CHAPITRE 23: RETIENT MOI
Impossible ! Cela ne pouvait pas être réel ! L'acide de la colère lui brûlait la gorge en se déversant dans son estomac par fluide lent et chaud. Impétueuse, mauvaise, sa respiration devint saccadée. Ces entrailles brûlaient en une douloureuse contraction. Une boule s'était logée au dessus de ses cordes vocales l'empêchant ainsi de se prononcer sur cette nouvelle infortune. Impossible. Sa robe de chambre relevée sur ses genoux, elle dévalait les marches de l'escalier à toute vitesse. Ces clefs. Il lui fallait retrouver ces putains de clefs de voiture. Ces yeux devaient se persuader de la véracité de ce bulletin d'info sûrement monté de toute pièce. En véritable catastrophe, elle projetait les meubles sur son passage. Cassait d'une main énergétique tout ce qu'elle était en mesure de saisir. Agatha dans un recoin de la pièce hésitait quand à la meilleure façon de procéder. Le regard consternée, elle suivait le massacre, le silence liant ses deux lèvres en une ligne mince. Valentina se rua immédiatement sur elle, les yeux injectés d'un horrible mélange de colère et de douleur. Ces mains tremblaient, son chignon défait pleuvait sur son visage des mèches mouillées par la sueur. Agatha lui prit la main mais Valentina se dégagea brutalement. Elle refusait cette pitié qui avait pour rôle de lui lénifier le sang.
- J'ai besoin des clefs de voiture tout de suite !
Ces mots n'étaient plus que cris et revendication. Agatha sursauta devant sa fougue, ses lèvres imbriquées en un nouveau rictus douloureux. Elle détourna le regard impuissante, gênée, désolée...
- Donnez-moi ces fichues clefs ! Vous êtes sourde ! Je vous l'ordonne !
Un nouveau silence culte au vide consentant. Valentina accusa le coup en remuant la tête. Son soliloque raffermit par une nouvelle dose d'injure qu'elle n'hésitait plus adresser contre le ciel et tout ces traîtres qui l'empêchaient d'aller rejoindre sa mère. Dorénavant, elle se dirigeait vers la porte du séjour convaincue d'y aller à pied s'il le fallait. Surprise désagréable, un mur de garde l'y attendait en faisant barrage de leurs muscles.
- Laissez moi passer !
Valentina fonça tête baissée dans le tas de garde. Elle se retrouva plaquer au sol, les bras retenus dans son dos par la poigne de Blake. De nouveau, des cris acérés lubrifiés par cette colère qu'elle ne pouvait que matérialiser. Elle se débattait à l'image un animal blessé, sa gorge vomissant une philippique accompagnée de larmes.
- Laissez-nous ! Ordonna Kris après être agenouillé à ses côtés.
Il l'environna de ses bras et la retint contre lui. Cette scène le déchirait plus que tout, et ce déjà vu lui lacérait le cœur d'un horrible sentiment de détresse. Ces mains tremblaient. Elles paraissaient mêmes hésitantes dans leurs démarches. Il réussit quand même à glisser ses paumes sur son dos dans un élan de tendresse désespérée. Ce qu'il voyait se réfléchir au delà de ses prunelles, c'était le douloureux souvenir de l'assassinat de sa soeur. Il revoyait son frère à genoux, les mains secouant le contenu d'une bâche ensanglantée. Le corps secoué par les larmes qui s'échouaient sur le sol de terre battue.
Valentina explosa tout à coup. Elle hurlait. La mélodie de ses pleurs jetait sur le jardin une ombre grisâtre polluante. La douleur la tirait comme à brûle-pourpoint. Kris raffermit son étreinte autour de ses épaules, il lui murmurait les mêmes mots de courage qui n'avaient malheureusement jamais réussis à éteindre l'incendie de sa colère, pis, de la douleur engendrée par ses malfaiteurs.
- Dit moi que ce n'est pas vrai Kris, dit moi que c'est faux, dit moi que je vais me réveiller de ce cauchemar, dit le moi, murmura Valentina entre deux sanglots.
