18. La boîte de Pandore.
La peur que Sunoo a dans les tripes s'estompe peu à peu, dès que ses yeux habitués à la pénombre ont pu reconnaître ce visage.
Les pupilles menaçant de Ace se soldent en une surprise à peine voilée. La pression qu'il exerce contre le cou du garçon diminue alors et finit par disparaître.
— Merde, je t'ai pris pour un espion, siffle Ace. Ça ne va pas de débarquer comme ça ?!
Sunoo croirait presque entendre un sermon. Il se met à tousser en sentant sa gorge le brûler.
— C'est t-toi le malade à sauter à la gorge des gens ! Ose-t-il dire, quoique avec difficulté.
Il lui faut des minutes pour réguler sa respiration. Occupé à se sauver la vie, il ne remarque pas la surprise dans les yeux de Heeseung.
De toutes les façons, s'il avait eu à les croiser, il n'aurait pas pu déterminer avec exactitude à quoi pensait l'autre.
Une sculpture qu'on aurait condamné à le regarder de force, sans jamais réagir; voilà ce qui le représente le mieux.
Quand il reprend son calme, Ace n'a toujours pas bougé. Sunoo se retrouve coincé, dos à la porte et cherche une issue.
— Je me souviens de tout. Enfin, presque, annonce-t-il.
Il attend. Une réaction. N'importe quoi. Rien ne vient. Le noiraud s'est senti dans l'obligation de le notifier à cet homme mystérieux avec qui jusque là, il n'a pas eut de grand échanges.
N'aimant pas le blanc qui s'est installé entre eux, il cherche activement autour de lui une échappatoire.
À son plus grand malheur, l'argenté est une montagne qui lui barre la vue.
Ses clavicules nues lui font penser à un détail qu'il n'avait pas remarqué. Le fait que Ace soit torse nu, sauf le bandage qu'il a autour du ventre.
Il tente de se dégager. Enfin, un faible mouvement qui, il a espéré, signale à l'autre de se bouger à son tour.
Il semblerait au final que Heeseung ne capte pas grand chose à ses signaux puisqu'il demeure un mur robuste qu'on ne peut déplacer.
Sunoo soupire, frustré, agacé et gêné par leur proximité.
— P-Pousse-toi.
Il ne récolte qu'un silence. Un rien ! Aucun mot, aucune réaction. À croire même que Ace au contraire continue d'avancer, réduisant le plus possible l'espace entre eux.
Il arrête de lutter, soufflant contre le torse de cet homme, ne sachant même pas où poser ses mains.
— S'il-te-plait... finit-il par lâcher dans un soupir.
Il ose un regard vers le haut.
Ace se penche vers lui, ses mèches tombant contre son front, rendant le profil agréable à l'œil.
Je ne veux pas m'attarder sur un tel détail. C'est futile. N'est-ce pas ?
— Et pourquoi je devrais ?
Le noiraud, perplexe, ne trouve pas ses mots en premier lieu. Il y a ce rictus moqueur sur les lèvres du plus âgé qui le nargue avec insolence.
— Parce que je l'ai demandé poliment ! S'exclame-t-il à la hâte, ses sourcils se fronçant.
Heeseung se rapproche, Sunoo est à deux doigts de se ratatiner contre la porte. De s'y enfoncer et de disparaitre. L'espace quasi inexistante entre eux est étouffant.
La main de Heeseung se place autour de son cou, son pouce exerçant une légère pression sur sa jugulaire.
En se concentrant, Sunoo peut entendre les battements de leurs cœurs. Leurs souffles qui se heurtent et se mélangent.
La respiration de Heeseung est moins laborieuse que la sienne.
Tu parles... ce n'est pas lui qui se retrouve coincé contre une porte.
— Vas-y, force moi à bouger.
— Ce...ce n'est pas...
...il me frustre ! Jamais de sa vie Sunoo n'a été aussi frustré face à quelqu'un. De plus, c'est comme s'il ne sait jamais quoi dire, les mots adéquats à placer.
Cet homme le mange quand il veut.
— Ce n'est pas ?
Un rire presque « macabre » s'échappe d'entre les lèvres de l'argenté.
— Allez, essaie au moins.
La mine affolée, Sunoo plonge son regard dans le sien, cherchant une porte de sortie. Il se confronte juste à la lueur espiègle de Ace qui ne lui est pas étranger.
Elle lui est propre. La même expression que lorsqu'il passait son temps à l'embêter plus jeune.
Il s'en rappelle !
Il comprend à cet instant que Ace n'a pour but que de l'effrayer, le taquiner, le déstabiliser.
