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DARK RIVER

Elle était seule dans cette immensité de verdure sombre. Rien ne venait troubler le silence lourd de cette nuit de fin d'été, pas même ses pas ni son souffle saccadé. Le soleil venait de passer le témoin à la lune, qui, comme une nuit par mois n'avait pas à envier sa rondeur à l'astre du jour. La lune venait l'éclairer, la guider en ce jour si important pour elle.

Elle pouvait apercevoir la lisière de la forêt. Son cœur fit un bond dans sa poitrine et se mit à battre plus fort. Ses mouvements se firent plus cassés et elle accélérera le pas, alors que tout ce qu'elle voulait, c'était rebrousser chemin et retourner se blottir dans les bras aimants de sa mère, parmi les siens. Mais elle savait que si elle reviendrait, les siens la considèreraient comme un perdante, une traîtresse. Elle ne le voulait pas.

Alors, elle fronça ses fins sourcils et tenta de prendre une posture assurée, en balançant ses bras énergiquement et en écrasant ses pieds contre le sol, en faisant le plus de bruit possible. Soudain, un hululement de chouette la rappela à l'ordre. Ce n'était pas du tout elle, pour qui se prenait-elle? Elle soupira et se remit en marche normalement. Les pans de sa longue cape balayaient le sol dur et sablonneux de la forêt, mais elle n'y prêtait pas attention: encore quelques pas et elle n'en n'aurait plus besoin.

La fin du bois était toute proche. Elle sentit un long frisson de stress la parcourir. Son visage se crispa en une moue apeurée. Car oui, elle avait peur. Peur de ce qui allait suivre. Peur de l'échec. Peur des autres. Elle allait s'aventurer en terrain inconnu, se glisser parmi un peuple inconnu, se servir d'objets inconnus... Elle était terrifiée.


- Ma chérie, comme je suis contente pour toi! Dix-huit ans, ma puce!

Ma mère me prit dans ses bras et me serra aussi fort qu'elle le pouvait. Je la repoussais gentiment.

- Tu me fais mal, maman, soufflais-je avec un sourire gêné.

Je m'écartais d'elle et la regardais un instant. J'étais son portrait craché: j'avais ses yeux, son nez, sa bouche, ses cheveux, son menton...

J'étais elle, elle était moi. Elle me souriait tristement. Je lui rendis son sourire, non sans y rajouter toute la peine en moi. Mes yeux s'embuaient lentement de larmes.

Soudain, quelque chose m'atterit sur le dos. Je me retournais, sur la défensive. Et j'éclatais de rire. Ce n'était que mon meilleur ami. Un sourire éclaira mon visage, et du revers de ma manche, je séchais mes yeux. Et je me lançais à sa poursuite avec un cri guerrier. La course dura longtemps, et se finit dans notre endroit préféré, près d'un grand arbre multicentenaire. Nous étions essoufflés. Essoufflés mais heureux. Il avait mon âge, mais il n'a pas été choisi. Il restait avec les autres. C'était une règle idiote. Mais c'était une règle.

Je levai mon regard et mes yeux croisièrent les siens. Alors, il ouvrit la bouche pour me dire quelque chose...

Elle secoua la tête. Non, elle ne voulait pas se rappeler de ce qu'il s'est passé après. Ces moments heureux étaient derrière elle. Elle devait les oublier et se concentrer sur le présent pour ne pas faire d'erreurs.

Quelle règle idiote! Le présent. Elle ne sert tellement à rien! Le présent! Pourquoi faire ça? Pourquoi briser des cœurs? Parce que c'est comme ça, le présent, bon sang!

Elle déglutit. Elle y était. Elle était à la lisière de la forêt.

Alors, elle délia le nœud qui maintenait sa capuche et la l'enleva doucement. Sa cape tomba mollement à terre, comme ça, sans bruit. Les vêtements qu'elle portait maintenant ne lui plaisaient pas. 'C'est ce que portent les humaines.' lui avait assuré son ancien chef. Elle devait leur ressembler. Elle n'avait pas le choix. Le 'jean' la serrait trop, le 'débardeur' lui semblait trop court et trop décolleté et les 'talons' de ses chaussures, trop haut.

La lune commençait à être haute. Encore quelques heures et elle serra à son summum. C'était l'heure de son rendez-vous. Alors, elle monta sur une pierre et inspira fort. Elle hurla longuement pour s'annoncer. Son cri était doux et puissant à la fois, un vrai cri de loup. Elle entendit un martèlement de pattes derrière elle. Elle descendit de sa pierre et accueillit le loup avec un grand sourire.

- Papa... souffla-t-elle.

Le loup ne répondit pas. Il portait un sac dans sa gueule. Elle le lui prit et passa ses bras autour de l'encolure de son père. Sa fourrure était douce, soyeuse... Elle pourrait passer des heures à la caresser. Seulement, elle devait le quitter.

Elle se détourna et partit. Sans un au revoir. Elle ne pouvait pas. Elle descendit la pente qui la séparait de la 'ville'. Elle descendit la pente qui la séparait des siens. Son père hurlait à la lune. Elle pleurait. Elle n'avait pas le choix. Elle courait et courait encore jusqu'à arriver à une 'maison'. D'autres suivirent.

Les habitations se faisaient plus denses. Plus hautes. Plus menaçantes. Plus proches...

Elle montra ses dents et cracha. Elle n'était pas habituée à ça. Sans compter la lumière aveuglante... Elle rebroussa chemin jusqu'à la première maison. Elle décida d'ouvrir le sac. Dedans il y avait une sorte de planche faite avec une matière qu'elle ne connaissait pas. Il y avait un tube, aussi. Elle en souleva le bouchon et découvrit un autre tube. Elle fronça les sourcils. Qu'est ce que c'était que cette chose? Du bout du doigt, elle le toucha. Le contact n'était pas agréable. Elle regarda son doigt. Il y avait une trace rouge dessus. Elle reboucha le tube et le rangea. Il y avait également une petite carte. Elle se demanda à quoi elle pouvait bien servir. Et pour finir, il y avait une petite pochette avec plein de feuilles multicolores et des petits ronds plats malodorants.

Elle referma le sac et se remit en route en plissant ses yeux. La lumière l'aveuglait toujours mais elle essayait de ne pas y penser. On lui avait expliqué tant de fois le trajet qu'elle n'eut presque aucun mal à trouver son chemin. Du moins, au début...

Elle était à un croisement. Trois routes devant elle. Elle ne savait où aller, les autres gens passaient devant elle en ne lui accordant pas la moindre importance. Elle cracha à nouveau. Ne voyaient-ils pas qu'elle s'était perdue? Chez-elle, on l'aurait aidée... Seulement, elle n'était pas chez-elle. Elle a été choisie. Choisie pour vivre seule. Choisie pour être rejetée de tous. Elle devait survivre seule, dans une vieille maison, trouver seule ses vivres. Elle était abandonnée. Les autres années, les choisis sont deux ou trois. Mais là, elle était seule.

Les larmes commençaient à lui monter aux yeux. Elle était toujours à ce croisement, sans savoir où aller, ni quoi faire.

Soudain, elle entendit un 'Ding!'. C'était le 'tramway' et il venait de droite. Elle commença à courir. Le sac s'envolerait si elle ne le tenait pas.

Elle arriva à l'arrêt de tramway. Il n'y avait presque plus personne. L'avait-elle raté? Quand reviendrait-il, alors? Il restait juste un homme, avachi sur un siège qui avait l'air froid et dur, les mains dans les poches. Il fixait le vague. Elle s'en approcha et s'éclaircit la gorge.

- Hum... Excusez-moi?

L'homme releva la tête. Il ne semblait pas bien plus vieux qu'elle. Seulement un ou deux ans de différence.

- Euh... Savez-vous quand arrive le prochain tramway?

- C'est écrit là, répondit-il en désignant un panneau en accroché en l'air.

- Ah. D'accord, merci.

Sa voix était douce et belle. Elle allait tellement avec ses cheveux bruns, coupés court derrière et longs devant, ses yeux bru...

- Vous pouvez arrêter de me regarder? fit-il.

Elle détourna tout de suite le regard et le porta sur le panneau. 'Prochain tramway: 6 minutes'. Elle n'avait aucune idée de ce que pouvait être une minute, et ne savait donc pas si c'était long ou pas.

La longue marche à travers la forêt dans ces espèce de chaussures surélevée l'avait fatiguée, et elle décida donc de s'asseoir. Elle avait préféré garder un siège d'écart entre elle et le jeune homme. De toute façon, elle ne le connaissait pas, alors pourquoi s'imaginer des histoires? Et elle ne voulait pas tromper son ami... Eh mais, pourquoi pense-t-elle qu'elle s'imagine des choses? Elle ne s'imagine rien. Rien du tout. C'est la dernière fois qu'elle le voyait. Point. Mais d'un autre côté, elle ne reverra jamais son ami non-plus. Non et non. Elle était faite pour vivre seule, elle a été choisie.

À mesure que ses réflexions se transformaient peu à peu en débat, d'autres gens commençaient à arriver. Elle se sentait de moins en moins mal à côté du jeune homme.

Elle décida d'observer les humains. Voir comment ils vivaient. Il y avait trois filles de son âge. Elles étaient toutes les trois le nez dans leurs planches. Les même que celle dans son sac. Les plaches étaient lumineuses visiblement, car elle renvoyaient un éclat blanchâtre sur le visage de leurs propriétaires. Elle ne comprenait pas pourquoi la sienne était sombre. Elle la sortit. Toujours sans lumière. Elle la tourna dans tous les sens, la secoua. À côté d'elle, elle entendait quelqu'un glousser. C'était le jeune homme. Entre ses mains, il avait exactement la même planche, sombre, elle aussi.

- Tu sais pas comment on l'allume? demanda-t-il, moqueur.

- Allume? C'est une bougie, c'est ça?

- Euh... Tu es bizarre, toi. J'espère que tu le fais exprès, fit-il, méfiant.

- Ou... Oui, bien sûr.

Plus cette discussion allait, moins elle comprenait.

À côté d'elle, le jeune avait appuyé sur un bouton sur le côté droit de la planche, et elle s'illumina. 'Wouah!' pensa-t-elle, et essaya d'en faire autant. Mais rien ne se produisit. Oh, et puis va en enfer, planche de malheur!

'Ding!' Le tramway! Déjà? C'est rapide, six minutes! Elle se leva et regarda l'espèce de chenille ramper vers elle. Elle ne savait pas du tout comment monter dedans, et décida donc de faire comme le jeune. Il appuya sur un bouton et les portes s'ouvrirent. Elle entra à sa suite. Il s'approcha d'un boîtier et montra une carte. Le boîtier émit un son et il la rangea. C'était la même que celle dans son sac! Elle la sortit et la plaqua avec force. Rien ne se produisit. Elle l'enleva alors et réessaya. Encore rien. Elle la passa dans tous les sens, rapidement et lentement. Enfin, il y eût un 'Bip'. Elle rangea sa carte, rassurée.

Soudain, le tramway s'ébranla. Elle ne s'était pas accrochée s'étala par terre. Certains eclatèrent de rire. Le jeune homme en faisait partie. Elle se releva en les foudroyant du regard, et montra les dents au jeune. Il fit une tête étonnée.

- Tu te prends pour un chat?

- Je me prends pour ce que je suis suis, une fille majeure de mon peuple. Une Louve.

C'est ce qu'elle aurait voulu lui hurler. Elle se tut. Elle ne voulait pas qu'il le sache, car il ne comprendrait pas et se moquerait d'elle. Il était un sans cœur idiot.

Elle devait sortir au bout de cinq arrêts. Si elle avait bien compté, c'était le prochain.

Enfin, le tramway s'immobilisa. Il n'y avait plus grand monde dedans. Mais elle avait observé les gens sortir, et elle se sentait capable de le faire elle-même.

Elle lâcha donc sa barre et s'approcha de la porte. Elle appuya sur le bouton central, en priant pour que ça marche. Elle soupira de soulagement lorsqu'elle vit les portières s'ouvrir. Elle sortit, trop heureuse de sentir à nouveau le vent sur son visage, faisant voler ses courts cheveux bordeaux. Elle se sentait vraiment à l'étroit dans le tramway.

Normalement, sa maison se trouvait quelques rues plus loin. Elle devait aller tout droit, toujours tout droit. Elle y était presque. Dans la même rue, il y avait les autres choisis. Ils seront là pour l'accueillir. Ils l'aideront. La soulageront. Elle y était presque.

