Chapitre quatre
Ethan attendait devant la porte-passager de la voiture pendant que son père saluait une dernière fois ses frères et sœurs, ses cousins. Il était à la limite de la nausée, ses oreilles bourdonnaient.
Ils avaient passé l'après-midi dans la dépendance de son oncle à manger, jouer aux cartes, et à remanger. Ethan avait tenté par trois fois de s'isoler au moins une vingtaine de minutes, mais chaque fois, il s'était fait déloger par son père qui ne supportait pas son côté « asocial ». Lucas et Mathieu étaient restés avec leurs cousins dans un coin de la pièce à hurler devant une console. Une radio avait tourné en continu et les plus jeunes enfants avaient passé leur temps à courir en hurlant.
Lucas et Mathieu s'installèrent à l'arrière et Ethan allait s'asseoir quand son père le tira pour refermer la portière et le garder à l'extérieur.
« C'était trop te demander de faire un effort ? Tu peux pas répondre correctement aux questions de tes tantes plutôt que de faire ta tête d'abruti et de répondre n'importe quoi ? Ça t'amuse de passer pour un débile ? Bon sang, Ethan, aie un minimum de respect pour toi ! T'es quand même capable de répondre à une simple question sur tes cours, non ? »
Ethan sentit la colère monter, elle en vint presque à remplacer la douleur, il la sentit pulser à ses tempes.
« Mais j'en ai du respect pour moi-même, lâcha-t-il. Et toi, t'en as pour moi ? Tu te rappelles que je supporte pas le bruit ou t'as pas compris ce passage-là ? Pourquoi tu m'emmerdes quand je prends l'air dix minutes ? Pourquoi faut toujours être en représentation avec toi, pourquoi faut que tu aies les gamins parfaits ?
– Avec toi, je risque pas. Je te rappelle que j'ai invité des collègues demain, ils ont des enfants un peu plus jeunes alors tu vas me faire le plaisir de faire mieux qu'aujourd'hui. Tu es l'aîné quand même, tu pourrais au moins montrer l'exemple. »
Ethan le regarda sans un mot. Il se détourna et ouvrit la portière arrière.
« Luc, tu pourras me ramener mes affaires ?
– Hein ? Euh... Ouais. Tu nous fais quoi là ?
– Je rentre chez maman. »
Ethan referma la portière et vit, à travers la vitre, le visage de Mathieu se crisper. Il s'en voulut de lui imposer les disputes avec son père, le plus jeune ayant déjà tellement souffert du divorce.
« Et tu comptes y aller comment ? On est en pleine cambrousse au cas où tu l'aurais pas remarqué. Et c'est mon week-end de garde, tu n'as encore que dix-sept ans et...
– Je rentre chez maman, souffla-t-il. Tu veux vraiment essayer de me faire monter dans ta voiture de force ? Tu veux vraiment en arriver là, papa ? Moi non, ça me ferait chier de te prouver que t'as plus vingt ans ! »
Ethan fit demi-tour et commença à marcher le long de la route. Il entendit la voiture démarrer et passer lentement à côté de lui avant d'accélérer par la suite. Il sortit son téléphone pour trouver un covoiturage dans le coin et en trouva un au village voisin à deux kilomètres.
Il avait de la chance, le jour commençait seulement à baisser. Il sortit les écouteurs de sa poche et les mit dans ses oreilles. Allant à l'encontre des préconisations de son doc, il envoya du gros son, espérant que les bourdonnements se taisent. Au bout de dix minutes, il commençait à distinguer les lumières du village. Il enleva les écouteurs. Il contempla les dernières couleurs du ciel qui se fondaient à l'horizon, puis levant la tête, les étoiles qui commençaient à poindre.
Il n'entendait plus aucun bruit perturbateur, juste les bruits normaux d'une nuit de septembre, légers et presque envoutants. Il en aurait pleuré de soulagement.
* * *
Il se réveilla dans son lit. Il avait bien le souvenir de s'être écroulé devant la télé, la gardant allumée pour avoir une compagnie. Maintenant qu'il émergeait, il se rappelait que sa mère l'avait réveillé pour l'envoyer au lit. Il se changea, ne s'étant pas déshabillé la veille et enfila un bas de survêt avant de descendre.
Sa mère déjeunait de son habituel café, assise sur le canapé avec un bouquin entre les mains.
« Encore de la grande littérature ? demanda Ethan en louchant sur le titre. Secrets et plus si affinités, la drôle de vie d'Emma Stanpton, ça vend du rêve ton truc.
– Ne pas juger un livre à sa couverture, mon canari. Et tout le monde n'a pas envie de lire Nietzsche au petit déjeuner.
– Qui ? demanda Ethan. »
Sa mère le regarda d'un air désespéré :
« Inculte, va.
– Je déconne, je sais qui c'est. Je pense donc je suis, c'est ça, provoqua-t-il.
