer ce qu'ils pouvaient pour avoir l'impression de respirer de nouveau. Même mes épices ont disparu des cuisines ! »

Jimin échangea un regard avec Yoongi, appréhendant la situation.

« Vous voulez dire que vous êtes seul Monsieur ? », demanda poliment ce dernier.

L'homme cerné hocha la tête, las, mais son souffle encore combatif.

« Vous savez ce que cela veut dire. »

Jimin contracta sa mâchoire, son visage pâlit et Yoongi se rapprocha instinctivement, alla poser une main sur son épaule parcourue de spasmes nerveux et la serra pour montrer qu'il était avec lui.


« Ils arrivent. »


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Il ne me pardonnera jamais.

J'ai fait ce qui était le mieux pour lui.

Il crachera sur la perle que je lui ai donnée et vivra dans l'amertume par ma faute.

Je le retrouverai, quoiqu'il advienne.

Il voudra oublier l'entièreté de mon existence.

Il sera fier de moi quand je serais devenu un Seigneur Dragon.

Je me suis servi de lui, il ne me le pardonnera jamais.

Il comprendra.

Jamais.

J'inspirais profondément, essayant de me calmer. Dorénavant, je ne pouvais plus que compter sur moi-même, je n'avais plus rien à perdre. Essayant de me concentrer sur l'espace qui m'entourait, je commençai à apprécier la beauté de la forêt, et me mis en tête de la parcourir pour arriver au point d'embarcation.

Je me sentais toujours observé, pire encore suivi. Mais je commençais à comprendre de quoi il s'agissait.

Le premier que je vis avait des écailles d'un vert chatoyant, se fondant avec le feuillage des arbres qui composaient la forêt. Il avait la taille d'un petit oiseau, et semblait inoffensif.

Le deuxième était bleu ciel, de la taille d'un gros lapin, et s'appliquait à suivre les pas de mon cheval. Ses grands yeux d'une teinte violine semblaient fascinés par les traces des sabots. Contrairement à son camarade, il semblait bien plus à l'aise sur la terre ferme.

Les reptiles ailés profitaient de ma solitude pour venir à moi, comme je l'avais pressenti.

Deux autres me rejoignirent, un peu plus gros que le bleu. Mon cheval sembla très nerveux mais je continuais de le guider du mieux que je pouvais et tentai de le rassurer.

Si Jungkook me voyait ainsi.

Je secouai la tête, m'insultant d'idiot, et avançai avec le peu d'assurance que je possédais.

Je devais me rendre à l'évidence, je n'arriverais jamais à calmer mon cheval jusqu'à l'embarcation. Je dus prendre ma décision quand je vis un autre dragon plus grand que lui, couleur vermeille, le regarder avec une sorte d'envie. Je le libérais finalement et pris mon petit sac de voyage contre mon dos. Il ne mit pas longtemps avant de fuir au galop, pour sauver sa vie.

Comme je le comprenais.

Le dragon rouge sembla tiraillé entre le laisser partir ou le prendre en chasse, mais il se résolut à rester auprès de moi.

Me voilà donc seul, entouré par une petite dizaine de dragons, créatures indomptables et imprévisibles.

Je déglutis difficilement et sentais mon cœur me faire mal dans ma cage thoracique. Une sueur froide coulait le long de mon front et les larmes commencèrent à monter au coin de mes yeux.

Mais quand je vis les deux plus petits se poser sur mes épaules et me regarder avec une sorte d'adoration, une étrange chaleur adoucit mon rythme cardiaque. J'avais l'impression d'être puissant, rassurant pour eux sans même avoir fait quoique ce soit, et cette seule confiance aveugle diffusa une agréable chaleur dans ma poitrine.

Je continuais d'avancer, cette fois-ci avec les deux petits sur mes épaules. L'un d'entre eux était le vert qui était venu me voir en premier, tandis que le deuxième était marron, et avait une taille similaire à celle de Lenka. Sentir leurs griffes serrer le tissu de ma cape et indirectement ma peau était étrange, pour autant pas désagréable.

