
Chapitre 4 - Inattention
Pendant que le professeur Binns retraçait les guerres sanglantes entre les Gobelins d'un ton monocorde, Hermione notait tout ce qu'elle savait de la potion de Malfoy, de ses ingrédients et de leurs effets connus.
« Parvenir à rendre un cours aussi ennuyeux relève de l'exploit... »
« Concentration, Malfoy. »
Après un coup d'œil vers Binns dont la silhouette translucide arpentait la pièce comme s'il s'y trouvait seul, vers Harry assis à côté d'elle, dont la tête dodelinait en avant, puis vers Ron qui s'était endormi contre sa main, un filet de bave au coin de sa bouche entrouverte, Hermione attrapa son sac avec un petit sourire. Elle en ressortit De la confection des potions à la page de l'Aurum Alacritas.
Après plusieurs paragraphes, une phrase l'arrêta. Juste quelques mots qui changèrent son estomac en plomb : « l'effet d'une potion employant des plumes de Vivet dorés ne s'estompe pas dans le temps ».
Ne s'estompe pas.
Elle parcourut le reste du bout des doigts ; la potion permettait de connecter plusieurs personnes entre elles, à condition que la plume vienne du même Vivet — mais eux voulaient se débarrasser de cette connexion — son utilisation laissait une trace magique diffuse sur les sujets, elle ne s'estompait pas...
« Ça, tu l'as déjà lu. »
Elle tourna la tête. Deux rangs derrière elle, Malfoy la toisait.
« Granger qui n'écoute pas en cours, on aura tout vu. »
« Veux-tu bien cesser de faire des commentaires ? »
« Non, je ne le veux pas. Mais je vais t'accorder cette faveur. »
Hermione secoua la tête puis se replongea dans le livre de potions, à la page de l'antidote. Pendant qu'elle lisait, une seconde voix se mêla à la sienne :
« 1890. Le gobelin Ranrok lance une rébellion contre les sorciers pour laquelle il va jusqu'à s'allier avec le mage noir Rookwood. Son but est de redonner... »
« Draco Malfoy ! »
« Hermione Granger. Nous sommes en cours de quoi, rappelle-moi ? Histoire de la magie ? Ou potions ? Moi je relis mes notes de cours, c'est toi qui me déconcentres avec tes histoires d'antidote. »
« Mes histoires d'antidote ? À cause de qui en est-on là déjà ? »
— Ça va Hermione ? demanda Ron dans un murmure endormi.
Il se pencha vers le livre de potions, se rapprochant d'elle au passage. Son cœur accéléra.
— Qu'est-ce que c'est ?
— Rien, juste une lecture pour le plaisir, répondit-elle en s'appliquant à ne pas penser.
Surtout ne pas penser.
« Pourquoi ? Qu'est-ce que tu as peur que je découvre ? »
Ron retourna somnoler à sa place.
« Attends ne me dis pas que... Weasley ? Tu aimes la belette ? Beurk. Remarque vous êtes fait l'un pour l'autre : la Sang de bourbe et le traître à son sang... »
Hermione se retourna vers lui, elle n'eut besoin que d'un regard pour que l'expression de Malfoy se décompose. Puis se pencha vers Ron.
— Tu sais, en ce moment même j'entends tout ce que...
« Arrête. Je n'ai pas rompu notre accord, je ne l'ai insulté qu'en pensée ! Je ne suis même plus supposé penser ? »
« Pas tant que je pourrai l'entendre. Tu n'auras pas d'autre avertissement, Malfoy. »
Il y avait plus grave en jeu : ils ne pouvaient pas lire en même temps. Un autre problème qui venait alourdir le tas déjà conséquent d'ennuis que la bêtise de Malfoy leur avait apporté. Comment allaient-ils faire pendant les examens ? Et s'ils ne parvenaient pas à rétablir la situation avant leurs BUSE et qu'elle ratait les siennes à cause de lui ?
« Les BUSE sont dans deux ans, Granger. D'ici là j'espère bien être débarrassé de toi. »
Deux ans allaient paraître bien longs à ce rythme. Dans les cours qu'ils ne partageaient pas, une véritable guerre éclata, parce qu'elle ne pouvait pas se concentrer sur son arithmancie quand Malfoy révisait ses enchantements. Leurs voix se chevauchaient sans cesse et son parchemin se transformait en un champ de calculs raturés. Malfoy céda le premier.
