▬ 31 ▬ Au pas de course ▬▬▬
Que venait-il de se passer ?
L'ombre s'était écrasée au sol, faisant trembler la terre jusqu'à agiter l'eau dans laquelle je me baignais toujours, le tout dans un rugissement qui me glaça le sang. Comment cela était-il possible ?
Je scrutais les environs, sans ne jamais percevoir de vie humaine mis à part mes compagnons.
Interloqué mais voulant profiter de ce moment de répit, je regagnai la berge à toute allure, tenant contre moi mon protégé, et allai courir vers les vêtements que j'avais laissés pour m'emparer de ma dague. Pour être honnête, je me sentais ridicule à moitié nu mais armé, mais je vis que mes camarades n'étaient pas en meilleur posture que moi.
« Nous ferions mieux de repartir au plus vite ! », cria Hoseok qui semblait choqué.
Ses acolytes étaient déjà en train de se rediriger vers leurs oliphants et s'élevèrent à la manière d'Hoseok pour rejoindre l'encolure des pachydermes. Siwon, Henry et Shin Dong se précipitèrent sur l'échelle alors que j'enfilai avec empressement mes vêtements malgré mon corps mouillé.
Alors que j'allais à mon tour agripper les lattes de l'échelle, un grondement surgit, terrible et menaçant.
L'ombre venait de se relever.
Tout se passa ensuite très vite.
Je vis une queue noire frapper le sol avec violence, projetant un mélange de terre et de fine roche dans notre direction. Les oliphants réagirent violemment à cette attaque et semblèrent prêts à charger en direction du reptile mais les dresseurs l'en empêchèrent. L'alpha était le plus excité, et je n'eus même pas le temps de poser ma main sur la latte de bois que la bête commença à se balancer violemment, me poussant à reculer pour éviter de me faire piétiner.
« Taehyung... Aide-moi... »
Parmi tout ce tumulte, je croisai le regard du louveteau au même moment que j'entendis cette voix familière.
Et enfin, je compris.
Jungkook m'avait pourtant prévenu qu'il fallait que j'apprenne à le comprendre pour pouvoir communiquer avec lui. Toutes les fois où cette voix s'était adressée à moi, c'était lui. Ce n'était pas la voix imaginée de mon père, ce n'était pas mon esprit qui s'inclinait vers la folie. Non, c'était bien lui.
« Vite, écartons-nous », continua le petit.
Je me ressaisis et le prit précipitamment dans mes bras avant de courir à toute allure en dehors de la zone de danger des oliphants.
« Taehyung, par ici ! », me clama un des autres dresseurs.
Son oliphant semblait être le plus calme, alors que l'alpha était bien énervé contre le dragon, qui tournait et retournait la terre. Je me demandais pourquoi il n'attaquait pas. C'est alors que quelque chose de rugueux m'entoura la taille, et me souleva comme si je ne pesais rien.
Je lâchai un petit cri en ne sentant plus le contact de mes pieds sur le sol et en visualisant mon corps en train de quitter la terre ferme je compris que c'était l'oliphant qui était en train de nous soulever de sa trompe comme il l'avait fait avec Hoseok.
« Accroche-toi à moi ! », me demanda le dresseur répondant au nom de Tao si mes souvenirs étaient exacts.
Tout comme lors de notre dernier voyage, le louveteau tremblait toujours contre la poitrine, mais cette fois-ci j'eus plus de mal à le calmer, n'étant pas du tout à l'aise assis dans cette position, juste derrière la naissance des oreilles de l'oliphant et de Tao. Je fus cependant agréablement surpris de la douceur avec laquelle l'oliphant m'avait posé sur sa tête.
« En route ! », cria Hoseok plus loin avant de laisser échapper le son de son sifflet de bois.
Tao ne discuta pas ses ordres et se pencha vers l'oreille de l'éléphant avant que celui se mette en marche, mais à un rythme bien plus précipité qu'auparavant, si bien que je me cramponnais comme je le pouvais à la taille du dresseur.
« Tao, prends la tête ! »
Il ne se le fit pas répéter et sortit à son tour un sifflet avant de souffler dedans, faisant encore accélérer le pas de l'oliphant qui commençait à courir, me coupant le souffle.
Je dus me concentrer pour ne pas laisser mon vertige faiblir ma prise sur le louveteau, mais je ne pouvais ignorer cette sensation fougueuse du mouvement de l'animal, qui parfois me faisait me décoller de la tête, si bien que je me cramponnais à ce dresseur comme si ma vie en dépendait.
A dire vrai, cette comparaison pourrait être prise au premier degré.
Le paysage défilait par à coups, à l'instar des mouvements que faisait mon estomac sous le galop du pachyderme. Cependant je pus remarquer que nous prîmes avec une certaine facilité la tête du groupe comme l'avait demandé Hoseok.