Soudain, elle entendit des pas derrière elle. Elle se raidit. C'était son imagination, c'était sûr! Il n'y avait personne, ou du moins personne de méchant. Alors pourquoi s'inquiéter? La curiosité étant plus forte que la raison, elle se retourna.

C'était le jeune homme. 'Encore lui?' pensa-t-elle. 'Il me suit ou quoi?' Elle essaya de porter son attention sur la rue, histoire de ne pas se tromper de chemin, sans succès. Ses pensées étaient focalisées sur le jeune. 'Arrête de penser à lui. Il n'est rien pour toi. Oui, mais il est bizarre, il me suit tout le temps! Et alors? Et puis d'abord, il ne te suit pas, c'est juste une coïncidence. C'est tout. Il habite dans le coin.'

Seulement, dans le coin, il n'y avait que de vieilles maisons délabrées, réservées aux choisis. Aucun humain ne vivait ici. Aucun ne s'y risquait. Alors pourquoi lui...?

Elle jetta un coup d'œil par dessus son épaule. Il était toujours là. Alors, elle se retourna pour de bon et se planta devant lui.

- Qu'est ce que tu as? demande-t-il, l'air ennuyé.

- Qu'est ce que j'ai? Pourquoi tu me suis?

- Je te suis pas... On prend le même chemin, c'est tout.

Sans s'en rendre compte, ils s'étaient remis à marcher, côte à côte.

- T'es bizarre, tu sais... lança-t-elle.

Cette fois, c'est lui qui s'arrêta net.

- Moi? Bizarre? Tu t'es vue ou pas? Tu sais même pas te servir d'un portable!

Elle fut prise de court.

- D'un... D'un quoi?

- Rectification: tu sais carrément pas ce qu'un portable.

Il soupira et sortit sa planche de sa poche.

- C'est ça, un portable.

- Ah...

Et le silence s'installa à nouveau.

Plus qu'une rue. Plus qu'une rue, et elle allait enfin s'en débarrasser. Les maisons inhabitées passaient sur ses côtés avec une lenteur insupportable, elle avait beau marcher le plus vite possible, elle avait l'impression que tout le monde s'était ligué contre elle pour qu'elle passe le plus de temps possible avec le jeune homme.

Enfin! La rue était finie, et elle put tourner à droite... pour se retrouver au début de la rue qu'elle venait d'emprunter. Le panneau bleu délavé indiquant le nom de la rue la narguait du haut de son poteau. 'Tu n'est pas prête de t'en sortir!' semblait-il s'amuser à chanter.

L'air avait quelque chose de malsain. Le silence était lourd, pesant sur leurs épaules. Ils se regardaient, sans trace de méchanceté ou d'autre chose, non. Que de la peur.

Soudain, il l'attrapa par la main et se mit à courir, tournant le dos à la rue. Entre deux foulées, il lui souffla:

- Ils arrivent!

- Qui? demanda-t-elle, au bord des larmes de panique. Qui?

- Les Loups Noirs.

Les Loups Noirs. Les derniers être qu'elle voulait voir. Les ennemis de son peuple depuis toujours.

- Qu'est ce qu'ils font ici? demanda-t-elle d'une voix suppliante.

- J'en sais rien, qu'est ce que tu crois! Il faut courir avant qu'ils n'arri...

Son mot fut coupé net par des hurlements sauvages de dizaines de Loups. Elle se retourna et vit une multitude de paires d'yeux bleus luire non loin. Un hurlement se détacha des autres par sa force et sa gravité et elle vit les yeux s'approcher. Les Loups Noirs étaient là, et ils n'avaient aucune chance de leur échapper. Mais ils continuaient de courir comme ils le pouvaient. Elle était ralentie par ses talons.

Elle se foula la cheville et s'étala par terre. Alors, elle se ôta ses chaussures et les lança sur les loups les plus proches. Une seulement atteint sa cible. Elle tenta de se relever mais sa cheville l'en empêcha. Elle commençait à deviner ce qui l'attendait. Mais elle était une battante, elle refusait de se faire à cette idée. Alors elle sortit une petite pierre de sa poche. Elle l'avala juste avant que le premier Loup Noir ne la morde sauvagement. Elle sentit son corps se tendre, se rapetisser par endroits, et grandir par d'autre. Elle se releva. Elle était devenue un Loup. Un Loup Blanc. Ce qu'elle avait hérité de son père. Si elle allait mourir, autant quitter la vie dans sa vraie forme.

Elle était seule parmi tant de Loups. Elle se battait férocement, mais ce n'était pas suffisant. Elle était encerclée. Les coups pleuvaient sur elle, elle ne tiendra pas longtemps.

Un coup de feu retentit dans la nuit, et elle vit un Loup Noir tomber. Un autre coup, et un autre Loup succomba. Les autres prirent peur et s'enfuirent. Elle leva les yeux vers son sauveur. C'était le jeune homme. Il tenait un fusil. Le même que certains humains utilisent pour décimer son peuple. Mais cette fois, il lui avait sauvé la vie, au prix de deux autres.

Elle essaya de se relever, sans succès. Elle gémit. Sous cette forme, elle ne pouvait parler, mais il comprit que ça voulait dire qu'elle avait très mal. Des griffures profondes tailladaient sa gorge, et des morsures sanglantes étaient visibles sur son flanc. Il s'approcha d'elle et la prit dans ses bras. Elle était épuisée. Les pas du jeune homme la bercèrent et elle s'endormit.


Un silence malsain s'était imposé depuis tant d'années au dessus de la Rivière. C'était l'hiver et elle était gelée. La végétation tout autour semblait s'être arrêtée de vivre sous l'emprise des griffes glacées de la saison. La neige s'était amoncellée partout où elle le pouvait, sans personne pour la balayer. Les flocons continuaient de tomber lentement, comme ils l'avaient toujours fait.

Le temps n'existait pas, ici. Personne ne s'en souciait car personne de censé ne venait ici. Car cette rivière faisait peur. Elle a été le théâtre de nombreux crimes. Et, à ce qu'il paraît, il y avait ici des réunions nocturnes de personnes peu fréquentables.

Aussi, des femmes trahies par leurs maris, des hommes soûls rejetés par leurs épouses et des enfants battus par leurs parents venaient se noyer ici. Il suffisait de briser la glace et d'entrer entièrement dans la rivière.

Ses eaux noires finissaient le travail. Elles entraient par le nez, s'infiltraient par la bouche et coulaient le long de la gorge jusqu'aux poumons.

Elles les glaçaient, les pétrifiaient. Et la vie faisait le sens inverse, quittait sans regret le corps qui l'a abritée tant d'années, et qui maintenant s'enfonçait dans les profondeurs noires de la rivière, allant rejoindre les autres malheureux de ce monde.

C'est ce qu'elle voulait. Mourir. Quitter la vie comme on quitte son pire ennemi. On quitte quelque chose qu'on n'aime pas pour son propre bien, non? Pour retrouver quelque chose qu'on aime? Si mourir c'était ça, alors elle était prête.

Elle se fraya un chemin jusqu'à la rivière parmi les buissons gelés, sans se soucier des branches rendues encore plus pointues par le gel qui s'enfonçaient dans sa peau couleur lait. Elle s'arma d'une grosse branche et brisa la glace. Les éclats volerent autour d'elle mais elle n'y prenait pas garde. La jeune Louve entra dans l'onde glacée et fut prise d'un malaise. L'eau était plus froide qu'elle ne s'y attendait, et elle n'était vêtue que d'une simple robe en soie. Elle avait de l'eau jusqu'au cou maintenant. Elle criait de douleur, l'onde noire la brûlait par son froid et s'infiltrait déjà par ses pores.

Elle était en pleurs, elle avait peur, elle commençait à se remettre en question, est-ce qu'elle devait réellement se noyer? Ou devait-elle vivre?

Elle expira dans une longue plainte tout l'air en elle et plongea sa tête sous l'eau. Elle ouvrit les yeux, qui furent rendus instantanément aveugles par l'onde glacée. Le froid paralysait tous ses membres, alors que la panique naturelle la poussait à se débattre, et à remonter.

Mais la glace s'était déjà réformée au dessus d'elle, la faisant prisonnière, en proie à la rivière. Elle avait comis une erreur, une grave erreur.

Elle tapait comme elle le pouvait sur la glace, espérant la voire céder sous ses coups, mais elle résistait et la narguait, moqueuse.

Ses poumons, qui brûlaient dans sa poitrine, lui criaient de renoncer, mais son caractère farouche lui hurlait de lui obéir, de continuer de se battre. Elle avait survécu à tant d'épreuves, alors pourquoi ne pas revenir vivante de celle-là aussi?

Parce que les autres fois, elle n'était pas la cause de ses problèmes. Mais cette fois, c'était différent.

Lorsqu'elle le comprit, elle cessa sa lutte sans espoir et se laissa sombrer dans la rivière, une nouvelle fois victorieuse face à sa proie.

Les ténèbres s'emparaient de son esprit alors que l'onde prenait possession de son corps. Les deux se rejoignirent au cœur et l'attaquèrent en même temps.

Elle ferma les yeux pour la dernière fois et son corps se détendit. Lorsqu'elle toucha le fond de la rivière, elle n'était déjà plus.

Elle se réveilla en sursaut et inspira bien fort. Que lui était-il arrivé? Elle n'en savait rien.

Une main était posée sur son front. Sans même avoir à lever les yeux, elle savait à qui elle était.

- Tu es réveillée... murmura-t-il simplement, comme pour lui-même.

- Oui... répondit-elle sur le même ton. Où sommes-nous?

- Chez-moi.

- Chez-toi?

- Chez-moi.

Un mince sourire se dessina sur le visage de la jeune fille.

Le premier depuis... depuis combien de temps, au fait?

- Euh... commença-t-elle, ne sachant comment l'appeler.

- Oui?

- Comment tu... Enfin, depuis combien de temps je dors?

- Je sais pas trop, une dizaine d'heures je pense.
Heure... C'est plus grand ou plus petit que minute?

- Euh... C'est combien, une heure?

- Soixante minutes.

- Ah... Alors c'est beaucoup?
Il sourit et aquiesca.

- Mais il y a des gens qui restent inconscients beaucoup plus longtemps, tu sais, fit-il remarquer.

Elle ne répondit pas.

C'est en essayant de se relever qu'elle se rendit compte de l'ampleur de l'attaque des Loups Noirs. Elle avait des bandages partout, et même sur sa...

- Eeeeh! Cria-t-elle.

Il ria.

- J'allais pas te laisser mourir! se justifia-t-il. Et puis, tu étais encore une Louve.

- Mouais, ça passe comme excuse... D'ailleurs, où est passée ma pierre?

Il montra une assiette à côté d'elle. La petite pierre blanche reposait dessus, encore légèrement brillante de salive.

- J'allais pas te la voler.

- J'espère bien, soupira-t-elle.

Il souriait toujours.

- Bon, commença-t-elle, je pense qu'il est temps d'avoir une petite discussion, toi et moi...

- Sur quel sujet? fit-il, avec un petit sourire en coin.

- Non, c'est pas ce que tu penses... Tu me fatigues.

- Pardon, pardon...

Il avait toujours l'air moqueur.

- Qui es-tu?

- Dans le sens mon prénom ou... ce que je suis?

- Tu as du temps à perdre?

- Ça dépend avec qui, minauda-t-il.

- Arrête!

Elle essaya d'avoir l'air sévère, mais elle ne tint pas et rit.

- Et puis je ne te connais même pas, reprit-elle.

- Justement, dit-il avec un petit sourire. Si tu veux aller aux toilettes vas-y maintenant, je veux pas être coupé pendant mon histoire.

- ... Toilettes?

Il soupira longuement.

- Je crois que ça va être dur... Si toi vouloir aller faire besoin toi aller maintenant, c'est clair?

- Non, non, je n'ai pas envie.

Il prit une grande inspiration.

- Bien. Alors déjà, sache que je m'appelle Nathaniel...

- Hein?!

- Oui, tu m'a bien entendu. Et c'est pour ça que je préfère qu'on me nomme Nate. Et... contrairement à ce que tu pourrais penser, je ne suis pas un humain.

Elle ouvrit de grands yeux.

- Pas un humain? répéta-t-elle.

- Non. Je suis un Loup. Un Loup Noir.

Elle eut un mouvement de recul.

