03. Détermination.
Tw : pensées négatives, suicidaires. (Prenez soin de vous, de votre mental. C'est important. 🤍)
***
Il reste quoi lorsqu'on a plus le goût de vivre ?
Rien. Juste un tas de cendres. On respire, on mange et on agit comme des pantins inanimés qui font les choses nécessaires juste pour le bon fonctionnement de l'organisme.
Mais au fond, au delà du cœur, qu'est-ce qui bat encore ?
La perte d'un être cher peut être si violente à supporter qu'on se croit aspiré par un vide abyssal.
L'abandon peut être aussi sèche qu'une lame qui nous poignarde, rendant les jours vides de sens. C'est juste des heures qui s'entassent, le même scénario qui se répète.
Sunoo s'est longtemps senti ainsi.
Une année s'est envolé alors qu'il a vécu sans être là. Il n'y avait plus que Jungwon, lui-même et sa solitude. Il n'y avait plus que lui et sa routine.
Puis, sont venus les débris de souvenirs qui n'ont cessé de l'empoisonner un peu plus.
Les souvenirs sont remontés si loin que pour la première fois, il a sentie la rage brûlante le consumer entièrement. La première fois qu'il goûtait un sentiment aussi puissant.
Il s'est laissé avaler par cet amas de rancune et a voulu en finir.
Le plus étonnant est qu'il ne s'est pas rendu compte d'à quel point ses pensées étaient devenues aussi négatives.
Penser à la mort n'a rien d'anodin.
La mort se présente en dernier recours face à tous nos tumultes. Nous sommes piégés dans un état si profond qu'on en vient à désirer la faucheuse.
C'est un acte de désespoir.
L'espérance de faire disparaitre le mal qui nous ronge. L'Insoutenable douleur.
Il existe un quota de souffrance qui, une fois dépassé, devient insupportable autant pour le corps que l'esprit.
Depuis la première tentative de Sunoo, il s'est beaucoup questionné. Sur le fait de s'être tant encombré par ces idées sombres que tout espoir l'a quitté.
Ni-ki a eut raison.
Il ne pense pas se sentir mieux actuellement. Cependant, il ne pense pas se sentir trop mal non plus, depuis qu'il a commencé à se confier sur ce qui pesait sur son cœur.
Il parle principalement de ses cauchemars. Des ombres qui ne viennent qu'à la tombée de la nuit, entravant le sommeil tant recherché.
Il parle et parfois, après avoir vomi tous ces mots, il respire un peu mieux. Quand bien même la douleur demeure dans son cœur.
C'est comme un état d'entre-deux.
Le fait de mourir dans le froid est qu'à un moment, on ne ressent plus rien. On est déconnecté du corps, figé, soulagé.
C'est ce que Sunoo a pensé.
Et à présent, il visite pour la première fois la pierre tombale à la mémoire d'Ethan Lee. Le voir en vrai est comme une sorte de réalisation.
C'est à la fois douloureux et, et non. C'est juste douloureux.
Il s'agenouille et place sa paume contre la pierre froide. Cette derrière glisse contre le nom gravé, ainsi que la date inscrite.
Il est parti.
C'est une vérité que son cerveau a du mal à synthétiser. Il fait froid. Est-ce que là dessous, Ethan aussi a froid ?
Non, bien sûr que non. il n'y a pas de corps. Rien qui soit enterré. Est-ce que là où il se trouve, Ethan a froid ?
À quoi sert cette pierre tombale ?
Sunoo ramène sa main contre sa poitrine, puis s'empresse d'effacer les larmes qui coulent. Il a tant de questions. Sa mémoire lui rejoue les derniers instants avec Ethan.
Depuis quand ? Depuis quand sait-il qu'il allait mourir ?
Pourquoi s'y être résigné ?
Pourquoi toutes ces promesses s'il comptait disparaître ?
Sunoo l'a traité de menteur durant de longues minutes. Puis, il s'est finalement écroulé en pleurs.
Et pour cette fois, il ne l'a pas supplié de revenir.
***
Les chutes de cette année sont conséquentes.
Noël a un goût fade. Les guirlandes lumineuses censées apporter de la joie ne font que raviver des souvenirs non désirés.
