▬ 5 ▬ La maison blanche ▬
« Vous revoilà enfin, Perle de Stäfa. »
Les portes de la salle du trône se refermèrent dans un grincement sinistre qui me fit hérisser le poil. J'étais face au seigneur Oh, seul. Je n'avais à peine eu le temps de remercier et de faire mes adieux à Solar, Hwasa et Taemin que des gardes aux portes de Terebell m'avaient mené à la Tour Blanche.
J'étais attendu.
Enfin, nous étions attendus.
« Pardonnez-moi, devrais-je dire le jeune Seigneur Dragon, fraichement nommé, ou plutôt chaudement nommé, sourit le seigneur Oh en se levant de son trône élégamment.
- Vous revoir me procure un grand plaisir, Seigneur Oh », lui répondis-je en inclinant légèrement ma tête.
Il descendit lentement les marches de son piédestal, en faisant un geste élégant pour demander à ce qu'on nous laisse seuls. Je fis de mon mieux pour masquer ma nervosité à l'idée de me retrouver seul face à lui, la petite dragonne dans ma capuche que je sentais parfois bouger dans mon dos. Ses conseillers et sujets nous jetèrent des regards curieux, beaucoup sur ma personne, mais je n'en fis pas grand cas.
Sehun était comme à son habitude majestueux, son visage n'avait rien perdu de sa beauté. Il portait toujours un maquillage noir autour de ses yeux qui lui donnait un regard particulier, que j'avais trouvé intimidant lors de notre première rencontre. Il était revêtu d'un long kimono noir aux motifs floraux dorés, roses et bleus. Sa chevelure noire avait gagné en longueur, et était parée d'or.
Il descendit la dernière marche au moment où les portes se refermèrent, nous laissant seuls, face à face.
« Vous revoilà enfin », répéta-t-il dans un murmure.
Sa voix résonna étrangement dans la salle, tout comme son regard s'ancra dans le mien bizarrement.
L'atmosphère changea.
Il s'approcha, et je découvris que ses yeux étaient en train de s'humidifier. Était-il vraiment si heureux de me retrouver ? Son corps me parut alors moins élancé, mais plutôt replié sur lui-même alors qu'il s'approchait.
Son souffle me parut également plus lourd, plus rapide.
Que se passait-il ?
Et il chuta à genoux.
« Sehun ! Que vous arrive-t-il ? », m'exclamai-je en m'abaissant à sa hauteur.
Il ne me répondit pas, alors je m'approchai pour relever son visage de mon doigt. J'eus un sursaut quand je vis ses yeux rouges, sa peau devenir pâle, et ses cheveux perdre de leur éclat. Horrifié, je le secouai et l'appelai à nouveau :
« Sehun ?»
Il prit alors ma main libre dans la sienne, qui tremblait et la serra.
Tout s'était enchaîné si vite, je ne comprenais pas comment j'avais pu en arriver là. Il me jetait un regard suppliant et tenta de parler :
« Votre magie... Calmez-la... »
Que voulait-il dire ? J'étais pourtant calme, bien qu'inquiet pour le seigneur Oh.
« Je n'ai fait appel à aucune magie, mon ami, lui assurai-je en posant ma main sur son front brûlant. Êtes-vous malade ? »
Il lâcha un rire qui paraissait amer et ferma les yeux en soufflant longuement.
« Et bien, je suppose que c'est le prix à payer pour avoir la chance de vous revoir. Me voilà à nu devant vous mon ami, expira-t-il. J'espère que vous serez miséricordieux avec la misère qui m'habite et que je me vois contraint de vous mettre en lumière.
- Je ne prends aucun plaisir à vous voir de cette façon. »
Je l'aidai à se relever, sentant la petite bouger dans la capuche en exécutant ce mouvement. J'espérais que cette conversation n'allait pas s'éterniser, ou bien j'allais devoir la faire sortir malgré mon désir de la laisser cachée le plus longtemps possible.
Le seigneur Oh prit appui sur moi, et releva difficilement ses yeux charbonneux dans les miens.
« Ayez pitié de ma vie, Taehyung, gémit-il.
- Reprenez-vous mon ami !, m'exclamai-je mal à l'aise. Vous ne m'inspirez aucune pitié, j'ai toujours eu beaucoup d'admiration envers vous. Tout comme je tiens précieusement à notre amitié et à vous. Il me déplaît de vous voir si faible alors que nous venons enfin de nous retrouver. »
Je me souvenais des paroles de Solar, qui m'avait incité à lui montrer toute ma dévotion envers lui, il fallait absolument que je le rassure, que je lui montre que je le considérais toujours comme le plus puissant de nous deux. Mais comment paraître crédible alors qu'il semblait au bord du malaise dans mes bras suite à ma venue ? Quel genre de pouvoir pourrais-je avoir qui l'affaiblisse de la sorte ? Je n'avais expérimenté ma magie qu'une fois sur l'île, et j'avais voulu attendre d'être seul pour recommencer cette expérience, et commencer à la maîtriser.
Et c'est à ce moment-là que la petite décida de sortir de la capuche, pour descendre au niveau de mes jambes, et regarder le seigneur Oh avec curiosité.
Il ne manquait plus que ça.
Je fis cependant comme si elle n'était pas en bas et me concentrai sur le visage pâle du seigneur Oh, toujours déchiré.
« Sehun, comment puis-je vous porter assistance ? Devrais-je repartir ?
- Non !, s'exclama-t-il directement les yeux rouges écarquillés. J'ai besoin de vous ! »
Je soupirai, nerveux à la constatation simple que je n'avais aucune idée de comment je devais m'y prendre avec lui. Lui qui était si fier, si majestueux, se retrouvait d'un coup à terre et larmoyant face à moi dès que nous nous étions retrouvés seul à seul et qu'il s'était approché de moi.
