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- - - - - PDV Sakura - - - - -

Ayant revêtit une robe blanche avec une ceinture de cuir noir, c'est sur la pointe des pieds que je m'extirpe de ma chambre, mes sandalettes à la main. J'avance sans faire le moindre bruit, rejoignant rapidement l'escalier. Sauf que là, ça se corse. Certains mecs de papa font des allers et retours avec d'énormes malles, ils ne feraient certes pas attention à moi, mais je ne passerais pas inaperçue. Je patiente le temps que plus personne ne passe, mais dix bonnes minutes passent. Et brusquement, une voix se fait entendre dans mon dos. Je retiens de peu le cri de stupeur qui menaçait de s'échapper de ma gorge.

Hicho : - Je peux savoir ce que tu fais ici, Sakura ?

Je fais volte face, mais n'ai pas besoin de parler quand il voit ma tenue et mes chaussures.

Hicho : - Tu comptes aller où, au juste ?

Sakura : - Je rejoins Sean et...

Hicho : - Mon fils se rend sur la plage avec ses imbéciles de copains. Ils ont 16 ans, ils ont l'âge de sortir seuls. Mais toi ? Tu approches seulement de tes 13 ans. Tu crois que ta place est dehors.

Je me renfrogne aussitôt.

Sakura : - Jusqu'à preuve du contraire, tu n'es pas mon père !

Hicho : - Non, et s'il savait que je t'ai laissée filer, il me décapiterait, toi avec. Retourne dans ta chambre.

Sakura : - Mais je ne...

Hicho : - Dépêche-toi, Damian est en bas, il va forcément te voir !

Je peste entre mes dents et rejoins ma prison dorée en tapant lourdement des pieds. Je fulmine une fois la porte claquée dans mon dos, mais ce n'est pas ça qui va m'arrêter ! Je ferme le verrou de l'entrée, histoire que personne ne vienne m'emmerder, j'enfile mes chaussures puis me précipite vers le balcon. J'aperçois Sean qui tourne en rond avec ses copains, et s'esclaffe lorsqu'il me voit.

Sean : - Tu crois qu'on va t'attendre pendant des heures ? On loupe la fête du siècle là, putain !

Sakura : - Je suis tombée sur ton père, là je suis sûre que les gars surveillent ma porte et...

Sean : - Super, bonne soirée alors, on se casse nous !

Il claque des doigts et commence à s'éloigner, mais je l'alpague encore.

Sakura : - Sean ! S'il te plait, j'ai besoin de sortir d'ici !

Mais il lève les bras au ciel pour m'ignorer. J'ai compris, je dois me débrouiller seule. Je me penche et aperçois un camion un peu plus bas, non loin de ma terrasse. C'est l'heure des livraisons, on dirait. Je mords ma lèvre, j'ai pas trente-six solutions, je dois tenter le tout pour le tout. Je me hisse sur la rambarde de pierre, avançant jusqu'au bord. Heureusement que je n'ai pas le vertige.

Sean : - Mais tu fous quoi ! Descends de là avant de te tordre le cou !!!

J'entends des pas et aperçois sa joyeuse petite troupe au bas de mon balcon.

Sakura : - Je gère !

Sean : - On va faire diversion c'est bon, mais putain, descends !

Sakura : - Non, je voudrais pas te déranger !

Sean : - Sakura !

Je prends une impulsion et me propulse dans le vide, mon souffle se coupant instantanément. Mon corps est réceptionné par la bâche du camion, de la poussière blanche s'en échappant sous mon corps. Je tousse légèrement et effectue une rotation pour tomber du véhicule, mais j'ai très mal calculé la vitesse de mes gestes. Je tombe à plat ventre, ayant tout juste le temps de mettre mes mains devant mon visage pour amortir la chute.

Sean : - Putain, ça va ?!

Je hoche la tête en ne répondant rien, puis je relève la tête en riant.

Sakura : - Si j'avais su que c'était aussi simple de faire le mur !

