À la fin de la deuxième semaine de vacances, les Granger vinrent déposer leur fille et une lourde valise au Terrier. Ginny l'avait à peine accompagnée dans les étages pour monter sa valise que des hiboux de l'école vinrent déposer quatre enveloppes. Le papier kraft et leur grande taille firent sourire Draco et il échangea un regard avec Ron, assis à la table en face de lui. Il s'était immobilisé son toast à la main.

— Tu crois que c'est...

— Les BUSE, oui.

— Oh non... Eh il y en a quatre. Harry n'est pas encore là, on devrait l'attendre. Je vais lui écrire.

Draco soupçonnait Ron de vouloir retarder au maximum le moment fatidique, mais ne fit pas de commentaire.

— Dans ce cas, ne dis rien à Hermione parce qu'elle sera morte de stress bien avant qu'il ait eu le temps de nous rejoindre.

— Oui, tu as raison, dit Ron en quittant la cuisine en trombe.

Hermione les rejoignit autour du petit-déjeuner que Ron et lui finissaient, l'air le plus naturel possible. Draco pensait être au-dessus de tout ça, mais les enveloppes dissimulées dans l'étagère avaient retiré le goût des toasts. Son père n'était plus là pour le féliciter de ses résultats, alors que valaient-ils réellement ? Une voix lui souffla qu'ils dessineraient son avenir. Avenir. Ce mot semblait si... creux.

La cheminée se para soudain de flammes vertes et Harry en sortit. Il retira ses lunettes pour les nettoyer alors qu'un second jet de flamme illuminait la pièce. Sirius Black en franchit le seuil à son tour. Il passa sur Ron, Hermione et s'arrêta sur Draco sans se départir de son sourire.

— Alors comme ça, c'est le grand jour ? Je t'aurais imaginée plus stressée, Hermione.

Hermione fronça les sourcils.

— Je devrais l'être ?

— Ce sont vos BUSE quand même, répondit Sirius avant que qui que ce soit ait pu l'arrêter.

Ron plongea vers le placard et en sortit les quatre enveloppes. Hermione lui arracha la sienne avec un cri. Draco récupéra celle qui lui était destinée. Contrairement à Hermione qui s'était isolée dans un coin de la cuisine et déchirait le haut de l'enveloppe d'une main tremblante, il réussit à conserver une façade détachée. Il déplia le papier à l'intérieur et lut sans hâte :

BREVET UNIVERSEL

DE SORCELLERIE ÉLÉMENTAIRE

Le candidat est admis s'il obtient l'une des notes suivantes :

Optimal (O)

Effort Exceptionnel (E)

Acceptable (A)

Le candidat est recalé s'il obtient l'une des notes suivantes :

Piètre (P)

Désolant (D)

Troll (T)

DRACO LUCIUS MALFOY A OBTENU :

Astronomie___________________E

Soins aux créatures magiques ___A

Sortilèges_____________________E

Défense contre les forces du Mal_E

Botanique ____________________E

Histoire de la magie ___________O

Potions ______________________O

Métamorphose________________A

Arithmancie __________________E

Il esquissa un sourire. Il avait obtenu toutes ses BUSE avec d'excellents scores et pourtant son sourire fana vite. Il replia son papier et approcha dans le dos d'Hermione qui lisait et relisait ses résultats. Sa collection de « O » était seulement interrompue par un Effort Exceptionnel en défense contre les forces du Mal.

— Tu dois être extrêmement déçue, murmura-t-il.

Elle secoua la tête.

— Tu me crois si je te dis que je le suis légèrement, très légèrement... ?

Il pressa son épaule.

— Oui.

Avec un léger rire, Hermione se tourna vers Ron et Harry qui avaient aussi réussi la majorité de leurs épreuves, quoiqu'un peu moins brillamment.

Son père lui avait mainte fois rappelé l'importance d'obtenir toutes ses BUSE, afin qu'aucune porte ne lui soit fermée. C'était ce que Draco avait réussi à faire. Toutes ces portes ouvertes, et la seule qu'il désirait n'existait plus.

Harry partagea avec eux la chambre de Ron déjà petite sans que Draco ne se plaigne de l'encombrement qu'il provoquait. Enfin, pas plus qu'il était raisonnable de s'en plaindre. Orron sembla apprécier cette surprise autant que lui. Le voir se terrer dans sa main où dans l'ombre d'un placard ne lui plaisait pas. Les seuls moments où il sortait étaient ceux où ils étaient seuls.

— Si tu ne prends pas ta place dedans, je te mets dehors.

