▬ 25 ▬ Le serviteur est servi ▬▬▬
Jungkook grimaçait alors qu'il déglutissait, mais essayait farouchement de cacher les réactions douloureuses de son corps lorsqu'il avalait la nourriture que Taehyung lui préparait avec attention.
Alors qu'il mâchait cette délicieuse nourriture, il ne pouvait s'empêcher de détailler minutieusement les traits du jeune seigneur bien trop concentrés pour une tâche si insignifiante. Mais il ne le taquina pas, trouvant quelque part ces attentions d'une douceur bien trop sincère pour être moquée. A la place, il continua son observation.
Taehyung avait maigri depuis qu'ils étaient partis de chez lui, c'était indéniable, mais à contrario une certaine force était en train de naître, une force qu'il trouva attrayante.
« Moonbyul a prévu de te faire une toilette ? »
Il ne put s'empêcher de grogner à cette appellation. Cette sorcière l'avait aidé lorsqu'il avait eu besoin d'uriner ce matin, et depuis il ne voulait plus la revoir. Dieu qu'il détestait être en position de faiblesse. C'était pire devant des inconnus.
« Jungkook il faut nettoyer tout ça, insista Taehyung en prenant une mèche de ses cheveux sales comme pour appuyer ses propos.
- Je ne veux pas qu'elle me touche, protesta Jungkook.
- Elle est guérisseuse, soupira le noiraud. Et c'est méchant.
- C'est mon souhait. »
Taehyung se pinça l'arrête du nez en soupirant encore, jetant un regard de travers au brun qui campait sur ses positions. Au fond de lui il s'en voulait de lui compliquer les choses mais il avait envie pour une fois d'être égoïste.
« Très bien, je m'en occuperai mais sache que tu es immature. »
Le blessé faillit s'esclaffer. Jamais il n'aurait pensé que Taehyung puisse sortir cette phrase d'une manière crédible, mais cette fois-ci il craignait qu'il ait raison. Pour autant, il ne sentit pas coupable et faillit même sourire.
Il voulait oublier ce qui s'était passé à Tafendël, il désirait oublier le rougeoiement de la poitrine du lézard, il voulait que les yeux jaunâtres du reptile cessent de le hanter lorsque son esprit se laissait trop aller et qu'il se trouvait pris au piège par ces souvenirs des plus sinistres. Il voulait se rappeler encore et encore pourquoi il en était arrivé là, trouver le point de repère de sa quête.
Taehyung.
Son père étant parti, il avait prit dans son esprit la forme d'une flamme qu'il se devait de protéger pour qu'elle devienne redoutable, grandiose. Il ne devait jamais oublier le but de tout ce périple. Stäfa. Son peuple aujourd'hui sous le joug d'un envahisseur qui semblait ne pas vouloir combattre et régner dans les règles. Un être lâche qui prenait par la force, sans confronter directement. Un pseudonyme qui ne gouvernait pas mais conquérait sans que sa soif ne puisse se satisfaire.
« Tu devrais essayer ce jus », proposa soudainement Taehyung en tendant un verre au brun.
Il était en train de mâcher une tartine qu'il s'était sans doute faite pendant les interminables réflexions de Jungkook, inconscient de ses tourments. Il but dans le fameux verre avant d'émettre un son appréciateur comme pour confirmer ses dires avant de le tendre à Jungkook.
Le brun sourit, content de retrouver cette joie pour des choses simples avec lui, et laissa le noiraud approcher le verre de ses lèvres avant de le boire avec délice. Son attention revint alors sur Taehyung et il sentit qu'au vu de son état actuel, c'était bien le seul qui arrivait à le tranquilliser.
C'est pourquoi dès lors que le concerné quitta la pièce avec le plateau vide, ses pensées et doutes sournois envahirent impitoyablement son esprit, ne lui donnant pas l'occasion de se reposer l'esprit tranquille.