Les autres me suivaient plus ou moins, mais avançaient dans tous les cas dans la même direction. Je m'amusais de la réaction du dragon bleu qui comparait mes empreintes avec les siennes, comme il avait pu le faire avec mon cheval.

Mais j'avais l'impression qu'une menace planait toujours près de moi, une menace aux écailles noires et au regard jaunâtre, guettant mon avancée derrière des branchages.

Je ne saurais comment l'expliquer, mais je le sentais.


Aegnor.


Il devait attendre le moindre signe de faiblesse de ma part pour charger.

Mes jambes tremblaient, ce qui sembla alerter mes curieux compagnons de route.

Je sentais le poison de sa haine brûler les pores de ma peau, sa rage alourdir l'atmosphère et son désir de vengeance étourdir mes sens.

Je me concentrai pour continuer de marcher, feintant la sérénité alors que mon esprit imaginait des stratagèmes pour finir correctement la route, et essayait de repousser le scénario où je devrais faire demi-tour de la même manière que mon cheval.

Il ne fallait surtout pas que mon regard croise ces yeux jaunes, ces billes sournoises tapies dans l'ombre qui trouveraient rapidement mes points faibles, ces ronds corrompus qui prendraient un malin plaisir à me voir être malmené par leur propriétaire.

Il fallait que je me montre malin.

Je décidai de prendre les devants.

« On m'a conté un jour une fabuleuse histoire, commençai-je en continuant de regarder droit devant moi et de marcher. Je n'étais qu'un enfant mais je m'en souviens parfaitement, une histoire effrayante pour le jeune garçon que j'étais, mais étrangement fascinante. Une histoire sur les Perles, qui purifiaient les âmes tourmentées, les âmes qui désiraient vengeance. Ces âmes cherchaient à détruire cette source qui leur paraissaient scandaleusement lumineuses pour elles, elles qui ne connaissaient que les traîtrises. Comment osaient-elles se proclamer purificatrice alors qu'elles ne connaissaient rien de la souffrance de ses âmes ? Comment pouvaient-elles se montrer supérieures et décréter ce qui était bon pour elles ? Ces Perles ne connaissaient rien, ne pouvaient pas comprendre les âmes noires. »

Je parlai d'une voix forte, et avançai en ignorant les regards qui se multipliaient. Je rassemblais les mélanges d'histoires qui m'avaient été racontées jusqu'à maintenant pour en former un récit cohérent.

« Ces âmes noires avaient raison, ces Perles ne pouvaient les comprendre, elles n'avaient aucun droit de domination envers elle. Toutefois, les Perles ne cherchaient qu'à apaiser leur âme et leur laisser la possibilité de reconstruire leur vie, pour qu'elles puissent connaître à leur tour la lumière. Les âmes qui souffraient y voyaient une forme de provocation, mais aussi de puissance sur lesquelles elles ne pouvaient avoir aucun contrôle. Elles qui vivaient avec ce qu'elles avaient vécu, voyant chaque épreuve comme une cicatrice dont elles étaient fières, se sont mis à fuir ces Perles, pire encore à les craindre. Elles les haïssent tout comme elles sont indéniablement attirées par elles, par ce qu'elles incarnent. »

C'est à ce moment que je m'arrêtai, et que je contemplai la cinquantaine de paires d'yeux reptiliens qui me regardaient avec une concentration étrange, presqu'humaine. Déglutissant et essayant de ne pas me laisser aller au tournis dont ma tête était victime, je plongeai mes yeux dans ceux de chaque dragon, et finis par croiser celui que je redoutais tant.

« Je suis Kim Taehyung, la dernière Perle en vie à ce jour. »

Je m'avançai vers le sous-bois sombre dans lequel le lézard était tapi, l'adrénaline coulant dans mes veines.

« Beaucoup ont tenté d'usurper mon identité, certains vous ont même trompés en tentant de vous apprivoiser. Mais je sais qu'au fond de vous, vous savez que je dis la vérité. »

Ses yeux jaunes cruels étaient rivés dans les miens, et semblaient brûler de fureur.