Orron émit un sifflement de protestation, interrompu par des coups sur la porte. Hermione entra dans la chambre et un éclair jaune fusa vers elle, s'empêtrant dans ses cheveux.

— Toujours heureuse de te voir, dit-elle en riant avant de perdre un peu sa joie. Draco... Ron m'a dit pour ton père, je suis désolée.

Draco leva les yeux au ciel.

— Évidemment. J'en suis désolé aussi, répliqua-t-il.

La dernière chose qu'il voulait était de l'entendre évoquer son père. Chaque fois qu'il la voyait, les derniers mots qu'il lui avait dits ressurgissaient, ceux qui lui intimait « d'oublier la Sang-de-Bourbe ». Si son père veillait sur lui, s'il le voyait en cet instant...

— J'espère que tu ne venais pas uniquement pour parler de lui ?

Hermione fit « non » de la tête.

— C'est vrai, Harry proposait un match de Quidditch, tu nous rejoins ?

Le Vivet se mit à piailler à la mention de « Quidditch » et Draco se retrouva à voler au-dessus du Terrier à sa poursuite, lui, Hermione, Fred et Ginny affrontant Harry, Ron et George. Au milieu du vol de balais, Orron formait sa propre et minuscule équipe. Lancé à sa poursuite, Draco sentait le vieil Étoile Filante que Ron lui avait prêté perdre sans cesse de l'altitude. Plus il le poussait plus il avait la sensation qu'il ralentissait. Ce qui était particulièrement frustrant quand Harry le dépassait sans peine sur son Éclair de Feu. Son Nimbus 2001 lui manquait, mais il refusa de s'en plaindre, refusa de paraître plus pitoyable encore. De toute façon, Orron ne laissait pas gagner l'équipe adverse non plus.

Après une énième course-poursuite ratée où son balai le tirait vers le bas, littéralement et métaphoriquement, Draco repéra Hermione qui peinait à trouver un soupçon d'équilibre sur le sien. Les coups d'œil anxieux qu'elle ne cessait de jeter au sol n'arrangeaient en rien la situation. Il abaissa son manche pour la rejoindre et recommença les exercices qu'ils avaient entamé durant l'été précédent. Ils restèrent voler bien après que les autres soient rentrés et elle reprit peu à peu de l'aisance. (Ce qui signifiait que la fréquence à laquelle le sol la terrorisait était passée de toutes les dix secondes à toutes les dix minutes.) Ils rentrèrent dans la maison à la tombée du jour.

Draco aurait voulu profiter de ce calme une éternité de plus, s'il n'avait pas été sur un balai aussi défectueux.

— Ce serait déraisonnable d'envoyer un elfe récupérer mes affaires ? dit-il.

Hermione ne prit pas la peine de répondre. Il savait déjà ce qu'elle en pensait ; déraisonnable, dangereux. Les elfes étaient des alliés utiles, bien trop pour qu'il ne les sacrifie pour son petit confort.

Seulement comment ferait-il face aux autres Serpentards sans valise et avec des affaires de seconde main ?

Hermione le suivit jusqu'à la chambre de Ron et s'y installa pendant que Draco récupérait du linge propre et descendait se doucher. Il crut entendre un craquement sec à travers la porte alors qu'il descendait les escaliers.

Comme à son habitude, il prit tout son temps dans la salle de bain. Avec le nombre de personnes au mètre carré dans cette maison ridiculement petite, les rares moments de solitude étaient une bénédiction. Même la nuit, il devait supporter deux respirations qui ne lui appartenaient pas. Une fois habillé, il plaqua en arrière ses cheveux trempés pour retrouver un peu contenance.

En poussant la porte de Ron, il crut un instant avoir mal vu. Pourquoi, Kreattur se tenait-il milieu de la chambre ? Ce dernier cessa de parler à Hermione pour s'incliner devant lui, mais Draco ne fixait plus que sa valise et le Nimbus 2001 posé contre. Son balai. Ses affaires. Hermione lui adressa un sourire radieux.

— Harry lui a prêté sa cape d'invisibilité et il a accepté d'y aller, dit-elle à toute vitesse.

Draco dévisagea Harry, puis Kreattur et revint à Hermione.

Le poids qui venait de quitter ses épaules lui donnait l'impression de respirer pour la première fois depuis son arrivée au Terrier. Il pourrait affronter les Serpentards, il pourrait entamer sa sixième année normalement.

— Eh bien... merci, dit-il d'un ton trainant.

༺─────⋆𓆩𓆪⋆─────༻

Hermione déçue d'un E au milieu de ses O, qui est surpris ?