Quelques heures avaient passés quand le jour donna finalement place aux ténèbres. La chambre dans laquelle nous étions était maintenant plongée dans une totale obscurité que seules les flammes vacillantes du feu parvenaient à dominer. Les crépitements se faisaient de moins en moins bruyants, tandis que les pulsations de notre belle endormie augmentaient la cadence. Une alarme silencieuse indiquant un inévitable retour dans ce monde. Je l'observais fixement, un air calme et serein se profilant sur tout son être. Dans cette sobre robe blanche, la peau joliment dessiné par les ombres des flammes brûlantes, elle était plus belle que jamais. Cette fille était animée par une rage indescriptible et de la voir ainsi, paisible et silencieuse, relevait quasi d'un miracle. Je la scrutais toujours du regard lorsqu'enfin, elle ouvrit les yeux. Une certaine nervosité me submergea l'instant d'un moment, mais je repris sur moi pour éviter qu'une catastrophe ne se produise. Je ne pouvais me permettre de m'affaiblir pour une personne dont j'ignorais tout. Moi, Hunter Honnigham, créature de la nuit, buveur de sang humain, ne pouvait se ramollir pour une simple question de compassion. Ce sentiment devait me rester inconnu car, évidemment, il divergeait de ma vraie nature. Je redevins donc rapidement cet être sans cœur et sans remord, affichant un air faussement indifférent. La belle se redressa lentement de sur la méridienne et se mit de suite à examiner minutieusement la pièce dans laquelle elle se trouvait. Puis, jetant finalement son regard charbonneux sur ma personne, elle s'exclama:

— Comment as-tu osé !

À peine avait-elle ouvert les yeux qu'elle était déjà prête à me sauter au visage. Les femmes, de vraies mégères !

— Puis-je savoir de quoi il est question ?

— Ça, répondit-elle en désignant le tissu blanc bordé de dentelle qui enveloppait ses courbes parfaites.

Je ne pus retenir un sourire moqueur car jamais je n'aurais cru que sa moue rageuse était causée par quelque chose d'aussi futile.

— Ça t'amuse ?

— Aurais-tu préféré demeurer dans des vêtements imbibés de sang ?

Elle se calma aussitôt sachant très bien que je n'aurais pu faire autrement.

— Qu'est-ce qui s'est passé au juste ?

— Tu ne te souviens plus ?

Elle hocha négativement la tête, l'air embrouillé.

— Cette ''blondasse'' que tu aimais tant n'est plus.

— Et c'est moi ? demanda-t-elle inquiète.

— Oui et tu n'y as pas été de main morte.

Elle semblait presque désolée, mais je doute toutefois que la mort d'Annabeth était ce qui la troublait le plus.

— Comment c'est possible ?!

— Je me posais la même question et j'espérais que tu y répondrais.

Un long silence s'en suivit.

— Akio !

Je roulai les yeux. Encore cet idiot qui venait m'emmerder alors même qu'il n'y était pas.

— C'est pour cette raison que je suis venue ici.

— Donc tu as eu réponse à ta question, je suppose.

Elle baissa les yeux et se mit à onduler ses doigts fins sur la dentelle de sa robe.

— Il m'a menti.

— Tu ne peux pas lui faire confiance.

— Il m'a tout raconté et c'est ...

Elle déglutit alors bruyamment sans parvenir à terminer sa phrase.

— Qui est-il ?

J'attendais depuis déjà plusieurs jours pour connaitre le fin mot de l'histoire. Qui était-il et que cherchait-il ?

— Il n'est pas humain !

Ça, je le savais déjà. J'en voulais plus, savoir ce qu'il était et pour qui il travaillait.

— Mais encore ?

— Brothers of blood.

La bouche entre-ouverte, incertain de ce que je venais d'entendre, je me mis à trembler sur place. C'était impossible !

— Tu dois faire erreur ou alors il t'a menti.

— Mais bien sûr qu'il m'a menti, il ment depuis le tout début ce salaud.

— Sais-tu seulement ce que sont les Brothers of Blood ?

— Une ancienne lignée de ... Ah et puis je m'en contre fou !

— Les Frères de sang sont de puissants sorciers, bien plus puissants que tout ce que tu peux imaginer. En fait, pour certains, ce n'est qu'une simple légende.

— Il a dit ne pas me vouloir de mal et qu'en réalité, il ne faisait que me protéger depuis tout ce temps.

Il est vrai qu'il l'a protégeait, j'en avais été moi-même témoin, mais cela me semblait toutefois contradictoire. Ces cinq frères avaient perpétués des actes barbares pendant de nombreux siècles. Pourquoi tentaient-ils maintenant d'expier leurs fautes ? Et par-dessus tout, où se trouvaient les autres frères ? Était-ce une machination de leur part afin de mettre la main sur Della ? Franchement, je ne savais plus que penser.

— Tu vas devoir rester ici.

— Pourquoi ça ?

— Question idiote ! m'exclamais-je en roulant les yeux.

— Tu ne peux pas me retenir.

— Tu préfères retourner voir ce parasite ?

Elle baissa les yeux, sans doute blessée par mes paroles.

— Tu n'es pas en sécurité dehors, crois-moi.

— Il ne me veut aucun mal, Hunter.

— Comment peux-tu en être certaine ? Où sont ses frères alors ? Et pourquoi te protéger si ce n'est que pour exécuter un plan bien préparé ?

Elle se prit la tête entre les mains, visiblement excédée par toute cette nouveauté.

— Je ne sais plus quoi faire.

— Alors laisse-moi te venir en aide.

La belle leva les yeux dans ma direction et d'un simple signe de tête, accepta mon offre. Et tout ça, sans avoir usé de mes facultés spéciales. Maintenant, il était temps de découvrir sa véritable identité...