Ce type est amusé.
Sunoo pousse avec fureur sa main intrusive qui ose se glisser contre sa taille.
— Nous ne sommes pas assez proche pour te permettre de me toucher comme ça !
Ne connaît-il pas le respect et l'espace vital des gens ?
Soudain, Ace remonte son doigt le long de sa taille, arrachant au plus jeune des frissons au passage et s'arrête au niveau de son épaule.
C'est ensuite le dos de sa main qui se colla à sa peau et reprend son chemin jusqu'au dessous de son oreille.
Il dérive vers son menton qu'il tient entre son pouce et son index. Le pouce vient frôler sa lèvre inférieure en une caresse fluette.
— Je croyais que tu te souvenais ?
Sunoo cligne des yeux, suivi d'une mine contrarié.
— Ça ne change rien. Vous m'avez kidnappé et... vous restez des inconnus.
Cette vie là qu'il revoit dans sa tête lui reste étrangère et rentre en conflit avec ce en quoi il a toujours cru et considéré comme sa réalité.
Il a du mal à s'y fier, digérer le fait d'avoir grandit... dans une mafia.
— N'exagérons rien...
Le noiraud, bouche bée, à l'impression de tomber de haut.
— Tu n'auras plus le même discours devant la police !
— Sans blague.
— Tu es... vraiment énervant !
Sunoo ne comprends pas d'où viens cette frustration. Comme si elle a toujours résidé en lui et fait pulser son cœur d'une puissance qu'il ne lui a jamais connu auparavant.
Et Ace, Ace dont le sourire moqueur n'a cessé de s'agrandir.
Heeseung supprime le peu d'espace entre eux, le faisant sursauter au passage, glissant vers l'oreille du garçon.
— Personne n'est parfait comme on dit, dit-il dans un chuchotis.
Je... veux... l'étriper... lui et son sourire en coin.
Un autre hoquet de surprise échappe au plus jeune lorsque Heeseung profite de ce moment pour mordre le lobe de son oreille.
À cet instant, les envies de meurtres de Sunoo sont sortis contre Ace et son traître de corps qui s'est décidé à réagir, le faisant passer pour un accro au sexe en manque.
Quand Heeseung recule, il tente de se dégager de toutes ses forces mais se fait retenir par les épaules contre le mur.
— Content de te retrouver, débute l'argenté, mais je te conseille de te calmer.
— Ou quoi ? Tu vas me torturer ? Lance avec amertume le noiraud.
— Je te bâillonne avant. Excitant comme programme n'est-ce pas ?
Ace devient glacial et ne se prive pas de le montrer à travers ses prunelles. La chair de poule vient titiller l'échine de Sunoo.
Ses picotements se font sentir sous sa peau, comme s'il était attaqué par des milliers d'aiguilles. Ou alors par des éclairs miniatures.
C'est, la peur au ventre de faire un second tour dans cette salle crasseuse et humide, attaché par le fer et suspendu dans le vide qu'il halète malgré lui.
Il veut fuir.
Il pense alors en vitesse au bandage au ventre de l'argenté pour user de sa jambe encore libre, projetant un coup de genou vers cet endroit. Là où siége sa blessure.
Heeseung se plie légèrement vers l'avant dans le but de protéger cette zone sensible.
Ce qui permet au plus jeune de le pousser, l'obligeant à perdre pieds. Il est malheureusement emporté dans une chute sur le tapis qui recouvre le sol.
Un faible gémissement échappe à Ace qui s'est laissé faire en trouvant ça drôle.
Tenant les mains de Sunoo, il l'a tiré avec lui, son corps lui servant d'amortisseur. Ce dernier se trouve donc au dessus de lui.
Il passe avec rapidité ses bras autour de sa taille pour le garder contre lui.
— On joue à quoi ?
Sunoo balbutie, ne s'étant pas attendu à un tel enchaînement.
Il perçoit la sensation de coton du bandage contre lui l'odeur de désinfectant, ainsi que l'haleine un peu chaude de Heeseung à cause du peu d'espace.
Il plonge directement dans ses mirettes or.
— Que... arrête ! Arrête de me provoquer !
— Arrête moi.
Bon sang... sur quel personnage est-il encore tombé ? Sunoo serait presque épuisé. Il coupe leur contact visuel, par gêne.
— Lâche-moi... dit-il avec difficulté en voulant se redresser.
Il se trouve que son adversaire possède une force colossale qui dépasse ses compétences.
— S'il-te-plait... souffle de nouveau Sunoo.