Une boule blanche dont il avait oublié la présence bondit tout à coup sur son matelas avec entrain, le faisant sursauter.
« Ah, j'avais oublié que tu étais là, pardon mon grand », sourit le brun en caressant comme il le put son pelage blanc.
Le louveteau s'allongea contre lui et posa ses pattes avant près de ses oreilles.
« Tu es drôlement beau comme ça, Taehyung a dû bien s'occuper de toi. »
Le regard du petit loup s'ancra alors dans les prunelles noisette de Jungkook, lequel eut soudainement un ricanement.
« Il n'a toujours pas compris hein ? Ne te décourage pas. »
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« Ne vous découragez pas Taehyung, je suis sûre qu'il arrivera à poser les pieds d'ici une dizaine de jours !, me fit Moonbyul en croquant nonchalamment dans une poire.
- J'ai cru qu'il allait devenir fou quand il ne les a plus sentit, je soufflai concerné.
- Je ne pense pas qu'il ait vraiment envie de les sentir. C'est un miraculé de s'en être aussi bien sorti, il a de la chance. »
Je méditais ses paroles, en finissant le jus que Jungkook m'avait laissé. Nous étions dans les cuisines, en train de nettoyer nos plats pour soulager la propriétaire qui commençait à être débordée, tout en discutant et en grignotant. C'était ma manière de payer la gentillesse qu'il nous avait été donné à notre arrivée, quant à Moonbyul, je supposais que c'était par pure bonté, ou peut-être par ennui. Une partie de son discours me revint :
« Vous avez dit 10 jours ? Nous allons devoir retarder notre départ, Siwon avait programmé notre départ avec Hoseok...
- Vous ne pouvez le retarder Taehyung, me déclara-t-elle d'un ton sérieux.
- Que...
- Si Hoseok a programmé votre départ avec Siwon, cela veut dire qu'il a tout préparé dans les moindres détails. Hoseok est quelqu'un de méticuleux, et la préparation d'un tel départ prend des jours et des jours de préparation. Vous ne pouvez renoncer à cause d'un ami blessé.
- Vous voulez que je l'abandonne ?, grinçai-je.
- Vous ne devez pas voir les choses ainsi, dit la cendrée d'un air agacé, mais plutôt comme la suite logique de votre quête.
- Qu'est-ce que vous y trouvez de logique ?!, je finis par m'énerver.
- Vous avez une destinée à accomplir c'est tout, et c'est normal de laisser des amis derrière, la cause et les enjeux y sont bien plus grands. »
Je finis d'astiquer durement une assiette, et dut lutter pour ne pas la balancer dans la salle. Je ne voulais pas partir sans lui. Je ne pouvais le laisser alors que je venais de le secourir.
« Je sais que c'est difficile, très difficile pour vous, continua avec plus de douceur Moonbyul. Mais vous devez vous rendre à l'évidence. Il vous retardera et ici il est nourri et peut être logé mais surtout soigné. Vous savez que pour se remettre de ce genre de blessures il faut parfois plusieurs mois ? Pouvez-vous vraiment attendre à ce point et laisser l'envahisseur continuer à essayer de vous tuer par l'intermédiaire d'Aegnor ?
- Aegnor ?
- Le dragon que votre ami a affronté a un nom vous savez, bien que cette chose ne mérite pas d'en porter. »
Ma colère s'évanouit momentanément alors qu'une vague de curiosité me prit :
« Comment connaissez-vous son nom ?
- Je le connais comme beaucoup de mes semblables », elle fit évasivement.
Cette réponse ne me convint pas vraiment mais je sentais qu'elle n'allait pas développer, alors je revins à notre sujet de base.
« Mais tout de même, je ne me vois pas le laisser ici. Il fait partie de ma compagnie, et je lui dois beaucoup. »
La cendrée me regarda d'un air douloureux que je détestasse. Je voulais croire que Jungkook allait pouvoir nous suivre, mais d'un autre côté je ne voulais pas être un poids pour tous ceux qui se démenaient pour me mâcher le travail. J'étais dans un cruel dilemme, où je sentais que chaque choix ne me porterait aucune satisfaction.