Le fils d'Hicho secoue la tête et me tend sa main que j'empoigne avec plaisir. Je me redresse, tapote ma robe pour la remettre correctement, puis je me mets à courir quand j'entends certains gars du gang péter un câble.

? : - C'est une blague ? Mais montez voir ce que c'est, vous avez vu ce nuage de coke ? On va rapidement se faire repérer par les autres gangs, là ! Hop, bougez-vous le cul !

? : - Tu veux qu'on fasse quoi, qu'on souffle pour faire disparaître le nuage ? T'es con ou quoi ?!

Je me retiens de rire et continue de courir, les potes de Sean m'emboîtant le pas.

Sean : - T'es une grande malade !

Sakura : - Je suis enfermée depuis trop longtemps, j'ai besoin de voir la civilisation !

Sean : - Regardez-moi Princesse Raiponce qui adore quitter sa tour !

Sakura : - Raiponce est blonde, ignare !

Nous rions aux éclats, nos pas nous emmenant rapidement sur la plage à plusieurs mètres de la villa des Dagger Rose. Je savoure les grains de sable qui s'insinue entre mes orteils, mon visage se relevant pour apercevoir une foule de monde un peu plus loin, la musique étant plus forte d'ici. Je reprends mon souffle, souriant à Sean quand il arrive à ma hauteur.

Sean : - Je t'ai sous-estimée, Saku'. Mais qu'on soit clairs : tu t'approches de personne. C'est pas écrit sur ton front que t'es la fille d'El Demonio, mais la plupart des gars de gang savent à quoi tu ressembles s'il ont déjà traité avec les Dagger Rose. Tu restes avec nous, histoire qu'on te ramène en vie.

Sakura : - Laisse-moi profiter un minimum...

Sean : - Tu profites, mais avec nous. T'as pigé ? Je te ramène à la villa, sinon !

Sakura : - Le chantage ne marche pas avec moi...

Je lui souris, avant de reprendre la marche vers cette fête qui bat son plein, alors que j'entends parfaitement Sean dans mon dos.

Sean : - Les gonzesses, putain !

? : - Arrête mec, c'est pas n'importe quelle gonzesse... Elle est badasse, même sans seins ! Imagine plus tard le missile que ce sera. Et tu es aux premières loges, veinard !

* * * * *

Je me penche pour attraper un gobelet vide. Le GHB doit circuler à foison ici, je joue des coudes pour rejoindre Sean et son groupe, ce dernier m'attrape d'ailleurs vivement par le bras.

Sean : - Je t'ai dit de pas t'éloigner !

Sakura : - Je cherchais un verre, c'est bon, lâche-moi, tu veux que je m'enfuis où ?!

Je lui arrache presque la bouteille de rhum qu'il tient et me sers un verre.

Sean : - T'as pas l'âge de boire, t'es sûre que je vais pas te ramener en te traînant ?

Sakura : - C'est pas parce que j'ai passé toute ma vie enfermée que je sais pas où mon père range les meilleures bouteilles d'alcool ! Tu me prends pour quoi, un lapin de six semaines ?! Lâche du zèle et amuse-toi !

Sean : - C'est ma tête qui part s'il t'arrive quoi que ce soit !

Je lui tapote la joue, avant de me pencher pour l'embrasser. Il écarquille les yeux, attrape fermement mes épaules pour m'éloigner de lui.

Sean : - Sakura ! Merde !

Sakura : - C'est ce que tu veux depuis le début, Sean. Quoi, ça te plait pas ? Fais attention de pas me briser le cœur

Sean : - Crois-moi que c'est pas le cœur que je vais te briser, attends que t'aies quinze ans...

Je comprends parfaitement ses insinuations lorsqu'il détaille mon corps de haut en bas. Je penche la tête sur le côté, avant d'être faussement paniquée.

Sakura : - Oh papa ! Pardon, je sais que je devais pas sortir !