Kris la serra davantage contre lui en faisant signe à Agatha d'approcher. Automatiquement, la jeune fille ressentit le contact désagréable d'une aiguille. Sa plainte mourut quelques minutes après que le calmant ai commencé à faire effet. Ces oreilles bourdonnaient quand tout semblait fonctionner au ralenti autour d'elle. Sa prise qui se voulait fougueuse sur le costume de Kris abandonna dans son sillage quelques traces de sang.
- Je suis là. Tout va bien. Repose toi maintenant.
Son sommeil fut agité. En effet, il s'était joué devant elle des événements dont le rappel lui était ordinairement douloureux. Naturellement, son réveil s'amorça sur un long cri encouragé par des larmes abondantes. Malgré cela, Valentina contraint ses jambes à se relever. Dans sa manœuvre qui manquait de coordination, elle se heurta à plusieurs meubles en n'y voyant qu'à demi. Ces membres allourdis flageolaient mais elle évitait de réellement s'en préoccuper. La douleur physique n'était rien comparée à celle que lui jouait son cœur. L'image omniprésente de sa mère rayonnait au milieu de son esprit, elle la guidait un peu comme une série de feux follets. Elle voulait et allait enfin pouvoir la revoir. C'était l'unique prière qu'elle pouvait formuler à ce foutu destin qui n'avait de cesse que de diaboliquement s'acharner contre sa vie. À l'opposé de la porte, elle profita du soutien du mur pour rejoindre les escaliers. Elle était à bout de souffle mais s'accrocha à la rambarde pour assurer sa descente. Son père se retourna immédiatement sur son arrivée.
- Valentina, ma chérie, tu devrais encore garder le lit.
- Non !
Elle avait hurlé sans réellement le vouloir mais tant pis, elle s'en fichait totalement. Ils avaient essayé de la mettre à l'écart. De lui cacher des vérités essentielles à son cœur empoisonné au soufre du désespoir.
Kris tenta une approche mais elle le repoussa. Il accusa le coup et se détourna accordant à la jeune fille et à son père l'intimité nécessaire à leur conversation.
- Comment te sens-tu ma princesse ?
Comment se sentait-elle ? Les mots ne fusaient qu'au ralenti dans son esprit affaibli. Elle se sentait à bout de souffle. Les nerfs à fleur de peau. Éteinte. Morte. Détruite. Blessée. En colère. Très en colère. Mais comme unique réponse visible, des larmes s'échappaient en flux abondant pour intégralement lui brouiller la vue. Les lèvres tremblantes, elle s'essuya le nez du revers de la main et se décida à poser la question qui lui brûlait les lèvres.
- Comment est-elle morte ?
Son père s'agenouilla et lui prit immédiatement les mains. Son regard s'humidifia mais il lui sourit. Un sourire pâle qui en disait trop peu sur ce qu'il dissimulait avec une habileté surprenante.
- Ma chérie, tu ne devrais pas penser à ce genre de détails. Tu dois plutôt garder en mémoire qu'elle nous aimait et que nous l'aimerons toujours. C'est tout ce qui compte.
•
Trois semaines plus tard.
- Valentina vous ne dormez pas ?
Elle se passa la main sur le visage.
- Je n'ai vraiment sommeille alors je suis venue lire.
- Puis-je ?
- Je vous en prie, asseyez-vous.
- Que lisez-vous ?
- Adore Moi de Lisa Swann.
- Bon choix. Où en êtes vous ?
- Page trente et neuf.
- Vous voulez dire corps du désir, chapitre quatre ?
- Comment vous...
- Je l'ai déjà lu. C'est même une très belle histoire. Quoi ?
Valentina sourit.
- C'est juste que je n'imaginais pas que vous aimiez les histoires à l'eau de rose. Ordinairement, ce sont des trucs de fille.
- À qui appartiendrait cette bibliothèque sinon ? Vous me vexer.
Valentina rit devant l'air faussement blessé de Kris.
- Dîtes moi plutôt, est-il possible qu'on tombe amoureux au premier regard ?
- Rien est impossible.
- Vous y croyez ?
Kris sourit.