Il arrive à Sunoo de croiser une chorale sur la place publique chanter en harmonie, un titre de Noël. C'est une torture à ses oreilles.
Depuis quelques jours, il se remet à sortir. Croiser des humains la première fois après un si long moment, lui a donné une drôle d'impression.
Il s'est rendu à une épicerie et s'est figé face aux salutations génériques du caissier. Sunoo a eut l'impression de se faire observer et juger par le jeune homme.
Il s'est enfuit en se grattant la nuque avec l'impression d'étouffer.
Il lui arrive encore d'avoir l'impression d'être observé en marchant dans la rue. Il s'est mit à éviter la foule, les grandes routes où les klaxons agressent ses tympans.
Lui qui se croyait déjà assez sensible au monde l'est devenu un peu plus.
Au point d'avoir en aversion le simple fait de socialiser dehors. Les seuls moments où il accepte de sortir se résument aux heures où la nuit englobe la terre.
Lorsque cette dernière dévore le monde et la recouvre de ses ténèbres, il se sent un peu moins coincé à l'idée de sillonner les rues.
C'est moins animé, plus calme.
Sunoo a finit par prendre goût à ses balades nocturnes. Les mots encastrés dans sa tête qui tournent en rond s'envolent parfois.
Ça lui permet d'aérer l'esprit, de le rendre plus léger.
Il imagine ces pensées qui le torturent se faire capturer par le vent silencieux et emportées très loin.
Le jeune homme soulève la tête. Quelques flocons tombent mais rien d'alarmant. Aujourd'hui c'est le soir du réveillon.
Un an plus tôt il le passait au rivergate skate center.
Ni-ki lui a demandé ce matin s'il voulait patiner. Sunoo s'est contenté de secouer la tête, montrant son refus.
Il n'a aucune idée de s'il pourra monter sur des rollers pour l'instant.
À côté, le carillon résonne après que quelqu'un ait poussé la porte d'une supérette.
Des bottes s'enfoncent dans la neige, une silhouette s'approche de lui et lui tend un emballage d'où émane une odeur épicée.
— Tiens.
Sunoo l'accepte tout en sachant qu'il n'aura pas la force de débattre s'il venait à décliner.
Il voulait contempler les étoiles. Mais le ciel est couvert. Il se contente de croquer dans ce qui est plutôt un wrap. Il trouve le goût acceptable sans plus.
Il se contente de mâcher lentement.
Jay s'installe à côté de lui, à l'arrière du pick-up et croque dans son wrap à son tour avec plus d'agressivité.
— Mange pour reprendre des forces. Tu vas clamser si tu veux vraiment que je t'entraîne.
Sunoo ne pensait pas que cet homme aurait accepté sa demande.
À vrai dire, il est constamment ravagé par une colère dont il ne connait ni l'origine, ni sa cible. Et à défaut de se défouler sur ses meubles, autant l'utiliser d'une autre façon.
D'où la proposition de Ni-ki de s'en remettre à la boxe.
C'est un sport auquel il ne s'est jamais intéressé auparavant. C'est un peu violent. Mais peut-être que ça l'aidera à penser à autre chose. Ni-ki est enthousiaste.
Pour ce qui est de Jay, il semble ennuyé de tout. C'est à peine si on peut lire une quelconque réaction sur son visage. Il est toujours blasé.
Et si jusque là Sunoo s'était contenté de l'ignorer, il a eut assez de temps pour s'y intéresser. À cette carapace impénétrable que s'est forgé cet homme.
C'était le plus proche de Ace.
Son Ombre.
— Tu as toujours été comme ça ?
Jay, un peu surpris par la question, ne repond que par un subtil haussement de sourcil. Il a presque oublié que Sunoo est devenu plus direct avec le temps.
Il mâche la quantité de nourriture encore présent dans sa bouche avant d'avaler.
— Soit plus clair.
— Tu as toujours été aussi sec ? Brute ? Fermé ? Désagréable ?
Pendant que le plus jeune mentionne les adjectifs, le noiraud se contente d'ouvrir la carafe d'eau et d'en vider le quart du contenu.
L'eau étanche la soif déclenchée par le wrap aux épices. Il soupire d'aise après ce maigre repas qui comble une partie de sa faim.
Après quoi, il reporte son attention sur Sunoo.
