Chapitre 1 ; la chute
-Noah ! Quelle est la réponse ?
La voix tranchante de ma professeure de mathématiques me fais reprendre brusquement pied dans la réalité. On est à quelques minutes du début des vacances d'hiver, pourtant j'ai l'impression qu'il reste des semaines d'attente. Peut-être que finir par maths, avec cette professeure si dure, en est la cause.
Je hausse les épaules, piteux.
-Je sais pas...
-Comme d'habitude ! Vous ne savez rien !
Sa voix claque dans l'air, et ses mots me blessent plus profondément qu'un couteau. Ils agissent comme des poignards lancés en plein dans mon cœur.
J'encaisse ces reproches, les dents serrées.
La main d'Alix se pose sur mon genou, qui tremble.
Je n'ose même pas la regarder dans les yeux, de peur d'y voir cette pitié que je redoute tant.
La raison pour laquelle j'ai sombré m'est inconnue. Peut-être était-ce une surcharge d'émotions, comme le dit la psychologue. Je sais pas, de toute façon je l'aime pas. Elle est maniérée, note tout ce que je dis comme si c'était une dictée pénible, juge ce que je lui révèle, me prend de haut pour me répéter des conseils que je ne connais que trop bien.
Tu crois que je n'ai pas essayé ? Tu penses que chaque soir je n'ai pas passé des heures à étudier pour remonter mon niveau ? Tu te dis que ces exercices pour se détendre je ne les fais pas ? Tu présumes que je ne prends pas ces maudites pilules pour dormir ?
Une rage mélanger à une profonde tristesse s'empare de moi, et une fois de plus, je me retrouve à deux doigts de fondre en larmes.
Je comprends pas ce qui m'arrive... qu'est-ce qu'il se passe... ?
La sonnerie retentit, et libère les élèves peu de temps après, interrompant le court de mes pensées. Je me lève, et me dirige vers la porte de sortie. Dans mon dos, je sens des regards glacés. Des milliers de petites aiguilles se glissent sous mon sweet pour transpercer mon dos, jusqu'à ce qu'il soit presque couvert d'une sueur froide.
Je meurs d'envie de disparaître.
Lorsque j'entre dans ma chambre, je balance mon sac dans un coin de la pièce, ferme la porte à double tour, pour me diriger vers un petit rangement dissimulé. J'en sors une lame, des bandages, et remonte mes manches.
Une fois mes bras à nu, je commence à faire jouer la lame sur ma peau, la faisant glisser, virevolter, danser, avec légerté. Ce n'est pas très profond. Pas aujourd'hui. Sauf si je fais une crise d'angoisse.
Lorsque le sang menace de couler sur le sol, j'essuie à peine les plaies, pour les enrouler dans des bandages que je sers, afin d'éviter de tacher mes vêtements.
Une désagréable odeur de fer règne dans la chambre, et j'ouvre la fenêtre pour la faire disparaître.
Assis par terre, adosser à un mur, je finis par craquer. Les larmes dévalent mes joues, deux rivières indomptables et intarissables, tandis que les démons reviennent à la charge. Ce ne sont pas vraiment des démons, je les considère comme tel. Ils arrivent lorsqu'il n'y a plus rien pour combler mon esprit, l'empêcher de penser.
Ils font passer des films, des flash-back, font jouer des souvenirs, de mauvais souvenirs, qui me bouffe de l'intérieur. Je sais que ça me tue, et ça le fait depuis un moment déjà. Puis quand je crois que c'est fini, ils me montrent des scènes qui pourraient arriver, inventer de toute pièce. Certaines sont positives, où tout se passe bien, et ça détruit puisque ça n'arrivera plus jamais. D'autres négatives, comme celles où je craque, et je le fais.
Je ne sais pas laquelle je déteste le plus. Ce qui m'effraie c'est que c'est sans doute le positive, car le négatif me tente beaucoup trop ces derniers temps...
Je me laisse jusque Noël. Après je verrais. Si rien ne change, je ne sais pas si je continuerais. Parce que ça pèse trop lourd.
On frappe à ma porte, et je relève la tête, séchant les dernières traces de larmes, qui se sont apaisées au milieu de mes sombres ruminations.