- Non, n'ai pas peur! Je suis digne de confiance. Ne t'ai-je pas sauvée de mes anciens congénères? Écoute plutôt la suite.
Je suis un Loup Noir, mais je suis aussi un choisi. Tu as dix-huit ans, n'est-ce pas? J'en ai vingt. Nous avons donc deux ans d'écart. Et j'ai donc deux ans d'expérience dans le monde des humains.
Je ne sais pas pourquoi, mais le jour du départ des choisis Loups Noirs et le jour de départ des choisis Loups Blancs à été le même. Il y avait ma sœur avec moi. Les Loups Blancs, eux, étaient trois. Ma sœur était très agressive, toujours sur les nerfs. Moi, je suis plus du genre à me faire des amis.
Nous étions choisis, faits pour survivre seuls. Nous avions la chance de nous avoir les uns les autres, alors pourquoi ne pas s'entraider? Ma sœur ne l'admettait pas. Elle était distante de nous. L'un des trois Blancs était comme ça aussi. Mais il a fini par comprendre que l'amitié, c'était important, surtout dans de telles circonstances. Durant notre voyage, nous-nous sommes entraidés. Mais ma sœur a refusé. Elle n'arrivait à comprendre comment je pouvais être ami avec eux. Chaque jour, elle me disait d'arrêter de leur parler, que ce ne sont pas nos amis, qu'on peut très bien se débrouiller seuls. Je m'efforçais à la supporter, mais elle me tapait vraiment sur les nerfs.
Un jour, elle dérapa. Elle savait que j'étais très proche d'une des Louves Blanches. Elle s'appelait Kat. Je me rappelle d'elle comme si je venais de la voir. Elle avait de longs cheveux blonds ondulés, et des yeux rouges, comme tous les Loups Blancs. Elle était tellement belle et gentille que...

- Ça va, ça va, j'ai compris, soupira-t-elle. La personne est parfaite. La suite?

- Ma sœur ne la supportait pas. Elle était tout son contraire. Alors un jour, elle me demanda de choisir entre elle et Kat. Une grande dispute s'en suivit, et sous l'effet de la colère, j'ai tué ma sœur. Tu sais ce qui arrive quand on tue l'un des siens...

- On est banni...

- Ouais. Banni. Ça ne m'a pas vraiment dérangé. Je voulais devenir un Blanc pour ne pas être 'hors la loi' dans ma relation avec Kat.
Tout était parfait, nous avions une maison - celle-ci - nous étions heureux...
Il marqua une petite pause.
Mais... même les anges peuvent être mauvais. Je parle de moi, bien sûr, pas d'elle. Au cours d'une sorte de petite fête entre Blancs, j'avoue avoir un peu trop bu.
Et... j'ai parié ce que j'avais de plus précieux que pfff... Je ne sais même plus ce que j'ai parié. La seule chose que je sais, c'est que j'ai perdu. Et la chose la plus précieuse que j'avais, c'était Kat. Elle n'a pas supporté ça, alors elle est partie dans la nuit, pour ne plus revenir. J'ignore ce qu'elle est devenue. Toujours est-il qu'on m'a chassé des Loups Blancs aussi.
Depuis, je vis seul.

- Je ne sais même pas quoi dire.

- Alors ne dis rien.

Il avait pris sa tête entre ses mains. Elle ne voulait pas que ce silence dure. Elle n'aimait pas les silences.

- Moi aussi, je vais te dire qui je suis, reprit-elle.

Il releva la tête.

- Je m'appelle Beth. Je suis une Louve Blanche, mais ça, tu le sais déjà.
J'ai grandi parmi les miens, et j'étais heureuse. Jusqu'à mes sept ans. Comme tu le sais, c'est l'âge où on sait si on est choisi ou non. En général, les choisis sont plusieurs. Deux ou trois. Mais moi, j'étais seule.

- Seule? demanda Nate, abasourdi. Ou peut-être qu'il y avait quelqu'un d'autre, mais il est mort avant ou...

- Non. J'était vraiment seule.

- Me dis plus rien. Ton père est un vrai loup, et ta mère une humaine. Tu n'as pas de frères et sœurs.

- Exact.

- Tu sais ce que ça signifie.

- Oui.

Un silence s'installa entre eux, jusqu'à ce que Beth ne le brise.

- Est-ce que... Est-ce qu'un
Loup Noir est seul?

- Pas que je sache.

- Alors il... il viendra l'année prochaine, tenta-t-elle de se rassurer.

- Il peut déjà être là. C'est pas parce que je suis un ancien Noir que je sais tout ce qu'il se passe chez-eux. Tu devrais y aller, quitte à être seule.

- Non, je refuse d'y aller! cria Beth. Je... Je... Enfin... Il doit y avoir un signe!

- Mouais... Je crois pas aux signes.

Voyant la mine décidée de la Louve, Nate ajouta:

- Bon, si tu as peur, j'irais à ta place. Il va rien m'arriver, je suis pas chois...

- Non, le coupa-t-elle. C'est ma mission.

- Faut savoir...

- Mais je n'ai pas à la faire seule.

Il soupira et passa une main dans ses cheveux.

- Bon, et admettons que l'autre choisi se pointe. Tu sauras quoi faire? Je veux dire, en quoi elle consiste, ta mission?

Beth ne répondit pas tout de suite. Elle essaya d'abord de se mettre en position assise, sans succès. Elle grogna, puis se décida à répondre en insistant sur les mots lui paraissant les plus ridicules.

- Je dois, avec l'autre choisi, aller à la Rivière Noire et attendre que 'l'Élue des Eaux' daigne montrer le bout de son nez pour nous aider à 'réunifier les deux peuples'. Et d'après moi, c'est du gros n'importe quoi. On va y aller, on va se geler, et on va rentrer. Et on aura gagné quoi? On aur...

- Calme-toi. C'est important pour nous.

Beth soupira.

- Et arrête de soupirer, reprit Nate. Si nos peuples étaient unis, tu ne serais pas clouée au lit.

- Tu as raison, dans un sens... Mais je sais pas si les Loups Noirs mériteraient de se mélanger au Loups Blancs, et...

Il la coupa d'un geste.

- Je suis un ex Loup Noir, je te signale, rappela-t-il.

Elle sourit.

- Désolée!

Il se leva du lit et lança:

- Tu as faim?

- Je préfère d'abord essayer de me lever, grommela Beth.

Elle posa ses coudes sur le matelas et s'en servit comme appui pour tenter de se mettre assise, non sans servir de belles grimaces. Ses côtes lui faisant horriblement mal, elle retomba et se cogna la tête contre le mur. Elle releva son chef tout en le massant et en jetant un regard noir à Nate qui avait éclaté de rire.

- Aide-moi à me relever au lieu de rire comme un demeuré!

- Si moi je suis une personne intellectuellement retardée, alors toi, qui es-tu? Je sais me servir d'un portable, moi! la nargua-t-il, ce qui lui valut une nouvelle œillade noire de la part de la jeune Louve.

- T'es lourde... lança-t-il tout en la mettant assise d'un mouvement brusque, et avant qu'elle n'ai pu l'insulter d'avoir été aussi peu doux, il ajouta: Et arrête de faire ta grosse victime, tu n'as rien de cassé.

- J'ai juste été à-demi mangée par des Loups pendant que monsieur a déserté mais sinon je vais bien... marmonna-t-elle comme pour elle-même; elle s'étonna lorsque le jeune Loup lui répondit qu'il navait pas déserté mais qu'il était seulement allé chercher un fusil, qui soit dit en passant, lui avait sauvé la vie.

Elle ne répondit pas et s'assit tant bien que mal sur le bord du lit. Elle resta un moment silencieuse.

- Oui, j'ai faim, finit-elle par déclarer.

- Nouvelle du siècle. Je vais te chercher quelque chose.

Et il sortit de la petite chambre. Beth en profita pour l'observer. La pièce était vraiment petite, aux murs bleus pastel sale, qui contrastaient affreusement avec la couverture rouge à fleurs jaunes horrible. La fenêtre était minuscule et les rideaux crasseux filtraient la lumière et laissaient la pièce baigner dans la pénombre.

Des moutons de poussière broutaient le parquet ça et là. Nate ne devait pas y venir souvent. Il n'avait pas besoin de deuxième chambre, la sienne lui suffisait. Nate...

Elle l'entendait faire du bruit en bas. Il était vraiment pénible. Mais drôle. Il était spécial, en fait. Différent des autres garçons qu'elle connaissait. Tout de suite, l'image de son ami lui revint en mémoire. Il n'était pas pareil, lui non plus. Il était beaucoup plus gentil, très serviable... Peut-être un peu trop.

Elle soupira. C'était compliqué! Beth se leva complètement et marcha tant bien que mal en direction du miroir situé en face de son lit. Elle se pencha pour se voir.

La jeune Louve se trouva un teint plus pâle que d'habitude, lui donnant un air fantomatique. Sa peau contrastait avec ses cheveux bordeaux foncé coupés au carré et ses yeux rouges aux reflets marrons. Elle trouva que quelque chose n'allait pas. Ses lèvres, d'habitude rouges étaient présentement presque blanches. L'attaque l'avait bien affaiblie.

- Mirroir.

Quelqu'un - Nate - venait de parler derrière Beth. Celle-ci se retourna, les sourcils foncés.

- Je sais, dit-elle.

Le jeune Loup ouvrit de grands yeux.

- Incroyable!

Beth soupira.

- Ça, par contre, ça devient commun... ajouta-t-il, ce qui lui valut une nouvelle œillade de la part de son 'invitée'.

Elle s'approcha de lui et lui prit le plateau des mains, qu'elle posa sur le lit. Puis, elle posa ses mains sur les épaules du Loup et essaya de le virer de la chambre.

- Eh eh eh! C'est chez-moi, c'est ma chambre. Sois déjà heureuse de ne pas être dehors...

- De toute façon, je suis trop faible pour te mettre à la porte, souffla-t-elle.

- C'est ça, fais ta victime, fit-il sur le même ton.

Elle se sentait vraiment mal à l'aise, trop proche de cet inconnu. Mais quelque chose la poussait à rester là, les mains sur les épaules de l'autre, qui ne bronchait pas.

Non, vraiment, tout allait trop vite. Elle enleva ses mains et alla s'asseoir sur le lit. Beth s'empara du plateau et observa avec étonnement son contenu.

- Muffin, lait, chocolat, pomme. Prends ce qu'il te plaît.

- Arrête tout de suite ce ton sarcastique, s'énerva Beth.

- Ok, miss!

Elle soupira à nouveau, et fit glousser Nate.

- Arrête de rire! Elle tenta d'avoir un ton sévère, sans succès.

- Eh mais tu sais rire! s'exclama le Loup.

Elle secoua la tête, l'air de dire 'Mais qu'est-ce qu'il est idiot!'

Elle se concentra plutôt sur la nourriture et prit entre son pouce et son index une sorte de champignon qu'elle n'avait jamais vu avant. Elle ignora le 'Ça muffin' de Nathaniel et mordit légèrement un morceau de la pâtisserie. C'était bon! Alors, elle prit une plus grosse bouchée.

***

Beth et Nate sortirent dans la rue. D'après lui, il était environs treize heures, et donc à peu près la moitié de la journée. Après une courte discussion, les deux Loups avaient décidé de chercher la maison de Beth. Cette dernière espéra que la rue n'allait pas la ramener au début.

La jeune Louve se crispa lorsqu'elle arriva devant la rue en question. Elle tourna la tête vers Nate. Il affichait un sourire confiant, mais elle savait très bien qu'il stressait tout autant qu'elle. Elle deglutit et s'engagea dans la rue, grimaçant légèrement à cause du sol rugueux et sale sous ses pieds nus. Le Loup lui avait proposé ses chaussures, mais elle avait refusé par politesse.
Maintenant, elle regrettait.

Il lui avait emboîté le pas, mais elle marchait lentement, et il fut à ses côtés au bout de deux pas. Elle le sentait tendu. Et elle l'était aussi.
Arriva la fin de la rue. Beth s'arrêta.

- Ne t'inquiète pas, lui souffla Nate en lui prenant la main. Ils ne reviendront pas.

Il se remit en marche, et la jeune Louve fut obligée de le suivre. Elle ferma les yeux lorsqu'ils passèrent la dernière maison et tournèrent à gauche.

- Le voilà, le problème, fit le Loup.