— Ouais, c'est plus clair.
À cette allure, Sunoo pense qu'il n'aura pas de réponses. Jay a toujours été mystérieux. Il ne connait même pas son nom de famille.
À vrai dire, à part les jumeaux, celui de Sunghoon était le seul qu'ils connaissaient tous. Il lui est déjà arrivé d'entendre que les Ombres perdaient leur identité.
Mais bien sûr, trop occupé dans son monde, il n'y a pas fait attention. Qu'est-ce qu'il regrette. D'avoir été enfermé dans cette bulle protectrice.
Il s'est cru à l'abri de tout. Vivant une histoire à l'eau de rose, remplis de déni, ignorant le danger constant du milieu duquel provenait les jumeaux.
Un milieu duquel lui-même provient.
Son père était à la tête d'une organisation mafieuse.
À quel moment a-t-il pu penser qu'il aurait une vie normale ? Comment a-t-il fait pour ignorer toute la violence autour ?
— Je sais pas quoi te répondre. Je suis comme je suis.
Surpris, Sunoo se tourne vers le plus âgé, coupé dans ses réflexions. Il n'a pas le temps de répondre que l'autre enchaîne.
— Tu penses à quoi ?
Comme pressé de changer de sujet.
Sunoo n'insiste pas. Il hausse les épaules, un air défaitiste cousue au visage.
— J'ai été stupide.
Un silence accueille sa réponse. Il expire et bois un peu d'eau.
— C'est peut-être ça mon problème. Je crois que la vie c'est un conte de fée. Alors qu'il y a des gens qui meurent, des vols, des guerres.
Sunoo pouffe, sans pour autant se trouver drôle.
— Pendant que des gamins ont des parents normaux, les miens tuaient pour vivre.
Il soupire. Tout d'un coup, les mots se sont mis à se déverser. C'est comme une porte grande ouverte qui libère tout ce qui le pèse.
Et à côté, Jay l'écoute avec attention.
— Ce n'est pas tous les jours qu'on apprend qu'on a des parents mafieux.
Le cœur de Sunoo se serre. Le conte de fée a pris fin. Il n'y a plus que le monde et sa réalité. La réalité est amère parce qu'elle est injuste.
On y voit des gens qui souffrent sans le mériter, les mauvaises personnes en pleine ascension, les bons qui sombrent, et deviennent des oubliés.
Il n'y a jamais de et ils vécurent heureux jusqu'à la fin.
— On voulait que j'ai une vie normale. Mais je n'aurai jamais pu l'avoir.
Du moins, du moment où son avenir était déterminé par les actes de son père. La preuve, il a été pris pour cible il y a de cela quelques mois justement à cause des activités illégales de cet homme.
— Je ne serais jamais tranquille parce que je suis le fils de mon père.
Ce constat le poignarde.
— Je n'ai jamais eut le choix.
Sunoo se mord la lèvre. Dès le début, tout était scellée. Jay y pense, sans le couper dans son monologue.
Tout le monde le sait, Kim Sunoo n'avait rien avoir avec eux depuis sa naissance. Il était bien trop sensible à ce monde, bien trop pour survivre parmi eux.
Il ne l'a peut-être pas remarqué mais les jumeaux ont passé leur temps à le tenir éloigné de tout ce qui se rapportait à la triade.
Et Jay a toujours pensé que tôt ou tard, Sunoo y sera mêlé, avec ou contre son gré. C'est un univers auquel on échappe pas. Il nous piège pour de bon.
— Le choix est un luxe, que veux-tu ?
Le plus âgé lève les yeux au ciel, un air indéchiffrable au visage. Ils sont nombreux à ne pas avoir pu choisir. Certains deviennent des tueurs contre leur gré.
Et une fois ce cap passé, on a l'impression de s'être ligoté à ce train de vie. Elle devient aussi indispensable que l'oxygène. Paradoxal pour un milieu aussi anxiogène.
— Tu es proche de Heeseung, n'est-ce pas ?
Jay hausse le sourcil.
— Ça dépend de ce que tu veux savoir.
— Tu es son Ombre, Ni-ki me l'a dit.
