Chapitre 7
PDV MAY LY
Alors que la ceinture m'oppresse la poitrine, je me hâte à m'en défaire et jette un œil à Kalhan, immobile. Ses doigts sont vigoureusement cramponnés autour du volant, ses jointures en deviennent presque blanches.
Ses yeux ont repris cette teinte particulièrement sombre, rivés devant lui, comme s'il était absent moralement. Promptement, ces dernières minutes s'enchaînent en boucle dans mon esprit, mon attention se monopolise sur le pare-brise.
Clever.
La voiture devant nous est toujours à la même place, deux types y sont en train de nous dévisager. Toutefois, comme si cela ne passait qu'en arrière-plan, je ne centralise mon attention que sur Clever. Son corps est étendu à même le goudron tandis que sa moto est un peu plus loin, endommagée. Il bouge, signe qu'il est encore conscient.
Je m'apprête à sortir de l'habitacle pour courir le rejoindre et m'assurer qu'il n'a rien. Néanmoins à peine ai-je posé les doigts sur la poignée de la portière, qu'une main emprisonne mon avant-bras. Je grimace par la force dont les doigts de Kalhan me comprime.
Un coup de feu retenti, je n'ai le temps de ne rien anticiper. Kalhan me force à me replier sur moi-même, alors que le pare-brise est bientôt criblé de balles, à n'en plus finir. Les larmes montent, la panique prend le dessus.
— Ne bouge pas, ordonne Kalhan par-dessus le bruit des coups de feu.
Il s'apprête à descendre, mais cette fois, c'est moi qui le retiens.
— Où tu vas, lui demandé-je anxieuse.
Il m'adresse un regard noir, et ne prend pas la peine de me répondre avant de disparaître. Je reste recroquevillée, afin que les balles ne m'atteignent pas. Brusquement le bruit sourd des coups de feu cesse. Je jette un œil discrètement par le pare-brise brisé par toutes ces balles colmatées à l'intérieur.
Kalhan aide Clever à se relever, les tirs reprennent de plus belle. Alors que mon regard observe la scène, ce n'est désormais plus le pare-brise qui est ciblé, mais Kalhan, j'étouffe un cri.
Il accourt vers la voiture et dépose le corps de Clever, amoché, sur la banquette arrière, avant de foncer vers la voiture adverse. Il sort hâtivement deux armes de la ceinture de son jean, et tire plusieurs fois sans se soucier de rien. Clever gémit de douleur alors qu'il se redresse sur le siège.
— Il faut l'arrêter, il n'est plus lui-même, murmure-t-il presque.
Je ne suis pas sûr de tout comprendre, mais ce dont je suis certaine, c'est que je ne peux pas rester dans cette voiture, à simplement observer la scène.
— May-Ly, si tu lui désobéis, ce ne sera pas le Kalhan que tu as l'habitude de fréquenter ces derniers temps, auquel tu vas devoir faire face, anticipe Clever.
J'ai bien conscience de sa mise en garde, pourtant, plus rien ne m'importe plus que le fait de nous échapper d'ici avant que l'un de nous y passe.
Je sors de la voiture, puis comme par réflexe, je me replie sur moi-même en fonçant vers Kalhan.
— Kalhan, on s'en va, Clever a besoin de soins, essayé-je de le convaincre.
Il ne m'écoute pas, comme s'il était dominé par une force bien plus conséquente.
— Kalhan, hurlé-je afin qu'il m'écoute.
Il pivote toute son attention dans ma direction, ce que je constate me glace le sang.
Kalhan sourit.
Un coin de ses lèvres s'est incurvé laissant apparaître un rictus qui lui est propre.
Il se dirige vers la voiture, ouvre la portière passagère et attrape le type par le col, tandis qu'il se débat afin de sauver sa peau. Le second ne s'attarde pas et démarre la voiture avant de s'échapper à toute vitesse.
Kalhan plaque le type au sol, alors que Clever tente de s'extraire de l'habitacle à son tour.
— Kalhan, on s'en va, rugit-il malgré la douleur qui l'assaille.
L'intéressé n'écoute rien, comme immergé dans une autre dimension. Il se concentre uniquement sur sa victime.