Beth ouvrit les yeux. Ils étaient au début de la rue. Seulement, un détail ne collait pas avec celle qu'ils venaient de quitter. Le panneau n'indiquait pas exactement la même chose. Une lettre n'était pas écrite pareil. Elle fronça les sourcils fit deux pas en arrière. La rue qu'ils venaient de quitter ressemblait comme deux gouttes d'eau à celle où ils étaient maintenant. Mais ce n'était pas la même.

- Qu'est ce que ça veut dire? murmura-t-elle. Pourquoi faire deux rues identiques?

- Pour nous piéger.

Il s'approcha des buissons de la maison derrière le panneau et fouilla dedans. Il en sortit la véritable pancarte.

- La voilà, ta rue, reprit-il. Tu es arrivée. Il faut juste trouver ta maison.

- C'est la troisième à gauche.

Lorsqu'ils furent devant, Beth leva les yeux. Totalement identique aux autres. Sombre. Aux fenêtres sales. Elle avait peur de vivre ici seule. Elle se tourna vers Nate. Il ne souriait pas, pour une fois. Elle lui lâcha la main et reporta son attention sur sa maison. La Louve entama à monter les marches du perron, lorsqu'elle l'entendit parler.

- Sans même un au revoir?

Elle se retourna et le regarda. Il se tenait toujours devant la maison, les bras ballants, le regard vide. Beth le fixa longuement et se détourna à nouveau. Elle n'aimait pas les 'au revoirs' tragiques. Elle détestait dire au revoir. Surtout depuis qu'elle avait quitté les siens.

***

Beth bailla. Il était tard, et elle s'était couchée. Mais le sommeil ne venait pas. Elle s'était ennuyée toute la journée, la seule activité qu'elle ait trouvée fut visiter la maison, chose vite faite, car elle était exactement identique à celle de Nate. Elle se sentait tellement seule sans lui. Presque abandonnée. Le silence constant lui pesait sur ses épaules. Sa voix lui manquait déjà. Son visage lui manquait déjà. Sa présence lui manquait déjà.

Elle se tourna sur le côté droit et poussa un cri: il y avait quelqu'un dans son lit.

Et elle le connaissait.

Il se mit en position assise sur le lit, elle fit de même et alluma la lumière.

- Qu'est ce que tu fais ici? sa voix était teintée d'étonnement, de joie, elle était outrée, aussi.

Son meilleur ami était là, à côté d'elle. Mais son regard était bizarre, malsain. Il semblait presque possédé. Beth ne comprenait pas. Il n'était pas choisi! Il n'avait pas à venir ici. Il n'avait pas le droit de fuguer. Il ne devait pas non plus savoir où elle habitait. Il allait se faire tuer par le chef! Et il aura vraiment de la chance s'il évite le sens propre.

- Je suis venu te voir.

Sa voix était inhabituelle. Bien qu'elle soit toujours aussi douce, elle n'avait pas l'accent auquel elle s'était habituée.

- Je suis aussi venu te dire quelque chose...

Elle eut un choc et crut comprendre. Elle articula tout de même:

- Quelle chose?

Il ne répondit pas et se contenta de la regarder si intensément qu'elle ne put s'empêcher de lever les yeux, elle aussi. Physiquement, il n'avait presque pas changé. Les mêmes cheveux blonds coupés très court, naturellement le même visage, mais pas les mêmes yeux. Elle eut un deuxième choc. Avant, ils étaient rouges. Sa respiration s'accéléra à mesure qu'elle comprenait. Un frisson lui parcourut le dos, et ses mains se mirent à tremblotter.

- Non... souffla-t-elle. Comment as-tu pu?

Il sourit et découvrit ses dents pointues.

- C'est comme ça, chérie!

- M'appelle pas comme ça, cracha Beth.

Il éclata de rire.

- Sors de chez-moi! cria la Louve Blanche.

- Nan. J'ai quelque chose à faire avant. Et en plus, j'aime bien chez-toi.

Ses yeux étincellèrent. Ses yeux anciennement rouges, devenus bleus. Ses yeux de Loup Noir.

Soudain, il sortit un couteau de sa poche et le pointa vers Beth.

- Mais... Mais qu'est-ce que tu fais? paniqua cette-dernière.

- Détends-toi, ma puce, ça va pas être long...

Elle gémit et chercha à tâtons sa perle. Si elle se transforme, elle pourra l'attaquer et le mordre. Et elle est plus rapide en Louve qu'en humaine, elle pourra tenter de s'échapper. Il faut qu'elle la retrouve! De son côté, son 'meilleur ami' arma son bras et donna un coup de couteau qu'elle esquiva de justesse en sautant sur le côté. Elle tomba par terre et se rouvrit sa blessure. Elle avait très mal, le sang recommençait à couler, elle voyait son bandage rougir et rougir encore, la tâche s'agrandissait à vue d'œil. Un autre coup de couteau fusa, et Beth ne sut l'éviter. Il transperça son bras gauche presque de part en part. Elle hurla de douleur, elle pleura.

- Blake... articula-t-elle avec peine. Arrête je t'en supplie! Pourquoi fais-tu ça?

Il éclata de rire à nouveau. Il prenait plaisir à la voir recroquevillée sur elle-même, il prenait plaisir à la voir pleurer, il prenait plaisir à la voir terrifiée. Mais surtout, il prenait plaisir à la voir comprendre qu'il lui avait menti, tout ce temps. Non, il n'était pas un stupide Loup Blanc. Non, il ne l'aimait pas. Elle n'était rien pour lui. Rien d'autre qu'une sale seule!

Il redonna un coup de couteau là où il le pouvait, il s'acharnait, essayant de l'atteindre au cœur. Mais elle esquivait, même si sa blessure l'affaiblissait de seconde en seconde. Bientôt, elle n'aura plus la force. Bientôt, elle mourra!

Beth était par terre, épouvantée. Elle était en larmes, et pouvait à peine bouger tant ses deux blessures la torturaient. Elle gémissait à Blake d'arrêter, de la laisser tranquille. Elle ne comprenait pas pourquoi une telle fureur. Beth était presque sûre qu'il n'était pas lui-même.

Un nouveau coup fondit sur elle. Elle put à peine rouler sur le côté. Elle était à bout de souffle. Et elle savait que le prochain coup, elle ne saurait l'esquiver. C'était la fin. Alors, elle ferma les yeux et se crispa, prête à encaisser le couteau. Son cœur battait à tout rompre dans sa poitrine. Les larmes et le sang continuaient de couler abondamment. Elle ne cessait de se répéter qu'elle était perdue. Qu'elle était finie. Mais pas à un seul instant elle ne se dit qu'elle allait mourir. Non. Elle avait trop peur de ce mot. Le coup allait arriver d'un instant à l'autre. Elle allait sentir la lame transpercer sa poitrine, venant vider son cœur de son sang, venant l'arracher à la vie à laquelle elle tenait tant, venant l'emporter dans un monde de ténèbres éternelles.

Seulement, le coup ne venait pas. Rassemblant ses dernières forces et tout son courage, elle leva la tête et entrouvrit ses yeux. Il n'y avait personne dans sa chambre. Elle porta un main à sa côte, elle ne saignait pas. Son bras gauche non plus.

Avait-elle rêvé? Mais alors, que faisait-elle par terre au lieu d'être dans son lit?

Beth se releva et alla s'observer dans un mirroir. Elle avait réellement pleuré, et le maquillage qu'on lui avait mis avant qu'elle ne quitte les siens avait coulé.

Elle ne comprenait pas ce qu'il venait de se passer. Blake était-il réellement venu? Avait-il vraiment changé de camp?

~ UN AN PLUS TARD ~

C'était la tombée de la nuit, ce moment magique où le soleil descendait lentement pour aller briller ailleurs, où les oiseaux se mettaient à chanter avant d'aller dormir, où la chaleur insupportable de la journée s'en allait pour laisser la place à une fraîcheur si agréable. À ce moment de la journée, tout se teintait d'or et de rose, parant tous les environs des plus belles couleurs qui soient, c'était aussi à ce moment de délivrance où l'on arrête de travailler pour tenter chez-soi et avoir un peu de tranquillité.

C'était le moment préféré de Beth. Elle adorait s'assoir devant sa maison, seule ou accompagnée, un verre de quelque chose à la main, et observer le jour quitter le ciel petit à petit. Elle ne manquait presque aucun rendez-vous, surtout en été.

La Louve de tout juste dix-neuf ans maintenant avait le nez levé à la voûte qui n'allait pas tarder à revêtir sa longue robe noire brodée d'étoiles.

Elle paraissait détendue, mais en réalité, elle était si tourmentée par son devoir qu'elle n'en dormait presque plus la nuit. Car on était en été, et celà signifiait que d'autres choisis allaient arriver. Et elle savait que le choisi Loup Noir allait être seul, cette fois. Elle avait aussi hâte de rencontrer les choisis Loups Blancs, pour leur demander ce qu'était devenu Blake. Elle n'a plus eu signe de vie de lui depuis son attaque fantôme un an auparavant. Elle ne savait pas quoi croire. Son cœur lui soufflait qu'il n'avait tout simplement pas pu faire ça. Mais sa conscience la raisonnait en lui disant que la preuve qu'elle avait trouvée mettait l'affaire au clair: il était coupable. Le lendemain de l'attaque, elle avait retrouvé à côté de son lit le couteau qu'il avait utilisé pour essayer de la tuer. Et elle savait que c'était celui de Blake car elle n'avait pas de couteau aussi beau: manche en ivoire, lame en argent. Elle se demandait où le Loup avait-il pu se le procurer.

Elle soupira: tout celà était si difficile!

- Encore en train de soupirer, Beth?

- Tais-toi, Nate, répondit-elle. Tu sais bien que c'est dur, pour moi, en ce moment...

Sans lever les yeux du ciel, elle sut qu'il arborait un sourire narquois, comme à chaque fois qu'elle lui disait quelque chose de manière exaspérée. Elle l'entendit s'approcher d'elle et elle dut se décaler pour qu'il puisse s'asseoir à côté.

Il restèrent un long moment assis côte à côte, sans piper mot, à regarder le jour décliner. Beth finit par briser ce silence avec la question qui lui brûle la langue depuis un an déjà.

- Est-ce que...

Il tourna la tête vers elle, et comme à chaque fois, elle rougit. Elle détourna donc le regard et poursuivit.

- Est-ce tu sais quand arrivera le choisi Noir?
Voyant qu'il fronçait les sourcils d'un air agacé, elle s'empressa d'ajouter:

- Enfin, je... je sais que tu n'es pas... enfin que tu n'es plus chez-les Loups Noirs mais, euh... Peut-être que tu as retenu le moment, à peu près, hein, où ils partent, et que heu... ben... tu pourrais me renseigner.

Il secoua la tête de gauche à droite en soupirant, un sourire aux lèvres.

- Quoi?! s'indigna Beth.

- Rien... Non, je ne sais pas exactement... À peu près comme chez les Blancs. Il va arriver bientôt, ne t'inquiète pas.

- J'ai très envie... grommela-t-elle.

- De toute façon, tu n'as pas le choix.

- Je sais, malheureusement.

Elle sentit ses yeux s'embuer de larmes, comme à chaque fois qu'elle pensait à sa destinée. Elle tenta de les retenir et leva ses yeux humides vers Nate. À son grand étonnement, il ne riait pas. Il la prit même dans ses bras, et elle fondit en pleurs. Elle se sentait bête de chouiner comme ça. Elle pensait que seuls les gamins pleuraient. Elle s'attendait à que tout le monde se moque d'elle, Nate le premier. Mais non, il la respectait.

Ils restèrent longtemps ainsi. Lorsqu'elle se releva, les oiseaux avaient cessé de chanter, et le soleil venait de disparaître derrière les maisons encore inhabitées des choisis.

- Je vais rentrer, il est tard, annonça Beth.

Elle se leva mais le Loup l'attrapa par la manche. Elle fut obligée de se retourner.

- Il est à peine 19 heures, tu ne vas quand même pas aller te coucher maintenant?!

- Et tu veux faire quoi? soupira-t-elle, avec tout de même un légère pointe d'intérêt dans la voix.

Il se leva et l'entraîna à sa suite.

- On va où?

- Surprise!

Ils marchèrent un bon quart d'heure avant d'arriver devant une longue allée en ligne droite, en pleine nature.