Le cœur de Jay rate un battement à la mention de Ni-ki. Cependant, il conserve son expression morne comme si de rien n'était. Enfermé dans son mutisme, il laisse Sunoo enchaîner.
— Pourquoi tu ne l'a pas suivi ?
— Je ne le suis plus.
La réponse jette un coup de froid. Sunoo ne s'étant pas attendu à ça. Perplexe, il fixe son compagnon de la soirée.
— Pourquoi ?
Or du coup, ça paraît logique. La raison pour laquelle tout le monde est retourné à Hongkong sans Ni-ki et lui.
Jay se repositionne de façon droite avant de lui faire face. Il plante son regard perçant dans le sien. Sunoo se demande pourquoi cet homme est si difficile à lire.
Il ne laisse rien paraître.
— La mort d'Ethan a changé beaucoup de choses.
Un battement cardiaque plus fort que les autres fait déglutir Sunoo. Il est toujours aussi inconfortable lorsqu'on mentionne ce sujet.
— Ils étaient jumeaux. Alors, j'ai aucune idée de ce qui se trame dans sa putain de tête mais, c'est comme ça.
Le plus jeune baisse la tête.
Ils étaient jumeaux.
— Je ne sais pas ce que ça fait. Je n'arrive pas à imaginer ce que je ressentirais si je venais à perdre Jungwon, dit-il d'une voix basse.
Il pense tout au fond qu'il ne le supporterai pas. Ce serait l'une des pires douleur jamais infligé.
— Et je n'arrive pas à imaginer à quel point il doit souffrir.
Sunoo déglutit en jouant avec ses doigts. Le seuil de souffrance de Heeseung ne doit pas pouvoir se mesurer.
D'aussi longtemps qu'il s'en souvienne, Heeseung et Ethan ont toujours été ensemble. C'est un duo à l'équilibre parfait qui, jamais n'a été fragilisé.
Quand bien même ils se montraient leur affection à leur façon, ils ont toujours cohabité ensemble, en ayant l'autre à ses côtés.
— Heeseung n'a jamais été doué pour dire quand il a mal. Il a cette... cette fichue manie de se renfermer sur lui. Comme si... demander de l'aide lui coûtait tellement.
Il se remémore ces moments où ils habitaient ensemble au domaine.
— Je me dis qu'il doit avoir l'impression d'avoir perdu un morceau de lui.
Tout comme j'ai l'impression d'avoir perdu un morceau de moi.
— Mais... je ne peux pas comprendre qu'il soit parti.
Sunoo capture entre ses dents sa lèvre inférieure. Il torture ses doigts, défendant aux larmes de s'en mêler.
Il n'a aucune envie de pleurer ce soir, peu importe à quel point ces dernières menacent de couler.
— Je lui en veux... tellement.
Et c'est la raison pour laquelle il prends cette décision.
Celle d'aller le confronter, même jusqu'au bout du monde.
Fin du flash back.
Tai Hang - 18h o'clock.
Ni-ki y pense.
Il ne l'a pas vu depuis combien de temps ? Un an ? Deux ? Est-ce que ça va vraiment jusqu'à deux ans ? Le temps passe si vite. Il suffit de ne plus lui prêter attention pour qu'il nous échappe.
Et en un battement de cil, on se rend compte des années qui s'entassent.
Cependant, Ni-ki est incapable de compter ce temps avec précision. C'est comme si ses souvenirs s'étaient mis à devenir flous, dès qu'il essayait d'y penser un peu plus.
Comme si se remémorer ces images ne ferait que rendre la situation plus réelle. Chose qui lui ferait mal. Après tout, les hommes ne sont pas programmés pour souffrir.
Raison pour laquelle le cerveau regorge de milles tactiques pour échapper le plus possible à la douleur.
Devant l'appartement, les vrombissements d'une moto lui parviennent. Cette dernière laisse une traînée de fumée opaque sur son passage.
Le cœur du japonais appréhende, bondit à chaque seconde. Il n'a aucune idée de comment réguler ce rythme effréné.
Tu ne l'as même pas encore vu mec.
Un sourire se dessine sur ses lèvres. Ça se trouve, ce n'est même pas lui sous ce casque. Peut-être que cette morphologie imposante et intimidante ne lui appartient pas.
Et qu'au moment où il retirera ce casque, il verra un visage nouveau, étranger. Rien avoir avec lui.