« Pourquoi ?, soufflai-je en fronçant les sourcils. Vous avez bien plus de pouvoir que moi.
- Cessons les flatteries, Taehyung.
- Il ne s'agit en aucune façon de flatterie !, protestai-je. Vous dirigez une cité, vous avez une armée et des ressources qui vous permettent de faire grandir vos enfants avec sérénité. »
Il secoua la tête en soupirant, et arriva avec du mal à se remettre debout, mais je lui tenais sa taille par précaution.
« Nous parlerons de cela plus tard, mon ami. Dînons ensemble ce soir, pour l'heure j'ai quelque chose à vous montrer.
- Pouvez-vous au moins me dire ce qui vous est arrivé ? Je ne m'attendais pas à être reçu de cette manière.
- Plus tard, Taehyung.
-Non. »
Il allait repartir mais je me montrai ferme. J'en avais plus qu'assez de cachoteries qui me concernaient de près ou de loin, alors que j'en subissais leurs conséquences, en l'occurrence ici j'avais été plus que surpris de le voir dans cet état.
Je me doutais qu'il fallait que j'évite de me montrer autoritaire envers lui, mais je pouvais tourner cette situation à mon avantage.
« J'ai appris que cela faisait trois années que nous ne nous étions pas vu, je me doute que beaucoup de racontars sur ma mort ont dû vous parvenir, peut-être même y avez-vous cru. Mais me revoilà face à vous, bien vivant et désireux de me montrer utile, de vous être utile. Vous m'avez été d'une grande aide quand j'étais faible. J'estime être de mon devoir de connaître ce qui vous tourmente aujourd'hui, ne me laissez pas encore dans l'ombre, Sehun. »
Son état sembla s'améliorer petit à petit, et je ne pus m'empêcher de me demander si mes mots en étaient la cause. Du coin de l'œil, je surveillais aussi la petite qui reniflait les marches près du trône du seigneur Oh, dos à lui.
« Je suis malade. », fut la seule chose qui me dit avant de s'éloigner de moi et de se figer.
Ma mâchoire se crispa, et j'appelai doucement ma dragonne à venir me rejoindre alors que Sehun la regardait avec des yeux écarquillés.
« Vous avez réussi alors !, s'exclama-t-il.
- Je ne me présenterais point devant vous si cela n'avait pas été le cas. »
Il me regarda longuement, ses yeux avaient repris en vivacité et ses cheveux retrouvèrent petit à petit leur éclat d'onyx. Je devais me renseigner sur le genre de maladie qui l'habitait, tout cela me paraissait tout de même très étrange.
« Puis-je m'approcher de lui ?, me demanda-t-il avec des yeux qui brillaient de fascination.
- D'elle, corrigeai-je. Je préfèrerais que vous évitiez, ses réactions envers d'autres êtres sont imprévisibles et je ne vous veux aucun mal. »
Cette excuse n'était qu'un demi-mensonge, mais il sembla s'en accommoder.
« Comme vous voudrez, soupira-t-il. Je ne veux pas vous manquer de respect en m'imposant à elle. »
Je hochai la tête simplement, et caressai de mon doigt la colonne vertébrale de la petite qui avait grimpé sur mon épaule et qui me donnait des petits coups de tête dans le cou.
«Je ne souhaite pas non plus m'imposer à vous alors que vous êtes souffrant, avançai-je. Je ferais de mon mieux pour rester discret avec elle et ne poser nul dommage à Terebell. »
Malgré ses efforts pour m'écouter, je voyais cependant que ces yeux étaient rivés sur la dragonne. Il essaya de se reprendre et força un sourire :
« Merci. »
Sa tête s'inclina longuement, puis il fit demi-tour et m'incita d'un geste de la main de lui emboîter le pas.
« Ne craignez rien pour votre fille, nous allons être seuls. »
Je me montrais cependant prudent et était à l'affut de la moindre présence dans le château. Je ne saurais comment l'expliquer, mais je sentais celle des gardes à l'extérieur de la salle du trône qui montaient la garde derrière chaque porte, je sentais aussi des présences passagères derrière les épais murs, que je devinais être des serviteurs ou des habitants de Terebell. Mais je ne sentais effectivement aucune présence vers où nous étions en train de nous diriger.
Nous passâmes par une porte derrière le trône, parcourûmes un long couloir faiblement éclairé puis descendîmes un long escalier de pierre blanche. Mais je n'avais pas peur, ce qui m'étonna moi-même. Les couloirs devinrent plus court, le plafond plus bas au fur et à mesure que nous descendîmes, puis nous nous arrêtâmes devant une porte ouvragée, d'assez petite taille.
Je sondai le regard du seigneur Oh mais n'y vit que de l'enthousiasme, ce qui ne m'aida pas à comprendre vers où il voulait m'emmener. Je cherchai encore une fois une éventuelle présence mais n'en détectait aucune. Je pensai un moment à une prison mais je me dis que la porte était trop peu surveillée et surtout trop belle pour accueillir des crapuleux, si loin des regards des citoyens.
Sehun souriait toujours, et sortit une clé unique de son kimono, argentée et ouvragée. Je ne pris pas la peine de l'interroger du regard puisqu'il l'inséra dans la serrure immédiatement.
Il se décala pour me laisser entrer, ou plutôt sortir de la bâtisse. Le vent m'avait en effet frappé au visage alors que je venais de faire un premier pas.
Je fus surpris de découvrir un immense jardin escarpé, propre au territoire de Terebell. De longs arbres étaient parsemés sur un tapis d'herbe haute, de buissons aux essences variées et de roche. La lumière du soleil levant donna un air solennel à ce jardin. Je me tournai vers Sehun qui me regardait avec appui, mais son sourire demeurait. Il referma la porte derrière lui et engagea la marche dans ce jardin luxuriant, je repérai de petits animaux qui fuirent à notre approche, et fus étonné de voir tant de vie sauvage dans cette cité juste au pied de la Tour Blanche. Je me demandais ce que me réservait mon hôte imprédictible, qui semblait s'être totalement débarrassé de son mal d'il y a à peine quelques minutes.