— Pourquoi nous avoir poursuivis, questionne Kalhan, d'une voix que je ne lui connais pas.
Le type ne répond rien, ne faisant qu'accroître la colère de Kalhan.
— Réponds, vocifère-t-il.
— Je n'ai fait que remplir ma mission, se résigne le type.
— Ta mission, répète Kalhan.
Il l'attrape de nouveau par le col, afin que l'homme d'une trentaine d'années se redresse sur ses jambes.
— Cette mission, en quoi consistait-elle, poursuit Kalhan, impassible.
— La fille, élucide sans tarder le type.
— Je vois, conclut Kalhan, d'un ton qui n'augure rien de bon.
Mon regard passe de Clever à Kalhan. Ce dernier sait que quelque chose ne tourne pas rond chez son complice.
— Kalhan, monte dans la bagnole, on se barre, indique Clever en se tenant les côtes.
Kalhan considère le type en souriant. Sans réfléchir à deux fois, son arme est braquée contre le front de l'homme en question. Je détourne la tête avant que le coup de feu résonne, comme si je souhaitais ignorer ce à quoi je venais d'assister et d'entendre.
— Moi aussi, ma mission c'est la fille, termine Kalhan.
Malgré moi, mon attention se concentre sur la victime, étendue à ses pieds. Kalhan contemple le sang se répandre sur le goudron, alors que je sanglote, apeuré par cet homme qui se tient debout, seul, sur la chaussée.
— May-Ly, monte, m'ordonne Clever en désignant la voiture du menton.
J'aimerais pouvoir remonter à bord, mais je suis pétrifiée sur place. Mes yeux coulissent sur Kalhan, sans plus jamais s'y séparer. Son regard tombe soudainement dans le mien. Il s'avance rapidement dans ma direction puis saisit mon avant-bras afin de me rapprocher contre lui.
— Je t'avais dit de ne pas bouger.
Je ne le reconnais plus. Ce n'est pas Kalhan.
Ce n'est plus que son enveloppe corporelle.
Son regard n'est plus le même.
— Kalhan, laisse-la, intervient Clever alors qu'il marche difficilement vers nous
Je grimace lorsque ses doigts me compriment un peu plus.
— Tu veux finir comme lui, m'interroge-t-il, désobligeant.
Je sais qu'il fait référence à ce type étendu à terre. Pourtant, alors que je ne veux plus jamais avoir cette vision, Kalhan attrape ma mâchoire entre ses doigts et oblique mon regard vers sa victime.
— Regarde-le, trésors, veux-tu terminer comme lui, répète-t-il acerbe.
Je déglutis, il m'a appelé comme Duncan ce soir-là...
Trésors...
Pour toute réponse, je secoue la tête. Incapable de prononcer un mot.
— Kalhan, lâche-la, gronde Clever.
Malgré la douleur que doit ressentir Clever, il pousse Kalhan avec la force qu'il lui reste, et me positionne dans son dos.
— Ça suffit, on rentre, ordonne-t-il.
Et comme si l'espace d'un instant le temps s'était arrêté, Kalhan chancelle, son regard s'ancre dans le mien, par-dessus l'épaule de Clever. C'est à ne plus rien y comprendre. Son regard noir quelques minutes auparavant est redevenu gris en l'espace de quelques secondes.
Il glisse son regard vers Clever, ensuite vers ce type qu'il a abattu sans remords, puis de nouveau vers moi.
— Kalhan, on rentre, insiste plus calmement Clever.
Il hoche vaguement la tête, comme s'il reprenait ses esprits.
Je n'ai pas halluciné. Il était conscient. Conscient d'avoir assassiné ce type. Conscient de ce qu'il était en train de me dire.
Sans réfléchir, j'aide Clever à remonter dans la voiture, les pensées bien trop encombrées. Je m'installe à ses côtés.
Que s'est-il réellement passé dans sa tête ?
Il reprend le volant afin de nous reconduire d'où nous sommes partis.
Je ne comprends rien, trop de choses ne demandent qu'à être éclairées. Trop de questions ne demandent qu'à avoir une réponse...
J'en ai besoin.
J'ai besoin de réponses avant de perdre complètement la tête.
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