Petit à petit, je réussis à discerner ainsi le paysage sans que ma vue ne soit trop troublée, mais je voyais avec soulagement l'aura menaçante du reptile s'éloigner. Toutefois, je ne comprenais toujours pas pourquoi il ne s'était pas réenvolé et qu'il s'agitait par terre étrangement.
Nous progressâmes ainsi pendant une dizaine de minutes, avant qu'un coup de sifflet derrière nous nous poussâmes à ralentir, puis à nous arrêter.
Je pris alors une respiration plus normale, n'étant plus obligé de me concentrer pour rester accroché à la taille du dresseur.
« Tao, demande à ton oli' d'emmener Taehyung et son animal sur le dos de l'alpha, nous sommes suffisamment loin pour faire le transfert sans être dérangés ! », cria le roux qui montait toujours l'alpha.
Il acquiesçait et je me figeai, appréhendant le moment où j'allais me retrouver de nouveau dans les airs avec cette sensation de vide qui saccageait mes sens. Cependant, je ne protestai pas lorsque la trompe du pachyderme m'enserra encore fermement la taille avant de me soulever doucement de sa tête pour me poser sur le sommet de la tête de l'alpha qui me regarda d'une manière impassible pendant l'échange. Ce regard animal me provoqua un sentiment étrange, je n'arrivais pas à savoir ce qui se passait dans l'esprit de cet être monumental et fougueux.
Hoseok me réceptionna alors qu'il se tenait debout, et m'enserra fermement la taille pour ne pas que je perde l'équilibre.
« Ca va aller, ne regardez pas en bas, m'encouragea-t-il. Nous allons rejoindre la cabane, regardez l'ouverture. »
Je hochai de la tête en déglutissant, alors que le louveteau me donnait des petits coups sur ma poitrine de sa truffe humide. Petit à petit, j'avançai un pied sur la peau de l'oliphant, laissant le vent fourrager dans mes cheveux et coller mes vêtements humides à ma peau. A chaque inspiration, j'avançais mon pied, et soufflais entre chaque pas, essayant de calmer mon cœur qui s'affolait.
« Vous vous débrouillez très bien », me souffla Hoseok contre ma nuque.
J'appréciais ses encouragements, alors qu'une légère confiance en moi commençait à germer.
Oui, je pouvais le faire.
La distance se réduisait lentement mais sûrement, et quand l'ouverture fut à portée de main, je me penchai pour l'agripper en soufflant lourdement. J'avais réussi.
Hoseok resta derrière moi jusqu'à temps que je finisse de passer par l'ouverture qui menait à mon duvet, et je le remerciai pour sa bienveillance, alors qu'il repartait bien plus rapidement à la tête de l'animal.
Les dresseurs étaient vraiment impressionnants.
Finalement, nous partîmes sans encombre, mais à un rythme bien plus soutenu qu'au début de notre voyage. Je vis que mes camarades parlaient entre eux, et en les écoutant je vis qu'Henry avait trouvé une sorte de plaque couleur onyx brillante près des rives pendant le tumulte avec le dragon, qu'il disait vouloir mettre dans son bureau quand il serait rentré chez lui. Pourquoi pas. Hoseok me rejoignit une demi-heure plus tard, alors que j'étais en train de regarder les plaines qui filaient sur tout l'horizon.
Un champ de fleurs bleues avait retenu mon attention. Décidément, je le voyais partout.
« Comment allez-vous ?, me demanda Hoseok me surprenant.
- Je suis bien installé, ce serait plutôt à moi de vous poser cette question.
- Nous sommes habitués, pouffa Hoseok. Je me rappelle qu'une fois notre entraîneur nous avait demandé de rester un mois dessus. »
J'imaginais alors la chose, et pensais à tous les désagréments que cela pouvait engendrer avec une grimace de compassion.
« Je me demande pourquoi il n'a pas attaqué, lui confiais-je alors pour aller vers le sujet qui nous préoccupait tous.
- Je n'ai pas de réponse, jeune maître, mais je crois avoir vu quelque chose dont je ne suis pas sûr.
- Quoi donc ?, lui demandai-je avec beaucoup d'intérêt.
- Et bien... J'ai cru voir des centaines de lames d'argent lui clouer ses ailes au sol, mais ça me parait tout de même improbable. »
J'hochai la tête, bien qu'en réfléchissant à ce qu'il venait de me dire. Si lézard était privé de ses ailes, alors ça pouvait expliquer pourquoi il était resté au sol et qu'il n'avait pas tout de suite attaqué. Mais qu'est-ce qui pouvait avoir provoqué une telle attaque ? D'où viendraient ces fameuses lames ? Tout cela n'avait aucun sens.
« Quelque soit la raison, j'espère que ces lames d'argent ne pleuvront pas sur nous, soufflais-je.