« Je te laisse cinq minutes. Finis ton maudit calcul et ensuite c'est moi qui pense. »
Sa journée s'acheva entre concentration intense et observation des hiboux qui chassaient près de la forêt interdite. Après avoir enchaîné plusieurs jours de cours sous ce format, son envie d'étrangler Malfoy devenait difficile à contenir.
— Tu as l'air fatiguée, commenta Harry alors qu'ils traversaient le parc en direction de la cabane de Hagrid pour le cours de soin au créatures magiques.
— Tu devrais travailler un peu moins, ajouta Ron.
— Certainement pas, répliqua-t-elle sèchement. Je suis suffisamment en retard comme ça, merci.
Son déplaisir augmenta en voyant les Serpentards déjà présents et les caisses des Scroutts à pétard. Les créatures atteignaient presque un mètre à présent et leur seul but dans la vie semblait être d'exploser tout ce qui passait à leur portée, y compris les autres Scroutts. Pourquoi Hagrid axait-il tout son apprentissage sur les pires horreurs à pattes qu'il connaissait ?
« Je vois que tu es censée finalement. » commenta Malfoy.
Hermione releva le menton, envahie par la culpabilité. Hagrid venait de déposer une nouvelle table débordant de pièces de nourriture grasse et de morceaux de cervelles appartenant à des créatures non identifiées. Elle s'empêcha de grimacer.
« C'est certainement parce qu'il connaît l'utilité de ces espèces que tous les autres dénigrent. »
« Tu n'y crois pas toi-même. »
Énervée contre Malfoy, contre Hagrid et surtout contre elle-même d'avoir laissé cette pensée lui échapper, elle attrapa un morceau gluant dont elle ne voulait pas connaître l'origine. Les Serpentards s'étaient appuyés sur la clôture du potager de Hagrid, observant avec dégoût le Scroutt qui balançait son dard tout près d'eux. Hermione approcha d'un pas ferme.
« Qu'est-ce qui m'agace ? »
C'était Malfoy.
Une bouffée froide l'envahit. Hermione refit un pas et les battements de son cœur devinrent incontrôlables. Elle s'arrêta, confuse. Ce n'était qu'un Scroutt, juste un Scroutt, pourquoi... ?
« Pourquoi ? fit la voix de Malfoy dans son esprit. C'était elle qui... Non ça doit être moi. C'est impossible, c'est forcément la mienne... »
Hermione se tourna vers Malfoy, à quelques pas d'elle contre la barricade. Ses yeux gris étaient écarquillés d'horreur. Malfoy avait ressenti sa colère et elle captait sa peur comme s'il s'agissait de la sienne. Sa gorge se serra.
« Les effets de la potion ne sont pas stables. »
— Draco ? intervint Pansy, les bras croisés. On peut savoir ce qui se passe ?
Hermione poussa un cri. Une douleur semblable à un jet d'acide venait de brûler sa main. Des larmes lui montèrent aussitôt aux yeux. À travers, elle vit la tâche ensanglantée qui couvrait le dos de sa main et le Scroutt qui balançait son dard, prêt à frapper encore. Au lieu de ça, il explosa. Une chaleur suffocante l'emprisonna et ce fut une force sur son épaule qui l'attira en arrière.
Elle tituba pour retrouver l'équilibre, le cœur battant à tout rompre. Le Scroutt l'avait ratée. Et elle se trouvait au milieu des Serpentards.
Le visage déjà pâle de Malfoy avait perdu toutes ses couleurs lorsqu'il l'a relâcha.
« Si elle se blesse... avec le lien qui change... je ne pouvais pas la laisser... mais maintenant... »
Dans le dos de Malfoy, les Serpentards attendaient une explication et à ses yeux gris qui s'arrêtaient sur différents points derrière elle, ils n'étaient pas les seuls. Sauf que sa panique rendait son esprit si chaotique qu'elle arrivait à peine à respirer.
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Et l'important maintenant, c'est de ne surtout pas paniquer...
Ah.
Eh ben dommage.
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