« Tenez bon jeune maître !, m'encouragea Shin Dong qui venait de regagner le sol.

- Ça va aller !», je mentis.

Je contemplai cette latte de bois, devenue glissante à cause de la transpiration de mes mains et, avec une infinie précaution, abaissai mon regard vers la latte inférieure.

Par Merlin que cette sensation d'attraction vers le vide était une plaie.

Je soufflais lourdement, fermant les yeux un instant en essayant d'apaiser mon esprit ravagé par les sensations de vas et viens imaginaires qui déformaient ma vision, parfois la dédoublaient désagréablement.

Je me rappelai alors que si je ne m'accrochais pas convenablement cette chute pourrait mettre fin à ma vie. Je n'avais pas la résistance physique de Jungkook et cela me contraignait quelque part à éviter les imprudences.

Ravalant mes doutes, je fixai de nouveau la latte devant mes yeux, puis la lâchai d'une main pour chercher à tâtons celle en dessous de moi, puis descendis de cette manière sur une bonne quinzaine de lattes, avant que finalement mon pied décide de me trahir en ripant contre la latte inférieure, me faisant perdre l'équilibre. Fort heureusement, le sol m'apparut très rapidement, signe que j'étais à la fin de ma descente. Plus de peur que de mal finalement.

En regardant autour de moi, je constatai avec soulagement que mes compagnons n'avaient pas remarqué mon geste, trop occupés à se déshabiller pour rejoindre la rivière la plus proche.

« Vous devriez faire des exercices pour affronter votre peur », retentit une voix derrière moi.

Finalement on m'avait repéré.

Siwon.

Je l'ignorais royalement, et allai rejoindre le louveteau, dont les membres tremblaient d'une manière inquiétante.

« Hé, viens par là petit », je l'encourageai pour qu'il se mette à marcher vers moi.

Je l'entendis couiner, puis s'effondrer devant mes yeux inquiets. Ses membres étaient parcourus de frissons, que je soupçonnais être dus à cause de notre arrêt sur une terre stable après avoir passé huit jours sur le dos d'un oliphant. Je le rejoignis, puis m'assis à même le sol, lui laissant le temps qu'il fallait pour qu'il puisse récupérer.

« Ne m'évitez pas. »

Je soupirai, pensant qu'il était parti rejoindre ses compagnons. Je relevai alors mon visage vers Siwon, refusant de paraître tout de même ridicule.

« Ce jour-là, je ne voulais que vous mettre en sécurité, je me devais d'accomplir mon devoir auprès de Madame votre Mère.

- Vous seriez donc prêt à mettre des vies de côté aussi facilement ?, je crachai.

- Je mettrai la mienne sans hésitation à votre service, tout comme je la donnerai pour votre mère, il répliqua. »

Je me pinçai l'arrête du nez, agacé.

« Ce n'est pas ce que je voulais dire. »

Il me regarda sans comprendre alors je me relevai en soupirant, gardant tout de même un regard sur mon protégé en train de se remettre debout, et reprit :

« Vous devriez vous enquérir davantage de votre vie, et voir celle des autres comme précieuse au lieu de les considérer comme de la chair à abattre.

- Nous sommes des soldats, notre vie se calque sur les désirs de la personne à qui nous avons prêté allégeance.

- Hoseok est un soldat, et pourtant il me parle de sa femme, de ses futurs enfants, avançai-je. Il construit son avenir, et se soucie des autres et de prendre soin de sa vie pour celle des autres, je me défendis. Pourquoi n'en faites vous pas de même ?

- Nos situations sont complètement différentes !, s'exclama finalement Siwon.

- Pourquoi donc ?, je l'attaquai.

- Ma vie est liée à celui que je sers, si je pars je ne ferai que faillir à ma mission. »

Je me retins de lui asséner une nouvelle gifle sous le coup de l'indignation. Pourtant ma main resta figée quand une profonde pitié s'empara de moi. Je venais de comprendre ce qu'il voulait dire, et je comprenais que je devais agir autrement avec lui pour lui faire digérer mon point de vue. Je posai alors fermement ma main sur son épaule et le fixai intensément, voulant qu'il assimile bien ce que j'avais à lui dire.

« Si vous partez, vous abandonnez aussi des êtres qui tiennent à vous. Ne soyez pas si prompt à disposer ainsi des vies des autres si vous n'êtes même pas capable de reconnaître la valeur de la vôtre. »

Il ne me répondit pas, mais je doutais qu'il y ait quelque chose à ajouter. Je me détournai donc de lui, puis m'abaissai vers le jeune loup qui semblait maintenant tenir sur ses pattes. Je sentais qu'il était toujours derrière moi mais je l'ignorais de nouveau, désirant qu'il parte méditer de lui-même. Mon souhait fut exaucé une bonne minute plus tard, et je pus me concentrer sur mon protégé.