La petite s'était comme on dirait endormie dans ma capuche, mais cette fois-ci dans celle à l'extérieur de ma cape, de façon à pouvoir avoir une vue sur le ciel et surtout respirer.
Au fur et à mesure que nous escaladâmes le jardin, ou plutôt le petit bois, je découvris alors ce que je pensai être la fameuse surprise du seigneur Oh.
Une petite villa blanche d'une beauté remarquable se détacha du feuillage des arbres et j'eus du mal à ne pas m'arrêter bouche bée devant cet édifice raffiné qui se mêlait brillamment avec la nature environnante. Elle était mise en scène dans ce bois de manière spectaculaire par un jet d'une cascade qui la jouxtait. Je sentis un lourd regard sur moi et n'eus aucun mal à deviner les yeux charbonneux d'Oh qui voulaient extirper une émotion de ma part.
J'affrontai alors ce regard lourd et y répondit par un sourire appréciateur.
« La beauté de votre cité n'aura de cesse de m'émerveiller, Sehun. »
J'eus plus de mal à contenir ma surprise lorsque je me fis la réflexion que ses joues semblaient s'être légèrement rosies.
Il reprit cependant sa route jusqu'à la villa blanche et sa voix s'éleva :
« Elle n'est accessible que par la porte par laquelle nous sommes passés, vous ne serez donc pas dérangé. Je l'ai fait construire il y a quelques années, je voulais créer un endroit unique entre les murs de ma cité, et je suis heureux de vous la prêter, vous pourrez demeurer ici le temps qu'il vous plaira. »
J'étais suspicieux, qu'attendait-il de moi ? Je refusais de croire qu'il n'y aurait pas de contrepartie de ma part.
« A Tafendël, nous prenons un soin particulier à élever nos enfants dans les meilleures conditions possibles, ils sont pour nous nos plus précieux trésors, continua-t-il. J'espère que vous trouverez ici tout ce que vous souhaitez pour votre enfant d'écailles, loin des regards curieux de mes sujets.
- Est-ce que votre regard s'attardera tout de même sur cette partie de votre cité ?
- Vous êtes difficile à ignorer, Seigneur dragon. »
Cette réponse ne me plut guère, mais pour l'heure je ne pouvais pas faire le difficile. Il s'était rapproché de moi, et sembla regarder avec fascination ma chevelure qui devait s'emmêler avec le vent qui nous fouettait au visage. Il sembla même vouloir attraper une mèche, mais je l'en empêchais en le contournant pour m'avancer vers cette demeure qu'on m'offrait provisoirement.
« Quels desseins se dissimulent derrière cette attention ? », demandai-je tout de même au seigneur.
Il me rejoignit et sembla réfléchir à la meilleure manière de me répondre.
« Dînons ensemble ce soir. »
Cette réponse ne me satisfit toujours pas, alors j'insistai :
« Me présenterez-vous vos motivations à m'accueillir avec autant de diligence ?
- Ne sommes-nous pas amis ? Comment pourrais-je vous laisser dans un misérable endroit ?
- Mon ancienne chambre était tout à fait confortable, protestai-je.
- Votre enfant sera plus en sécurité loin des rues agitées, ici vous n'aurez rien à craindre. »
Je dus prendre sur moi pour ne pas soupirer, j'étais sûr qu'il avait une raison pour me vouloir aussi près de sa Tour.
« J'ai un immense respect pour votre famille comme vous le savez, continua-t-il en se rapprochant et en m'incitant à prendre un autre chemin qui faisait dévier notre trajectoire par rapport à la maison. Et un immense respect pour votre mère qui avait su trouver refuge entre les murs de ma cité. »
Je sentis alors une étrange présence, trop faible pour être concentrée dans un seul corps, mais une présence qui flottait autour de nous, qui filait entre les arbres et dansait avec le vent, une présence qui me caressa les joues tendrement. Je compris avant même de voir la pierre blanche face à la cascade, dressée comme un autel dans laquelle une urne métallique avait été imbriquée.
« Elle aimait beaucoup observer la force de la cascade, je me suis dit qu'elle trouverait un bon repos ici. Elle veillera aussi sur vous. »
Je ne sus quoi répondre, voir son nom gravé sur la pierre me donna l'effet d'une gifle. Trois années d'absence que je ne pourrais jamais combler, une vérité sinistre dressée presque moqueusement devant moi, impuissant.
« Je vais vous laisser, vous aurez sûrement de la visite courant l'après-midi. Je viendrais vous chercher vers les sept heures du soir pour notre dîner. Essayez de vous reposer d'ici là. »
Mes yeux étaient toujours rivés sur l'inscription du nom de ma mère, mais je hochai lourdement la tête en attendant qu'il parte.
Je restai ainsi immobile pendant de longues minutes, jusqu'à ce que la petite bouge dans ma capuche et me tire de mon immobilité. Je sentis ses griffes s'agripper au tissu de façon à s'extirper de la capuche, puis elle grimpa jusqu'à mon épaule. Je lui caressai lentement la tête en regardant toujours la pierre devant moi. La petite poussa un cri étrange et me donna un coup de tête sur ma joue humide.