C'est Blanche qui entre, un air inquiet sur le visage.
Elle est ravissante, comme à son habitude, avec sa veste en jean sur un chemisier blanc, un jean de la même couleur, ses longs cheveux bruns lâchés dans son dos, sa peau bronzée.
Ses grands yeux verts reflètent une profonde inquiétude et elle s'installe à mes côtés.
-Noah ? Tout va bien... ?
Un sourire artificiel s'étale sur mes lèvres, et je lui réponds par la positivité. Malheureusement ça ne suffit pas à la convaincre, et elle continue de m'observer.
-Écoute... je t'aime comme un frère Noah. Si tu veux pas me dire ce qui ne va pas, je respecte ton choix. Mais s'il te plaît ne me mens pas...
Sa réponse me déchire le cœur, et je me sens brusquement stupide. Je ne comprends pas pourquoi, je veux tellement dire que je vais mal, que j'aimerais qu'on m'aide mais... ça ne sort pas. Comme d'habitude, les mots ressentent coincés dans ma gorge, et je la remercie, avant qu'elle sorte de la pièce, me lançant un dernier regard qui me fend le cœur.
Après son départ, je reste plus d'une heure assis, sans bouger. Je n'en ni la force, ni l'envie.
Perdu dans des pensées plus tranchantes que la lame de rasoir cachée sous mon oreiller, je tente désespérément de trouver une raison à ce qui m'arrive, me dire que ce n'est pas de ma faute, mais rien n'y fait. Je mérite ce qui m'arrive. Il aurait fallu que je fasse ça différemment, que j'anticipe ceci, et j'aurais pu prévoir ça...
La voix de mon frère me sort de cet état second.
-Noah... ? Ose-t-il d'une voix tenue, et remplie d'inquiétude.
Sa posture tendue m'indique qu'il s'attend à un rejet de ma part.
Je soupire, avant de lui faire signe de venir.
Il s'approche timidement de moi, et se blottit dans mes bras que j'écarte afin qu'il s'y glisse.
Je retiens un gémissement de douleur en sentant la morsure de la douleur lorsque le tissu du pull se tend contre ma peau mise à sang, et que Max applique une certaine pression sur ces derniers.
Il se met à sangloter, et je lui caresse doucement les cheveux, en lui murmurant des paroles réconfortantes.
-Max... pourquoi tu pleures ? Demandé-je finalement, alors qu'il recouvre l'usage de la parole.
-Parce que tu-... tu me fais peur...
Je me fige. Je lui fais... peur ? Quel genre de monstre je suis pour effrayer un enfant de onze ans, surtout mon petit frère...
-Maman à dit qu'on devait aller manger, déclare finalement Max, un peu calmé.
Il se lève, et se dégage de mon étreinte.
-Désolé, j'ai pas faim.
Son regard effondré me brise le cœur, enfin si j'en ai encore un.
Max soupire, puis quitte la chambre, le dos voûté.
Je me mords la lèvre inférieure, déchirée entre la tentation de rassurer mon frère en mangeant, et la nausée que je ressens à l'idée d'ingurgiter quelconque nourriture.
C'est encore une fois le malaise ressenti qui gagne.
Je m'enterre sous des couvertures, et commence à faire défiler les vidéos sur mon téléphone. Comme par hasard, ce ne sont que des thèmes tristes abordés, et lorsque je sens une larme coulée le long de ma joue, je me fige.
Je n'avais même pas réaliser que je commençais à pleurer...
Recroqueviller sur moi-même, je laisse les larmes sortirent, silencieusement. Ma famille ne m'a jamais entendue pleurer, alors je ne vois pas pourquoi ça commencerait maintenant.
Assommé, je m'endormis, l'esprit empli de mauvais souvenirs, qui font cauchemarder toutes les nuits...
-Noah, c'est l'heure de te lever ! S'exclame la voix chantante de ma mère.
Elle me secoue délicatement, et je sais qu'elle sourit, amusée.
Sauf que moi ça ne me fait pas rire, ça me donne juste envie de pleurer. Encore, je sais. Je suis faible.
Elle ne comprendra donc jamais que je déteste ces petites attentions et gestes dès le matin ? J'ai beau l'adorer, en ce moment je sature, et je dois souvent usé de toute ma réserve et mon calme pour ne pas lui hurler dessus.