Nate montra sa perle. Beth acquiesca et sortit la sienne en souriant. Elle l'avala en premier et se transforma en Louve Blanche en quelques secondes. Son ami hésita quelques instants avant de faire pareil. Lorsqu'il prit sa vraie forme, il avait l'air honteux. La couleur de son pelage n'était pas noire, comme elle aurait dû l'être, mais grise, rappelant qu'il a été rejeté des siens. Beth lui signala que ce n'était pas grave en le touchant légèrement du bout du museau. Mais sans le faire exprès, elle le poussa un peu trop fort, et il la prit en chasse.

Ils se coururent après, se roulèrent dans l'herbe. Ils étaient heureux et avaient oublié toutes ces choses qui les préoccupaient. Ils rentrèrent tard, cette nuit là.

Mais ce que Beth ne savait pas, c'est qu'elle n'était plus seule dans sa rue. Les choisis Blancs étaient arrivés, apportant avec eux une terrible nouvelle.

Le réveil indiquait midi passé lorsque Beth se réveilla, le lendemain. Et même après avoir dormi tout ce temps, elle était fatiguée. Elle quitta son lit avec regret et s'habilla.
Quelques minutes plus tard, elle se trouvait devant son miroir, en train de se donner un ou deux coup de peigne dans ses cheveux devenus bruns.

Elle se rappelle le jour où sa chevelure a changé de couleur. Affolée par sa découverte, elle s'était précipitée chez Nate pour lui demander quand elle allait mourir. Il a éclaté de rire et l'a soulagée en lui disant que c'était normal, et qu'elle perdait petit à petit ses signes distinctifs et qu'elle devenait 'plus humaine'.

Elle allait se donner un ultime coup de brosse lorsque quelqu'un toqua à sa porte.

Méfiante, elle descendit les escaliers sans bruit et s'arma de son chausse-pied métallique. Lorsqu'elle ouvrit la porte, elle le laissa tomber à terre tant elle était surprise.
Devant elle se tenaient trois adolescents aux cheveux rouges, et elle les connaissait.

- Vous... Vous avez été choisis?! bégaya Beth.

- En effet, répondit la seule fille des trois.

- Et on a quelques questions pour toi, rajouta un grand Loup au regard sérieux.

- Et on a faim, aussi, termina le dernier, un grand sourire collé aux lèvres.

- Tu ne changeras donc jamais, Seeb?! soupira Beth, qui ne put s'empêcher de rire.

- Non.

Elle soupira avec une exaspération feinte et les fit entrer.

Lorsqu'ils furent installés autour d'une tasse de thé et des gâteaux, la fille commença à parler.

- Comment ça s'est passé, quand tu es arrivée?

Beth ferma les yeux instant, se remémorant le jour où elle est arrivée. Elle était si perdue... Et... Elle a rencontré Nate. Un mince sourire se dessina sur son visage.

Maintenant qu'elle le connaissait mieux, elle s'était rendue compte qu'il n'était pas si idiot et insupportable que ça.

- Ben... commença-t-elle.
Comment expliquer ce qui lui était arrivé?

- Mais encore? fit Seeb.

- Tais-toi, le rabroua Beth. Eh bien... Quand je suis arrivée, j'étais complètement perdue. Mais...

Elle hésitait à parler de Nate, car c'était un ancien Loup Noir, même s'il a été du côté des Blancs.

- Mais...? la poussa à continuer la fille.

- Mais... Mais je m'en suis sortie.

La réponse ne sembla pas les satisfaire. La fille et le garçon au regard dur la poussaient à continuer en la fixant, mais Beth soutint leur regard, toujours silencieuse, leur faisant bien comprendre qu'elle n'en dira pas plus. Le silence n'était brisé que par le tic-tac d'une vieille pendule et par le biscuit mâchoné par Seeb.

Soudain, la fille se leva, et dit, d'un air agacé:

- Bon, eh bien, je crois qu'on n'a plus rien à faire ici. Au revoir Beth.

Et elle sortit en claquant la porte, le garçon au regard dur à sa suite. Seeb lança un regard désolé à Beth et s'empressa de sortir aussi, sans oublier d'enfoncer deux gâteaux supplémentaires dans sa bouche tout en articulant comme il put un 'merci' incompréhensible.

La seule appréciait vraiment les trois Loups venus lui rendre visite. Elle se souvenait bien des bons moments passés en leur compagnie. Elle aurait aimé leur parler un peu plus mais...

Elle courut à la porte et sortit dehors en trombe. Par chance, ils n'étaient pas loin.

- Attendez!

Ils se retournèrent.

- Quoi? lança la fille.

- Vous... Vous ne savez pas si des Loups Noirs... Enfin...

La fille soupira et retourna dans la maison de Beth.

- On a plein de choses à se raconter, toutes les deux...

***

Beth tourna enfin dans la rue où habitait Nate. Elle entra chez-lui sans même sonner. Il était dans le salon en train de...

- Tu lis? constata Beth, abasourdie.

- Eh ouais. J'ai appris des tas de choses dans les livres, comme par exemple qu'on sonne chez les gens avant d'entrer...

Elle ne répondit pas tout de suite, et prit son temps pour s'asseoir sur un canapé. Elle soupira longuement avant de lancer, au bord des larmes:

- Ça y est. Il est arrivé. L'autre seul, le Noir, est arrivé.

- On doit aller le voir. C'est urgent. Et on doit aller le voir maintenant.

- Non...

Elle pleurait, maintenant. Le jeune Loup s'approcha d'elle et la prit dans ses bras.

- Je veux pas y aller... fit-elle entre deux sanglots. Ça sert à quoi de réunifer ces peuples? On n'est pas bien, comme ça?

- Moi, je peux te dire que non, répondit-il. J'ai assez souffert de ça.

Beth le repoussa et essuya ses larmes.

- On y va.
Ils sortirent et Nate lui prit la main.

- Comment tu sais qu'il est là? fit-il.

- Les choisis Loups Blancs sont venus me voir, ce matin. Et ils m'ont annoncé un truc...

- Quel truc?

- Je sais pas, mais ils ont dit que ça n'allait pas me plaire... On verra.

Ils passèrent encore quelques rues en silence avant que Beth ne s'arrête net. Ils étaient à la limite entre les maisons des Loups Blancs et des Loups Noirs. Elle frissonna, repensant à l'attaque à son arrivée.

- T'inquiète, fit Nate, bien qu'il ne soit pas plus rassuré qu'elle.

Il l'entraîna à sa suite dans le 'territoire' noir.

Beth ne pût s'empêcher de de se crisper. Elle serra fort la main de son ami, qui ne broncha pas, jusqu'à en avoir les falanges blanches. Son pouls s'accélèrera, sa bouche s'assécha. Ses yeux furetaient dans tous les sens, guettant le danger.

Plus que quelques rues! Plus que quelques rues!

Nate était tendu, lui aussi. Revenir parmi les siens ne lui procurait pas un immense plaisir. Mais il ne voulait pas paraitre stresser pour ne pas stresser encore plus son amie.
Son amie... Il ne savait pas pourquoi, mais le terme lui semblait faible, presque insultant... Son opinion sur elle a changé depuis tout ce temps. Lorsqu'ils se sont rencontrés, un an au paravent, il l'avait trouvée débile, mais, malgré tout, il sentait qu'elle n'allait pas être une simple fille qu'il ne revrait plus jamais. Il a eu raison. Dans la pénombre, il n'avait pas vu qu'elle avait les yeux et les cheveux rouges.

Mais lorsqu'elle a failli tomber dans le tramway, et qu'elle l'a regardé, il a compris. Il n'a pas voulu lui faire peur en lui annonçant qu'il était un Loup Noir. Elle était déjà assez perdue comme ça. Ensuite, quand elle est sortie à la station où personne ne sortait jamais, ce qu'il a compris s'est confirmé.
Et cette rue... Cette rue où ils ont été attaqués. Cette rue où il a été attaqué. Il aurait dû s'en douter, et ne pas la suivre. Mais quelque chose l'avait poussé à vérifier qu'elle arriverait bien à destination seine et sauve. Ce quelque chose s'est à nouveau manifesté lorsqu'elle a essayé de le pousser hors de la chambre. Il l'avait encore ressenti lors qu'ils se sont couru après, hier. Et de nombreuses fois au paravent. Et aussi maintenant.

Il se rappelle avoir déjà eu ce sentiment pour quelqu'un, quelques années plus tôt. Pour Kat.

Beth s'arrêta devant une maison. C'était elle. La Louve voulait courir loin d'ici, retourner chez-elle, et emmener Nate et tous les autres choisis Blancs. Elle voulait tout faire, sauf avoir affaire à sa destinée.

Elle soupira longuement, comme si ce soupir était le dernier. Quelque part, c'était le cas. Elle laissait sa vie de côté.

Elle toqua à la porte, et attendit quelques secondes avant que la porte ne s'ouvre sur...

Il faisait nuit noire, et tout le monde dormait. Tous, sauf lui. Il se sentait horriblement seul, depuis qu'elle était partie. Cette loi était débile, comme elle le disait.

Il se demandait où elle était, en ce moment. Elle devait sans doutes être couchée. Elle devait dormir, épuisée. Il se souvenait bien des moments où il venait la voir, en cachette, pendant qu'elle dormait. Elle prenait une position si mignonne, requerocvillée sur elle-même... Parfois, elle murmurait des paroles connues d'elle seule. Il l'avait même entendue dire son nom. Elle l'avait murmuré avec une voix si douce... Elle lui manquait atrocement.

Il s'assit sur son lit. Non, vraiment, le sommeil ne venait pas. Il se leva et s'habilla. Il voulait s'assurer qu'elle allait bien. Il allait la retrouver. Tant pis s'il n'avait pas le droit. De toute façon, même s'il se faisait bannir, il s'en moquait, puisque sa raison de vivre était partie. Et il comptait vraiment la retrouver.

Il ouvrit la porte de sa cabane et sortit dans l'air étouffant de l'été. Silencieusement, il marcha vers le fond du camp pour se fondre dans l'obscurité. Arrivé à la porte de sortie, il s'arrêta et se retourna. Il observa le camp endormi quelques secondes, et secoua la tête avant de le quitter. Il n'avait plus rien à faire ici.

Il prit le sentier menant à la ville. Il ne fut pas bien difficile à trouver, car il n'y en avait qu'un seul. En chemin, il ne cessait de penser à elle. Elle occupait le moindre recoin de ses pensées. Son esprit murmurait son nom. Son nez était fou de son parfum. Il avait presque l'impression d'être elle, tant il imaginait ce qu'elle avait pu ressentir, faire, penser à cet instant.

Il avait vraiment hâte de la retrouver. Il marchait aussi vite qu'il le pouvait, trébuchant par endroits. Enfin, il déboucha sur la pente menant à la ville. Il y fit halte et regarda autour de lui. Un détail attira facilement son attention. Une cape abandonnée. Elle était à elle!

Il la ramassa et descendit la pente en courant. Il se repéra facilement dans la ville et arriva a l'arrêt de tram. Elle était là! Et... Elle parlait avec un inconnu?! UN inconnu, un homme... Non, il devait calmer son imagination. Elle lui resterait fidèle. Et elle ne le connaissait pas.

Quelques minutes plus tard, le tramway. Il attendit qu'elle soit montée pour monter à son tour. Le tram s'ébranla et elle manqua de tomber. Il dût se retenir très fort pour ne pas venir la soutenir pour qu'elle ne s'étale pas par terre. L'homme avec qui elle a discuté s'esclaffa. Comment osait-il?!

Elle était debout alors que lui était assis. Il se trouvait mal de ne pas lui offrir sa place, mais elle ne devait pas savoir qu'elle était là. Elle lui demanderait de partir. Or, il ne le voulait pas.

Le tramway s'arrêta, personne ne sortit, sauf elle et l'homme. Il s'engagea à leur suite tout en restant caché dans l'ombre. Ils ne se parlaient pas. Il sentit comme une vague de soulagement le parcourir. Soudain, elle s'arrêta et échangea quelques mots avec lui, et il se mirent à marcher côte à côte. Il fronça les sourcils et se remit en marche, en veillant à bien rester dans l'ombre.

Ils ne se parlaient plus. Et c'était tant mieux. Il se demandait pourquoi il était toujours là. Il était bizarre. Auncun humain normal ne descendait à cette station... Mais alors, peut-être était-il...

Un hurlement déchira la nuit, et une meute de Loups Noirs se jetta sur lui. Il ne voulait pas faire ça, mais il dût se cacher dans des buissons pour ne pas se faire repérer. Il brûlait d'envie de venir la défendre. Et l'autre qui déserte! Elle était seule contre eux tous! Oh, et puis tant pis s'il se faisait repérer, il ne pouvait pas la laisser mourir! Il voulut sortir, mais ses vêtements se prirent dans les branches. C'est pas vrai!