– Et là, on sait pourquoi t'as pas brillé en philo. Le café est encore chaud. Y'a une chance que ça mette ton cerveau en route. »
Ethan se dirigea vers la cuisine. Il aimait sa maison, cette maison. Après le divorce, ça avait été une des choses sur laquelle sa mère n'avait pas cédé. Elle gardait la maison, point. Un sachet en papier de la boulangerie était posé à côté de la cafetière. Il se versa du café dans une tasse, puis rafla le sachet et le mug pour aller s'installer au côté de sa mère.
« Pour moi ? demanda-t-il.
– Oui.
– Merci. »
Il ouvrit le sachet et commença à manger les croissants en se penchant au-dessus de la table basse.
« Tu veux en parler ? demanda sa mère. »
La bouche pleine, il se contenta de secouer la tête. Il mastiqua son croissant puis l'avala avant de confier le minimum requis.
« J'ai mis un message à Luc pour lui dire que j'étais bien rentré et qu'il le dise à papa. Je sais que tu veux pas d'embrouilles avec lui, mais il peut être sacrément con quand il s'y met.
– Sans commentaires. »
Il finit son café puis bascula sur le canapé, attrapant son téléphone dans sa poche. Il s'allongea, se plaçant sur les genoux de sa mère sans demander, posant la tête dans son giron alors qu'elle continuait sa lecture. Il ne pouvait pas réclamer un câlin à son âge, mais là, c'était acceptable. Sa mère vint lui caresser les cheveux.
Il alla voir ses réseaux sociaux et fut surpris de voir une nouvelle demande d'ami : Neyla OhMyGod. Mais c'était quoi ce nom à la con ? La photo, en tout cas, était bien celle de la brune pétillante de son cours. Il cliqua dessus.
Neyla : Trouvé !
Ethan : Comment ? Tu connaissais pas mon nom ?
Neyla : Je t'ai stalké !
Il fronça les sourcils. Qu'est-ce que c'était que ces gens ? Ils avaient déjà pas l'air bien finis à la fac, mais là, ça confirmait son pressentiment.
Ethan : Ok... En fait, vous êtes des grands malades, quoi. Ciao.
Neyla : Nan, me bloque pas.
Neyla : Tu l'avais marqué sur la tranche de ton classeur !
Neyla : T'as pas pris option humour, toi.
Non, en effet, on ne pouvait pas dire que son sens de l'humour était bien développé. C'était d'ailleurs un point d'achoppement sur de nombreux sujets, sa tendance à comprendre les choses de façon trop littérale. Il n'y avait qu'avec sa famille, sa mère et ses frères, qu'il faisait des blagues.
Ethan : Désolé, week-end de merde. Pas contre toi. Tu veux quoi ?
Neyla : Sérieux, mec ! Tu peux pas tout jouer sur ton physique, faut que t'y mettes un peu du tien aussi.
Il sourit.
Ethan : Pour ?
Neyla : Notre future grande amitié.
Ethan : ...
Neyla : Fais pas genre ça t'intéresse pas, tout le monde a envie d'avoir des amis.
Ce n'était pas l'envie qui lui manquait. Juste qu'il ne se sentait pas de refuser certaines sorties, de trouver des excuses. Pas envie de décevoir ou de passer pour l'emmerdeur de service à fuir les soirées.
Ethan : J'peux vous filer mes cours sans être obligé de traîner avec vous aussi.
Neyla : Si t'étais à côté de moi, je te bafferais.
Il tenta une répartie qu'il aimait faire à son petit frère.
Ethan : T'es sûr que t'y arriverais ? Parce que tu sembles avoir les genoux un peu trop près des pieds, non ?
La réaction fut immédiate.
Neyla : OMG ! Ne me dis pas que t'as dit ce que tu as osé dire ! Mon gars, c'est plus une baffe que tu vas prendre, c'est un coup de pelle ! Et je ne suis pas petite ! Je suis mignonne, tu saisis la nuance ?
Ethan : Autant qu'un coup de pelle.
Finalement, elle commençait à lui plaire.
Neyla : Bon garçon. Si tu veux, demain, on se prend un café avant les cours, vu qu'on commence tard. Neuf heures chez Olivier.
Ethan : Qui ?
Neyla : C'est le vieux bar pourri dans la rue à gauche de l'entrée nord.
Ethan : Je promets rien.
Neyla : Johan sera là, avec d'autres potes.
Est-ce que c'était vraiment censé le convaincre ? En quoi la présence du blond et d'inconnus était-elle un appât suffisant ?
Ethan : T'es en train de me dire que Blondie sera là ? Moi qui partais sur un plan drague.
Neyla : J'y crois même pas une seconde. Et toi non plus ! J'te friendzone direct, t'es prévenu.
Ethan : Je vais jamais m'en remettre !
Neyla : Menteur.
Ethan répondit par un smiley clin d'œil. Elle lui envoya un câlin. Et il ferma l'appli. Il n'avait ni accepté ni refusé.
Sa mère passa la main dans ses cheveux.
« Qui est-ce qui te fait sourire comme ça ?
– Personne, répondit-il.
– Hm... N'espère pas me faire croire ça. »
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