Il détourne le plus possible le regard, ne voulant pas croiser ses yeux.
— Tu ne veux plus jouer ?
Je n'ai jamais voulu jouer !
Sunoo souhaite paraître le plus effrayant possible. Sa mission échoue quand il pense lui-même à sa bouille.
Qui pourrait être effrayé par lui hein ? Surtout pas un criminel comme Ace. Ce dernier le bloque contre lui, forçant un contact peau contre peau.
Pour une position aussi intime, il a du mal à ne pas s'agiter. Il trouve d'autant plus alarmant d'avoir son visage si proche.
En parlant de son visage, ses yeux détaillent sa forte mâchoire et s'arrêtent à ce niveau, gêné de monter plus haut.
Il garde ses poings fermés, refusant de le toucher. Comme si ce contact pourrait déclencher quelque chose de dangereux.
Cependant, il est obligé de garder les bras sur chacun des épaules de son ravisseur.
Il avale sa salive lorsqu'il sent son ventre se presser contre le bandage. Il y a une sensation à la fois chaude et dérangeante à ce niveau.
Pendant un instant, il a peur de lui faire mal.
Puis se rappelle qui il a en face de lui. Enfin, en dessous.
— Quand tu louches sur mes lèvres, essaie d'être discret au moins ?
— Que... quoi ? Absolument pas ! Je ne faisais pas—... !
Il y a une vive brûlure au torse du plus jeune. Cette impression que le sang a afflué jusqu'à ses joues.
Surtout lorsque Ace laisse échapper de nouveau ce rire singulier.
— C-C'est toi le pervers !
— Hmm, flatteur.
Qu'est-ce qu'il voudrait gommer ce sale sourire ! L'irritation est à son comble.
— Tu... espèce d'idiot !
— Mais encore ? Demande l'argenté, la mine ennuyée.
— Je... je t'encule !
J'ai dis un gros mot...
Il y a un blanc. Même Ace parait ne pas s'y être attendu, ses yeux s'ouvrant plus que d'habitude, démontrant à quel point ses pupilles sont grandes en vrai.
Puis, il lâche un de ses rictus démoniaques, propre à lui.
— C'est l'inverse, répond-t-il sur un ton un peu gamin.
W-what... il me fait des allusions ou... ?
— D-dans tes rêves, se précipite de fournir le noiraud.
— Tous les soirs, love.
— Tu—...
Sunoo se retrouve à cours d'arguments et Heeseung affiche un sourire en coin. Il soupire, agacé que l'autre trouve toujours quelque chose à caler.
Il semble trop détendu à son goût. Ça le révolte. Même en position de faiblesse, ce type se débrouille pour ne pas perdre son sang froid.
À croire que plus Sunoo lui résiste, plus il apprécie le moment.
Et il suffirait juste à l'un d'entre eux de bouger un peu pour que leurs lèvres se joignent.
— Lâche-moi ou...je cri !
Je n'ai pas trouvé mieux...
Sunoo reprend très vite ses tentatives, voulant se dégager.
Ce qui semble ennuyer son ravisseur qui use d'une autre ruse plus fourbe encore en poussant son bassin vers le haut.
Un couinement échappe à Sunoo aussitôt, suite à cette friction qui envoie d'autres décharges dans son corps.
Et surtout à un endroit particulier entre ses jambes.
Il presse ces dernières malgré lui, se pliant et se mordant l'intérieur de la joue, honteux après ce fichue son qui lui a échappé.
Cette brèche suffit à Heeseung à inverser leurs positions.
Ses bras se trouvent saisit par ce dernier et remontés au dessus de sa tête, qu'il tient en une seule main.
L'autre, touchant ses lèvres.
— C'est une menace ?
Sunoo frissonne, déglutit avec l'impression de se liquéfier sur place. Il commence sérieusement à craindre la tournure des évènements.
— J-je...
Ace remarque sa soudaine crainte.
Il en sourit.
— Tu es conscient que tu menaces le boss d'une triade surpuissante qui pourrait te tuer en un clin d'œil ? Il suffirait que je passe mes mains ici... et que je serre très fort.
Ace appuie ses mots en effectuant le geste. Quatre de ses doigts glissent d'un côté du cou de Sunoo, tandis que le pouce presse de l'autre côté.
Une façon si intime d'étrangler quelqu'un, témoignant d'un crime passionnel. Mais aussi une position de pure domination.
Parce qu'il tient le noiraud sans lui laisser d'échappatoire, le surplombant entièrement.
Et ses paroles sont murmurées dans la pénombre, en toute sensualité, comme du velours qui glisse sur une peau opaline et duveteuse.