Soudain, il entendit un coup de feu. Il était revenu avec un fusil et tira sur les Loups. Les survivants fuirent. L'homme la prit dans ses bras et l'emporta avec lui. Il n'avait pas le droit! Elle était à lui!

- Blake!? souffla Beth.

Le concerné venait d'ouvrir la porte et se tenait sur le perron. Il fixait durement l'homme à côté d'elle. C'était le même. Un grondement monta dans sa gorge.

- Comment est-ce possible? continua Beth.

- Qu'est ce que tu me veux? grogna Blake.

- C'est toi le choisi Loup Noir? questionna Nate sur le même ton.

- Ouais, c'est moi.

- Mais... Tu es un Loup Blanc! protesta la jeune fille.

- Plus maintenant.

- Pourquoi?

- Parce que. Degagez, maintenant.

Il claqua la porte et la ferma à clé. Beth regardait ses pieds avec une mine triste.

- Bon, on rentre, fit son ami.

Ils marchèrent un long moment avant qu'il ne reprenne la parole.

- Qui est-ce?

Elle ne repondit pas tout de suite.

- C'est... C'est... Enfin, c'était un... Un ami...

- Mmh...

La réponse ne sembla pas le satisfaire mais il n'insista pas.

Ils étaient arrivés au croisement, devant la rue de Beth. Celle-ci prit une inspiration...

- Je sais, la coupa Nate avant même qu'elle ne parle, tu ne veux pas aller à cette rivière, tu dis que c'est stupide de réunifier les peuples, et moi je répond déjà que tu n'as pas le choix, et que, moi non plus, je n'ai pas envie que ça se termine comme ça...

Il faillit rajouter autre chose mais se ravisa. Elle le saura plus tard, par elle-même.

Elle sourit. Oui, c'est ce qu'elle voulait dire, et en effet, elle l'avait vraiment trop dit. Son ami était bien gentil de la supporter comme ça. Elle le salua et rentra chez-elle.

Elle ferma la porte et se laissa glisser. Elle avait vraiment tout imaginé, sauf ça. Alors peut-être qu'il avait vraiment voulu la tuer, l'an dernier! Elle se leva et alla dans le salon pour ouvrir un petit tiroir. Le couteau d'ivoire et d'argent était là, lui rappelant l'attaque fantôme de Blake. Elle passa légèrement son doigt dessus, caressant le manche gravé de dessins et effleurant la lame lisse et brillante. Son œil s'attarda sur les gravures du manche. Son cœur se serra lorsqu'elle comprit que les taches représentées qui n'avaient jusque là aucun sens pour elle s'avérèrent être des Loups Noirs attaquant des Loups Blancs.

Elle referma le tiroir avec rage et soupira longuement. Elle ne savait plus quoi penser de la situation. D'un côté, elle était soulagée de connaître le nom du seul Noir, mais de l'autre, elle était vraiment choquée de savoir que c'était son meilleur ami.

Meilleur ami... Elle ne savait pas si le terme était encore d'actualité. Il l'avait trahie et avait essayé de la tuer. Un ami n'aurait jamais fait ça. Un vrai ami doit se moquer de toi, mais te défendre lorsque quelqu'un d'autre le fait. Un vrai ami est quelqu'un de confiance. Beth ne comprenait rien à ce changement soudain de position.

Elle voulait savoir pourquoi, tout d'un coup, il la détestait. Pourquoi il lui avait claqué la porte au nez au lieu de lui sauter au cou. Pourquoi il a essayé de la tuer. Pourquoi il a basculé du mauvais côté.

Un traitre. Blake était un traitre. Un vrai.

***

La nuit était tombée, et Beth espérait en profiter pour chasser ces questions sans réponses qui lui avaient pollué l'esprit au point de lui donner un terrible migraine.

Seulement, le sommeil ne venait pas. Le questions étaient de plus en plus nombreuses, et il lui était impossible de les chasser. Les heures passaient comme des minutes, et Beth commençait, entre deux questions, à envisager sérieusement l'idée de passer un nuit blanche. Cette idée devenait de plus en plus évidente à mesure que le temps passait.

Elle ne dormait presque plus, de toute façon. Trop de questions, peu de réponses, et chacune d'entre elles amenaient d'autres interrogations. Elle se demandait quand tout cela allait cesser. Enfin, au fond d'elle, elle le savait. Elle refusait juste d'y croire, se disant qu'il y avait peut-être une échappatoire. Il n'y en aura pas, évidemment.

Beth soupira et se redressa sur son lit. Elle alluma la lumière, et la pièce fut éclairée par une clarté tremblotante et incertaine.

Soudain, elle eut peur. Peur comme elle n'a jamais eu peur avant. Peur de ce qu'il lui est arrivé jusque-là, peur de faire confiance à ses amis, peur de se retrouver seule ici, à la merci de tous, peur de l'amitié, peur de sa destinée, peur de la mort... Pourtant, elle était là, assise sur son lit, d'un calme olympien. Mais toute son immense terreur était concentrée dans ses yeux. Elle ne bougeait pas d'un cil, craignant de réveiller quelque force obscure. Ses yeux furetaient sans s'arrêter d'un point à un autre de la chambre. Sur la porte, sur la fenêtre, sur le petit bureau, sur le miroir, et à nouveau sur la porte. Plus le nombre de tours augmentait, plus elle avait peur.

Stop! Elle en avait assez de cette terreur qui lui tordait les entrailles.

Silencieusement, elle se leva complètement, et s'approcha de la porte, qui s'ouvrit dans un léger grincement. Elle alluma la lumière dans l'escalier et éteignit celle de sa chambre. Beth descendit les marches une à une, en essayant de ne pas les faire craquer. Arrivée en bas, elle s'enveloppa d'une cape et sortit dans la nuit. Ses pas résonnaient légèrement sur le sol dur des rues, et les quelques réverbères projetaient leur lumière fantomatique, faisant danser son ombre sur le goudron, mais elle n'y faisait guère attention. Elle était concentrée sur son chemin, concentrée à ne pas se perdre.

Après un long temps de marche, elle arriva. Son cœur se mit à battre à la chamade lorsqu'elle écarta les branches. Tout de suite, le froid l'enveloppa, comme pour se moquer de la cape quelle avait mise en prévision. Elle frissonna de la tête aux pieds.

Le silence pesait sur ses épaules, lourd et insupportable. Rien ne venait le percer, pas même ses pas qui la rapprochèrent de la surface gelée de la Rivière Noire. Elle se pencha légèrement. Rien d'autre que les ténèbres.

Soudain, il lui sembla distinguer une forme dans l'eau. Oui, il y avait bien un corps! C'était une fille. Ses longs cheveux bouclés descendaient en cascade le long de son corps fin, glacé à jamais dans une position terrifiée. Ses yeux avaient beau ne plus rien exprimer, Beth devinait la terreur sans nom de la victime des eaux. Sa main était tendue vers la surface, comme si elle n'avait jamais renoncé à essayer de percer la couche de glace qui la recouvrait.

La jeune Louve sortit soudain de sa torpeur et se mit à hurler d'horreur. Elle courut vers les buissons pour essayer de sortir de cet endroit, mais les branches la retenaient prisonnière et la ramenèrent vers l'eau. La surface se brisa et elle sentit l'onde glacée la pénétrer...

Beth ouvrit les yeux en sursaut. Elle était par terre, sans doutes tombée de son lit. Tout cela n'était donc qu'un rêve? Mais... Avait-elle réellement rêvé de sa propre mort?

La lumière perçait à travers les volets encore fermés, et elle entendait un ou deux oiseaux égarés chantonner au dehors. Le jour était enfin là. Beth avait légèrement mal au dos, et elle se leva en grimaçant et en se massant l'endroit douloureux. Elle remit la couverture en place et s'étira en baillant. Puis, elle ouvrit les volets et cracha lorsque la lumière du jour l'éblouit.

Elle ne savait pas quoi penser de son rêve. En plus, elle ne se souvenait pas de s'être endormie. Mais elle avait encore froid, comme si elle avait vraiment plongé dans la rivière glacée. Quoiqu'elle serait mouillée, si elle aurait vraiment vécu son rêve.

Elle alla dans sa salle de bain et s'habilla convenablement. Elle connaissait quelqu'un qui allait encore recevoir sa visite...

Un peu plus tard, elle était devant chez-lui. Comme à son habitude, elle ne toqua pas avant d'entrer.

Et comma d'habitude, Nate soupira.

- Que puis-je ENCORE faire pour toi?

- J'ai eu une nuit bizarre...

Elle lui raconta son rêve, mais quand elle arriva à la description de la fille qu'elle a vu sous l'eau, son expression rieuse se transforma radicalement. Ses traits se tendirent, et il eut une moue grave. Beth crut discerner de la peur dans ses yeux avant qu'il ne cligne et tente de sourire. Elle continua donc comme si de rien était, et lorsqu'elle décrivit sa propre mort, il l'arrêta.

- Stop! Stop! Stop! Stop! Stop! Tu veux dire que tu a vécu ta 'mort'?

- C'est ce que je viens de
dire... soupira la jeune Louve.

- Ça peut-être dangereux, décréta-t-il. Si tu n'avais pas fait autant de nuits blanches, je t'aurais conseillé de ne dormir que quelques heures par nuit, mais... Bon, d'un autre côté, ça peut n'être qu'un rêve, peut-être que les nuits prochaines, tu rêveras que tu t'es transformée en lapin rose et que... Quoi?

Beth soupira et essaya de paraître sérieuse un maximum. Elle dût être convaincante car Nate soupira un 'pardon' et se tut.

- N'empêche, t'as peut-être raison, finit-elle par déclarer après un court silence. C'est qu'un rêve, après tout...

Elle sortit de chez-lui et le laissa pensif. Cette fille au fond de l'eau...

Il attendit qu'elle soit bien loin pour s'habiller d'un long manteau militaire et sortir à son tour. Il longea sa rue en ne cessant de replacer sa mèche nerveusement. Il avait un mauvais pressentiment.

Ce n'était pas du tout impossible que ce soit elle, il ne l'a jamais revue, après tout. Ce qui était sûr, c'est qu'il se sentait terriblement coupable de ce qu'il c'est passé, avec elle, mais aussi avec sa sœur. Sa sœur... Il a menti à Beth à son propos. Sa sœur n'était pas la peste qu'il a décrite. Le méchant, dans l'histoire, c'était lui. Non, il ne voulait pas se souvenir du visage de sa sœur, de ses cris et de ses pleurs sous ses coups. Et il ne voulait pas non plus se souvenir des disputes entre lui et Kat. Ni la fois où il l'a frappée au visage.

Bientôt, tout sera fini. Pour Beth, pour Blake et pour lui. Pour Kat aussi. Mais peut-être aussi pour sa sœur...

Les larmes ruisselaient sur son visage à mesure qu'il s'approchait de la Rivière. Enfin, il arriva aux branchages qui en barraient l'accès. Il rentra dedans sans même les écarter et s'approcha de la surface. Il s'agenouilla devant et observa son reflet dans l'onde. Mais il lui apparut tout autre chose...

- C'est... C'est pas possible! C'est quoi cette blague? murmura-t-il. Elka?!

***

Beth cocha une nouvelle case de son calendrier. Le mois d'août s'était lentement transformé en mois de septembre. Et déjà quatre semaines de passées... Plus elle se rapprochait du 30, plus la jeune Louve stressait. On était lundi, le dernier avant la date fatidique. Plus qu'une petite semaine...

Il s'était passé des choses depuis août... Les rêves de mort apparaissaient chaque nuit à présent, différents à chaque fois, mais avec la même fin: elle terminait dans la Rivière. Chacune d'entre elles étaient plus atroces les unes que les autres. Et à chaque fois, il y avait cette fille, dont le visage se précisait à chaque rêve. Elle essayait maintenant de dire quelque chose. C'était comme une mise en garde, et il lui a semblé entendre le mot Nate. De plus, celui-ci la connaissait. Elle voulait des explications quant à cette fille. Elle lui rappelait vaguement quelqu'un... Quand Beth était petite...

- Salut Beth! Comment vas-tu, aujourd'hui? lança la jeune Louve d'à peine neuf ans à sa cadette de sept.

- Coucou! Oh, je vais bien, je suis très contente!

