▬2▬▬Une dernière poignée de main▬▬▬▬
Le repas avait été des plus étranges mais curieusement satisfaisant. Il avait fallu quelques longues minutes à mes serviteurs pour qu'ils daignent me rejoindre. Le chef Jeon avait été le premier à s'asseoir en face de moi sous mon regard insistant, puis il fut suivi par les autres, bien que Baekhyun ait gardé son regard désapprobateur.
Petit à petit, je sentais le chef se détendre et je m'étais risqué à lui poser des questions sur son métier. Il m'avait alors appris que sa famille servait la famille Kim depuis six générations.
- J'ai entendu dire que vous aviez un fils, je suppose qu'il vous succédera.
- Oh vous savez jeune Maître, bien que je lui ai transmis mon amour pour la cuisine il semble courir vers d'autres horizons. Mais le cœur de mon fils est encore jeune et fougueux donc il n'est pas encore impossible qu'il me succède pour vous servir ainsi que vos descendants.
- J'aimerais le rencontrer, Baekhyun m'a dit qu'il ferait le marché cet après-midi.
- Je ne pense pas que cela soit possible Monsieur, voyez-vous le marché a lieu les matins et non les après-midi.
J'avais alors fusillé mon valet du regard, je devais ressembler à un parfait idiot ignorant maintenant.
- Et je doute que vous puissiez sortir comme cela, même si vous couvrez votre visage. Cependant je peux faire appeler Jungkook si vous souhaiter le rencontrer.
- Jungkook ?
- Oui, c'est ainsi que se nomme mon fils. Il est parti nettoyer les écuries tôt ce matin, alors je suppose qu'il doit monter sa jument en ce moment.
- Je vois.
- Pardonnez ma curiosité jeune Maître, mais pourquoi vous intéressez-vous à lui ? Avez-vous une tâche à lui faire parvenir ?
J'avais alors fixé le cuisinier et avais décelé une lueur d'inquiétude dans son regard. Je voyais sans peine qu'il tenait énormément à son fils. Peut-être craignait-il que je l'envoie à la mort ?
- Pas du tout chef Jeon, je souhaitais seulement faire sa connaissance car nous avons des âges similaires et vous conviendrez que c'est rare d'en croiser dans cette demeure. Je m'ennuie souvent alors j'espérais que nous puissions tisser des liens d'amitié.
J'avais alors entendu mon valet s'étouffer suite à mes propos mais je l'avais ignoré. Qu'est-ce qu'il était insolent ces derniers temps ! De son côté le cuisinier était resté interdit mais avait fini par hocher lentement la tête.
- Je vais l'appeler, avait-il dit en se levant.
- Non ne vous donnez pas cette peine ! Je trouverai bien un moment pour le rencontrer, je ne veux pas le déranger. Je vais vous laisser, merci pour votre dur travail, votre cuisine est délicieuse et j'ai hâte de vous revoir.
Je m'étais éclipsé rapidement de la cuisine suivi de près par Baekhyun puis j'étais parti à la bibliothèque pour étudier. Cependant j'avais du mal à me concentrer, la perspective d'avoir désobéi à mon père pour la première fois de ma vie m'avait rendu euphorique. J'avais d'autant plus apprécié la conversation, certes un peu gênée aujourd'hui, avec certains des serviteurs.
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Alors que Taehyung était sorti des cuisines, le chef Jeon s'était tourné vers l'ombre suspecte qu'il avait repéré alors qu'ils mangeaient. Il attendit d'être seul pour l'interpeller :
- Sors de là immédiatement.
La silhouette se détacha lentement de sa cachette, dévoilant un jeune homme brun à la silhouette énergique, avec une mâchoire marquée mais dont les traits du visage adoucissait l'ensemble.
- Tu ne devais pas être aux écuries Kook ?
- Je venais récupérer de quoi manger avant que je reprenne mon entraînement, mais j'ai vu que tu avais de la compagnie.
- C'était malpoli de rester ainsi caché mon fils, le réprimanda le chef Jeon. Il s'agissait du jeune Maître.
- Je l'ai pris pour une femme de dos, se moqua Jungkook.
- Tu arrêtes ça tout de suite ! Plus tard tu devras le servir et il est le fils de celui qui nous protège, tu lui dois le respect.