Vingt-et-un ans, Ni-ki, se dit-il. Il se considère avoir grandit, mûrit, assez pour ne plus le craindre.
Assez pour que sa présence n'ait plus aucun impact sur l'organe qui bat sous sa poitrine.
Il bat de rage.
Jay n'est qu'un égoïste après tout.
Ni-ki ravale sa salive lorsque l'homme descend de sa bécane, dévoilant des cheveux noirs coupés court et une mine sévère.
Il a l'impression de recevoir un coup sur son buste. Parce qu'il regrette avec amertume à quel point son ex mentor n'a pas changé. Toujours ces traits tirés, comme si le simple fait de respirer le rendait aigri.
Il porte des bottes de rangers, un cargo et une veste en cuir, le tout en noir. Couleur qui le caractérise si bien. Accrochant le casque à sa moto, il avance dans la petite allée qui mène à l'entrée.
La sonnette résonne aussitôt.
— C'est lui ? Lance la voix de Jungwon dans son dos.
Ni-ki se contente de hocher la tête. Entre Jungwon et lui, les choses se sont apaisés. Enfin, de façon temporaire. Ils ne s'apprécient pas, mais se tolèrent.
De plus, leurs objectifs se rejoignent. Sunoo.
C'est depuis cette tempête de neige que Jungwon a arrêté de lui lancer des piques. Ni-ki se demande si ce dernier lui était reconnaissant d'une certaine façon. Parce que cette soirée aurait pu virer au drame.
Cela l'étonne jusqu'à présent, le fait que le brun sache délaisser sa fierté de temps en temps. Quoi qu'il en soit, il ne prévoit pas d'explorer une amitié solide et durable entre eux.
Le simple fait de pouvoir respirer le même air sans se sauter à la gorge lui est suffisant.
Jungwon ouvre la porte à Jay. Ils échangent de maigres salutations, juste par politesse. La haine du brun envers la triade demeure et s'intensifie selon la dégradation de l'état mental de son frère.
Ni-ki croise le regard perçant de son ex mentor. Il est toujours impossible pour lui de lire au delà des murs d'aciers érigés par son aîné.
— C'est quoi ce bordel que t'as foutu ?
Et alors qu'il s'approchait, Ni-ki s'est attendu à tout, sauf à ce qu'il lui saute à la gorge sans ménagement.
Sa question le prend de court, ne lui donnant pas le temps de placer ses pensées dans l'ordre.
Mais en voyant le regard de son aîné, il comprends qu'il n'a d'autres choix que de fournir une réponse en vitesse.
Constat qui le contrarie d'un coup. Les sourcils pliés, le noiraud peste à son tour.
— Crois pas, je saute pas de joie à l'idée de te revoir aussi.
— Putain tu crois vraiment que c'est le moment de te foutre de ma gueule ?
— Si vous voulez vous battre, c'est dehors, leur annonce Jungwon dans le calme.
Ni-ki lui jette un bref coup d'œil, mi désolé, au contraire de Jay qui ne lâche pas le japonais des yeux. Son regard se durcit sous sa détermination.
Ni-ki pousse un soupir, tête baissée, des traces de culpabilité sillonnant dans ses veines.
— Je crois qu'on aurait pas du le laisser venir, finalement.
— Non, au contraire, plus vite il se rendra compte que Ace est un connard, plus vite il s'en remettra. Et on pourra rentrer, résonne Jungwon.
Ni-ki pouffe de nervosité malgré lui.
— Attends, c'était ça ton plan ? C'est pour ça que tu ne t'es pas opposé à son voyage ?
— C'est la meilleure chose qui puisse lui arriver.
— T'es complètement taré. Ça te fait rien de le voir souffrir ?
C'est au tour de Jungwon de lâcher un rire, son regard circulant dans le vide avant de revenir à Ni-ki.
— Il n'aurait jamais été dans cet état s'il ne VOUS avait pas rencontré !
— Mais ça serait arrivé de toutes les façons, puisqu'il a grandit ICI !
— Vos gueules ! Ordonne presque Jay.
Le noiraud retient ces phrases qui menacent de quitter ses lèvres tremblantes. Ça serait mal s'il venait à exploser sur le champ.