« Bonjour Mère, soufflai-je au vent en continuant de caresser la petite. Je suis de retour. »
Je m'assis finalement dans l'herbe haute à ses côtés, et observai la chute d'eau bruyante, avant de continuer, comme si nous regardions cette cascade ensemble :
« J'ai réussi Mère, mais je n'ai pas l'impression d'avoir gagné. Comment puis-je continuer sans ta présence ? Je voulais retourner à Stäfa à tes côtés, t'offrir un retour dans notre maison, rentrer chez nous en paix. »
La petite était descendue sur mes jambes allongées sur le sol, tandis que je reniflai en continuant :
« J'aurais voulu que nous partagions un repas au milieu de nulle part, tous les trois, et regarder la petite grandir. »
Une brise assécha mes larmes sur mes joues et je fermai les yeux, imaginant ma mère caresser mes joues. Puis, pris d'une émotion particulière, je déclarai.
« Cette petite sera mon unique enfant, elle crachera du feu et volera portée par le zéphyr jusqu'à temps que ses ailes ne deviennent ouragan.
Je lui donne le nom de Téfyr en ta présence, Mère. Veille-bien sur ce nom et sur cet être aussi bien que sur celui de ton enfant. »
J'ouvris les yeux et fus hypnotisé par la légère brume que formait le jet d'eau éclairé par les rayons du soleil du matin. Je voulus croire en la silhouette fantomatique qui me souriait, alors je continuai à parler :
« Je ferais de mon mieux pour que tu sois fière de moi, je prendrais soin de notre cité quand j'y retournerai. »
Je pris la petite Téfyr dans mes bras, me relevai, et finis les cheveux cendrés toujours au vent :
« Je ferai payer chaque personne ayant causé du tord à notre famille, Mère. »
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Le seigneur Oh ne s'était pas moqué de moi en m'attribuant cette petite maison isolée, chaque pièce était aménagée avec beaucoup de goût, mais je fus cependant étonné d'y trouver également un aspect chaleureux qui ne correspondait absolument pas à la vision que j'avais de Sehun. J'y trouvais des boules lumineuses de petite taille par dizaines qui éclairaient les pièces d'une lumière rose orangée très douce.
Je m'attardais surtout auprès de la chambre, qui contenait un lit à baldaquin sur lequel des plantes grimpantes filaient avec harmonie. Je pouvais voir à la fois la cascade d'un côté et d'un autre j'avais une vue à couper le souffle sur le petit bois que nous avions traversé et que je surplombais maintenant. L'endroit était lumineux et je fus soulagé que les fenêtres de ma chambre ne donnent pas sur la Tour Blanche, sinon j'aurais eu une impression malsaine d'être espionné pendant mon sommeil.
La salle de bain quant à elle avait l'avantage d'être relié à un petit espace extérieur avec un bassin qui retenait une partie de l'eau de la cascade avant de s'écouler dans un petit parcours élégant. Je voulus pouffer de rire, me demandant à quel moment ils avaient pu prendre cette décision dans la conception de cette maison.
Je pris un soin particulier de regarder méticuleusement chaque recoin de la maison, à la recherche de pierres de vision mais je me rendis compte que seuls les miroirs pouvaient être des miroirs de vision, pourtant je ne sentis aucune magie venant d'eux, aucune énergie.
Pourquoi le seigneur Oh m'accorderait-il une telle confiance ?
Par précaution, je décidai toutefois de les couvrir de couvertures trouvées dans le salon, et laissai seulement un petit miroir près de la cuisine.
J'avais du mal à me sentir à l'aise dans cette maison bien que je n'y sentais que de la bienveillance. J'hésitai alors à plusieurs fois avant de prendre un bain pour me décrasser du long voyage en mer, et j'hésitai encore plus à mettre les vêtements qui semblaient être pourtant à mon attention depuis quelques temps dans le placard de ma chambre. Le haut me parut un peu lâche, ce qui me paraissait compréhensible puisque j'avais sûrement perdu pas mal de poids depuis la dernière fois que nous nous étions vus. Mais je m'interrogeais encore sur le moment où le seigneur Oh avait prévu tout ceci. Comment avait-il pu savoir que je reviendrais vers lui à la fin ? Je lui avais bien sûr promis de revenir le voir, mais pourquoi aurait-il construit cette magnifique demeure ? Est-ce que sa bienveillance était liée d'une quelconque manière au mal qui semble le rendre si faible de façon brutale ?
Toutes ces incertitudes ne me quittèrent pas avant que je ne m'assoupisse sur le lit épais de ma chambre, Téfyr somnolant aussi à mes côtés. J'attendais le dîner avec impatience pour obtenir des réponses.
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Ce fut lorsque le soleil fut haut dans le ciel que je me réveillai, cette fois-ci la petite était toujours près de moi mais était éveillée. Je papillonnais plusieurs fois les yeux avant de comprendre ce qu'elle était en train de faire. Elle prit son élan et fit battre ses ailes pour s'envoler et je la vis parcourir le dessus du lit à baldaquin, mais elle ne volait qu'une poignée de secondes avant de se laisser retomber sur le matelas. Elle retenta une fois, deux fois, trois fois sans qu'il n'y ait beaucoup d'amélioration.
« Hey », l'appelai-je en chuchotant.
Je la vis sursauter et se précipiter vers moi pour grimper sur mon torse. Ses petites griffes me chatouillant, je gloussai en lui caressant sa colonne vertébrale, j'avais remarqué qu'elle n'aimait pas que je lui touche ses ailes ou son poitrail.
« Tu veux t'entraîner ?, murmurai-je en baillant à moitié. Je vais t'aider ma belle Téfyr. »
Elle s'allongea sur ma poitrine et m'observa de ses yeux bleus avec insistance. Je me rappelai alors :
« Je vais regarder ce que nous avons à manger, sinon peut –être que nous trouverons des beaux poissons. »
A l'entente de ce dernier mot je vis ces pupilles se dilater et elle poussa un petit cri en faisant battre ses ailes.