- Je me demande ce qu'il pourrait protéger à part sa boîte à bijoux.
Révolté, le chef Jeon se leva et gifla purement et simplement son fils.
- Je t'ai dis que tu devais le respect au jeune Maître, ne m'écoutes-tu donc pas ? Il souhaite d'ailleurs te rencontrer pour que vous fassiez connaissance, je veux que tu montres un comportement exemplaire c'est compris Jungkook ?
Le jeune brun qui se tenait la joue lança un regard noir à son père puis il cracha :
- Je compte partir avant qu'il n'ait l'occasion de me voir alors ne t'inquiètes pas je ne te ferais pas honte.
Le cuisinier écarquilla les yeux et empoigna les épaules de son fils.
- Comment ça tu pars ? Tu viens à peine d'arriver !
- Dès qu'une occasion se présentera je la saisirai, peut-être que je demanderai à monsieur Kim le frère le Monsieur si je peux l'accompagner lors de sa prochaine expédition, il me semble qu'il manque de cavaliers ces temps-ci.
- Mais il part à l'autre bout du monde, et il ne revient qu'une fois tous les deux ou trois ans ! As-tu perdu la raison ?
Jungkook restait de marbre alors que les yeux de son père devinrent brillant. Il prit alors son fils dans ses bras et le serra aussi fort qu'il le pouvait avant d'ajouter :
- Tu sais que tu ne me feras jamais honte, s'il te plait mon fils ne prends pas cette décision sur un coup de tête ! Tu sais que beaucoup perdent la vie lors de ces expéditions, je ne sais pas ce que je deviendrais sans toi. Si tu savais à quel point je suis fier du beau jeune homme que tu es devenu.
Le brun ne répondit pas, il se détacha de l'étreinte de son père et le fixa d'un air indéchiffrable.
- Le Maître m'a donné une mission Père, je ne peux le décevoir.
Il embrassa furtivement le front du cuisinier qui était désemparé, et prit une pomme avant de se glisser hors de la demeure. Une fois parti, le pauvre père s'autorisa à verser quelques larmes d'impuissance. Combien de fois son fils était revenu de ces fameuses missions le corps tailladé ? Son garçon courait à sa perte avec sa fougue téméraire et son sens du devoir démesuré.
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J'avais passé le reste de ma matinée avec Jun Myeon, mon professeur de littérature et de géographie, j'avais la tête tellement ailleurs que vers la fin il m'avait réprimandé pour mon manque d'attention. Cependant quand je lui avais fait part de la venue de mon Oncle son ton s'était adouci et il avait écourté notre leçon.
Me voilà donc à l'entrée de la demeure à côté de mon père qui ne m'avait que brièvement salué à son arrivée. Nous nous tenons droit alors que nous attendons que mon Oncle apparaisse. C'est alors que Père tourne son visage vers moi et me contemple sur toutes les coutures. Peut-être cherche-t-il une erreur dans ma tenue ?
Pourtant, à ma grande surprise, il me sourit sincèrement. Des dames tueraient pour voir ce visage j'en suis sûre, il faut dire que mon père est connu pour sa grande beauté.
- Namjoon va voir à quel point tu es devenu un homme remarquable, tu es magnifique mon fils.
- Merci Père, je murmure en rougissant malgré moi.
Il se rapproche de moi de sorte à ce qu'il puisse passer son bras contre mon dos, me serrant doucement, et serrant mon cœur au passage. Il était rare qu'il ait ce genre d'attention avec moi bien que je sois son fils qu'il tenait à la prunelle de ses yeux.
- Je m'entretiendrai avec toi après le déjeuner, j'aurais une proposition à te soumettre.
Je lui lance un air interrogateur mais il se contente de me sourire énignatiquement en posant sa main sur ma joue. Il y avait quelque chose de triste dans son regard et d'étrangement solennel. Qu'avait-il aujourd'hui ?
C'est alors que nous entendîmes des acclamations à l'extérieur, ce qui fait pouffer Père discrètement.
- A chaque fois qu'il vient c'est la même chose, ton oncle aime faire des entrées théâtrales.
Bien que mon père souriait, un sentiment d'appréhension fulgurant traverse en cet instant ma poitrine. Les acclamations de l'extérieur me mettaient étrangement mal à l'aise, comme s'ils ne témoignaient pas de la joie, étais-je le seul à les percevoir ainsi ?