Un silence s'installe, Jungwon n'a pas l'air affecté par la colère du japonais. Et Ni-ki se sent perdu, avec l'impression d'être le seul dont le désir est d'arranger les choses.
Tout le monde paraît si défaitiste, égoïste. Il serre les poings et contient dans sa gorge un hurlement.
— Prends lui un vol pour l'Amérique.
Ni-ki pivote en direction de son ex mentor. Ce dernier s'adresse à Jungwon qui finit par hocher la tête en accord.
— Il est peut-être temps de partir. C'était une erreur de venir ici, renchérit le brun.
C'est alors que la colère de Ni-ki flambe de façon plus vive et revient consumer tout sur son passage.
Son cœur pulse de façon plus vif. Son torse se soulève sous le rythme laborieux de sa respiration.
Ses doigts se mettent à trembler, sans qu'il ne puisse les contrôler. Et il a beau chercher l'oxygène à inspirer pour tempérer ses émotions virulentes, elles semblent imposer leur présence.
Surtout lorsque Jay hoche la tête, en soutien avec les mots de Jungwon. Ils ne peuvent pas faire ça, décider juste comme ça. Est-il le seul à être remonté ?
Le seul que cette situation rend malade ?
— J'hallucine... lâche-t-il d'une voix fébrile.
Dès lors, il attire leurs regards emplis d'incompréhension qui se braquent sur sa personne. Ni-ki n'arrive pas à croire qu'ils comptent réellement prendre une telle décision.
Sans consulter le principal concerné.
— Vous savez ce que ça fait de rester dans le flou pendant des d'années ?! C'est pire qu'une rupture parce qu'il continuera à se poser des questions ! Il n'arrivera jamais à passer à autre chose, c'est de la torture !
Chaque mot est craché avec un mépris qui se fond dans sa tristesse, créant un mélange fétide. Ces mots ne sont que des vomis qu'il souhaite régurgiter, à force de se sentir nauséeux.
C'est tellement cruel parce qu'il ressent jusque dans les nerfs de sa peau, la confusion dans l'esprit de Sunoo. Le deuil, l'abandon, la mort.
Il le ressent comme s'ils se partageaient le même corps.
Et ça le rend dingue que personne ne puisse voir ça. Il ne comprend pas. Pourquoi Ace décide de tout couper d'un coup.
Peu importe sa douleur, il ne comprend pas cette décision.
Lorsque le japonais croise les pupilles onyx de Jay, il n'y lit que de la surprise. Jungwon aussi est perplexe, comme s'il n'avait rien saisit de son monologue.
La colère du plus jeune retombe d'un coup. Sa disparition est si brusque que durant quelques secondes, il se sent vide.
C'est bien avant que sa gêne ne remonte. Parlait-il vraiment de Sunoo ?
Ou de lui-même ?
Parce qu'après tout, lui non plus n'a pas eut de réponses à ses questions. Ni-ki baisse la tête, ravalant sa salive en se maudissant de s'être laissé emporter.
Et quand il se redresse, prêt à les affronter de nouveau, il s'est attendu à n'importe quel type de reproche. Que ces deux là se liguent contre lui pour solidifier leurs arguments.
À sa grande surprise, rien de tel ne se produit. Jay pousse un soupir qui brise le silence.
— Laisse tomber.
Le noir avale le japonais. Il fouille dans sa tête, cherchant un sens à ces mots. Rien ne lui vient à l'esprit. Ou peut-être qu'il ne veut pas savoir.
Laisser tomber. C'est le dernier argument pour les convaincre de retourner en Amérique ?
C'est ta façon de me dire de me casser encore une fois, Jay ?
— Pourquoi ?
La gorge de Ni-ki s'assèche. Il souhaite savoir. Son regard s'ancre dans le sien, fermé, aussi intransigeant que celui de son ex mentor.
Jay sourit tristement, comme s'il abandonnait toute envie de se battre.
Sa paume couvre son visage durant quelques secondes. Puis, sa main remonte dans ses cheveux avant de les lâcher.
Et pour la première fois, Ni-ki a l'impression d'y déceler une faille, une brèche si petite, mais assez pour avoir un aperçu de tout ce que son vis-à-vis cache.
Jay paraît... fatigué.