« Tu veux du poisson pas vrai ?, gloussai-je. Alors allons-y ! »
Je m'étirai et m'habillais plus convenablement avant de tresser avec soin mes cheveux, comme Hwasa me l'avait appris, pour ne pas être dérangé. Je vis que la cuisine comportait déjà de la viande séchée, quelques fruits, des céréales et un bon nombre d'épices mais je me dis qu'il valait mieux pêcher pour la petite.
Quelques instants après, j'étais donc en train de descendre avec beaucoup de précaution la roche qui menait à un petit cours d'eau au pied de la cascade, espérant trouver des poissons pris au piège. Je faillis glisser plusieurs fois à cause de la pierre mouillée mais tint bon. Après tout, quel mauvais père je ferais si je n'arrivais pas à nourrir ma fille en pleine croissance !
Vers la fin, je décidai finalement de plonger dans le bassin profond, et fus satisfait de découvrir ce pour quoi j'étais venu. Il me restait à savoir comment les attraper. La dernière fois, j'avais libéré une sorte d'énergie de mon corps qui avait fait mourir les animaux marins m'entourant, mais je m'étais également évanoui, épuisé. Comment pouvais-je faire cette fois-ci ?
Je nageais avec une facilité qui me déconcertait encore, j'étais ravi de mes nouvelles capacités qui me rendaient certaines tâches bien plus simples. Ainsi, je découvris que j'étais rapide dans l'eau malgré le poids de mes vêtements, si rapide que j'attrapai un poisson un peu gras qui eut du mal à m'échapper. Je rejoignis la surface avec mon butin et avalai une longue goulée d'air avant de rejoindre la rive où Téfyr plongeait sa gueule dans l'eau dans l'espoir d'attraper quelque chose. Elle poussa évidemment un petit cri de satisfaction en me voyant avec cette chair fraîche que je déposais près d'elle. Elle ne perdit pas de temps et mordit avec ses toutes petites dents la peau d'écailles et l'arracha animalement avant de pincer la chair pour s'en nourrir.
Je souris tendrement avant de replonger pour me trouver également de quoi me nourrir et faire quelques provisions pour le soir pour la petite, même si nous devions dîner je préférais lui donner une nourriture que j'aurais choisie, en attendant qu'elle soit en capacité de choisir par elle-même sa nourriture
Nous remontâmes à la maison vers cinq heures de l'après-midi, et je fus surpris de sentir une présence familière, mais bien humaine cette fois-ci. Je me méfiais et pris mon temps avant de me montrer complètement, mais mes craintes disparurent quand je vis son visage de profil, face à la pierre blanche de ma mère.
Il releva lentement vers moi et ses yeux s'écarquillèrent quand il me vit, et je pensai brièvement que le mien devait être similaire. Nous nous observâmes quelques instants, et je vis que son front et le soin de ses yeux étaient striés de légères rides qui renforçaient l'aura sage qui le définissait. Les quelques cheveux gris qu'il avait il y a trois ans s'étaient multipliés. Quand il me sourit, je remarquai qu'il n'avait cependant pas perdu ses fossettes qui cassaient cette figure sérieuse vers quelque chose de bien plus chaleureux, de presque paternel.
« Oncle Namjoon... », soufflai-je médusé par cette apparition.
Je le vis avaler sa salive plusieurs fois, et cligner plusieurs fois des yeux comme s'il ne croyait pas que j'étais réel.
« Taehyung ? », m'appela-t-il avec hésitation en fronçant les sourcils.
Je hochai la tête à répétition, nerveusement, alors qu'une boule d'émotion se formait dans ma gorge.
Nous nous approchâmes l'un de l'autre, avant que je ne brise cette distance en courant dans ses bras pour m'y réfugier. Il me réceptionna avec chaleur, et caressa mes cheveux avec une tendresse qui me fendit le cœur.
« Je ne voulais pas le croire, murmura Namjoon. Je savais que tu étais encore en vie et que je te reverrais, mon garçon.
- Je suis désolé. »
J'éclatai finalement en sanglots dans ses bras et répétai mes excuses, comme si le faire allait me soulager du poids de ma culpabilité d'être parti. Il me tapota le dos doucement en me berçant et en me laissant gentiment me calmer.
« Tout va bien Taehyung, c'est fini. Tu es avec moi maintenant, d'accord ?
Je ne te laisserais pas tomber. »
Je le serrai dans mes bras un peu plus fort, car je savais qu'aucun mot ne saurait exprimer à quel point je lui étais reconnaissant d'être ici, avec moi, en ces temps si incertains.
« Qu'est-ce que tu es devenu beau Taehyung, ton père se pavanerait de fierté devant un tel visage, chuchota-t-il avant de glousser dans l'espoir d'alléger l'atmosphère.
- J'espère qu'il serait fier de moi pour autre chose que mon visage, reniflai-je tout de même.
- Je n'en doute pas mon garçon, ta mère était déjà très fière de ton parcours jusqu'à elle et de l'avancée de ta quête. Et moi je suis fier de te voir ainsi, après ta réussite. Je n'aurais sûrement pas réussi toutes les épreuves que tu as endurées, et je doute être le seul. »
Il se recula pour m'embrasser le front et me dit :
« Je serai toujours fier de toi, Taehyung. »
Il m'ébouriffa ensuite les cheveux avant de sourire en coin et de finir :
« Mais c'est tout de même une bonne chose que tu aies grandi. »
Je gloussai à mon tour et me détachai de lui, et je me tournai vers la petite qui nous regardait avec curiosité. Je vis mon oncle frissonner à sa vue.
« Allez-vous bien ? »
Il hocha la tête et m'offris un sourire crispé.
« Pardonne-moi mon neveu, le dernier que j'ai croisé était loin d'être amical. Je ne veux pas offenser ton petit.
-Ma petite », corrigeai-je avec un sourire attendri en tendant mon avant-bras pour qu'elle s'y accroche.