- Lisez le livre jusqu'à la fin et nous en reparlerons. Bonne nuit Valentina.
Kris lui avait été d'une très grande aide émotionnelle pendant ces derniers jours et Valentina lui en était immensément reconnaissante. Elle finit son bouquin dans sa chambre avant de se réveiller au beau milieu de la nuit: phénomène récurrent depuis déjà deux semaines. Non sans véritable énergie, elle traîna les pieds jusqu'au séjour principale. Au bar, elle s'adonna à sa nouvelle passion préférée. Celle de picoler jusqu'à enivrement totale avant de remonter rejoindre le lit de Kris. Malgré sa démarche titubante, elle n'eut aucun mal à retrouver la tanière de son loup. Il dormait, la main à plat sur sa poitrine. Valentina se glissa dans le lit, ses mains dégageant la couverture avec une excitation à peine contenue. Elle s'évertuait maintenant à lui caresser la joue avec affection jusqu'à ce que ce dernier immerge.
- Valentina que faîtes vous dans mon lit ? Fit résonner la voix ensommeillée.
- Je voulais vous voir, peut-être vous toucher, mais surtout vous remerciez et si possible boire un verre en votre compagnie.
Kris se redressa dans le lit. Il lui reprit la bouteille des mains après avoir rallumé les lumières.
- Le saviez-vous ? Vous dormez comme un ange.
Kris se frotta le visage.
- Pourquoi avoir autant bu Valentina ?
- Vous l'avez sûrement oublié mais j'ai de très sérieux problèmes, hoqueta-t-elle en lui prenant la tête entre les deux paumes.
- Voulez-vous qu'on en parle ?
- Dîtes moi plutôt, est-ce que je vous plais ?
La question prit Kris au dépourvu mais Valentina interrompit sa tentative de réponse.
- Ne parlez pas, j'ai une confidence à vous faire. Je vous aime et souvent ça me fait mal de vous aimer parce que...
Valentina finit par émerger le lendemain avec avec une forte migraine. En deux, trois mouvements, elle se retrouva la tête inclinée dans la cuvette des toilettes à vomir toutes ses tripes en maudissant ces pénibles spasmes.
- Valentina, je vous préviens, j'entre. Que faîtes-vous parterre ?
Kris l'aida à se relever puis la ramèna dans la chambre. La perspective aurait fait pouffer Valentina, enfin uniquement si cette migraine ne la faisait pas autant souffrir.
- Avalez ceci, je me charge de vous préparer un bain.
Le bain fut délicieux. Il permit à la jeune fille de se détendre. Elle dévorait son plateau repas lorsque Kris s'assit enfin dans le lit.
- Vous n'auriez pas dû autant boire Valentina.
- Je sais.
Il eut un silence. Seul le bruit des couverts résonnait. Kris se passa la main dans les cheveux et baissa le regard.
- J'ai perdu ma sœur à l'âge de vingt-quatre ans.
Valentina n'eut pas la force de porter le morceau de fruit qu'elle venait de piquer dans sa bouche. Elle posa sa fourchette et Kris lui offrit une sourire triste. Il détourna le regard mais continuait de lui parler.
- Elle est morte dans des circonstances affreuses. J'arrive donc à comprendre ce que vous vivez. L'alcool ne vous aidera pas à oublier, tout ce que vous pouvez faire c'est apprendre à vivre avec cette douleur. La transposer quand elle est trop intense ou la partager avec quelqu'un.
Valentina avait le regard embué. Elle était émue. Elle se rapprocha de Kris et termina sa course dans ses bras. Elle le serait si fort quelle était sûre qu'il en souffrait mais il lui rendit une étreinte pudique qui débordait d'affection. Ils portaient la même croix, elle n'était sûrement pas la dernière à vivre ce genre de tragédie. Elle devait se raccrocher à la vie et trouver un exutoire plus sain. Kris l'embrassa dans le cou, il ne tentait pas de se dégager parce que lui aussi pleurait. Faire ressurgir ces souvenirs avait été difficile mais pour Valentina, il était prêt à tout. Il lui caressait la joue pendant qu'elle essuyait les larmes qui avaient débordées sur ses joues.