Sunoo sent ce remue-ménage dans son estomac et cette brûlure dans ses reins mêlé à la peur que lui provoque la légère pression contre son cou.
La façon dont la main de Ace englobe son cou l'effraie ! Comme s'il n'est qu'une brindille dans sa paume qu'il pourrait briser.
— I-Il... paraît que tu as besoin de moi... tente-t-il en dernier recours.
La peur le paralyse presque. Le fait qu'un simple geste puisse le broyer, qu'il soit à la merci de Ace sans pouvoir hurler à l'aide.
Il n'a jamais autant désiré la présence du second jumeau. Ethan est moins effrayant.
Enfin, il croit.
Ace garde ses jambes un peu écarté à l'intérieur de ses jambes à lui, l'obligeant à les écarter à son tour. C'est une position plus que gênante.
Heeseung est un bref instant surpris. Surpris par le fait que Sunoo persiste, même dans une position de faiblesse.
Tout en ayant conscience de la cruauté dont il peut faire preuve en tant que Ace, à la tête d'une organisation mafieuse indestructible.
Il plonge dans ces prunelles d'une douceur chaleureuse, un brun chocolat si délicat.
— Qu'est-ce que je suis censé comprendre ?
— Que...tu ne m-me fera pas de mal.
Sunoo espère ! Car mort il ne sera d'aucune aide ? Son cœur tambourine mais d'une violence qu'il penserait presque qu'il déchire ses muscles.
— Et que vais-je faire de toi après ? Quand tu ne me seras plus d'aucune utilité ?
Il ment ? Non, non, non !
Le noiraud commence à ressentir la panique lui tordre les tripes. C'est si violent qu'il a l'impression de pouvoir rendre tout ce qu'il a mangé.
Il a été naïf en se laissant berner, aveuglé par ses souvenirs. Or peu importe à quel point ils se connaissaient plus jeune, Sunoo a du mal à lui accorder sa confiance.
Ace n'en reste pas moins son ravisseur.
Il y a tout un nuage sombre autour de lui qui l'empêche de comprendre le sens de ses agissements. Il pourrait le tuer, là maintenant, n'est-ce pas ?
Il pourrait... une première larme roule. Elle ne lui a pas manqué.
— J-Je ne veux pas mourir...
Dans le silence de la nuit, il y a ses sanglots qui montent peu à peu. Et en remarquant cela, Ace fronce les sourcils. Il y a un certain agacement ou alors de l'ennuie ?
Soit, il joue de sa mâchoire quelques seconde comme ayant perdu goût au moment, puis finit par relâcher la gorge de Sunoo.
Il se redresse et s'éloigne de lui, toujours assit au sol et lui tournant le dos.
Sunoo est perdu. Il le lâche ? Juste comme ça ? Il prend un instant en clignant des yeux humides. Le mouvement de paupières chasse les larmes qui tombent.
Il se redresse à son tour, la gorge nouée.
— Sort d'ici.
Sunoo ne l'a pas entendu en premier lieu, focalisé sur ce dos qui en impose, ces larges épaules et du tatouage qui le recouvre dans son entièreté.
À présent que ses yeux se sont habitués à la pénombre, il distingue mieux le dessin.
Le dragon chinois serpente. Sa queue prend source dans le bas de son dos. À cause de son pantalon, il ne voit pas vraiment le début.
Le cou prend une partie de sa nuque et la tête est repliée vers le bas.
Soudain, Ace pivote la tête vers lui. Le jeune homme se replie presque sur lui, prenant peur. Il y a une ombre qui commence à s'abattre sur ce doré qui s'est montré espiègle plus tôt.
L'impression que chacun de ses muscles se contractent, ses poings se resserrent.
— Sort, ordonne-t-il avec plus de froideur.
Sunoo n'attend plus. Il se retient de justesse sur ses jambes qui tremblent et le mènent par miracle vers la porte d'entrée.
Il renifle en mettant le plus de distance possible entre cette porte et lui, l'idée ferme planté dans sa tête que Ace compte le tuer.
Dehors, la journée avance.
Pour combien de temps restera-t-il dans le monde des vivants ? Comment être sûr de ce qui est vrai ou faux ? Sunoo n'a aucune envie de rester ici plus longtemps.
Alors il se rend compte d'une chose.
Du silence qui l'entoure, de l'absence de têtes qui le surveillent. C'est alors que son instinct de survie surgit de nouveau.
C'est peut-être sa seule chance de fuir.
***
Ni-ki se dirige vers la salle d'entraînement qui leur est réservée.