Je la repousse simplement, et l'entend quitter la chambre en me disant qu'elle me donne cinq minutes.
Cinq minutes pour passer de grosse larve endormi à debout, commençant à se préparer.
Je sers les dents.
Elle me croit débile à ce point ? Ça fait des années qu'elle me donne cinq minutes, elle a pas besoin de le répéter tous les matins !
Je pris une profonde inspiration pour me calmer, et sors du lit.
Je troque mon jogging et t-shirt oversize noir pour un jean noir, un t-shirt et un sweet de la même couleur.
Dans la salle de bain, j'enfile un bracelet, celui qu'on a en commun avec Blanche et Alix.
La couleur du mien est gris chiné, celui de Blanche beige et celui d'Alix violet.
C'est un truc assez simple, un bracelet en cuir avec des néons incruster dans les quelques pierres précieuses qui servent d'ornement.
Puis, je brosse rapidement mes cheveux bruns en bataille, et soupire en tirant d'un tiroir ma lame.
Sans la moindre once d'hésitation, mais avec culpabilité, je commence à faire glisser la partie tranchante le long de mes bras, manches retroussées aussi haut que mon pull me le permet.
Dès que j'ai un instant de libre, je le fais. Je coupe ma peau aussi profondément que la lame de rasoir me le permet. Ça me fait toujours un peu peur lorsque je commence, mais très vite cette appréhension disparaît, remplacée par la joie de voir ce sang coulé le long de ma peau.
Puis, allongé dans mon lit, téléphone en main, faisant défiler les vidéos, je finis par lancer une d'horreur de la chaîne de Leow, puis commence la longue nuit d'horreur qui va suivre. Car je me bats contre mes démons dans ces moments-là, plus qu'habituellement.
Dire qu'il ne reste plus que cinq jours avant Noël et moi, je me meurs dans le silence de la nuit.
Vers trois heures du matin, je me lève et sors discrètement de la maison, pour aller me balader au bord de la rivière. Le bruit de l'eau m'apaise, et je m'assois sur un bout de pont en bois qui menace de s'écrouler sous mon poids. Je reste là, les jambes se balançant doucement dans le vide, mes chaussures frôlant la surface de l'eau, la faisant doucement remuer, le mouvement des ondes éclairées par la lune quasiment pleine. Elle le sera la nuit de Noël.
Je pousse un léger soupire, et renverse la tête en arrière pour noyer mon regard dans les nuages et étoiles.
Le ciel est totalement noir, et en dehors de quelques nuages, la nuit est relativement calme. Ça me fait du bien. Je suis tout le temps dans l'agitation, que ce soit physique ou mental.
Ce cours moment de répit ne me laisse pas croire qu'il y a un espoir, mais au moins il calme un peu la douleur qui me serre le cœur et m'empêche de respirer correctement.
Finalement, le soleil commence à se lever sans que je ne voie le temps passé, et je dois me dépêcher de rentrer à la maison. Comme on est en hiver, le soleil se lève plus tardivement, et par conséquent, il y a de fortes chances pour que mes parents remarquent bientôt ma disparition. Ou Max. Quoique, ils ne remarquent pas que je vais mal, pourquoi ils s'inquiéteraient de savoir si je dors bien ou non ?
Je ne peux m'empêcher de penser à ça, et mon moral chute brusquement.
Dès que je fus de retour dans ma chambre, je sus que la journée allait être longue. Effectivement, je vais devoir passer au moins trois jours à ne rien faire... après, j'aiderais ma famille à préparer la fête de Noël. Mais en attendant...
Alors au lieu de cogiter plus longtemps, je sors mon téléphone et commence à faire défiler les shorts.
Au fur et à mesure que je vois les vidéos passer sous mes yeux, je sens que je décroche, et le temps passe sans vraiment que je réalise.
Lorsque la porte s'ouvre, je sursaute et lève la tête. Alix se tient dans l'encadrement, les poings serrés posés sur ses hanches, elle affiche un air déterminer.
-Lève-toi. On y va.
-On va où ? Répondis-je en haussant un sourire.