- Nous allons dîner dehors ce soir. Préparez vous le temps que j'aille passer quelques coups de fil.
Valentina hocha la tête en signe d'assentiment. Après s'être mis à nu, avoir partager la douleur du fardeau qu'ils avaient sur les épaules, ils pouvaient s'offrir cette pause le temps de se dire que la vie continuait. La vie qui n'était pas une ligne droite mais une suite d'événements catastrophiques qui ne devaient pas nous dévier de l'essentiel. Dix-neuf heures affichait l'horloge lorsqu'elle se décida enfin à rejoindre la pièce à vivre où Kris l'attendait.
- Valentina vous êtes époustouflante.
Le compliment la fit rosir de plaisir et elle lui tendit une main hésitante.
Ils roulèrent pendant une trentaine de minutes avant que la voiture ne s'immobilise pour de bon. Lorsque Kris lui tendit la main, elle y mêla la sienne et tout deux pénétrèrent dans le somptueux restaurant où différents lustres pendaient au plafond. Une musique classique douce emplit les oreilles de la jeune fille qui se laissa bercer par sa symphonie. Kris l'entraîna un peu plus loin sur une terrasse ouverte où une table magnifiquement décorée trônait au milieu du décor paradisiaque. Des pétales de roses blanches et rouges semblables à de la poussière de fée avaient été lâchés sur le sol aux côtés de bougies disposées dans des verres. Le charme du lieu émerveilla Valentina qui ne put s'empêcher de sourire. Elle était conquise et espérait que cette pause durerait.
- Tout est vraiment magnifique Kris.
- Magnifique comme vous mais uniquement réservé pour nous deux. Et ne vous inquiétez pas, le cartel ne peut pas nous atteindre ici. Il y a même une issue de secours qui mène directement à chez moi. Champagne ?
- Volontiers.
- Je me suis permis de choisir le menu, j'espère que cela ne vous dérange pas.
- Pas le moins du monde. Je vous fais confiance Kris.
Un jeune homme vint faire le service. Le couple entama son repas par une entrée exotique. Un filet de mérou sur lit de légumes avec sa sauce au coco.
- J'ai passé une excellente soirée. Je vous suis extrêmement reconnaissante Kris.
- Merci à toi d'avoir accepté mon invitation.
Valentina finit par quitter son siège. Près de Kris, elle s'assit sur ses genoux les bras noués autour de son cou. Kris lui sourit, sa paume caressant le dos nu de sa robe. Valentina rapprocha ses lèvres des siennes et Kris n'hésita pas à l'embrasser. Leurs lèvres unies dans par un baiser chaste entamaient une danse de séduction des plus exquises. La main droite de Kris venait de glisser sous sa robe pour caresser l'arrondi des fesses féminines. Valentina répondit au nouvel assaut par une gémissement modérée. Ces mains venaient de se glisser dans le pantalon de Kris qui à son tour gémissait contre ses lèvres. Désormais, tout deux s'observaient le souffle court, l'excitation se réfléchissant dans leurs prunelles aimantées par le désir.
- Valentina à cette allure, je ne vais plus pouvoir me contrôler.
- Alors perdez le contrôle, je vous veux, j'ai envie que vous me fassiez l'amour.
La sonnerie du téléphone de Kris retentit finalement. Il décrocha l'appel le regard fixé sur les délicates lèvres de Valentina.
L'air choqué que venait de prendre le visage de son amant finit par inquiéter Valentina.
- Qu'est ce qui se passe ?
Kris la prit par la main.
- Je suis désolé Valentina.
- Kris dit moi ce qui se passe.
Ce dernier se passa nerveusement la main dans les cheveux. Il était choqué à un tel point qu'il ne savait pas comment livrer l'information qu'on venait à peine de lui donner. Il prit une inspiration hésitante et se tourna vers Valentina qui s'évertuait à lui masser les épaules.
- La voiture de votre père a été retrouvée calciner. Je suis désolé mais tout porte à croire qu'il a péri dans l'accident.
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