Baekhyun m'avait dit qu'à ce mois de l'année beaucoup de marchands se réunissaient pour échanger leurs trouvailles au quatre coins du monde, notre territoire étant qualifié de zone neutre. Peut-être qu'un échange avait dégénéré ? Ou alors certains peuples sont juste plus bruyants que nous ?
J'essaye de distinguer les voix alors que les cris résonnent en moi comme un avertissement, il fallait que je fuie et vite. Ces acclamations spontanées semblent empruntes d'effroi.
Les bruits se rapprochent, et cela confirme mes doutes. Ce sont bien des bruits d'épée que j'entend ainsi que des hurlements de femmes et d'enfants.
Père se raidit à côté de moi, puis tout se passe très vite.
Il me prend dans ses bras en criant aux serviteurs de se mettre à l'abris et aux soldats de nous protéger.
- Taehyung mon ange, cours ! Vite !
Il me prend la main et me fait courir vers la porte de son bureau, bousculant au passage des habitants de notre résidence qui étaient terrorisés et courraient dans tous les sens, cherchant à fuir le grand hall d'entrée, puis la referme immédiatement et faisant glisser les verrous. Il se passe la main sur son front, chassant quelques mèches ébène de son visage. Puis il me dit :
- N'aies pas peur, je suis avec toi. Mais il faut que tu m'aides maintenant.
Il me désigne une table d'une belle taille et se place à l'extrémité. Je le suis les mains tremblantes et le cœur battant férocement dans ma poitrine. Nous déplaçons cependant rapidement la table contre la porte qui bientôt fut rejointe par des meubles en tout genre : fauteuils, tables d'appoint, étagères. Tout y passait. Après avoir rassembler tout ce que nous pouvions déplacer je me recule pour observer l'amas qui recouvrait dorénavant l'entrée.
Nous étions barricadés, enfermés sans possibilité de nous échapper. Le souffle court, je me tourne vers Père qui semble terrifié, ce qui me glace le sang.
- Père, que se passe-t-il ?, je demande d'une voix tremblante.
- Viens-là Taehyung.
Il ouvre ses bras et je m'y précipite sans la moindre hésitation, paniqué au possible. Père me serre dans ses bras et pose sa tête sur le sommet de mon crâne, me caressant les cheveux.
Un bruit d'explosion me fait sursauter violemment et un couinement m'échappe alors qu'il me serre davantage contre sa poitrine.
- Mon fils, Taehyung, nous n'avons pas beaucoup de temps je veux que tu m'écoutes attentivement. Il faut que tu saches que les personnes qui viennent veulent accéder au pouvoir, ils n'hésiteront pas à nous tuer, toi et moi.
Des larmes de peur roulent sur mes joues alors que la terreur s'empare de moi. Cependant Père me secoue et reprend :
- Calme-toi s'il te plaît, tu es un grand garçon. Tu dois être fort. Les hommes qui viennent cherchent ceci et il ne faut en aucun cas qu'ils la récupèrent ou ce sera notre perte.
Il détache un collier de son cou et le passa autour du mien, je ne prends même pas le temps de l'admirer qu'il me pousse sous son bureau, le seul meuble que nous n'avions pas déplacé avec la chaise dans l'immense salle.
- Cache-toi là-dessous, il y a une trappe qui te conduira au sous-sol. Tu pourras sortir à l'extérieur par cette sortie.
- Mais toi aussi tu viens pas vrai ?, je demande d'une voix étranglée appréhendant déjà sa réponse.
- Je dois récupérer quelques artéfacts avant, mais je te rejoindrai ne t'inquiètes pas mon ange. Maintenant s'il te plaît va-t-en !
Il me serre une dernière fois avant d'embrasser chacune de mes paupières closes tendrement. Puis il me pousse avec force dans la trappe découverte et la referme avec précipitation, me plongeant dans l'obscurité.
Je gémis de douleur à cause de la chute, et des larmes commencent à s'accumuler dans mes yeux.
Comment en étions nous arrivés là ? Qui sont ces personnes ?
Je sanglote silencieusement, effrayé par le comportement de mon père. Il ne m'avait que rarement serré dans ces bras, et encore pire il ne m'appelait jamais par mon prénom.