Dans la lune, il arpente les couloirs étroites qui mènent aux portes coulissantes. Il les pousse avec douceur, la tête ailleurs.
Dans un petit espace, il retire ses chaussures et son haut, se saisissant d'un bandage qu'il enroule sur ses deux bras.
Ce n'est qu'à ce moment qu'il perçoit les premiers coups.
Bien que surpris, il se lance dans la salle qu'il a espéré vide. Là bas, au beau milieu du tapis se trouve le type qu'il espère éviter à tout prix.
Depuis leur dispute, comme après toutes leurs disputes, il a esquivé les chemins qui le mènent à Jay.
C'est dans un soupir qu'il remarque que jamais il lui sera possible de le fuir pour de bon.
Jay sent sa présence et s'arrête dans ses mouvements.
Leurs prunelles se croisent.
— Qu'est-ce que tu fiches ici ? Grogne l'américain.
Toujours aussi agressif...
Tiens, comme à leur première rencontre.
Ni-ki se fait la réflexion, amusé tout au fond. La première fois qu'il a mit les pieds dans cette même salle, qu'il a rencontré cet homme pour la première fois.
Ça n'a pas toujours été une question de haine comme ils se débrouillent à le faire croire aux autres.
Seuls ces deux êtres savent ce qu'il en est réellement.
— Je viens m'entraîner. La salle t'appartient pas.
Il fixe du coin de l'œil Jay pousser un grognement et rouler des yeux.
Il se remet ensuite aux quelques coups exercés contre un adversaire imaginaire.
Puis il s'arrête de nouveau, le souffle erratique en sentant le regard de Ni-ki le brûler.
— Qu'est-ce que veux ? Balance.
— Un combat.
— Flemme.
— Tu te défile ?
Jay hausse les sourcils et lâche son sac de boxe.
— Un combat hein ? Tu tiens à avoir les os brisés ce soir ?
Ni-ki n'a pas toujours digéré le fait que ce type lui soit venu en aide. Et il ne voit qu'une seule option pour se débarrasser de sa haine.
L'affronter.
Alors il se met en position de combat. Jay n'est pas du genre à fuir une bagarre après tout.
— Très bien... crache ce dernier. Tu l'auras voulu.
***
Sunoo observe les environs.
Le cœur battant, il cherche une issue dans le fameux château. À voir le nombre de couloirs, il est facile de se perdre.
Il repense à l'itinéraire emprunté quand il a voulut fuir Ni-ki.
Il presse le pas en ce temps où personne ne semble se souvenir de son existence. Il arrive à un lieu qui semble réservé au personnel. Des pièces plus petites, plus modestes, et une porte.
Une porte !
Elle donne sur le jardin mais à l'arrière de la demeure. C'est sa chance. Tout semble vide. Il peut fuir ! Il peut—
— Où comptais-tu aller hein ?
Non...
Des bras le retiennent pour l'empêcher d'atteindre la porte. Son couloir d'espoir se referme, le plongeant dans l'obscurité.
— N-non laissez-moi partir !! Au secours !!
Ses sens sont en alerte aussitôt, suivis par les battements effrénés de son cœur.
Non, pas lui. Pas Ace. Il va le tuer n'est-ce-pas ? Il se débat de toutes ses forces. Toutes ses forces. L'argenté ne bouge pas tant que ça, le maîtrisant avec aisance.
— N-Ne me tue pas !
— Je vais vraiment le faire si tu ne la ferme pas tout de suite.
— Tu es dérangé !
De toute sa vie, Sunoo n'a jamais eut à sortir autant d'insultes. Autant qu'il n'a pas le vocabulaire aiguisé dans ce domaine.
Cependant, la peur prend le dessus.
Désespéré et la trouille au ventre, il se bat pour sa vie. Ils ont eut ce qu'ils voulaient de lui ? Évidemment qu'ils peuvent le tuer à présent.
Ils vont le tuer !
Ace le tourne pour lui faire face mais le noiraud évite le plus possible ses yeux, continuant de se débattre. Il est secoué par une force soudaine qui explose de façon incontrôlé.
— Mais putain arrêt—
Il perçoit dans ce tourbillon que les lèvres de son vis-à-vis bougent mais ne capte aucun mot. C'est comme s'il était trop loin dans sa transe de folie pour comprendre.
Ce n'est qu'au moment où Ace le secoue tel un vulgaire chiffon que Sunoo reprend contact avec la terre. Il se fige, la terreur se creusant en lui en profondeur.
Il est pris de tremblements.