-Les magasins, je te rappelle que dans quatre jours c'est la veille de Noël, et j'ai rien à me mettre.
-Tu te fiches de moi ? T'as un dressing plus grand que ma chambre !
-Et ? J'ai pas de robe parfaite pour Noël, et il faut que j'achète les cadeaux de Noël.
-D'accord, je viens... annoncé-je, sachant d'avance que ce combat était perdu.
-Super !
Elle m'attrape par la main et me tire hors de mon lit, et je camoufle une grimace de douleur par un sourire.
Puis, Alix prend deux sacs qui sont pendus sur mon armoire. J'en ai plusieurs, souvent pour les sorties shopping que Alix et Blanche m'imposent. J'en reviens les bras chargés, mais sans plus aucun sou.
Ma chambre comporte un lit double avec des draps gris, blancs et noirs, avec des motifs, le reste de la pièce étant dans les mêmes tons, il y a deux poufs avec une petite table en bois, sur laquelle réside une légère tache plus sombre, dû au café que Alix à renverser il y a de ça prêt d'un an.
Une étagère blanche dans laquelle s'entasse de nombreux livres, avec sur le dessus des plantes, est casée entre mon lit et le mur du fond, sur lequel s'ouvre une baie-vitrée, souvent cachée par des rideaux blancs.
En face de cette baie-vitrée, il y a un grand placard avec une porte coulissante, qui me sert de rangement pour mes vêtements pour la plus grande partie, et la seconde, sans la porte, pour entreposer divers objets.
Il y a aussi un bureau, poussé contre le mur opposé à mon lit, et dessus s'étalent mon casque, mon pc portable, des fiches de révision, ma trousse ouverte et quelques stylos, des notes, et une gourde comportant du chocolat chaud froid avec une petite cuillère de café.
La porte du magasin se ferme automatiquement derrière moi.
Je suis maintenant en compagnie d'Alix et Blanche, on est dans une rue, où les gens se massent, avec de nombreux magasins qui ont adapté leurs ventes à la période de Noël. Les vitrines sont remplies de décoration sur le thème, et il y a des sapins un peu partout.
La boutique dans laquelle on se trouve comporte des tenues belles à se palmer, des robes toutes plus sublimes les unes que les autres, des costumes à tomber.
Immédiatement, la pro de la mode, Blanche, nous entraîne au milieu du magasin.
-OK, on va faire un jeu pour trouver nos tenues de Noël ! Deux d'entre nous vont choisir ensemble une tenue pour le troisième, et lorsqu'ils l'ont trouvé, c'est une surprise, donc on garde les tenues dans un sac, sans les montrés à ceux qui vont les portés, puis on va aller aux cabines d'essayage et on va essayer ensemble ! Et vous jouez le jeu!
Alix acquiesce avec enthousiasme, et je me retrouve à accompagner Blanche pour choisir une robe à Alix.
-Alors, perso je vois bien une robe bleue nuit... ça irait super bien avec ses yeux et ses cheveux !
Je hausse un sourcil.
-Je pensais plus à un truc vert pour elle...
Blanche tourne la tête vers moi, ses yeux verts pétillants.
-T'es un génie ! Aller dépêche-toi !
Je soupire et la suit malgré moi, vers un rayon remplie de robes de toutes les teintes possibles et imaginables. Blanche en attrape une verte satine, très belle, et part ensuite cherchée dans les chaussures. C'est là qu'elle trouve une paire de talons noirs, qui correspondront parfaitement à Alix, et finit par trouver la taille de la jeune femme. Pendant ce temps, Noah et Alix cherchent une tenue pour Blanche.
Ils partent d'un accord commun sur du rouge, et dénichent une magnifique robe, avec des froufrous, et un haut de la même couleur sanguine, un truc assez classique, mais qui s'accordera parfaitement avec les goûts de Blanche.
Finalement, lui-même est écarté afin que ses deux meilleures amies choisissent une tenue pour lui.
Une fois qu'ils se retrouvent tous, ils s'échangent les vêtements, puis entre chacun dans une cabine d'essayage, enfile les habits, puis sortent pour se comparer, pour mettre des notes, et modifier quelques détails, proposé des moyens de parfaire la tenue, des bijoux, maquillages, accessoires.
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