« Je ne suis pas une Perle, je suis votre Seigneur. »

A ce moment là, je sentis une chaleur venant de mon dos et, me rappelant du médaillon de ma mère, je le sortis et je vis avec stupeur la perle briller d'une lumière aveuglante, se réfléchissant sur l'écorce sombre des arbres.

Je sentis du mouvement devant moi, et crus entendre une faible plainte.

« MONTRE-TOI ! », hurlai-je aux yeux jaunes.

Ce fut ensuite autour de moi que j'entendais de l'agitation, mais je sentis plus que je ne le vis les dragons m'entourer, certains me frôlaient les jambes, d'autres s'agrippaient à mes chevilles. En me tournant brièvement, je vis que d'autres m'avaient rejoint, immenses, si bien que leur tête dépassaient la plupart des arbres. Il y en avait de tous gabarits confondus, certains gros, certains très élancés, et d'une multitude de couleurs. J'essayais de ne pas montrer de surprise quand je vis d'immenses cornes argentées sur l'un d'entre eux qui avait des écailles bleues nuit, presque noires.

Il aurait pu embrocher la moitié de ses congénères d'un coup de tête sans difficultés.

Me retournant vers la cachette du lézard, je repris avec plus de conviction dans ma voix :

« AEGNOR ! »

Silence.

Puis la terre trembla, mon cœur s'emballa, les griffes des petits dragons traversèrent le tissu de mes vêtements.

Les plus petits reptiles vinrent rejoindre les plus grands et moi-même alors que la terre continuait de trembler, comme s'ils cherchaient à se rassurer, tandis que j'étais pétrifié de terreur.

Mais je savais que si je montrais le moindre signe de faiblesse, je pourrais passer pour un usurpateur.

Soyez fort, Taehyung, résonna la voix de Yoongi dans ma tête.

Je levai le menton, crispai les traits de mon visage pour leur donner une expression que j'espérais confiante et forte.

La bête avançait, faisant trembler la terre à chacun de ses pas. J'abaissais la perle afin d'être moins ébloui, et vis enfin de plus près la tête reptilienne qui s'approchait de la mienne, immense. Ses yeux jaunes semblaient fous, mais je ne savais pas de quel genre de folie il s'agissait.

« Tu as fait un pacte avec un usurpateur !, criai-je à son attention. Tu es coupable d'avoir attenté à la vie d'humains qui n'étaient pas en guerre avec toi, tu es coupable d'avoir aidé GD à tuer l'ancienne Perle, le seigneur Kim Seokjin. »

Le lézard s'arrêta enfin et observa les dragons qui se tenaient à mes côtés, avant de plonger ses yeux jaunes dans les miens. Je sentis mes petits protégés trembler, ce qui me donna une bouffée de courage pour soutenir son regard cauchemardesque.

« Je suis profondément honteux de vous considérer comme mes frères, commença la voix rocailleuse d'Aegnor en quittant mon regard pour s'adresser à ses congénères, vous-autres ne vous êtes mêmes pas posés la question de savoir qui était Kim Taehyung, ce prétentieux qui ose tenir la Perle sacrée dans ses mains. Il n'a pas la carrure d'un Seigneur Dragon tout comme il n'a aucun honneur, il ne mérite pas notre inclinaison. Je ne courberais jamais l'échine devant cet imposteur. »

C'est alors que le dragon bleu nuit s'avança et le jugea d'un air sévère.

« J'ai entendu dire que tu t'es attardé au Sud avec un homme de peu d'honneur, Aegnor. La Perle a traversé un long chemin pour accomplir son destin, elle mérite notre respect, bien plus que l'homme pour lequel tu as justement courbé l'échine.

- Cet insecte m'a arraché mes ailes !, beugla Aegnor en s'approchant encore.

- Et pourquoi l'a-t-il fait ?, demanda un dragon vert plus petit.

- Il voulait me soumettre à lui, comme il le veut avec vous tous, cracha Aegnor.

