MAY-LY

De retour au point de départ. Cette sensation de n'être jamais sortie de cette pièce, de ne jamais m'être tenue devant ce type qui ne voulait de moi que mon corps à en déduire ses yeux suintants de convoitise.

Néanmoins, ce qui tourne en boucle dans mon esprit, ce n'est ni ce que pouvait bien penser ce type, Duncan, ni ce qui aurait bien pu m'arriver. Non.

C'est ce regard, c'est cette colère qui faisait trembler tous les membres de Kalhan. Ces iris gris que j'ai déjà pu entrevoir plus d'une fois, ont permutés pour une teinte plus sombre. Une teinte qui ne proclamait rien de bon. Cette force lorsqu'il renfermait cette arme dans sa main droite, sa mâchoire qui tressautait, ses sourcils qui se sont froncés...

Je suis ici pour une raison particulière, j'ai fini par le comprendre, une raison que j'ignore, mais une raison qui me permet presque d'accepter mon sort ici. Clever m'a dit de ne rien craindre à partir du moment où je coopérais. Je crois finalement comprendre qu'ils ne me veulent aucun mal, et si j'en crois ce qu'il s'est passé aujourd'hui, malgré cette colère lancinante que Kalhan avait envers moi, quelque chose me dit que c'est le contraire, comme si tous les deux, d'une manière ou d'une autre, veillaient à me protéger.

Mais me protéger de quoi, de qui ? Et pourquoi ?

Alors que mon regard est rivé au plafond, la porte s'ouvre soudainement sur Clever.

— Bonsoir Miss, me salue-t-il.

Je l'observe un instant avant de me redresser sur mes deux jambes.

— Il se pourrait que tu puisses sortir de cette pièce pour un endroit un peu plus commode.

Je fronce les sourcils.

— J'ai réussi à négocier avec Kalhan, je t'ai préparé une chambre à l'étage, précise-t-il.

— Une chambre, répété-je, incertaine.

Il hoche la tête, en souriant en coin.

— Tout à fait. Miss Green, veut-elle bien me suivre, me propose-t-il en mimant une courte révérence.

Je reste sur mes gardes, et passe devant lui. Une de ses mains trouve refuge dans le bas de mon dos pour me guider à travers les murs de cette demeure aux apparences d'un manoir.

— Cette baraque est pleine de chambres qui ne servent à personne, alors je me suis dit que ce serait mieux que tu occupes l'une d'entre elles, plutôt que tu doives rester dans cette pièce fâcheuse une nuit de plus, explique Clever.

Je lui adresse un regard en biais.

— Il n'y a aucun piège. Je te le promets, appuie-t-il.

— Mais aucun de vous deux ne comptez me dire ce que je fais ici, n'est-ce pas, tenté-je.

Clever soupire.

— Je n'en ai pas l'ordre, Kalhan n'apprécierait pas de savoir que je t'en ai parlé sans son approbation.

— Qui est-il pour que tu lui obéisses au doigt et à l'œil, l'interrogé-je.

Clever sourit franchement, avant de me conduire à droite dans un long couloir, donnant sur un grand escalier.

— Je peux simplement te dire que j'ai plutôt intérêt à lui obéir, commence-t-il.

Il marque une pause, puis une fois que nous arrivions à l'étage, il ouvre une porte sur sa droite.

— Mais au-delà de simplement lui obéir, je suppose que je le considère comme un membre de ma famille, continue-t-il.

Je regarde la pièce qui vient de s'ouvrir face à moi. Elle est lumineuse malgré les murs peint en couleur sombre, c'est sûrement dû à cette grande fenêtre qui prend la demi-mesure du mur, au moins.

— Ce n'est pas le lit le plus confortable de la maison, mais il sera bien mieux que le sol sur lequel tu dormais, j'imagine, affirme Clever en désignant le lit parfaitement fait.

— Merci.

Comme si je venais de réanimer un mort, il me dévisage un long moment. Par réflexe, je replace mes cheveux sur ma joue, comme je l'ai toujours fait.

— Avec plaisir, Miss, prononce-t-il comme s'il réatterrissait sur terre.

Je franchis le seuil de la chambre.

— Je devrais te laisser, avant que Kalhan ne rentre, déclare-t-il.

Je hoche la tête en pivotant dans sa direction.

— Cette porte que tu vois là, donne sur un dalle de bain. Veille à ce qu'elle ne soit jamais occupée, m'informe-t-il.

Mon regard suffi pour qu'il comprenne mon interrogation sans prononcer un mot.

— C'est celle attenante également à la chambre de Kalhan, développe-t-il sans plus tarder.

Je déglutis.

— Mais c'est aussi la chambre avec la plus belle vue, et la plus chaude en ces températures hivernales, conclut-il en m'octroyant un coin d'œil.

Il referme la porte derrière lui, me laissant seule dans cette chambre qui ne m'appartient pas réellement, et ce, pour une durée que j'ignore encore.