Plus que jamais, il craint les orbes orageuses qu'il a en face. Pourquoi son contact le rend tant anxieux ?
Avec Heeseung, tout s'embrase, tout s'affole comme une boussole déréglée. Tout est amplifié et se mélange, formant une boule immuable qu'il a du mal à défaire.
— Ça y est, t'es calmé là ?
En fin de compte, il toise l'argenté d'un air bilieux.
Lui, ce visage qui le terrorise en ce moment. Celui qu'il a du mal à soutenir. Cet ambre qui ne fait que amplifier sa peur panique.
— Quoi ? Tu as perdu ta langue ?
Non, la violence dont a fait preuve Heeseung l'a ravagé sur le coup, l'a plié en deux, calmant tout esprit de rébellion.
Ce dernier, loin de se douter de ce qu'il lui provoque, se contente de le tirer avec lui. Sunoo trébuche à trois moments.
Heeseung ne le voit pas; à quel point il lui fait mal. Il n'en a pas conscience. C'est comme si ce qui s'est passé entre eux dans l'autre chambre n'a jamais existé.
Il n'est plus question de taquineries. Il y a quelque chose de plus effroyable dans l'ombre de cet homme.
Ils arrivent devant porte que l'argenté ouvre sans toquer. Dedans, Ethan installé sur un canapé, tenant une boîte en main.
Il fronce aussitôt les sourcils en les voyant arriver.
— Pourquoi il est là ? Demande-t-il en se levant.
Bonne question, pourquoi je suis là ? Pour combien de temps ? Quand est-ce qu'on viendra éteindre sa vie ?
— Ça ne sert plus à rien de lui cacher quoique ce soit. J'ai pris ma décision. Il restera ici.
— N-non... souffle Sunoo d'une voix plaintive et tremblante.
Il se fait ignorer.
— Sans me consulter ?
— Ne me casse pas les couilles Ethan. Ouvre cette putain de boîte.
— Tu vas baisser d'un ton avec moi. Je répète, sans me consulter ?
Les deux frères se lancent dans une sorte d'affront de regard. Et le noiraud se retrouve pris au piège entre eux. Il n'y que lui qui renifle sa morve qui trouble le silence.
Heeseung, ses sourcils se pliant approche de son frère de quelques pas tout en le tirant avec lui. Le regard d'Ethan dérive entre lui et Sunoo, restant neutre malgré tout.
De Ace émane quelque chose de menaçant. Or son frère est loin d'en être affecté. C'est dire qu'il ne bouge pas d'un poil.
— J'ai décidé pour nous.
— Depuis quand tu décides pour nous ?
— Ne me fais pas chier.
— Ne me fais pas répéter.
Être aussi proche d'eux qui semblent s'affronter en silence est insupportable pour le noiraud qui ne désire qu'une chose, se cacher dans un coin.
La violence ne fait que monter son stress en décibel.
Et il se demande comment il arrive encore à garder le contrôle. Pourquoi ne s'est-il pas écroulé depuis le temps ? Qu'est-ce qui l'empêche ?
La prise de Ace à son bras se défait entièrement. Ce dernier lâche un faible rire qui n'a rien de drôle ou joyeux. Il fait craquer son cou sur chaque côté.
Sunoo recule aussitôt, le plus possible.
— Si j'étais toi, je resterai tranquille, lui indique Ethan.
Pas une seule seconde il ne lui a accordé un regard. Cependant, la demande, ordre, menace, a suffit à clouer Sunoo sur place.
— On a un soucis toi et moi c'est ça ? Reprend Ace.
— Répondre à des questions est à la portée de tous.
— Te casser la figure est à ma portée. Alors dis moi, qu'est-ce qui te démange ?
Sunoo a l'impression que Heeseung pourrait sauter sur son jumeau à n'importe quel moment, vu l'impulsivité dont il fait preuve, ses mots plus crus les un que les autres.
Ils sont empreints de violence.
À son opposé, Ethan est aussi imperturbable que la surface d'un lac paisible niché au cœur d'une forêt idyllique. À croire que rien ne pourrait l'ébranler.
Pas même la colère apparente de son frère.
— Attends, j'ai l'air de plaisanter ?
— J'en sais rien moi ! Éclaire moi ?! S'exclame Heeseung.
— Tu pète un câble et je dois te répondre ?
— Toi arrête de me chercher !
— Tu me provoques ?
Heeseung s'éloigne un instant, balançant la tête vers l'arrière un instant, un soupir bruyant lui échappant.
Il a la flemme de se prendre la tête avec son frère.
— Arrête de me saouler et ouvre la boîte.