- Cesse de mentir !, beuglais-je au lézard noir. J'étais en route vers le pic de Gasamhart à dos d'oliphant quand tu es tombé, je ne suis en rien responsable de ta perte ! »

Je sentais les regards qui étaient sur moi, mais je voulais tellement cracher tout mon mépris sur un des principaux responsables de la mort de mon père que j'ignorais la terreur que m'inspirait cette créature.

« Mais tu as fait un pacte avec celui qui m'a tiré dessus, misérable. Penses-tu que pactiser avec des tireurs de dragons te donne un pouvoir contre nous ? Je pourrais te dévorer maintenant sans que personne ne le sache, pas même ton pathétique gardien que tu apprécies tant. »

Mes poils se hérissèrent à l'évocation de Jungkook. Savait-il où il était à cet instant ?

« J'ignore quelles merveilles t'a promis GD pour ma tête, mais il ne souhaitait pas te tirer de ta haine, pire encore il l'a alimenté contre moi.

- Veux-tu me délivrer de ma soi-disant haine ?, ricana Aegnor.

- Je ne veux pas m'imposer à toi. Tu n'as pas à me craindre, lui assurais-je en essayant de calmer ma rage personnelle.

- Dans ce cas laisse-moi te tuer », sourit horriblement la créature.


J'entendis des grondements menaçants derrière moi.

« Tu ne le toucheras pas ! », feula un petit dragon vert, faisant environ ma taille.

J'entendis alors un gargouillement sinistre de la part d'Aegnor et, bientôt, je vis avec horreur son poitrail devenir lumineux.

Il allait cracher son venin de feu.

« NON ! », hurlai-je en courant pour me mettre devant le dragon vert.

Je brandis la perle aveuglante en face de la gueule écarlate d'Aegnor par réflexe, la rage guidant mes paroles :

« Tu ne blesseras pas tes congénères, je te l'ord-



- Aegnor, cesse ! », me coupa une voix masculine.

Le monstre s'arrêta immédiatement et gronda en se retournant vers le nouveau venu.

Je plissai des yeux pour voir avec stupéfaction une silhouette avancer, toute de noire vêtue. Il s'agissait d'un homme d'une élégance arrogante, ses yeux en amande bruns soulignés par du maquillage noir d'encre brûlaient de ruse et d'une énergie agressive.

Malgré la tension pesante qui s'intensifiait entre chacun, il éclata de rire, d'un rire de fou.

« Voyons Aegnor, mon ami, la petite Perle n'a pas fini son histoire, n'es-tu pas curieux ? »


Il s'approcha, et je vis ses traits presque reptiliens apparaître sous la lumière du soir. Il moqua une révérence à mon intention et reprit :

« J'ai toujours eu horreur des histoires qui ne se terminent pas, ne trouvez-vous pas qu'elles sont arrogantes lorsqu'elles cherchent, à tout prix, à continuer d'exister ? »


GD.


J'étais sûr qu'il allait apparaître un jour ou l'autre.


« Ne pensez-vous pas que le jeune enfant n'aurait pas dû continuer de craindre les « âmes corrompues » et à rester auprès de son gardien ? »

Cet homme avait tué mon père, cet homme tenait Stäfa depuis maintenant plusieurs mois, peut-être même plus d'une année, et pourtant c'était la première fois que je le voyais.

« Ne pensez-vous pas que ce gardien aurait dû être égoïste et ramener le jeune garçon loin de ces âmes noires qui le terrifiaient tant et le garder pour lui seul ? »

Il me narguait, comme je m'y attendais.

Mais le fait qu'il continue de s'attarder sur Jungkook me glaça le sang.

« Quel gâchis, un si beau visage... »


De qui parlait-il ? De Jungkook ou de moi-même ? Ma propre terreur et fureur faisaient trembler mes jambes.

Il ne fallait pas que je pense au pire, il cherchait à me faire sortir de mes gonds.

« Et quel pathétique Perle l'enfant fait, abandonnant son gardien qui avait abandonné son foyer et ses rêves pour lui, et pactisant avec des mercenaires pour tuer ceux qui son-

- Vous ne connaissez pas la fin de l'histoire, le coupai-je. Peut-être devrais-je vous la narrer ? »

Il n'avait pas apprécié que je lui coupe la parole, cela se lisait dans ses yeux.