- J'en doute mon seigneur, je pense plutôt que votre famille a plus d'alliés que vous ne pouvez penser.
- Stäfa n'avait pas d'alliés parce qu'elle était dans une zone neutre pour le commerce, le corrigeai-je. Elle avait juste des accords avec les différentes familles et seigneurs qui voulaient s'y rendre. Des accords de non-agression entre autres, ou des accords pour le non port d'armes massives.
- Mais maintenant elle est en guerre, soit elle a quitté son statut neutre, avança Hoseok, alors peut-être que ces seigneurs peuvent être considérés comme vos alliés. »
Je méditais sur ses paroles, repensant aux familles s'étant présentées à notre demeure plusieurs fois. Si certains seigneurs étaient chaleureux avec mon père voire moi-même, d'autres n'étaient courtois que pour la forme et désiraient plutôt tirer profit du commerce qu'ils allaient pouvoir y développer dans notre ville.
« Je doute que chaque signataire équivaut à un allié, répondis-je au roux qui était attentif. Les seigneurs qui se sont présentés à nous y viennent pour leur commerce, cela ne veut pas dire qu'ils mèneront une offense contre l'envahisseur en notre nom.
- Vous avez une idée des familles qui pourraient prendre la défense de Stäfa ?
- Mis à part mon Oncle non, lui avouais-je tristement. Nous ne pouvons être sûrs de la bonne foi de chacun, surtout que l'envahisseur détient un territoire de plus en plus vaste. Ils auront plutôt intérêt à faire des accords avec lui plutôt que de sauver ma misérable vie et me remettre sur le trône. Mais si j'arrive à retrouver mon Oncle, et qui sait ma Mère, je pense que les familles s'inclineront peut-être de mon côté. Oncle Namjoon a engagé une armée impressionnante et paradoxalement c'est aussi un diplomate qui connait beaucoup de familles.
- Je vois », souffla Hoseok.
Nous ne rajoutâmes rien à cet échange, méditant chacun l'un face à l'autre alors que la nuit commençait à tomber.
Hoseok fit alors de nouveau aller et retour, pour s'assurer de notre bonne trajectoire, et avant que le ciel ne devienne trop sombre, je vis que nous avions rejoins la forêt dont Hoseok nous avait parlé. Celle qui allait se profiler jusqu'au pic que nous devrons escalader pour rejoindre le fameux vaisseau de ma mère.
Ma mère.
Cela me faisait toujours bizarre de me dire que j'allais la revoir, et en toute honnêteté une grande partie de moi ne voulait pas y croire. Mais après tout, comment expliquer une telle réapparition ? Cela faisait presque dix longues années que mon père m'avait dit qu'elle était partie, sans me donner de détails ce qui me laissait présager qu'elle était morte. Pourquoi était-elle partie ? Avait-elle changé ?
J'appréhendais nos retrouvailles tout comme j'en mourrais d'envie.
Sowon Kim était connue dans Stäfa pour sa grande douceur, et sa beauté. Je me demandais si elle avait beaucoup changé, et si elle allait me reconnaître. Comment me trouvera-t-elle ?
Encore faudrait-il qu'elle soit bel et bien en vie.
« Elle sera heureuse de te revoir, ne te pose pas trop de questions. »
Je me tournai vers le louveteau qui me regardait en secouant sa queue, le regard toujours vif, en bien meilleure forme qu'au début du voyage. Il avait dû bien s'habituer et cela me soulageait.
Mais avec toute cette précipitation, j'avais oublié qu'il était le responsable des voix dans ma tête.
« Il t'en aura fallu du temps. »
Je toussai de gêne face à cette répartie, ayant la désagréable sensation que je n'allais plus pouvoir penser en paix. Mon esprit fut vite rempli d'un amas de prises de conscience sur tout ce que cela allait engendrer et des excuses ainsi que des remords de ne pas avoir compris plus tôt.
« Ne t'inquiètes pas, je ne suis pas tout le temps dans ta tête, c'est bien trop désordonné et gênant pour un jeune louveteau, surtout lorsque tu étais avec Jungkook. »
Ça y est, je piquais un fard, évitant le regard de la boule de poils blanche qui me regardait d'une manière inquisitrice. Heureusement qu'Hoseok était parti sinon il n'aurait rien compris à mon changement de comportement. Je n'osais imaginer à quel point cette scène devait paraître ridicule d'un point de vue extérieur.
Je me demandais aussi s'il avait suivi tout le cours de mes pensées depuis notre rencontre, lorsque nous étions partis de chez Jungkook.
« Arrête de te poser trop de questions, ça fait mal à la tête. »
Je finis alors par regarder le jeune loup, essayant de rendre mon esprit plus paisible afin de lui poser des questions sur ce lien soudain.