— Non, poursuit. On dirait que tu as des choses à régler.
— Va te faire enculer, c'est bon pour toi là ?
Il a vraiment la flemme de s'embrouiller avec son frère.
— Quel enfoiré... soupire le cendré.
Heeseung plante ses prunelles dans celles de son frère.
— Il est hors de question qu'il s'en aille, le prévient-il.
Et Ethan souffle de nouveau.
Quand bien même il était à deux doigts d'en venir aux mains, il a déjà pris sa décision. Et il semble qu'en tant que jumeaux, ils soient tombé sur la même décision.
Bien sûr que Sunoo ne bougera plus.
Plus depuis l'affaire des comprimés. Il ne répond pas à son frère. Son premier coup d'œil est adressé au jeune homme.
Sunoo qui jusque là est resté ratatiné dans son coin sans bouger. Comme si le simple fait de respirer pouvait lui provoquer une mort certaine.
— Approche, dit-il avec moins de froideur, l'air d'appâter un animal effrayé.
Le noiraud obéit à la seconde. Il se déplace à pas hésitant jusqu'au sofa.
— Assieds-toi.
Il n'a aucune envie de les provoquer, vu comment ils ont faillit en venir aux coups tout à l'heure. La tension s'est emballé d'eux, a saturé l'atmosphère.
Elle l'a persuadé que tout aurait pu déraper. Il obéit, ses deux mains formant un poing au milieu de ses cuisses. Il n'ose même pas un regard vers Ace.
Ethan manipule sous ses yeux une boîte qui lui est familier.
— C-C'est... commence-t-il avant de se raviser.
Aussitôt, l'attention des jumeaux se portent sur lui. Ethan effectue un faible haussement de sourcil.
— Continue, dit-il avec douceur pour le mettre en confiance. Cette boîte te dis quelque chose ?
Sunoo inspire la peur. Il secoue vivement la tête, aucun mot capable de quitter sa gorge nouée. Les jumeaux ont un drôle d'expression sur le visage.
Le cendré finit par laisser tomber et se rapproche de lui.
Sunoo commence à s'éloigner avec le désir de se fondre dans le sofa. Si seulement il pouvait disparaître. Ses battements cardiaques s'intensifient.
Lorsqu'il aperçoit les bras de cet homme se lever et l'approcher, il se tend à l'extrême, le teint devenu livide et son souffle le quittant.
Ethan de son côté analyse chacune des réactions du garçon. Il focalise son attention sur chaque changement, le moindre petit signe perceptible.
Sunoo déglutit et exhibe avec clarté sa peur.
— Tu permet ? J'ai besoin de voir quelque chose.
Dans leur dos, Heeseung roule des yeux.
Le noiraud ne répond pas. Cependant il permet au plus âgé de se rapprocher en hochant la tête. Et ce dernier se penche par dessus son épaule.
Il retient son souffle un instant à cause de ce contact quelque peu intime, puis se détend la seconde d'après rien que pour inspirer.
Le parfum émanant des vêtements de l'homme le frappe en plein fouet. Cette fois-ci, il s'y concentre. C'est agréable, une senteur marine qui le fait penser à Dior, Homme.
J'ai Poison de Dior aussi !
S'en est presque drôle d'en venir à penser à son parfum dans un tel moment en pleine panique. Il n'a pas pu s'empêcher de dériver sur un sujet aussi débile.
Et durant ces quelques secondes où il a pensé à son flacon gris sur sa table de chevet, il a eut une sorte de répit.
Suivi d'une tristesse qui lui noue la gorge en pensant à cette vie paisible et sans accroche qu'il ne retrouvera plus.
En attendant, la fragrance est légère, agréable, fait penser à l'écume des vagues. Les doigts du cendré s'affairent au niveau du col de son haut.
Il se tend encore plus à cause de ce toucher définitivement intime.
Sunoo est de ceux pour qui même le frôlement de mains fait parti de l'intimité. Il n'a jamais apprécié qu'on le touche sans son accord d'une quelconque façon.
Surtout ses cheveux.
Il en a eut ses épisodes de grand aigris — comme le surnomme Jungwon — lorsqu'un inconnu s'aventurait à frôler ses mèches.
Là, c'est autre chose.
Il y a le souffle d'Ethan qui effleure son cou. Il se crispe, ne bougeant pas. La respiration du cendré est tout ce qu'il y a de plus paisible. Elle a une douce sonorité dans ses oreilles.
Ses doigts abaissent un peu son pull, touchant de façon subtil sa nuque. Sunoo est alerte et se mord l'intérieur de la bouche pour calmer son réflexe de donner un coup de poing.