- Haha, toi aussi, tu as hâte d'aller chasser avec les grands, comme moi! fit-elle en bombant sa poitrine.

- Pfff, tu verras quand j'aurais ton âge, je serais tellement respectée que...

Son souvenir s'arrêtait là. Net. Elle crût un instant se rappeler avoir pleuré quelques coups de soleil plus tard, mais elle ne se souvenait pas pourquoi. De toute façon, il n'y en avait qu'un pour lui raconter la suite.

Elle sortit et prit le chemin habituel. Elle entra sans toquer, comme toujours, mais Nate n'était pas dans le salon comme à son habitude. Beth fronça les sourcils. Il n'était pas non plus à l'étage, et elle avait beau l'appeler, il était introuvable. Il pouvait aussi partir se promener...

Elle sortit donc, et, elle aussi, décida de faire une petite marche. Elle ne savait pas du tout où aller, en tout cas, partout sauf à la Rivière. Elle prit donc la direction opposée. Elle marcha longuement, en ne pensant à rien. Vraiment aucune pensée ne venait traverser son esprit, si ce n'est celle de mettre un pied devant l'autre. Elle ne s'était jamais sentie aussi bien. Son mal de tête permanent passait petit à petit, et elle bénissait presque le léger vent venant lui caresser les cheveux. Elle s'efforçait à prendre des chemins inconnus, pour ne pas avoir cet horrible effet de déjà vu, et surtout pour toujours avoir quelque chose de nouveau devant les yeux.

Elle finit par arriver devant une petite bute, et elle s'arrêta un instant pour reprendre son souffle. Soudain, elle entendit du bruit de l'autre côté. Silencieusement, elle regarda par dessus la bute. Un homme en manteau militaire s'affairait au dessus d'un trou. Elle attendit encore un peu et il partit. Alors, elle s'approcha du trou, qui venait d'être rebouché. Une tombe, surmontée d'une tête de Loup. Beth ouvrit de grands yeux. Qui avait donc bien pu se faire enterrer ici? Et pourquoi? Juste en dessous de la tête, il y avait une petite photo. Une jeune fille avec un jeune homme. Ce dernier lui rappela...

- Nate? murmura Beth.

'Encore lui?' elle ne pût s'empêcher de penser. Cette fille lui ressemblait comme deux gouttes d'eau. Sa sœur? Elle n'avait pas lair méchante...

Elle se leva et courut pour le rattraper. Avant même qu'elle ne l'interpelle, il se retourna.

- Quoi encore? cria-t-il. Qu'est ce qu'il t'es encore arrivé? T'as peur de dormir seule? T'as peur du grand méchant loup? Je suis pas un bouclier, ni un papa poule! Arrête de me courir après sans arrêt! Si je suis parti de chez-moi c'est pour avoir la paix! La paix, tu m'entends? J'en ai ras le bol de t'entendre pleurnicher! Tu crois que moi, j'ai jamais d'ennuis? J'ai que ça depuis que je t'ai rencontrée! Que ça! J'aurais jamais dû te dire l'heure, à l'arrêt de tram, j'aurais dû attendre le prochain, et surtout, j'aurais pas dû te sauver! Maintenant, tu peux pas savoir à quel point ça me ferait plaisir de te voir crever! J'imagine que tu vas aller pleurer, maintenant? Ouais, t'adore pleurer! Y'a que ça que tu sais faire, de toute façon! Maintenant, fous moi la paix!

Ce flot de paroles cloua Beth sur place, tandis que lui s'éloignait.

Elle rebroussa chemin et rentra chez-elle. Oui, vraiment, aujourd'hui plus que jamais, elle se demandait si un jour elle aura un ami, un vrai.

***

28 septembre. Voilà ce qu'indiquait le calendrier de Nathaniel.

Le Loup venait de se réveiller avec un terrible mal de tête. Il l'avait depuis qu'il s'était défoulé sur Beth. Oui, défoulé était le mot. Sous l'effet de la tristesse et de la colère contre lui-même, il avait dit des mots qu'il ne pensait pas forcément. Et qu'il regrettait, en quelques sortes. Et il ne savait pas s'il devait aller s'excuser. Mais s'il allait la voir, il devrait tout lui raconter, sur sa sœur, sur Kat, et sur lui. Oh, de toute façon, pour ce qu'il leur restait à vivre...

Il alla se passer de l'eau fraîche sur le visage avant de sortir. Il parcourut le court trajet la peur au ventre. Peur de sa réaction, sans doutes...

Il fit pareil qu'elle, il entra sans toquer. Elle était assise sur un canapé, les yeux dans le vague. Dès qu'elle le vit, elle se leva et marcha droit vers lui. Il eut un mouvement de recul. Elle avait mal pris le fait qu'il soit revenu? Elle avait des éclairs dans les yeux, et Nate n'y comprit vraiment rien lorsqu'elle le serra fort dans ses bras.

- Pardon! murmura-t-elle entre deux sanglots. Oh pardon!

- Nan, c'est moi qui suis désolé. Profondément.

Elle releva lentement sa tête, et ses yeux embués de larmes le fixèrent intensément.

Il baissa lentement ses propres yeux et un long frisson le parcourut lorsqu'ils se croisèrent. Elle se mordilla la lèvre inférieure. Il rapprocha lentement son visage du sien. Leurs cœurs se mirent à battre plus vite, à l'unisson. Leurs regards étaient entremêlés. Ils étaient de plus en plus proches. Il sentait son souffle saccadé sur sa bouche. Soudain, il craqua et colla ses lèvres contre celles de la jeune Louve. Elle ne le repoussa pas. Ils n'en avaient que faire des conséquences. Il ne leur restait plus qu'un jour entier à passer ensemble. Ils devaient en profiter au maximum.

***

Lorsque Beth se réveilla le lendemain, le soleil était déjà bien haut dans le ciel. Elle se retourna et s'aperçut que Nate s'était déjà levé. À peine eut-elle pensé ça qu'elle l'entendit monter l'escalier. La porte s'ouvrit sur lui, tout sourire. Il portait un plateau avec le petit déjeuner. Elle lui rendit son sourire avec grande joie.

- Bien dormi? s'enquit-il.

- Jamais aussi bien depuis longtemps!

Elle s'étira et accueillit le petit déjeuner sur ses jambes étendues. Pendant qu'elle croquait dans un croissant, Nate déclara:

- Je sais que tu n'as pas envie d'en entendre parler maintenant, mais on est le vingt-neuf, aujourd'hui...

- Il faut aller le voir, je sais, gémit-elle en réponse.

Il s'approcha d'elle et lui posa un baiser sur le front avant de sortir pour la laisser manger en paix.

Lorsqu'elle eut fini, et lorsqu'elle fut habillée, ils sortirent. Le chemin ne fut pas très long, le 'quartier' réservé aux choisis n'était pas grand. Il frappa à la porte car il savait qu'elle hésiterait.

Blake ouvrit sans trop tarder. Son expression avait changé depuis la dernière fois. Il n'était pas en colère... Son visage était indéchiffrable. Il les fit entrer sans rien dire, et leur indiqua dun geste de la main de s'assoir sur un canapé. Il ne cessait de jeter des coups d'œil à Nate, comme s'il essayait de le faire disparaître. Au lieu de ça, celui-ci prit la parole:

- Bon, comme apparemment le Loup Noir, c'est toi, j'espère que tu sais qu'on est le vingt-neuf?

- J'ai un cerveau, hein, répliqua-t-il.

- Tu peux avoir oublié, je sais pas, moi...

- Pourquoi tu veux que j'oublie?

- Ta réaction d'il y a quelques jours m'a prouvé que tu es légèrement co...

- Stop.

La voix de Beth résonna dans toute la pièce.

- Personne ici n'est idiot ou imbécile, pour rester polie, reprit-elle. La vraie question est de savoir ce qu'on va faire, demain.

- Se réveiller et y aller, répondit Blake du tac au tac.

- Bon, pour faire simple, rendez-vous à quelle heure, et où? la jeune Louve était de plus en plus impatiente.

- Chez-moi vers vingt-trois heures. J'ai pas envie de bouger.

- Va bien falloir que tu bouges si tu veux aller à la Rivière, observa Nate.

- La ferme, toi.

- La ferme de qui? Du fermier du coin ou plus loin?

- Ferme ta grosse gueule, c'est plus compréhensible?

Beth soupira avant de se lever.

- Nate, s'il te plait, tu peux partir? J'ai un truc à régler avec Blake...

Il haussa les épaules et sortit.

- Qu'est tu m'veux?

- Pourquoi t'es comme ça?

Il ne répondit pas tout de suite, mais il avait perdu lair agressif gagné au cours de la discussion.

- C'est à cause du gars, là... fit-il en désignant la porte d'un vague geste de la main.

- Nate? Qu'est ce qu'il t'a fait?

- T'es à moi, c'est tout!

Oh non! L'éternel combat entre deux garçons pour une fille...

- Sauf que c'est moi qui choisis, déclara-t-elle d'un ton ferme.

- Et le serment que tu as fait la nuit avant que tu partes, tu l'a oublié? cria Blake.

Oui, elle l'avait oublié.

- Je l'ai fait pour le Blake que je connaissais. Pas pour toi.

- Alors le Blake que tu connaissais n'était pas le vrai! Le vrai est là en face de toi!

- C'est faux! Complètement faux!

- Bien sûr! Tu sais toujours tout mieux que tout le monde!

Elle soupira d'énervement.

- Cette discussion ne mène à rien.

- J'ai gagné! fit-il avec un joie feinte. J'ai gagné! J'ai gagné! J'ai gagné!

- Nate avait raison. T'es qu'un gros débile mental.

Elle sortit et claqua la porte.

***

La nuit était tombée. La dernière nuit. Comme à son habitude, Beth avait regardé le soleil descendre lentement. Il était rouge sang. Presque comme un présage... Elle avait insisté à passer la journée seule. Pour ruminer.

Mais maintenant, elle ressentait un grand besoin de compagnie. Elle avait peur de la nuit. Peur de ce qu'elle contient.

Tant pis. Elle allait devoir vaincre cette peur. Elle rentra chez-elle et monta se coucher. À peine eût-elle éteind la lumière qu'elle eût peur. Comme elle le savait. La peur lui noua le ventre et elle fut vite haletante.

- Wait a second let me catch my breath... murmura-t-elle dans le silence. Remind me how it fits to hear your voice... Your lips are moving I can't hear a thing... Living life as if we had a choice... Anywhere, anytime, I would do anything for you... Anything for you... Yesterday, got away, melody's stuck inside your head... A song in every breath... Sing me to sleep, now... Sing me to sleep... Won't you sing me to sleep... Sing me to sleep...

C'était si vrai... Elle se laissa lentement glisser dans le sommeil.

***

Beth fut réveillée par le chant des oiseaux. Il était déjà tard, elle le sentait. Elle se leva en soupirant. C'était la dernière fois qu'elle le faisait. C'était sa dernière journée et elle ne savait pas comment la meubler. Que faire? Avec qui? Réfléchir? S'amuser?

Soudain, elle eût une idée. Elle allait faire un cadeau à ceux qu'elle aimait. À commencer par ses parents. Elle ne savait comment il pourrait leur parvenir, mais elle voulait le faire quand même.

Elle sortit donc dans le jardin et chercha de belles branches sur le seul arbre qu'il contenait. Une fois qu'elle les eût trouvées, elle s'arma d'un couteau et tailla le bois. Avec une énorme délicatesse, elle plia la branche et attacha les deux extrémités ensemble par une ficelle. Elle ne cassa pas. Le tout donnait un collier pour sa mère.

Ensuite, elle prit une grosse bougie qu'elle tailla pour lui donner la forme d'une tête de Loup. Son père.

Elle reposa son couteau et admira ses deux œuvres, satisfaite. Le temps avait bien passé sans qu'elle ne sen rende compte. Il devait être près de quatorze heures. Et elle avait faim. Et si elle s'offrait un restaurant? Elle savait déjà où aller...

***

Il était dix-neuf heures. Après avoir mangé, la Louve s'était longuement promenée là où Nate l'avait emmenée quelques mois au paravent. Elle adorait cet endroit et s'y rendait souvent. Dès qu'elle pouvait, en fait. Et aujourd'hui, elle avait fait ses adieux à ce lieu qu'elle affectionnait tant. Tout a une fin.