Je me demandais d'abord alors s'il avait un nom.
« Évidemment que j'en ai un, je ne suis pas un caillou. »
J'eus un sourire crispé. Il m'amusait de par ses répliques piquantes, mais j'étais tout de même gêné de subir des remontrances de sa part. Après tout, ce n'était qu'un jeune loup.
Je joins alors mes mains en m'inclinant légèrement, pour lui indiquer que j'étais désolé, mais je sentis vite sa patte sur mon genou.
« Ça va, tu es gentil alors je ne suis pas trop en colère contre toi. »
Je souris, attendri par sa réplique soudainement enfantine, correspondant davantage à son jeune âge.
« Je suis Mïro. »
Je hochai la tête, puis formulai dans ma tête la question concernant sa fuite.
« Un homme du nom de Seungri est venu sur le bateau en disant à Kyungsoo que Tafendël s'écroulait et que l'armée allait faire exploser le navire si nous ne partions pas, car elle pensait que nous étions à l'origine de la venue d'un dragon. Au début, le papa de Jungkook a refusé en disant qu'il voulait retrouver son fils mais Seungri a dit qu'il venait de sa part et qu'il avait un moyen de se mettre en sécurité. Moi, je n'aimais pas ce monsieur et maman m'a dit que je devais faire le trajet avec toi alors j'ai sauté par-dessus bord avant qu'ils ne reprennent la mer.
- Mais je ne crois pas que Jungkook lui a dit d'y aller à sa place, je me fis la réflexion à voix haute. Il était choqué de voir le bateau prendre la mer. »
Mïro baissa alors les oreilles en couinant, mais je lui caressai la tête en lui disant dans ma tête que ce n'était pas de sa faute et qu'il avait bien fait de partir.
« Je crois que tu as sauvé la vie de Jungkook », lui soufflais-je.
J'étais convaincu que s'il ne m'avait pas guidé jusqu'à lui, ou même s'il n'avait pas tenu compagnie à Jungkook avant mon arrivé j'aurais été impuissant à le sauver.
« Pourquoi tu es avec les messieurs qui ont dit que Jungkook était mort ? »
Je fronçai les sourcils puis me rappelais qu'il n'était pas avec nous à Tafendël. Je me remémorai alors ma rencontre avec Siwon, exposant notre discussion en espérant que ce souvenir atteigne l'esprit du louveteau, ce qui sembla marcher.
« Et tu crois qu'on peut leur faire confiance ? »
Et bien, nous n'avons pas vraiment le choix. C'était la seule piste que j'avais et comme l'avait dit Hoseok au village, je devais ne pas trop rester au même endroit pour éviter d'être rattrapé.
« Tu te rappelles de ce que disait Jungkook ? »
Je fronçai les sourcils, puis alors le souvenir de ses réserves quant à Kyungsoo me revint. Le souvenir où le brun m'avait dit que je ne pouvais avoir confiance qu'en moi-même. Je soupirai alors, inconfortable face à cette piqûre de rappel désagréable avec laquelle je n'étais pas tout à fait d'accord.
Je n'avais pas le choix de donner ma confiance à quelques personnes pour avancer, ou ma quête n'avancerait jamais.
« Jungkook m'a demandé quelque chose le soir où il a compris que tu devrais le laisser au village. »
Je lui demandais de quoi il s'agissait.
« Il veut que je prenne soin de toi comme il est incapable de le faire à distance. »
Je fronçai les sourcils et secouai la tête.
« Je lui ai promis que je deviendrais plus fort, je soufflai. Ta mère m'a demandé de veiller sur toi, alors il n'est pas question que tu veuilles toi-aussi me protéger. »
La bête couina alors mais sembla se redresser alors fièrement, bombant presque le torse.
« Moi aussi je deviendrai fort, encore plus fort que maman et je mangerai les méchants. »
Je gloussai et lui caressai la tête avec affection.
« Il a une fière allure. »
Mïro et moi sursautâmes à la voix d'Hoseok, le faisant pouffer alors qu'il s'infiltra dans ce que nous pouvions appeler notre chambre.
« Je ne voulais pas vous faire peur, rit-il. Vous avez mangé ?
- Pas encore non.
- Allons-y alors, j'ai un petit creux. »
Je me relevai alors, jetant un coup d'œil plus conscient envers le louveteau alors que nous rejoignîmes la pièce carrée circulaire où Shin Dong était déjà en train de manger du pain de route avec de la viande séchée.
Alors que je mangeais avec appétit avec mes compagnons, je me demandais alors si effectivement il fallait que je me méfie des personnes au sein de cette cabane, repensant à ma conversation avec le jeune loup. C'est ainsi que le soir, alors que j'observai le paysage de nouveau forestier à travers les voiles colorés de l'habitacle, je mis un certain temps à m'endormir.
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