Oncle Namjoon hésita avant de la regarder avec plus d'appui, et je le vis réfléchir dans sa tête avant qu'il ne me déclare :
« Elle est... Mignonne. »
J'éclatai de rire.
« Elle l'est !
- Ne te moque pas de moi cher neveu.
- Je ne l'oserais pas ! »
Il laissa finalement un petit rire s'échapper de ses lèvres et il m'ébouriffa encore les cheveux.
« C'est bon de te revoir. »
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Le seigneur Oh se présenta à l'heure prévue pour venir me chercher dîner. Oncle Namjoon était resté peu de temps, mais m'avait fait jurer de venir le voir après mon dîner dans ses appartements. Il ne m'avait rien indiqué de plus, mais je lui faisais confiance.
Bien plus confiance qu'au Seigneur Oh.
Ce soir, celui-ci s'était vêtu d'un tissu de voile bleu nuit brodé de violet et de perles par-dessus une chemise blanche qui lui donnait un air bien plus négligé que lorsqu'il portait son kimono, avec un pantalon fluide bleu nuit. Sa chevelure noire était parée d'argent, tandis que son maquillage noir autour des yeux paraissait s'être adouci. Je serais de mauvaise foi si je niais la beauté de cet homme.
« Mon cœur espère que vous avez su trouver le repos et du réconfort dans cet endroit, me dit-il alors que nous étions en train de regagner la Tour Blanche, la petite sur mon épaule, à moitié cachée par ma chevelure cette fois-ci détachée et démêlée proprement.
- Le mien espère que vous m'expliquiez ce soir ce qui me vaut une telle générosité. »
Sa mine joyeuse sembla s'assombrir brusquement, et je m'en voulus presque de lui avoir répondu de cette façon, alors je me rattrapai pour ne pas manquer purement de politesse :
« Je m'y sens très bien, Sehun. Je vous remercie, j'ai pu voir que vous y avez mis du cœur et cela ne peut que m'envelopper de bien-être. »
Il ralentit jusqu'à s'arrêter pour me regarder et me sourire avec une sincérité qui me chamboula.
« Je suis très heureux que vous vous y sentiez bien. Vraiment très heureux. »
Il ne se départit pas de son sourire jusqu'à ce que nous arrivions dans une petite pièce qui donnait sur un grand balcon, où était dressée une table avec deux chaises. Des plats fumants étaient déjà servis, et le seigneur Oh m'invita d'un geste de la main à m'asseoir où je le désirai. Je le remerciai intérieurement d'avoir commandé de n'être suivi par aucun garde, car l'idée que ma petite soit vue ne me plaisait guère.
Des petites boules lumineuses flottaient autour de nous avec grâce, donnant un aspect spectaculaire à la tablée pourtant sobre. Sehun avait enlevé sa veste de voile sur le dossier de sa chaise, ce qui m'étonna. Il semblait faire des efforts pour quitter sa carapace seigneuriale en ma compagnie. Il m'observa silencieusement alors qu'il remplit mon verre d'eau. Son teint paraissait un peu plus pâle que tout à l'heure, alors je l'interrogeai :
« Je ne peux pas m'empêcher de repenser à ce matin. Vous portez-vous bien Sehun ? »
Je vis sa mâchoire se crisper légèrement mais il se reprit et se redressa pour me répondre :
« Je pensais que vous alliez m'épargner pour ce soir, Taehyung, mais je ne veux pas vous frustrer d'un silence de ma part qui vous encombrerait plus tard l'esprit. »
Il prit le temps de boire une gorgée d'eau avant de continuer :
« Comme je vous l'ai dit, je suis malade. »
J'attendis patiemment qu'il développe alors même qu'il m'avait invité d'un geste de la main à entamer mon repas chaud. Il découpa un morceau de viande et la porta à sa bouge lentement, mastiqua de manière crispé alors que je continuais de le regarder avec insistance.
« La magie me rend malade, précisa-t-il sombrement après avoir avalée sa bouchée.
- Comment ?, demandai-je curieusement. Vous ne vous êtes pas senti bien soudainement alors que je n'avais pas usé de magie.
- Pas vous effectivement, confirma-t-il doucement avant de dévier son regard. Mais vous n'étiez pas tout seul si je ne m'abuse. »
La petite ? Était-ce possible si jeune ?
« Je me permets de vous demander pardon pour elle, Téfyr est encore jeune et ne maîtrise pas sa force. Je n'avais moi-même pas remarqué qu'elle avait utilisé sa magie.
- Téfyr, répéta-t-il en souriant et en me regardant de nouveau. Voici donc le nom que vous lui avez donné. »
J'acquiesçai avant d'entamer à mon tour le repas, en réfléchissant à ce que venait de me révéler le seigneur de Terebell. Est-ce que la petite s'était sentie en danger pour l'affaiblir ainsi ? Ou était-ce une réaction parce qu'elle avait été trop longtemps dans ma capuche et qu'elle avait concentré son agacement en attaque ? Je n'arrivais pas à comprendre ce qui s'était passé mais je comprenais mieux pourquoi il m'avait demandé de calmer ma magie. Nous continuâmes un instant de manger dans un silence que je voulais briser en lui posant beaucoup trop de questions.
Son interdiction d'exercer de la magie venait-elle de cette maladie ? Comment pouvais-je revoir Solar, Hwasa et Taemin ? Comment ma mère était-elle morte ? Avait-il été auprès d'elle lors de ses derniers instants ? Avaient-ils eu l'occasion de parler ensemble de ma quête ?
Savait-il où était Jungkook ?
Je m'étonnai de ne pas l'avoir questionné à son sujet plus tôt, il devait avoir eu connaissance de sa venue.