Perdant de ses couleurs, Sean se retourne, ayant passé l'envie de rire. Mais moi, j'explose de rire en voyant sa mine déconfite quand il constate que je viens ouvertement de l'humilier. Son regard noir vient croiser le mien, mais il ne dit rien et retourne avec sa horde de copains. J'en profite pour m'éloigner un peu, observant les corps qui se déhanchent au rythme des sons latinos. Il y a des jeunes de tout âge : allant de la quinzaine à la quarantaine. Je suis largement la plus jeune, d'ailleurs, je ne devrais pas être ici, mais ça me change vraiment les idées !

? : - Tu t'es perdue ?

Je me retourne lorsque je sens une main ferme se poser sur mon épaule. Je lève les yeux pour détailler un homme de vingt ans, brun, bandana sur la tête, yeux bleus hypnotisant. Wow, du genre Brad Pitt, en chair et en os devant moi ! Ne parlons même de ses muscles vertigineux et de ses tatouages. Il a de l'encre presque partout ! Je sens que je bave littéralement, alors qu'il réitère sa question.

? : - Eh oh, petite. Qu'est-ce que tu fais ici ?

Sakura : - Je suis avec des amis.

? : - T'as quel âge ?

Sakura : - T'es de la police ?

Un rictus étire ses lèvres. Il glisse une cigarette entre ses lèvres, le bout de celle-ci étant incandescente. Il inspire une bouffée puis me crache la fumée au visage. Je bats ma main devant moi pour rendre l'air plus respirable, ce n'est pas du tabac mais bien du cannabis, je reconnais cette odeur. Les mecs du gang fument souvent ça, et quand je suis sur ma terrasse, je sens tout !

Sakura : - Je prends ça pour un non...

? : - T'as tout compris. Je m'appelle Knight. Et toi ?

Sakura : - Sakura Sot... Sakura.

J'étais à deux doigts de révéler mon identité, quelle sotte ! Pour une fois que quelqu'un est gentil avec toi, et pas mesquin, je n'ai pas l'habitude ! Les yeux de Knight se plissent et brillent d'une tout autre façon que tout à l'heure.

Knight : - Sakura... Comme la fille du démon ?

Je secoue la tête. Merde, vite Saku', trouve un échappatoire !

Sakura : - Je n'ai que le prénom en commun de cette pauvre fille qui reste enfermée...

Knight : - Ah ça, je te le fais pas dire. La pauvre doit être folle entre quatre murs.

Sakura : - J'imagine, oui.

Et c'est le cas. Je prends une gorgée de ma boisson, alors qu'il me fait un signe de tête.

Knight : - Tu veux qu'on discute dans un coin plus tranquille ?

Sakura : - Du genre ? J'ai même pas quinze ans, alors oublie le sexe !

Je parviens à lui arracher un rire. Et quel son... La plus parfaite des harmonies, alors c'est ça, un homme sans armes ? Sans la peur au ventre d'être mitraillé par mon père parce qu'il m'adresse la parole ?

Knight : - Nan écoute, ça ira, j'ai pas envie d'être jugé pour détournement de mineure ! J'ai mon bateau là-bas, si tu veux on peut y aller.

Sakura : - Avec plaisir.

Je glisse ma main dans celle qu'il me tend. Les gens se poussent à son passage, en même temps, pas étonnant vu la carrure qu'il a. Je baisse la tête quand je sens des regards sur moi, qu'est-ce qui leur prend à tous, là, ils n'ont jamais vu une gamine qui fait le mur ? Je tente de faire abstraction de toute cette foule, jusqu'à ce que l'eau de la mer entre en contact avec mes pieds. Je relève la tête pour voir Knight qui monte sur un petit bateau blanc, et je suis obligée de suivre le mouvement puisqu'il tient ma main.

Je m'installe sur le petit fauteuil, tandis que le beau brun se glisse derrière la barre, tourne la clef dans le contact, le moteur se mettant à ronronner.