Je jetai un coup d'œil au dragon bleu nuit qui avait pris ma défense plus tôt, le trouvant impressionnant de part ses défenses argentées, lequel me rendit mon regard, puis revins vers GD.

« Ou devrais-je vous montrer la fin ? », souris-je.

Je vis sa mâchoire se contracter, mais ses yeux marrons étaient ancrés dans les miens, voulant sans doute vérifier que je le mettais bien au défi ou si j'en étais trop faible.

« J'aimerais beaucoup, roucoula-t-il d'un sourire terriblement faux, mais devons-nous terminer cette histoire maintenant ou découvrir celle du gardien ? Je suis sûr que vous brûlez de curiosité à son sujet. »

Je sentis tout à coup des griffes m'encercler et m'agripper férocement avant de m'élever. Sous le choc, je levai les yeux et vis qu'il s'agissait du dragon bleu nuit.

« Le soleil est presque couché, nous devons nous hâter jeune Perle où il sera trop tard. Vous conterez vos histoires plus tard ou vous ne pourrez accomplir la vôtre. »

Je n'eus même pas le temps de réagir qu'il s'élançait à travers les bois à toute allure, moi dans ses griffes.

«Att- »

Je voulus lui crier que je voulais finir cette conversation, que la vie de mon gardien était peut-être en jeu, mais une douleur lancinante me prit à la poitrine, me donnant envie de vomir le peu de nourriture que contenait mon estomac.

Par chance, mon sac était toujours dans mon dos, je refusais de laisser l'œuf dans une situation pareille.

Il y eut par la suite des cris, des hurlements flous alors que le dragon filait entre les arbres, semblant savoir où il allait. Des branches d'arbres me fouettaient le visage, parfois griffaient jusqu'au sang ma peau.

Je fermai les yeux en me protégeant le visage du mieux que je le pouvais de mes bras, avant que je ne sente plus de griffures, et que le vent ne vienne fouetter à son tour ma peau. J'ouvrais péniblement les yeux, et lâchai un cri de stupeur en voyant mon propre reflet dans le miroir de l'océan.

Je volais.

Ou du moins, le dragon s'était mis à voler et me tenait toujours fermement.

Ignorant la douleur qui commençait à m'étouffer la poitrine, j'essayais de me concentrer sur la sensation de l'air fourrageant mes cheveux, de l'air asséchant et rafraîchissant ma peau de la plus belle des manières. J'aurais aimé ne pas avoir ce poids dans ma poitrine pour profiter de cette sensation de liberté.

En tournant la tête, je vis avec plus de détails les écailles bleues nuit qui brillaient sous la lumière rouge du soir, luisantes mais coupantes de toute évidence. En relevant un peu la tête, j'aperçus son corps élancé qui précédait sa tête armée d'une longue paire de cornes d'argent. Sa tête reptilienne était concentrée sur l'île qui s'approchait à une vitesse bien trop rapide pour moi.

C'est alors que j'entendis des cris bestiaux, et je me retournai avec surprise.


La vision de la forêt en flammes me fit pousser un hurlement d'épouvante.


Le souvenir d'une silhouette allongée dans le tapis d'herbe de cette même forêt me frappa violemment.

Jungkook était sûrement encore endormi.

« NOON ! », m'époumonais-je.

J'hurlai longuement d'impuissance, ma terreur de le perdre prenant bien plus d'ampleur que la douleur dans ma poitrine.

Il fallait que je trouve une solution, vite. Et cette solution, je la vis en un des dragons qui volait derrière le dragon de tête.

« TOI ! », hurlai-je au grand dragon bleu ciel qui semblait jeune et vivace.

Il sembla accélérer et vint se rapprocher de moi, pour mon plus grand soulagement :

« Le gardien de la Perle repose dans cette forêt, va le chercher, entoure-toi de qui tu voudras mais il me le faut vivant !, lui ordonnais-je en criant.

- Vous n'êtes pas encore Seigneur, grinça-t-il.