« Vous savez Taehyung, j'ai souvent dîné seul, déclara soudainement Sehun et brisant le fil de mes réflexions. Je m'attendais à plus de conversation venant de quelqu'un que je n'ai pas vu depuis plusieurs années, et qui semble avoir vécu des événements pour le moins hors du commun. »
Cette réflexion m'étonna, je pensais qu'il était en permanence entouré de sujets spectateurs de sa personne parfois si exubérante.
« Ce silence ne révèle point un ennui d'être à vos côtés, Sehun. J'ai au contraire la tête bien trop remplie de questionnements pour qu'un discours mesuré ne sorte de mes lèvres.
- Devrais-je dans ce cas les guider ?, me demanda-t-il d'un ton plus rauque qui me mit mal à l'aise.
- Vous pouvez », soufflai-je avant de boire une gorgée d'eau bienvenue.
J'étais d'autant plus gêné que lorsque je le vis se pourlécher discrètement, renforçant le double sens de cette conversation, mais je fis de mon mieux pour ne rien laisser paraître. Il se racla doucement la gorge avant de répondre :
« Dans ce cas, peut-être pourrions-nous répondre sincèrement trois questions de l'un et l'autre à tour de l'autre, et si ce petit jeu vous plaît nous pourrions le renouveler lors d'un prochain dîner.
- J'y jouerais volontiers.
- Bien ! Je vous laisse commencer, me sourit-il avant de croquer dans un grain de raisin. »
Je n'étais pas sûr d'être en position de force en commençant, alors je pris bien le temps de choisir ma question. Il ne fallait pas que je lui montre que ma première envie était de partir le plus tôt possible pour continuer ma quête vers Stäfa. Mais je ne devais pas me montrer trop mielleux ou il me trouverait trop suspect.
« Ma première question concernera la nuit de la Lune Rouge. Comment Terebell et vous-même en avez été affectés ? »
Il passa son long doigt sur sa lèvre inférieur alors qu'il se remémorait de ce moment.
« Et bien Taehyung, c'est une question large, il y a eu des conséquences directes et d'autres qui sont apparues au fur et à mesure que les mois se sont écoulés.
Cette nuit là, nous avons été attaqués par deux dragons de belle taille qui cherchaient sans doute de la nature, mais ils ne se sont heureusement pas attardés donc nous avons eu peu de dégâts par rapport à ce que nous aurions pu avoir. J'ai été pour ma part brûlé sévèrement alors que je voulais mettre à l'abri les enfants de la cour avec qui j'avais passé la soirée à leur montrer la lune rouge au télescope, mais j'ai été pris en charge rapidement grâce à nos guérisseurs.
En ce qui concerne les conséquences qui se sont révélées après, elles sont bien trop nombreuses et complexes pour être énoncées à un dîner de retrouvailles. »
Je fus mitigé par sa réponse, alors je hochai simplement la tête, en attendant qu'il me pose sa question, qui ne mit pas beaucoup de temps à sortir :
« Quelles épreuves avaient vous traversées une fois... Là-bas ? »
Je me doutais qu'il allait me poser la question, et qu'il n'allait pas être le seul à la poser. Comme personne n'avait encore vraiment entendu de version entière de cette épreuve, je décidai d'en construire une qui reprenait certains éléments de la réalité, ou du moins de ce que je me souvenais de la réalité.
« Il faut que vous compreniez que mes souvenirs sont assez flous de cette nuit là, ils forment une sorte de présence vive dans mon cœur mais dont les détails m'échappent, j'étais enivré par la lune cette nuit-là, sans que je ne comprenne comment et pourquoi.
Je me rappelle des centaines de dragons qui étaient là, dans ce cratère, à me regarder solennellement avant de me cracher leurs flammes rouges. Je me souviens m'être enfoncé un poignard dans le cœur, je me souviens de mon sang couler sur la roche, et inonder l'eau de carmin.
Puis je me souviens avoir perdu connaissance, et je me suis réveillé si j'ai bien compris trois années plus tard, avec la petite qui dormait contre ma cuisse. »
Je n'avais pas voulu révéler ma vision, qui n'appartenait qu'à moi. J'hésitai même à en parler à Jungkook, si toutefois je le revoyais un jour. Je savais que parler de lui n'était peut-être pas raisonnable, mais c'était sans doute la personne que mon âme réclamait le plus.
Sehun semblait sous le choc face à moi, j'avais presque oublié ce que je venais de lui révéler, et compris.
« Vous vous êtes poignardé... Taehyung ? Poignardé ? », hoqueta-t-il d'horreur en se levant brusquement pour venir à ma hauteur.
Je me levai à mon tour, laissant la petite gagner de nouveau mon épaule, et hochai la tête sombrement. Ce souvenir ne m'était guère agréable.
« C-Comment avez-vous pu faire ça ? », demanda-t-il d'une voix tremblante qui m'étonna.
Il s'approcha encore, et sembla vouloir chercher sur mon torse une quelconque marque de blessure mais la présence de Téfyr sembla l'en dissuader.
« Il me semblait que c'était à mon tour de poser une question », murmurai-je à son attention.
Il sembla torturé, et s'éloigna difficilement pour se rasseoir.
« Vous avez raison, mais comprenez-moi Taehyung, mon cher Taehyung. Comment pouvez-vous me faire endurer une telle vision de vous-même ? »
Il secoua la tête avant de se prendre la tête dans ses mains, tourmenté.
« Je n'ai répondu qu'honnêtement à votre question mon ami, comme vous me l'aviez demandé et je suis navré de vous imposer cette vision, mais ne serais-je pas plus cruel de vous créer une illusion sur ce qui s'est passé là-bas ? »
Je crus l'entendre renifler, ce qui me fit écarquiller les yeux. Je vins à ses côtés, et lui prit par réflexe sa main sur la table qui tremblait.