Et c'est la première fois qu'il lui donne cette impression. Celle d'être épuisé. Comme si lui aussi ne trouvait plus d'issue à ce casse-tête.
— Il n'est plus dans son état normal.
Jungwon pouffe avant de rouler des yeux.
— Vas-y, cherche lui des excuses.
— Je suis sérieux, tranche Jay. Il est différent, poursuit-il en appuyant sur le dernier mot.
Là où Ni-ki commence à froncer les sourcils, comme s'il comprenait enfin que ces mots voulaient dire bien plus, Jungwon reste ancré dans sa rancœur.
— Et alors ? Il aurait du rester avec mon frère ! Et non lâchement l'abandonner !
— Qu'est-ce que tu ne pige pas ? Réponds Jay sur un ton calme, qui malgré tout, reste inquiétant.
Le brun n'a pas l'air de le craindre. Il soutient les pupilles sombres du plus âgé. À cette heure, plus rien ne pourra l'ébranler.
Pas après tout ce qui s'est passé.
— Tu veux dire que, qu'il a changé ? Totalement ?
La voix fluette de Ni-ki arrive à dissiper les éclairs encore présents dans l'atmosphère, suite aux regards effrontés que s'échangeaient Jay et Jungwon.
Cette réalisation sonne de façon étrange aux oreilles du japonais. Il s'est toujours imaginé un Ace en proie à la douleur dévastatrice de la perte de son jumeau.
Son changement qui n'était jusque là qu'une métaphore à ses yeux, devient d'un coup réel. Il se sent un peu idiot de ne l'avoir compris plus tôt.
— Sunghoon pense que les séparer pour de bon serait une meilleure solution.
— C'est toi qui a supprimé son numéro ? Rétorque Ni-ki.
Le silence de Jay n'est qu'une réponse positive à sa théorie. Les pupilles du japonais s'ouvrent en soucoupe.
— Je trouvais ça un peu cruel au début, mais quand j'ai revu Ace, j'ai compris.
Jay qui trouve quelque chose cruelle n'est pas anodin.
C'est la première fois que son aîné paraît aussi déstabilisé, au pieds du mur, comme s'il n'y avait pas de solution.
Heeseung est dans un état si critique que ça ? À vrai dire, il n'a plus revu son supérieur depuis la nuit où Ethan est mort.
Le mafieux est retourné à Hongkong sous forme d'esprit vengeur, mettant Stray kids à genoux et coupant la tête à leur chef.
Il a pourchassé et lacéré ceux qui avaient participé de près, comme de loin à la mort de son frère. Personne n'y a échappé.
Et depuis, il s'est enfermé au domaine.
Sunghoon est étrangement devenu l'unique bras droit de Heeseung, retirant Jay de ses fonctions d'Ombre.
Ce dernier fait encore partie de Dark Moon, mais sert juste en quelques sorte d'homme de main, au service de Park Sunghoon.
Décision qui constitue l'une des raisons pour lesquelles Ni-ki a prit ses distances.
Depuis, Ace ne se montre plus.
Cependant, on entend toujours parler de lui. Car à chacun de ses passages, il ne laisse qu'un bain de sang derrière lui.
— Vous deux... vous avez manigancé tout ça ? Pour qu'ils s'éloignent ?
Ni-ki cligne des yeux.
— C'est le mieux à faire, rétorque Jay.
Depuis quand Jay est devenu aussi défaitiste ? Pas que cet homme soit un rayon lumineux dans son quotidien. Cependant, c'est à croire qu'il se forçait à se convaincre.
L'idée selon laquelle, il n'y aurait plus de solution.
Jay paraît étrangement mécanique. Un détail qui fait écho au sein de Ni-ki. Il ne cesse alors d'observer chacun des gestes de son ex mentor.
Ce dernier passe de lui à Jungwon, puis s'adresse à eux deux.
— Empêchez les de se revoir. Ace est devenu dangereux et instable.
Un petit silence demeure avant que Jungwon ne prenne la parole.
— Pour une fois, je suis d'accord avec toi.
Jay fouille dans sa veste et Ni-ki écarquille des yeux en reconnaissant des billets d'avion. Son ex mentor les lui fourre dans sa main.