En quittant les cuisines, je me dis que je devrais aller voir directement Hoseok lorsqu'il pointerait le bout de son nez.
Je passais cette journée à faire des allers et retours entre la chambre de Jungkook et les cuisines, dans lesquelles j'aidais en me servant de mes minces connaissances que je devais à Jung Kwon. Je n'avais pas croisé Siwon, Henry ou Shin Dong mais l'aubergiste m'informa qu'ils étaient partis chasser avec des villageois ce matin pour ramener des provisions à l'auberge en signe de gratitude, tout comme les villageois les autorisaient à chasser sur leur territoire en gage d'amitié.
Le soir arriva bien vite et je dus m'occuper d'emmener le dîner à Jungkook. Son état m'inquiétait toujours, il semblait torturé, presque nauséeux.
« Je suppose que c'est un des effets de mes soins, me déclara-t-il alors que je passais de nouveau ma main sur son front.
- J'en doute, je murmurai en m'asseyant à ses côtés alors que le louveteau était resté fidèlement à ses pieds. Dis-moi, pourquoi ne dors-tu pas ? Tu as besoin de te reposer Jungkook. »
Il ne répondit pas, mais je le sentais à bout de nerfs. Le fait qu'il doive dépendre des autres, et surtout qu'il soit privé de l'usage de ses jambes devait le bouleverser désagréablement. Ses yeux étaient même humides, ce qui serra mon cœur. Par Merlin ce que je détestais le voir dans cet état.
En cherchant quoi faire, je me dis que le moment était venu de lui donner un brin de toilette, toute cette terre et ce reste d'odeurs de cendres devaient lui rappeler le souvenir de son affrontement. Je me levai alors sans un mot et reposai le plateau repas un peu plus loin sur une commode de bois, puis je quittai la chambre pour récupérer la bassine avec laquelle j'avais lavé le louveteau que je remplis d'eau chaude, du savon, ainsi que des vêtements propres du placard de ma chambre.
En entrant, le blessé me regarda d'un air étonné alors que je lui fis un clin d'œil.
Oui, il est temps que tu te laves cher Jungkook.
« Qu'est-ce que...
- Je t'ai dit ce matin que je m'en occuperais, le coupai-je. Tu es dans un pire état que le petit loup, c'est dire ! »
Je le vis déglutir mais il ne protesta pas, ce qui m'encouragea à continuer. J'essayais de me mettre dans la peau d'un soigneur pour éviter que la gêne ne s'empare de ma personne. J'enlevai alors la veste que je portais, et retroussai les manches de coton épais de ma blouse pour me mettre au travail.
En sondant tout de même Jungkook du regard, je lui enlevai délicatement le léger linge qui le recouvrait, et fut encore une fois exposé à son torse blessé. Les fils avaient bien tenus, et les plaies étaient propres, c'était déjà ça.
Je passai mes mains dans la bassine tiède pour y attraper une éponge douce, et fit frotter doucement le savon aux odeurs florales appréciables. J'étudiais une dernière fois la position de ses blessures avant de passer lentement l'éponge sur sa peau légèrement basanée, puis la frotta avec le plus de délicatesse possible. Le brun me regardait faire, l'air un peu moins perdu que tout à l'heure. Je l'interrogeai régulièrement du regard pour qu'il m'indique si je lui faisais mal mais il n'en fut rien. Il dut s'accrocher à mon épaule lorsque je dus lui nettoyer le dos, le forçant à devoir tenir en position assise.
Le nettoyage de ses cheveux fut laborieux. Étant assez maniaque avec eux, je fus contraint de passer mes propres doigts jusqu'à son crâne chevelu pour enlever les dernières crasses. Cependant, lorsqu'un son de contentement arriva jusqu'à mes oreilles, cette opération se transforma davantage en un massage.