- Si tu attends, il sera mort ! Et alors tu seras responsable de la perte de mon gardien ! », répliquai-je avec plus de venin que je l'aurais voulu dans mes paroles.

Il me fixa quelques instants de ses yeux dorés, me rappelant au passage ceux de Jungkook, puis fit demi-tour en poussant un cri sauvage. En me tordant le cou pour le suivre, je vis qu'une quinzaine de dragons l'avaient suivi.

Il fallait qu'ils le retrouvent, il fallait qu'il reste en vie, à tout prix.

Je n'eus guère le loisir d'imaginer des scénarios dramatiques, puisque le dragon me posa finalement sur la terre ferme avec vigueur. Mon corps roula quelque peu avant que je ne m'arrête, ma poitrine me faisant toujours atrocement mal.

Je peinai à respirer, pourtant mon attention fut vite happé par la lune rouge, immense, qui brûlait le ciel désormais nocturne. Sentant l'urgence envahir mon cœur, je me redressais enfin et repérai mon sac qui était tombé dans ma chute. Le souffle saccadé, j'ignorais ma vision qui se troublait de plus en plus à chaque pas et me baissai pour le récupérer.

Le poids me parut alors beaucoup trop important, malgré le fait que je me sois musclé ces derniers mois.

La lune de feu était en train de m'écraser.

Mais je devais l'affronter, et me relever.

J'ouvris alors avec fébrilité le sac, ma vue se brouillant de plus en plus, et en extirpai l'œuf nacré. Je me retournai ensuite pour découvrir mon environnement et faillis lâcher l'œuf sous le coup de la surprise.

Des dizaines de dragons s'étaient ajoutés à ceux qui m'avaient accompagné, peut-être étaient-ils même ici depuis de longues journées. J'avais du mal à me concentrer sur eux tant ils étaient nombreux, me donnant, si c'était possible, encore plus le tournis.

Je me sentais minuscule, seul au milieu de ces reptiles géants.

Nous étions dans une sorte de cavité rocheuse immense, et je vis qu'en son milieu se tenait une étendue d'eau.

Était-ce donc ça, la source des Perles ?

Je me sentais épié, observé sur toutes les coutures, et je me dis que je devais offrir un spectacle décevant à ces créatures puissantes. Je tentai de me redresser du mieux que je pouvais et accrochais certains regards reptiliens, avant de me placer au bord de la source.

Sois fort Taehyung, je t'aime.

La voix de mon père résonna dans ma tête à son tour, et me donna momentanément le courage de m'adresser aux créatures installées sur la cavité rocheuse immense.

« Je suis Kim Taehyung, fils de Seokjin, Perle de Stäfa et héritier du titre Seigneur Dragon ! », clamai-je en essayant d'ignorer le poids écrasant qui étreignait ma cage thoracique.

Je vis certains dragons se rapprocher, et les plus petits se faufilèrent entre les pattes des plus grands avant de me rejoindre sur le bord de la source.

« Je suis prêt à passer le rituel ! », assurai-je.

Et comme si cette phrase suffisait, la douleur s'atténua et je pus respirer plus calmement.

Le dragon qui m'avait emmené jusqu'ici s'approcha et, avant même que je ne puisse prendre peur, cracha un long filet de feu écarlate dans ma direction, me faisant pousser un hurlement de surprise.

Je vis mes vêtements prendre feu par ces flammes lumineuses qui collaient à mon corps. Si je tentais au début de les chasser de mes mains, je fus vite surpris que je j'étais insensible à leur chaleur, elles ne me procuraient d'une douce sensation de plénitude.

J'étais donc bien l'héritier.

Avoir cette confirmation devant ces centaines d'êtres de légende me procura le soutien nécessaire pour rester seul, nu, l'œuf nacré toujours dans mes mains.

Puisque ma conscience était pétrifiée par la situation, je laissais mon instinct, mon nouvel instinct apparu par la lune rouge, être le seul moteur de mes mouvements.

Je me mis donc dos aux dragons, et ramassais la dague de mon père qui était tombée, elle aussi épargnée par le feu, puis m'avançais vers une petite coupe, faite de métal et de bois, qui flottait sur la source, embrasée par le feu du dragon bleu nuit.