On aurait dit qu'il souhaitait me faire ses adieux.
Un autre bruit d'explosion terriblement proche retentit, et provenait d'au dessus de moi, où était mon père, seul.
Poussé par une vague d'adrénaline, je passais à tâtons mes mains sur les murs de pierre à la recherche des pièces de métal qui servaient d'accès à la trappe. Il fallait à tout prix que je tire mon père de cette situation.
Des coups d'épées retentirent, et je reconnais sans mal la voix de mon père.
Après quelques instants les épées s'arrêtent et j'entends des voix discuter au-dessus de moi.
C'est à ce moment que ma main rencontre la marche que je souhaitais. Je l'escalade sans plus attendre, le corps plaqué au mur pour éviter de tomber. Après quelques temps, ma tête cogne le plafond et je grogne de douleur. Cependant mon geste a réussi à décaler légèrement le couvercle de ma trappe et je colle alors mon œil sur l'ouverture pour essayer de comprendre la situation.
Ne voyant pas grand chose je tente de pousser encore légèrement le couvercle mais quelque chose me retient. Mon père s'était assis derrière son bureau ce qui veut dire que j'étais sous lui, et je présume qu'il avait mis son pied pour m'empêcher de continuer.
Alors qu'il parlait dans une autre langue avec ceux qui étaient en face de lui, je le vois baisser imperceptiblement sa main vers l'ouverture où je me trouvais. Il tente alors de repousser le couvercle pour me barrer la vue mais je l'en empêche en glissant ma main hors de l'ouverture pour saisir la sienne.
Elle était glaciale.
Alors qu'il parle d'une voix forte à nos assaillants je sens ses doigts exercer des cercles sur ma paume. Je sens les larmes me monter alors que je place mon autre main sur ma bouche pour étouffer mes sanglots. J'avais tellement peur pour lui.
En écoutant la conversation, que je ne comprenais pas, un mot revenait souvent, comme une appellation. GD. Peut-être était-ce le nom d'un de nos assaillants ?
Mes réflexions sont écourtées lorsque mon père décide de lâcher ma main, ce qui me laisse un sentiment de froid et de vide sur l'instant. Cependant je rencontrai bien vite de nouveau ses doigts, mais ils détenaient quelque chose. Une sorte de petite sphère métallique à la couleur nacrée qui était un peu plus petite que la pomme que j'avais mangé ce matin.
Sentant qu'elle avait une valeur particulière aux yeux de mon père je la fourre immédiatement dans l'une de mes poches. Quand je remonte la main je rencontre une pièce de cuir longue. M'en emparant avec curiosité mon cœur manque un battement lorsque je comprends de quoi il s'agissait.
Mon père venait de me donner sa dague dont il ne se séparait jamais, se désarmant purement et simplement alors qu'il avait un agresseur devant lui. Était-il fou ?
Les larmes roulant toujours sur mes joues, je tente faiblement de la remonter pour qu'il puisse s'en servir pour se défendre mais il la repousse vers moi doucement. Je la place donc à contre-cœur au niveau de la ceinture de mon pantalon.
Alors que la conversation semblait plus tendue, mon sang se glace.
Mon père vient de prononcer cinq mots.
Cinq mots que je comprenais, et qui m'étaient adressés.
- Sois fort Taehyung, je t'aime.
Avant même que je ne puisse réagir, la trappe se referma pour de bon, ce qui me fait chuter sous le coup de la surprise.
Cependant je n'ai pas le temps de m'occuper de la douleur de la chute que je me relève précipitamment et regarde vers le haut. J'entends mon père se lever violemment, se qui fait racler sinistrement sa chaise sur le sol.
Puis un bruit d'explosion qui résonne dans les profondeurs du sous-sol plongé dans les ténèbres.
Et le bruit d'un corps qui tombe.
Puis un deuxième.
Le mien.
La terreur m'empoignant férocement le cœur je me recroqueville contre le mur de pierres glacé du souterrain. Les larmes ne sortent plus, je suis tétanisé. Un son rauque s'échappe cependant des tréfonds de ma gorge, comme un hurlement étranglé.
- Papa.
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Et voilà pour le deuxième chapitre !
A la semaine prochaine pour la suite,
Prenez soin de vous,
- L'auteure -
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