Il lui restait juste assez de temps pour faire un cadeau à Nate. Pour le remercier e tout ce qu'il a fait. Et elle venait e trouver une idée.

Elle avait ramassé un beau morcau de bois durant sa promenade... Elle le tailla d'abord en rectangle, puis sculta des cerlces en bas des deux côtés les plus longs. Puis, des rectangles creusés sur ces mêmes côtés. Elle colla eux branches sur le toit de l'objet. Le temps de donner un coup de peinture et elle aura terminé. Une fois l'objet en couleur, elle se recula pour observer l'objet: c'était un tramway. Ils ne se seraient peut-être pas rencontrés s'il n'y aurait pas eu le tram...

Elle regarda l'heure: vingt-et-une heure trente! Plus qu'une heure et demie avant le rendez-vous...

Beth n'avait pas spécialement faim. En fait, elle était trop terrorisée pour penser à manger. Elle décida d'aller voir Nate. Peut-être que lui saura lui redonner goût à la nourriture...

Elle prit sa maquette de tramway et sortit. Une fois devant la porte de son ami, elle décida de frapper.

- Qu'est ce qui te prend? fit-il lorsqu'il eût ouvert la porte.

- J'avais envie d'essayer...

Il secoua la tête en soupirant. Soudain, il remarqua qu'elle avait quelque chose derrière son dos.

- Et ça, c'est quoi?

Fièrement, elle sortit son tramway et le tendit à son ami avec un sourire. En le voyant, il éclata de rire.

- C'est trop bien! Merci.

Elle ne savait pas s'il était sincère ou pas, mais en tout cas il ne l'avait pas mal pris. C'était déjà ça.

Il la fit entrer et lui demanda si elle avait faim.

- Ça sert à rien, et tu le sais. Économise, plutôt.

- Comme tu veux, écoute...

Ils passèrent la soirée à parler de tout et de rien, Beth essayait de cacher son immense stress, sans vraiment de succès, elle sen doutait bien. Et lorsqu'il fut vingt-trois heures moins cinq, elle gémit.

Pendant le trajet, Nate prit la main de Beth et la serra bien fort. Il sentait don cœur battre à une vitesse folle. Il s'accéléra encore plus lorsqu'ils arrivèrent devant la maison de Blake. Celui-ci était déjà sorti, il était assis sur les marches du perron, un verre dans une main, une cigarette dans l'autre. Lorsqu'il leva les yeux vers eux, Beth remarqua que son regard était vraiment fatigué. Il n'avait plus dormi depuis longtemps.

Doucement, elle l'aida à se relever, et lui prit la main. Elle prit aussi celle de Nate. Cela symbolisait quelque chose, en quelques sortes...

Pas à pas, il se rapprochaient de cette Rivière. Pas à pas, ils se rapprochaient de leur destin.

Lorsqu'ils furent arrivés, ils se placèrent tous les trois devant la surface, et attendirent. Soudain, la glace se mit à bouger jusqu'à craquer complètement, laissant entrevoir un trou béant.

De ce trou, sortit une jeune femme, dont les longues boucles blondes descendaient en cascade le long de son dos, à peine vêtu dune petite robe courte sans manches. Elle était incroyablement belle.

Nate voulut crier, mais il était comme pétrifié devant cette créature des eaux qui fut autrefois sa félicitée.

Beth se souvenait, petit à petit, de cette fille qu'elle a connue, quand elles étaient petites. C'était aussi la fille dans ses rêves de noyade.

Blake aussi, se souvenait d'elle. Et particulièrement du jour de son exclusion...

- Bonsoir... commença-t-elle. Sa voix était si douce et tellement triste... Vous savez tous qui je suis.

- Kat! Nate pût enfin dire.

- Oui, Nathaniel. C'est moi.

- Je suis terriblement désolé! fit-il. Tu m'en veux pas?

- On en reparlera... Elizabeth, Blake, vous allez devoir faire preuve de courage.

- C'est pas comme si on avait le choix... marmonna-t-il.

- Je vous guiderais, reprit Kat sans écouter le Loup. Ça ne sera pas long, mais vraiment douloureux. Chacun votre tour, vous aller pénétrer dans l'eau et faire don de votre âme. Elle se souderont, et souderont les deux camps en même temps. Qui veux commencer?

- J'ai une petite question... osa Beth.

- Tu veux savoir ce qui m'es arrivé, ainsi qu'à la sœur de Nathaniel. Je vais te le dire, si tu y tiens tant.
Tu te rappelles de moi, quand nous étions petites. Eh bien un jour, j'ai eu un petit problème avec le chef. Un dispute, mais une grosse. Il m'a bannie, mais avant de le faire, il m'a dit que j'étais une choisie. Du coup, je suis partie avec les autres choisis Blancs en même temps qu'eux. Tout le monde n'y a vu que du feu. Et j'ai rencontré Nate et sa sœur, Elka. Elka était tout ce qu'il y a de plus gentil au monde. Nate, lui, était distant. Méchant. Oui, Beth, il t'a menti.
Je ne sais pas pourquoi ni comment, mais nous sommes tombés amoureux. Mais Nate voulait m'avoir pour lui tout seul. Il ne supportait pas quand Elka me parlait. Il avait peur que je l'oublie pour me consacrer à mon amitié avec sa sœur. Alors, il la battait. Un jour, Elka en eut assez, et elle se suicida. Le même jour, j'appris la nouvelle. Je ne savais pas du tout que Nate battait sa sœur. Alors je suis partie. Je ne pouvais aimer quelqu'un de violent. Je suis allée à la Rivière et je me suis noyée. Oui, c'est la vision que tu as eue, lorsque les Loups t'on attaquée. Tu as vécu ma mort.
Depuis, Nate a décidé d'être plus gentil envers les gens, mais il ne nous a jamais oubliées, Elka et moi. On continue de lui peser sur les épaules, mais au moins, nos morts l'on fait changer. Ne t'inquiète pas, Beth, ce n'est plus le même qu'avant. Même si parfois, son ancien caractère ressort, comme lorsqu'il t'a crié dessus après avoir passé du temps près de la tombe de sa sœur. Mais il a repensé au passé et a compris qu'il ne devait pas refaire la même erreur. Alors il s'est excusé auprès de toi.
Voilà, tu sais tout maintenant...

Beth regarda Nate d'un œil neutre. Elle ne savait plus quoi penser de lui. Lui, la regardait avec un air désolé.

Un silence s'installa. Plus aucun bruit. Pourtant, leurs oreilles hurlaient. Ils sentaient la présence de ce silence sur leurs épaules.

- Je... Je commence.

Cette déclaration brisa le silence comme un maillet briserait la glace. Un coup puissant pour casser quelque chose d'aussi frêle, finalement...

- Es-tu sûre de ce choix? demanda calmement Kat.

- La mort, pour une aussi bonne cause, n'est-ce pas plus qu'un sommeil éternel? J'ai juste à fermer les yeux, c'est tout. Comme lorsque je m'endors. Quand je m'endors, je me laisse emporter... Comme à la mort. Peut-être que lorsqu'on dort, on frôle la mort? Oui, je suis sûre, affirma Beth.

- As-tu une dernière demande à formuler?

- Oui... J'aimerais que les cadeaux que j'ai fait ce matin soient remis à mes parents.

- Ça sera fait.

Alors, Beth s'approcha de Nate. Il ne pleurait pas, mais elle savait qu'il n'en était pas loin. Et elle l'embrassa. Ce contact ne dura qu'une seconde à peine, mais il eut l'impression qu'il a duré au moins une longue heure.

Elle s'approcha ensuite de Blake. Il regardait le sol. Du bout des doigts, elle lui leva la tête. Des larmes dévalaient ses joues. Son regard lui disait qu'il es déversait pour elle. Beth posa une main sur son visage. Elle l'embrassa aussi, comme un an au paravent, juste avant qu'elle ne parte.

C'étaient ses adieux. Elle avait le cœur plus léger, à présent. Alors, elle s'approcha de la surface, et, sans jeter un regard en arrière, entra dans l'eau. Le froid ne lui faisait rien, comparé à la douleur qu'elle éprouvait à l'idée de quitter ses deux amis, entre lesquels elle n'a su choisir.

Elle avait de l'eau jusqu'au cou. Elle versa une dernière larme et expira à fond avant de plonger la tête sous l'eau. Beth se détendit alors qua l'onde la pénétrait. Elle lui rentrait par le nez, par la bouche, par les oreilles, par les pores.

Elle ouvrit les yeux. L'eau les lui brûla. Mais soudain, elle vit une lumière au fond de la Rivière. Intriguée, elle plongea vers elle. Beth nagea de toutes ses forces. Enfin, elle toucha le fond.

La lumière s'avéra être les yeux d'un cadavre reposant au fond de l'eau depuis pas si longtemps. Et elle l'avait déjà vu.

Le cadavre s'étira et prit Beth par la main pour l'entraîner à sa suite. De temps en temps, il se retournait pour lui sourire. Beth lui souriait en retour. Elle lui faisait confiance.

Enfin, ils arrivèrent à un endroit où il y avait un trou à la surface. Le cadavre sortit par ce trou, suivi par Beth.

- Pffooou! Enfin je peux parler! fit-il.

- Dis, Elka... commença Beth.

- Ouais?

- J'ai deux questions...

- Je t'écoute.

- Je suis morte, là? osa-t-elle.

- Oui, répondit Elka sur un ton amusé. Beth regarda ses mains, ses jambes, mais ne vit aucune différence.

- Cherche pas! Regarde-moi, je suis normale! J'ai juste les yeux un peu vitreux et le teint légèrement terne, mais c'est tout.

- Et deuxième question... Tu en veux à Nate?

- Non, pourquoi? Elka souriait.

- Il t'a poussée au scuicide quand même...

Elka secoua la tête, amusée, et mit fin à cette discussion.

Elle se leva et invita Beth à faire de même. Elle lui prit la main et la plaqua contre une pierre.

- Désolée... murmura Elka.

Beth sentit une vive douleur et sentit qu'on l'inspirait de l'intérieur. On lui inspirait son âme.

Au même moment, à la surface, une tache blanche en forme d'arc de cercle apparut sur la glace reformée. Blake était déjà parti, lui aussi. Nate s'était retrouvé seul avec Kat. Ils n'osaient pas se regarder, gênés.

Soudain, la tache noire venant compléter le cercle se forma. Les deux couleurs se mirent à se mélanger pour donner un beau gris uniforme.

Les deux chefs de Clans Noir et Blanc se serrèrent la main en souriant. Ils règneront tous les deux sur le Clan des Loups Gris.

Les peuples, d'abord méfiants, osent engager la discussion. Cette soirée se terminera par un grand festin.

- Ça y est... Ils ont réussi, murmura Kat.

- Ouais...

Il marqua une longue pause pour observer la fille qu'il a jadis aimée. Jadis...?

- J'ai... Une chose à faire, reprit-il. Un choix, plus précisément.

- Moi ou Beth, hein?! rigola Kat.

- Oui... murmura Nate presque honteusement. Et... Je pense que je l'ai fait.

Il s'arma d'une grosse branche et vint briser la surface de la Rivière. La glace éclata en morceaux. C'était presque magnifique...

Il inspira, expira, et prit la main de Kat. Ensemble, ils entrèrent dans l'eau après avoir échangé un regard tendre.

Oui, il avait choisi. Beth avait Blake, mais Kat n'avait personne. Kat était son premier amour, et il savait qu'il ne serait pas heureux avec Beth, et il savait aussi que c'était réciproque. Alors il avait choisi Kat.

Lorsque leurs têtes eurent totalement disparu sous l'eau, la glace éclata. Le temps se réchauffa. Les oiseaux se mirent à chanter. Les branches d'arbres s'ornèrent de feuilles vertes et de fleurs.

Le temps de la Rivière Noire est révolu. Acceuillez maintenant la Rivière Blanche!

~ The End ~

Bravo à toi si tu es arrivé jusqu'ici :3 Et merci ^^
Alors, qu'en avez vous pensé?
Vous vous attendiez à cette fin? :B
Si vous avez-bien aimé, sachez que je vais faire d'autres histoires-nouvelles dans ce style là ^^ Obligatoire, même si c'est juste pour un lecteur et demi (voir même zéro :v)
Je voulais aussi vous demander... C'était pas trop long? Parce que j'ai fait dans les 15000 mots quand même xDD
Donc voili voilou ^^

Ah! Et petites questions:

- Nate x Beth?

- Nate x Kat?

- Blake x Beth?

Cx

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