J'y posais l'œuf, me doutant que c'était son réceptacle, et poussait ce nid étrange vers le centre de la source.

C'est alors que la lumière rouge lunaire commença à traverser la cavité, signe que nous devions approcher du milieu de la nuit, et elle frappa le miroir de l'eau, lui diffusant une couleur carmin qui me rappelait avec malaise le sang.

L'étau qu'il y avait dans la poitrine revint instantanément et je me pliais de douleur, suffoquant.

Je vis certains dragons se rapprocher, d'autres s'agiter autour de moi.

Je tombai finalement au sol, une sueur froide coulant sur la peau de mon cou, et rampai vers la source, espérant que sa fraîcheur puisse calmer le brasier qui était en train de me faire étouffer de l'intérieur. Ma respiration était lourde et courte, saccadée, mes muscles faibles, si faibles que je m'agrippais à chaque petit bout de pierre pour m'aider à ramper jusqu'à l'eau.

Je ne voyais plus que cette lune rouge qui crachait son feu autoritaire au dessus de moi, elle se reflétait sur l'eau que je désirais atteindre, elle était au dessus de moi quand je levais la tête, elle était même sournoisement imprégnée dans ma poitrine. Je ne pouvais plus y échapper.

Ma vue se brouilla encore désagréablement, devenant noire par moment ou saccadée, comme si mes yeux avaient trop vu de choses pour ce soir et qu'ils ne pouvaient plus suivre toutes les nouvelles informations qui arrivaient chaque seconde.

C'est alors que je mis ma main sur la dague de mon père, et sa lame me parut alors soudainement fraîche, une fraîcheur trop bienvenue.

Mes gestes précédèrent encore une fois ma conscience, pourtant quand je sentis cette lame enfoncée avec force dans mon corps, je me dis que cette fraîcheur métallique était la seule à pouvoir apaiser enfin ce brasier intérieur.

Ma vision fut alors floutée, et je ne réalisais qu'après un moment qu'il s'agissait de mes propres larmes.

Je l'avais fait.

J'étais si heureux.

Ma vie allait s'achever.

Ma tête roula sur le côté et je vis de nouveau du rouge. Le mien. Le sang de ma blessure coulait doucement mais sûrement le long de la roche jusqu'à entrer en contact avec l'eau de la source.

L'île était d'un silence assourdissant, surtout quand on savait que des centaines d'êtres y étaient.

Je me sentis alors étrangement soulevé, puis déplacé délicatement dans l'eau carmin.

La dague de mon père fut enlevée sans que je ne voie quoique ce soit l'enlever, trop happé par le cercle rouge céleste.

Ce fut l'eau de la source qui remplaça la fraîcheur de la lame, et je me dis dans un état de demi-conscience que cela me faisait du bien. Les flots carmin caressaient mon corps nu, qui commençait à être parcouru de spasmes incontrôlables, et me rafraîchissaient. Alors que je flottais sur la surface de l'eau, je me dis que la mort avait une belle couleur, une couleur carmin, passionnée, qui mettaient en exaltation les personnes osant l'affronter du regard.

Pourtant, je vis aussi une lumière blanche apparaître, autour de mon cou, éclatante et défiant celle, tumultueuse, du ciel.

Toutefois, parmi ces couleurs, une me manquait particulièrement cependant, une couleur noisette. Mes larmes continuaient de ravager mes joues alors que je commençais à divaguer.

J'aurais aimé, peut-être, finalement, qu'il soit à mes côtés à ce moment là, pour qu'on puisse observer la lune de feu en ce moment. Mais peut-être qu'il la regardait aussi, là, tout de suite, peut-être qu'il était avec moi.

Bien sûr qu'il l'était.


A jamais.


J'avais réussi, je ne l'avais pas sacrifié, j'étais prêt à mourir pour renaître.


J'étais prêt à passer l'épreuve suivante.



░░▒▒▓ FIN DE LA PREMIÈRE PARTIE ▓▒▒░░


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