« C'est agréable n'est-ce pas ?, je lui souris au dessus de lui.
- Hum. »
Ce couinement de bien-être me satisfit bien plus que n'importe quelle réponse, alors je continuai en y mettant plus de cœur, si bien que sa tête fut recouverte d'une épaisse mousse blanche parfumée qui lui donna un air étrange. Je luttai pour ne pas rire, et me contentai de me concentrer sur les gestes que je lui faisais, bien trop ravi d'amoindrir ses tensions.
Avec soulagement, il put s'occuper de nettoyer ses parties plus intimes et je ne dus l'aider qu'à enfiler un nouveau sous-vêtement. Je redoublai ensuite de douceur dans mes gestes quand je passai l'éponge sur ses jambes toujours mises à nu mais immobiles, ainsi que ses pieds. Moonbyul devait passer ce soir pour les bander, car l'anesthésie allait prendre fin et il fallait que son travail reste en place.
Une fois cette toilette terminée, je fus confronté à son corps entièrement révélé, et je me rendis compte à quel point cet homme était bien bâti, et son visage attrayant. C'était ironique de s'en rendre compte alors qu'il était au plus bas.
Je l'enroulais dans une couverture épaisse, attendant que la guérisseuse vienne pour lui enfiler des vêtements.
J'allais rassembler les affaires de bain pour m'éclipser mais sa main me retint.
Ça allait devenir une habitude. Il ne pouvait pas me parler normalement ?
« Merci », me souffla-t-il en ayant retrouvé ses yeux brillants.
Ce regard noisette me figea, et je voulus savoir ce qui se passait dans sa tête si tourmentée. Il descendit sa prise jusqu'au bout de mes doigts et les attirait vers lui. Je crus que mes joues allaient s'enflammer lorsqu'il posa ses lèvres sur le dos de ma main en me regardant droit dans les yeux.
« Je... Ce n'est rien », bégayai-je.
Il secoua doucement la tête, sa main tiède tenant toujours mes doigts, et réitéra son geste, ses yeux toujours brillants.
« Jung... Kook ?, l'appelai-je inconfortable.
- Vous... », il commença dans un souffle étranglé.
Je m'assis alors sur un rebord du matelas, ne brisant tout de fois pas le contact entre nos mains. Je cherchai à saisir le regard parmi ses orbes humides.
« Tu..., réessaya-t-il. Tu... Ne vas pas... partir ? N'est-ce pas ? »
Mon sang se glaça à sa question, et ce fut à mon tour de fuir son regard.
« Non !, il couina d'un ton empli de détresse. Je t'en pris... Ne me laisse pas en arrière... Je veux... Je ne veux pas te... »
Ces paroles furent coupées par un glapissement étranglé qui me fendit le cœur. Je sentais qu'il était sur le point d'exploser alors je me décidai d'intervenir. Je me repris donc et tentai d'arborer un regard des plus certains avant de lui murmurer :
« Non Jungkook, je ne te laisserai pas en arrière.
- Tu mens ! », il explosa.
Je ne répondis pas tout de suite, cherchant mes mots alors que je me sentais sur le point de pleurer.
« Je ferai tout ce que je peux pour t'emmener ou pour retarder notre départ, il faut que je trouve Hoseok pour le convaincre.
- Retarder le départ ? Tu devines bien que ce ne sera pas possible ! », il s'écria.
Je déglutis difficilement alors que ses yeux noisette tentaient de s'agripper à mon âme, cherchant une parole rassurante, une parole que j'étais cruellement incapable de lui promettre. Je pris alors sa joue dans ma main libre mais tremblante et lui murmurai :
« Tout ira bien. »
Une douce promesse susurrée, caresse intouchable endormant la houle de tourments.
Tout irait bien après tout, pas vrai ?
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