Je déambulais à pas lourd dans ce long et sinistre couloir, songeant déjà à la boucherie verbale que je lui servirais. Cette rage incontrôlable que je tentais d'éviter depuis des mois avait finalement eu raison de moi. Oui, j'avais passé de longues heures à livrer bataille, une guerre sans merci entre ce qui était juste et ce qui ne l'était pas. Et au final, je me retrouvais coincé dans cette pernicieuse sphère mentale. Je savais que de me jeter ainsi dans la gueule du loup n'était pas la plus brillante de mes idées, mais pour être honnête, j'en étais à un point ou je n'avais plus aucun contrôle. En d'autre terme, ma conscience avait perdu toute notion de sagesse et de lucidité.

Au bout d'un court instant, je mis pied devant deux larges portes en bois massif ornées de magnifiques moulures sculptées finement à la main. Différents motifs et gravures profilaient l'ensemble des boiseries, témoignant du travail acharné de l'artisan. Cette pièce richement taillée me séparait maintenant de mon éventuel souffre-douleur. Il est vrai que j'ignorais encore de quelle manière m'y prendre afin de lui faire payer ses mauvaises actions, mais à ce moment, ce détail m'importait franchement peu. Mon plan était tout bonnement de faire une entrée fracassante et de le prendre par surprise en me jetant violemment sur lui. Un échec monumental ! Oui, surprendre un vampire était déjà chose difficile. Toutefois dans mon cas, ce fut quelque chose de complètement différent et de franchement très déroutant. Je m'explique ...

Je me tenais là, prête à fracasser cette porte qui me séparait de la jolie gueule de mon ennemi, quand soudainement cette insignifiante de Bethy se pointa le bout des crocs.

— Mais qu'est-ce que tu fiches ici toi ?

Déjà à ce moment, je savais que son air hautain et son aptitude à exaspérer autrui allaient sans doute lui couter très cher. Ça, par contre, elle l'ignorait encore. Cette fille se croyait hors de tout danger, mais cette colère nouvelle qui me consumait allait vite fait de lui prouver le contraire. Je n'entendais pas à rire et encore moins à perdre mon temps.

— Pousse-toi de mon chemin ! Dis-je alors en un serrement de dent.

Elle éclata de rire aussitôt.

— Tu es stupide ou simplement ignorante ? ajoutais-je d'un ton mauvais.

— Sais-tu seulement à qui tu t'adresses, humaine ?

Elle me dévisageait aussi mauvaisement qu'il lui était possible de le faire et à en juger par sa posture, elle ne tarderait sans doute pas à se jeter sur moi. Ça, c'était un fait incontestable. Annabeth ferait à peu près n'importe quoi pour protéger son maitre, mais cette haine qu'elle me portait ne pouvait tromper personne. Elle ne me connaissait pas, ignorait absolument tout de moi, mais ma présence lui était visiblement insupportable.

— Tu ne me fais pas peur !

— Oui et bien c'est ce que nous verrons ...

Bethy retroussa les lèvres, découvrant une nouvelle fois ses deux armes acérées et tranchantes qu'elle prendrait un plaisir fou à enfoncer dans la chair tendre de mon jeune corps. Je savais qu'elle ferait sans doute bien pire, mais avec tout ce que j'avais vécu jusqu'à présent, aurais-je accepté de me faire mettre chaos par un nouveau-né ? Est-ce vraiment ainsi que ma vie se terminerait ? Abattue par une vampire sans renom ? Une vampire en mal de sensation et visiblement prise de court par une jalousie maladive ? Non. Je ne pouvais pas abandonner maintenant. J'étais tout près du but et ce n'est surement pas cette fausse blonde qui me causerait problème. D'ailleurs, ne m'avait-elle pas jeté ce petit mot de six lettres au visage quelques minutes plus tôt ? Ce petit mot qui, selon son cher maître, n'avait plus de réelle signification pour moi ? Humaine ! L'étais-je ou non ? La réponse, je ne la connaissais pas encore et décidément, je n'étais pas la seule.

— Qu'est-ce que tu me veux au juste, hein ?

— Tu n'as rien à faire ici et pour être entrée sans invitation, je vais te le faire payer durement, ajouta-t-elle en grognant.

— Je ne crois pas, non.

— Tu es complètement cinglée !

— Encore une fois, tu me fais perdre mon temps.

— Le temps, c'est ce qu'il te manquera très bientôt.

Et alors que je me redonnais force et courage, cette folle de Bethy se propulsa sur moi à une vitesse qui, je dois l'avouer, ne pouvait faire autrement que de surprendre. C'est à ce moment que tout devint nébuleux dans mon esprit...