C'est plus fort que lui.
Ce moment dure une éternité à ses yeux. Or du côté du cendré, il recule très vite. C'est un soulagement pour Sunoo qui peut enfin gonfler ses poumons, l'impression d'avoir été en apnée trop longtemps.
— Alors ?
Le noiraud frissonne.
Il oublie presque la présence du second jumeau, Ace. Le fait que tout cela se soit déroulé sous ses yeux.
Il se garde de ne pas croiser son regard, même si ce dernier se rapproche.
D'ailleurs, que cherchent-ils sur sa nuque ? Sunoo y passe un coup de main par réflexe puis se rappelle le tatouage dont l'origine reste floue.
Ann lui a dit qu'il ne s'agit que d'une erreur de jeunesse ?
Et il n'a pas cherché à en savoir plus. Son attention se porte ensuite sur la boîte. Ethan se saisit du cadenas à chiffres.
Son profil est presque charmeur; sa mine concentrée sur sa tâche. Pourquoi a-t-il fallu qu'ils soient beaux ?
C'est une vérité que le noiraud ne pourra pas nier. Ils sont bel et bien beaux. Il tire sur le pull pour que les manches avalent ses mains.
Pendant ce temps, Ethan fait rouler les séries de chiffres selon les caractères sur la nuque.
Bas - haut - haut - bas. Ça accouplé au nombre de fois où ils doivent faire défiler la série de numéro qu'ils avaient décrypté avant, il arrive avec facilité à trouver le code.
Et débloquer la boîte de Pandore.
Sunoo, lui aussi curieux, participe à l'attente silencieuse des jumeaux. Ethan ouvre et sors un papier blanc. Il le déplie et c'est comme une blague qui s'offre à eux.
Le premier à éclater est Heeseung.
— C'est un prank.
Dans son rire, encore une fois, il n'y a rien de joyeux. Il a une sonorité effrayante qui tend Sunoo à chaque fois.
La raison de son irritation ?
Une feuille.
Vierge.
Tout une course au trésor pour ne récolter qu'une feuille vierge.
— Attends... lâche Ethan.
Il examine l'intérieur de la boîte plusieurs fois sans rien trouver.
— C'est une putain de blague ! On se fous de nous ! Explose Heeseung.
— Met là en veilleuse une seconde tu veux bien ?
Ace se tourne de façon brusque vers son frère, s'approchant de lui à pas menaçant.
— Je ne vais pas tolérer qu'on se foute de ma gueule, tu comprends ?
Ethan se lève, et Sunoo se fait la réflexion qu'ils font à peu près la même taille. Il doit avoir quoi, un ou deux centimètres à tout casser qui les différencie.
Or niveau physique, ils sont pareils.
Leurs musculatures, épaules, torse, tout est sensiblement pareil. C'est déroutant car on croirait qu'une seule personne s'est dédoublé.
Mais sous d'autres aspects, ils sont différents. Comme Heeseung qui s'emporte vite et la maîtrise parfaite de son jumeau. Sa face morne et celle plus expressive de Ace.
La tension qu'ils dégagent est insoutenable. Sunoo pense de nouveau se plier sur le canapé et se fondre dans le cuir.
En attendant, en un sens, Ethan comprends son frère.
Dans la mesure où pas mal de gang ont poursuivit Sunoo pour avoir ce bout de papier sur lequel leurs défunts pères respectifs travaillaient.
Et il s'avère que cette fameuse recette révolutionnaire de méthamphétamine n'existe pas.
Plusieurs questions fusent. Celui à l'origine de cette chasse à l'homme sait-il que la recette n'existe pas ?
— Quelque chose cloche.
— C'est sûr qu'on a surtout voulu nous la mettre à l'envers.
— Non, quelque chose cloche vraiment.
Tout ça. La tête de Sunoo mis à prix soudainement et tous ces gangs qui se sont précipités.
Le cendré n'arrive pas à mettre la main dessus. Cependant, il reste persuadé que quelque chose cloche.
Il s'apprête à reprendre lorsqu'il est interrompu. Il s'arrête dès que la porte claque.
Sunoo a le souffle coupé. Les yeux embués de larmes, croyant rêver. Or les chaussures se mettent à claquer au sol, signalant la venue imminente de la nouvelle.
Elle apparaît, le faciès voilée par l'inquiétude qui l'anime.
Ann, sa mère est là.
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Ace tantôt méchant tantôt sympa hmmmmm
Eya LET'SGO le prochain chapitre !
Ann est dans la place 👀
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