Sakura : - Pourquoi tu démarres ?

Knight : - Je nous éloigne juste un peu de la plage.

Je fronce aussitôt les sourcils. Pourquoi nous éloigner encore ? Nous sommes parfaitement tranquilles ici.

Sakura : - Je ne sais pas nager. Je serais plus sereine si on restait là.

Mais il ne m'écoute pas, et fais foncer le bateau loin du rivage. Je manque de passer par-dessus bord avec la propulsion, je me tourne quand j'entends mon nom et aperçois Sean avec ses potes qui courent jusqu'à moi. Mais je suis de plus en plus loin ! Je distingue encore la colère qui déforme les traits du coréen, s'il raconte ça à mon père, c'en est fini de lui ! Je me redresse pour venir attraper les larges épaules de Knight qui continue de piloter. Il est obligé de lâcher la barre et bascule en arrière, s'écrasant sur moi. J'étouffe un gémissement de douleur, la montagne de muscles peste et se retourne, m'assénant une gifle que je ne vois pas venir.

Knight : - Sale garce, putain, t'aurais pu nous tuer, là ! Laisse-moi conduire tranquillement, et je te ferais aucun mal.

Je bats des pieds et des mains pour tenter d'échapper à sa prise. Mais il est bien trop fort pour moi. Une de ses larges mains vient tenir fermement mes poignets, tandis que l'autre vient soulever ma robe jusqu'en haut de ma poitrine. Je remue tel un ver de terre, sous les rires gras de ce connard.

Knight : - Oh, tes piqûres de moustiques commencent à pousser, si c'est pas mignon...

Sakura : - Lâche-moi ! dis-je en lui crachant à la gueule.

D'un revers de sa main libre, il essuie son visage, avant de revenir à la charge. Il baisse ma culotte, ricanant encore plus.

Knight : - Mademoiselle a ses règles, si tu te tiens pas tranquille, je risque de te faire très mal, le passage par derrière est assez étroit. Sois docile, ça ira.

Je le fusille du regard, et j'aperçois par-dessus son épaule un yacht qui se rapproche dangereusement. Cet imbécile a lancé son bateau à pleine vitesse, et il n'a pas pris la peine de retourner à la barre, pensant totalement avec son entrejambe ! Ce qu'on dit finalement est vrai, une fois que c'est irrigué là en bas, le cerveau des hommes n'est plus connecté ! Je me débats comme je peux et lui claque mon poing sur le nez, ce qui a plus le don de l'énerver qu'autre chose. Il me répond par un uppercut qui me fait voir des étoiles, mais la force de sa main qui entrave mes poignets endoloris diminue et j'en profite pour me redresser. Je remets ma robe correctement, le poussant, tandis qu'il semble comprendre ce qu'il se passe avec les cris de certaines personnes à bord du yacht.

Je parviens tout juste à sauter dans l'eau quand l'explosion retentit à côté de moi. Le souffle me propulse dans l'eau, et là, la panique me gagne. Je ne sais pas nager, quand j'ai pied ça va, mais là ! Je remonte à la surface en barbotant comme une enfant, mon poids me faisant couler. Je bois la tasse à plusieurs reprises, essayant de garder la tête hors de l'eau, mais je n'y parviens pas. Mes membres supérieurs ne me répondent plus, je sens que je coule, quand un large bras s'enroule fermement autour de moi. Je suis totalement transportée ailleurs, je ne parviens pas à distinguer réalité et fiction. Mais l'air frais fouette mon visage et bientôt, c'est un sol en bois que je sens dans mon dos. Je ne suis plus dans l'eau ?

Les battements de mon cœur reprennent et je papillonne des yeux, comme si j'étais reconnectée au monde. Ma vision est floue, mais j'aperçois le visage d'un homme près de moi. Sa voix grave s'insinue en moi, les effluves de son parfum me provoquent une chair de poule. Des notes boisées et épicées. Mon corps ne me répond plus et je ferme les yeux, impuissante.