« Je croyais être prêt à entendre ce qui vous étiez arrivé mais je me suis visiblement voilé la face. Vous êtes si jeune Taehyung... Je ne comprends pas pourquoi vous en êtes arrivé à vous enfoncer un poignard dans le corps pour mettre fin à vos jours. »
Tenait-il tant que cela à moi ? Pensait-il que j'allais vraiment sacrifier quelqu'un d'autre à ma place ? Je ne savais pas ce qui me choquait le plus entre le fait de le voir ainsi nu face à moi ou le fait que je ne percevais que de la sincérité dans sa voix. Ne sachant comment le réconforter, je serrai un peu plus fort sa main dans la mienne et lui frottai doucement le dos.
Il se calma après quelques instants pendant lesquels je ne lui avais fourni aucune réponse, mais je gardai ma main dans la sienne quand je lui fis ma seconde demande :
« Vous n'êtes pas sans savoir que je ne peu compter que sur une poignée de personnes Sehun, et je peux aisément dire que l'une des premières était mon gardien, Jungkook. Ma seconde question se tournera donc vers lui, puisque j'ai entendu dire pendant mon voyage de retour qu'il avait à son tour trouvé refuge dans vos terres. J'aimerais savoir s'il va bien et comment puis-je le retrouver ? Je lui dois tellement, mon cœur brûle d'impatience de le revoir. »
Je m'étais à moitié assis sur la petite table en continuant de lui tenir la main, et observai avec attention sa réaction. Si son cœur avait semblé avoir raté un battement, il n'en montra rien lorsqu'il me répondit :
« Il est effectivement revenu à Terebell avec Taemin si mes souvenirs sont exacts, mais il ne se faisait pas appeler de cette façon. Quand je l'ai vu, je l'ai évidemment reconnu, et si au début j'avais eu des doutes, ils se sont bien estompés quand j'ai vu l'animosité dans les yeux de mon garde personnel, Siwon, à son égard. »
J'essayais de ne pas me montrer trop gêné face à ce rappel sanglant, et écoutai attentivement ce qu'il avait à me dire.
« Comme je savais qu'il vous était attaché, j'ai fait en sorte de lui trouver une bonne situation, je l'ai éduqué pour qu'il puisse gouverner convenablement et qu'il vous serve plus tard de conseiller privilégié, vous en aurez besoin. Au début, ce n'était pas facile, il était du genre borné et colérique et fuyait ma personne, j'ai dû redoubler de patience à son égard. »
Je retins un rire nerveux, ce portait semblait bien lui convenir tant je l'imaginais mal gouverner, mais mon cœur battit plus vite en ayant bien la confirmation qu'il se portait relativement bien, que la personne en face de moi l'avait bien vu quand moi je ne pouvais veiller sur lui.
« Aujourd'hui il est un de mes précieux alliés, il est à la tête du territoire de Lavalon et est fiancé à une ravissante jeune femme. Je pense que vous pourrez le voir bientôt, je l'attends pour un projet que nous avons en commun. »
J'étais sûr d'avoir entendu mon cœur se briser.
Jungkook fiancé ?
Jungkook allait se marier ?
Je ne devais pas être si atterré, comme il me l'avait dit je l'avais abandonné.
Je ne le méritais pas de toute manière, lui méritait de vivre une vie remplie de joie quotidienne.
« Taehyung ? »
J'étais dorénavant un seigneur dragon, et comme me l'avait dit si brutalement Jimin ma seule compagne serait la solitude.
Et Téfyr.
« Taehyung ? »
Une pression sur ma main me tira de mes pensées noires et je dus prendre sur moi pour lui sourire :
« Excusez-moi, je me suis égaré quelques instants. Que m'aviez-vous demandé ? »
Cette fois-ci, il n'hésita pas pour passer une main sur ma joue, qui était visiblement humide, et je crus mourir de honte à me montrer ainsi devant lui. Je n'aurais jamais dû lui poser cette question alors que je n'étais pas encore prêt à savoir ce qu'il était devenu.
« Vous lui êtes très précieux Taehyung n'en doutez pas, il vous en veut mais il vous pardonnera. »
Il écarta une mèche de mes cheveux et je me laissais faire, me sentant soudainement apaisé par ses mots, comme si j'avais besoin de les entendre.
« De toute manière, il serait fou de rejeter une personne telle que vous. », souffla-t-il les yeux dans le vague alors qu'il observait la mèche de mes cheveux qui était encore entre ses doigts.
Le malaise me reprenant, je m'écartai doucement de lui et me dirigeait vers le balcon pour prendre un bon bol d'air.
« Nous pouvons écourter ce jeu pour ce soir, mon ami. »
Je ne l'écoutai que d'une oreille alors que j'observai la cité qui se déployait en contrebas, baigné des centaines de petites lumières bleutées. La cité semblait s'endormir petit à petit, alors je repérai aisément les personnes encore debout à cette heure.
Notamment une silhouette parée d'orange qui m'attira et me fit pendant un instant oublier le visage de mon gardien.
Je dus m'agripper au balcon quand je reconnus la silhouette de mon oncle à côté de cette silhouette, à lui parler. Quelqu'un que je ne pensais jamais revoir.
Que faisait Hoseok à Terebell ?
░▒▓▒░
Nous avons atteint les 10K d'étoiles, merci beaucoup !!!
Comme promis, ce chapitre est plus long que le précédant, j'espère qu'il vous a plu !
J'espère aussi avoir corrigé la grande majorité de mes fautes de frappe/mots oubliés, j'avoue ne pas avoir écrit à des heures... décentes :')
J'ai lu vos commentaires de mon dernier chapite,je n'ai pas encore eu le temps d'y répondre à la plupart, mais sachez que je les lis bien tous ^^ !
J'espère que vos vacances se passent bien !
Prenez soin de vous,
- Celebriel -
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