Il semblait perdu, un peu comme moi à vrai dire, alors je pris mon temps avec lui et nous nous dirigeâmes lentement vers la rivière.

Hoseok était en train de discuter avec les autres dresseurs tandis que les oliphants s'abreuvaient dans le cours d'eau plus loin. Nous étions à l'orée de la forêt et je devinais qu'à partir de ce moment, nous allions devoir voyager sur les plaines plus désertiques, et j'appréhendais davantage cette partie du trajet. Le roux m'avait assuré que nous n'aurions qu'une demi-journée ainsi exposés mais cela ne me rassurait que très peu.

Je me déshabillais tout de même pour rejoindre mes compagnons et me lavai avec plaisir, ignorant la fraîcheur de l'eau pour plonger avec satisfaction dans cette rivière assez profonde. Mes pieds nus ripaient contre les galets lisses du fond de l'eau, me poussant à nager au lieu de stagner. A ma grande surprise, le louveteau m'avait suivi et semblait être à l'aise dans le courant léger, tout autant que moi qui n'avait jamais nagé mais dont les gestes me venaient naturellement, après avoir bien sûr regardé faire mes camarades

« Ne vous éloignez pas trop mon seigneur !, clama Hoseok depuis la rive.

- Non ! Ne vous inquiétez... »

Je m'interrompis.

Je m'arrêtai de nager alors que je sentis mon cœur s'arrêter.

Il était là.

A quelques dizaines de mètres derrière nous, je vis d'abord une ombre menaçante, comparable à un ciel annonciateur de chaos, un air rusé transperçant ses horribles yeux jaunes.

« DERRIÈRE VOUS ! », j'hurlai de toutes mes forces alors que j'aurais juré voir l'ombre sourire.

Il nous avait retrouvés.

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« FEU ! », hurla bien plus haut une femme.

Un homme à la rare chevelure blanche posa ses mains sur un canon monumental, et une énorme boule de métal en jaillit. Informe, d'apparence souple et brillante sous les rayons du soleil, cette matière était cependant dotée d'une multitude de lames tranchantes, bien plus aiguisées que n'importe quelle épée.

Le jeune homme observa ensuite pendant d'interminables secondes de sa longue vue de cuivre le ciel, avant de précipitamment revenir au canon. Il se concentra, si bien que ses traits se crispèrent pendant sa tâche, pour qu'une deuxième masse brillante ne resurgisse du canon.

Il dégaina de nouveau son outil de vision, ignorant le regard inquiet de la femme, et parcourut un point précis du ciel sous lui.

Il fallait qu'il soit absolument sûr, les enjeux étaient énormes.

Il eut sa réponse lorsqu'un rugissement monstrueux retentit, et, enfin, s'autorisa à laisser paraître un sourire sur son visage pâle.

« Touché. »

La femme à la longue chevelure noire sembla enfin respirer de nouveau.

« Merci, Yoongi. »

Il la regarda alors d'un air impassible et la prévint :

« Mais il reviendra ma Dame, notre seule source de joie est qu'il n'ait pas encore saisi notre identité. »

Elle sourit tout de même, et s'avança pour poser une main sur l'épaule du jeune homme avant de répondre d'une voix douce :

« Et c'est mieux ainsi, pour l'heure je te félicite ton don s'est encore amélioré, et grâce à cela tu as pu les sauver. Merci. »

Le dit Yoongi inclina la tête, avant de retourner à la barre de son navire, laissant sa Dame se pencher sur la rambarde du vaisseau et regarder la surface avec mélancolie.

« Tiens bon, mon fils. »

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Encore plus loin de Taehyung, un jeune homme ne tenait plus en place.

« Jungkook restez en place !, cingla la guérisseuse.

- Vous ne pouvez nier ce qui est passé devant nos yeux !

- Aegnor a choisi de trouver un autre territoire. Nous devons nous estimer heureux de ne pas être passés sous le supplice de ses flammes.

- IL VA LE TUER ! », s'époumona le brun.

Moonbyul tentait tant bien que mal de maintenir le jeune homme. Il était trop tôt pour qu'il pose ses jambes au sol, beaucoup trop tôt.

« Il est avec Hoseok, tenta de le rassurer la cendrée. Ils sont armés, le cuir des oliphants ne craint pas son feu, il ne les attaquera pas.

- Qu'est-ce que vous en savez sorcière ?!, cracha le brun qui était en pleine crise de panique.

- Je fais fonctionner mon esprit jeune sot, et vous devriez en faire de même si vous voulez être d'une quelconque utilité à Taehyung.

- Espèce de...

- Maintenant, dormez ! », clama la voix de la cendrée.

Sa voix semblait provenir des tréfonds de son corps, et le brun en fut hypnotisé.

Il s'assoupit sur le coup.

La guérisseuse laissa échapper un long soupir, et pas le moins du monde offensée par l'attitude de Jungkook, lui lança un regard protecteur :

« Tu dois être fort, Gardien, concentre ta force pour plus tard. »

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