Le noiraud ressent quelques frissons au contact de la paume rugueuse de son aîné. Il aimerait éviter de ressentir ces choses, conscient que le moment est mal choisi.
Malheureusement, ces réactions échappent à son contrôle. Il se contente alors de les ignorer, fixant les billets d'avion.
Face à son mutisme, Jay insiste.
— Partez le plus tôt possible. Ce soir, de préférence.
— Ace sait qu'il est là ?
Ni-ki n'en est plus sûr. Et pourtant, la logique serait que le maître de ce pays soit au courant de leur présence.
— Allez vous en.
Pourquoi il ne réponds pas ? Ni-ki a peur de comprendre. Heeseung devrait le savoir n'est-ce pas ?
Avant qu'il ne le contredise, la voix de Jay se durcit.
— Prend ces putain de billets et allez vous en.
Son ton est sans appel. Jungwon se charge de récupérer les billets face au manque de réaction de Ni-ki.
Il est bien plus décidé à monter dans le premier avion ce soir, convaincu à l'idée qu'il s'agisse de la meilleure décision. Son frère a assez souffert.
Et même si cela lui nécessite des années, il est prêt à l'aider à se reconstruire.
Sans attendre une réponse supplémentaire, Jay leur tourne le dos. Ses pas s'écrasent sur le perron au niveau du porche.
Il dépasse l'entrée pour rejoindre sa moto. Or avant de monter dessus, il presse son pouce sur un numéro en tête de liste avant de lancer son appel.
Son interlocuteur décroche aussitôt.
D'un ton presque robotique, Jay lui livre les premiers mots.
— J'ai fais ce que tu m'as demandé.
Il n'entend qu'un léger souffle avant que la voix de Sunghoon ne lui soit transmise.
— Assure-toi qu'ils s'en aillent ce soir.
— Je le ferai.
Sunghoon raccroche aussitôt.
Dans l'appartement, Ni-ki n'a toujours pas bougé. Jungwon ne lui prête aucune attention, se dirigeant vers la cuisine pour réserver un taxi.
Et Sunoo soupire, caché derrière un mur, ayant tout entendu de leur conversation.
Au vu du silence de la non réaction de Ni-ki, il en déduit que ce dernier s'est rangé de leur côté.
Pensant avoir administré tout ce qu'il lui fallait, le blond retourne à l'étage. Il entre dans sa chambre, bloquant la porte derrière lui.
Il retire ses vêtements, place son téléphone dans un tiroir et remet d'autres habits plus sobres.
Une simple chemise et jean noir, enfilant des baskets et un duffle-coat noir. Il ouvre doucement son armoire en sortant une casquette et un masque.
Plaçant la casquette de telle sorte à cacher au mieux ses cheveux, Sunoo prend le téléphone sur le lit.
Celui d'Ethan.
L'écran s'allume lorsqu'il y presse son pouce. Sunoo n'a aucune idée de comment cela est possible.
Mais au fil du temps, il a finit par découvrir que l'écran se déverrouillait grâce à son empreinte.
L'œuvre d'Ethan ? Comment ?
Appuyant sur l'icône message, il tape un message à son destinataire.
@Vous
Tu avais raison sur eux.
J'ai besoin que tu m'aides.
@Unknow
Dis-moi quoi faire.
@Vous
Mène moi à lui. Tu sais où il se trouve, n'est-ce pas ?
Aussitôt, Sunoo reçoit un itinéraire, selon la localisation de Ace, qui conduit après analyse à un port. Cette carte correspond aux informations de Ni-ki.
Il plonge le téléphone dans sa poche avant de mettre le masque.
Il sort par la fenêtre et avance dans une petite ruelle sombre compressée entre son appartement et celui d'un autre.
Il prend soin de passer le plus discrètement possible. Car à présent, il se sent seul face au reste du monde. Cependant, il est sûr d'une chose.
...plus personne ne l'obligera à faire quoi que ce soit, dorénavant.
----------------------------------------
Sunoo qui se RÉVEILLE un peu ! But, suivra-t-il les bonnes personnes ?
Jay et Ni-ki... mystère sur mystère.
Sunghoon, que trafique tu mon fils ?
Qui es-tu, numéro inconnu...
....😗😗 *Siffle*
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro